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Section 2 : L’éventuelle transposition en France de solutions externes

ADIAL

La recherche de solutions à la crise de la responsabilité civile médicale est certes menée en interne mais doit également s’ouvrir à ce que d’autres Etats, ont développé. Ces techniques observées, il convient de s’interroger sur leur transposition en France. Certaines mesures ont déjà été mises en place en France (§1) mais d’autres ne sont pas adaptées à la France (§2).

§1 : Des mesures classiques déjà mises en oeuvre

Concernant l’évaluation des risques qui doit être réalisée en amont, la France a déjà mis en place des organismes chargés de la collecte d’informations pour améliorer la situation d’assurance des professionnels de santé et des victimes tels que l’Observatoire des risques médicaux. Les professionnels ont également pris l’initiative de s’organiser en syndicats ou associations pour travailler sur la prévention et la gestion des risques.
Concernant le droit même de la responsabilité civile et les procédures qui y sont attachées, on observe en France des changements de législation, de jurisprudence. On a tendance implicitement à se rapprocher d’une responsabilité sans faute sans se l’avouer, surtout que l’instauration d’un tel système n’est pas possible pour des raisons qu’on traitera ensuite.

Cependant, la conception même de la responsabilité civile médicale diffère d’un système juridique à l’autre, ce qui empêche toute transposition de celui en vigueur dans les pays nordiques malgré son efficacité(170).

§2 : L’impossibilité de transposition justifiée par des impératifs juridiques

D’emblée, il faut préciser qu’il ne s’agit pas de faire table rase du système d’assurance et de responsabilité civile médicale pour importer un système étranger efficace. En effet, il est préférable de voir si une adaptation de certains mécanismes étrangers peut être envisagée pour perfectionner notre système. Il n’est pas possible de faire abstraction de la conception française quant à la responsabilité civile et à l’assurance des professions médicales à risque. Il convient de préciser en quoi consiste l’incompatibilité du système des pays nordiques avec le système français.

Pour rappel, la législation des pays nordiques ne prend pas en considération la faute du praticien mais indemnise eu égard aux seuls dommages. En France, aucune distinction n’est faite entre la sanction et la réparation des dommages de la victime. D’emblée, pour transposer le système nordique, il faudrait totalement changer d’esprit et de conception. Les conférenciers précités estiment qu’il est préférable de tenter de limiter l’erreur médicale que la punir davantage.

Plusieurs concepts juridiques s’opposent à l’instauration d’un régime de responsabilité sans faute à l’égard de l’ensemble des professionnels de santé.
Comme on a pu l’évoqué, le Conseil constitutionnel a relevé le caractère constitutionnel du droit à réparation des victimes(171). Cette même décision précise que « le droit français ne comporte, en aucune matière, de régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant de fautes civiles imputables à des personnes physiques ou morales de droit privé, quelque soit la gravité des fautes ».

Cela ne signifie pas que le débiteur de l’indemnisation est le médecin. Bien que ce dernier soit responsable, l’indemnisation peut être versée par un organisme tel que la Caisse de sécurité sociale ou un fonds public ce qui respecterait le principe constitutionnel du droit à réparation. Or, il ne faut pas omettre de mentionner le recours subrogatoire dont les tiers-payeurs bénéficient à l’encontre des praticiens responsables(172). Il est possible, théoriquement de supprimer le recours contre le responsable comme le prévoit la législation relative au fonds de garantie des dommages dispensés par des professionnels de santé libéraux(173) mais seulement pour le surplus payé c’est-à-dire les sommes dépassant les plafonds de garantie.

Une décision postérieure du Conseil constitutionnel(174) a considéré que « nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l’acte qui lui est imputé », propos considéré comme refusant une immunité complète des médecins par Rémi Pellet(175). Pourtant, même si l’indemnité est versée par un tiers et non par le praticien, cela ne nie pas la responsabilité de ce dernier. L’article 1382 du code civil voudrait que celui qui a causé un dommage à autrui doive réparer ce dommage. Cependant, la spécificité du risque médical pourrait exiger la prise en charge par la collectivité des dommages résultant d’un tel risque. Une telle possibilité nécessiterait, au-delà d’un changement juridique, un changement des mentalités.

La Cour de cassation, par sa jurisprudence, corrobore les arguments avancés par le Conseil constitutionnel. La relation entre le médecin et son patient étant de nature contractuelle, on peut s’interroger sur la validité et la légitimité de clauses contractuelles limitatives ou même exonératoires de responsabilité en faveur du professionnel de santé. En effet, rien n’est dit concernant la responsabilité civile médicale. Concernant l’insertion dans un contrat de droit commun, tel qu’un contrat d’assurance de responsabilité civile médicale, d’une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, celle-ci sera écartée en cas de faute lourde comme le prévoit un des arrêts de la lignée « Chronopost »(176).

De même, est illégale une clause de non responsabilité en présence d’un dol(177), « inexécution consciente, sans que le débiteur ait eu nécessairement l’intention de nuire ». Concernant ces deux types de fautes, ces clauses ne sont pas valables. Il semble également que pour une faute légère une telle clause soit déclarée nulle considérant l’impératif constitutionnel que constitue le respect de l’intégrité physique du corps humain. Pourtant, deux spécialités du droit de la responsabilité considèrent que de telles clauses sont valables en affirmant que « les clauses d’exonération ne donnent pas au débiteur le droit de blesser le créancier ; elles ont pour seul effet de supprimer les dommages et intérêts dus à la victime en cas d’accident »(178).

Il apparaît difficilement concevable qu’une victime accepte l’éventualité de dommages corporels sans rechercher la responsabilité du professionnel de santé. Cela est d’autant plus confirmé par la position d’autres éminents juristes pour lesquels le contrat médical peut être considéré comme un contrat de consommation, le patient étant considéré comme consommateur et à l’égard duquel une clause limitative ou exonératoire de responsabilité serait une clause abusive(179).

L’ensemble de ces obstacles semblent donc empêcher toute transposition du système nordique, hormis la possibilité d’absence de recours subrogatoire du fonds de garantie nouvellement mis en place contre les professionnels de santé. Les systèmes étrangers peuvent être une source d’inspiration mais non de négation du système français de responsabilité civile et d’assurance.

170 Assurance et expertises médicales, Pour une nouvelle réforme de la responsabilité civile professionnelle des médecins libéraux…Responsabilité, Rémi Pellet, éd. Dalloz 2008, p. 55.
171 Cons.const. 22 oct. 1982, n°82-144 DC, Loi relative au développement des institutions représentatives du personnel.
172 Article L376-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale : Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
173 Article L 426-1 alinéa 1er du code des assurances.
174 Cons. const. 17 janv.1989, n°89-248 DC, Conseil supérieur de l’audiovisuel.
175 Responsabilité, assurance et expertise médicales, Rémi Pellet, éd. Dalloz 2008, p. 59.
176 Ch. mixte, 22 avril 2005, n°02-19-326, RTD civ. 2005, p.779, obs. J. Mestre.
177 Civ. 4 févr. 1969, D. 1969.601, note J. Mazeaud.
178 Ph. Le Tourneau et L. Cadiet, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2006/2007, p.340.
179 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, les obligations, 8ème éd., Dalloz, coll. « Précis », 2002, p. 599.

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