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Section 2 : Les obligations de renseignement et de conseil

ADIAL

En dehors de l’hypothèse d’un vice de conception ou de fabrication d’une chose à l’origine d’un dommage, cette chose peut également être dangereuse en elle-même du fait de ses caractéristiques particulières(33). Le vendeur d’un produit dangereux est soumis à une obligation d’information étendue (§1) ainsi qu’à une obligation de conseil (§2), toutes deux accessoires à l’obligation de délivrance du vendeur tel qu’en dispose l’article 1615 du Code civil selon lequel : « l’obligation de délivrance comprend ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage perpétuel(34) ».

§1) Une obligation de renseignement étendue

L’obligation de renseignement imposée au vendeur, et donc au fabricant vendeur et au négociant de matériaux, composants et produits de construction, est très étendue : il s’agit d’une obligation précontractuelle (A) mais aussi contractuelle (B).

A) L’obligation précontractuelle de renseignement

Le principe général est posé par l’article L 111-1 du Code de la consommation lequel dispose qu’avant la conclusion du contrat, le vendeur doit mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service(35). Bien avant, la Cour de cassation avait pu énoncer cette obligation, jugeant que « le vendeur professionnel doit renseigner les acheteurs éventuels sur les caractéristiques essentielles du produit(36)». Il s’agit de donner à l’acheteur les informations nécessaires afin que ce dernier puisse prendre une décision éclairée(37). Selon Philippe Le Tourneau, le vendeur doit donner à l’acheteur tous les éléments pouvant influencer sa décision et le « prévenir (…) des risques et avantages de l’opération(38) ».

Cette obligation précontractuelle de renseignement qui pèse sur le vendeur professionnel s’applique aussi bien aux produits dont l’utilisation se révèle périlleuse, qu’aux produits dangereux ou encore aux produits non dangereux. Elle devra toutefois être plus approfondie en ce qui concerne les produits nouveaux ou lorsque le professionnel s’adresse à un non professionnel(39), ou encore lorsque les produits sont dangereux.

Par ailleurs, le vendeur doit parfois se renseigner sur les besoins de son client afin de pouvoir lui délivrer une information correcte(40).
Si le vendeur ne satisfait pas à cette obligation, il engagera sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1383 du Code civil.

B) L’obligation contractuelle de renseignement

Pendant la période contractuelle, l’obligation de renseignement du vendeur sera relative aux conditions d’utilisation et aux précautions d’emploi de la chose. Il devra donc renseigner l’acheteur sur les contre-indications du produit, ses limites(41)…et bien souvent fournir une notice explicative ou un mode d’emploi(42).

Cette obligation pèse bien évidemment sur les fabricants et négociants dans le domaine de la construction(43). Dans un arrêt en date du 23 avril 1985, la Cour de cassation a jugé que « justifie légalement sa décision, la Cour d’appel qui, pour retenir la responsabilité du fabricant d’un produit en raison du manquement à son obligation de renseignement, relève que les caractéristiques de ce produit, bien qu’apparentes, ne pouvaient, pour qui ne connaissait sa composition particulièrement complexe, conduire l’utilisateur à deviner les précautions à prendre pour son emploi. L’obligation de renseignement incombe aussi bien au fabricant qu’au revendeur spécialisé. Si l’obligation de renseignement est une obligation de moyens, le défaut d’information sur les conditions d’emploi du produit et les précautions à prendre, prive l’utilisateur du moyen d’en faire un usage correct, conforme à sa destination(44) ».

De même, le vendeur doit informer l’acheteur de l’incompatibilité d’un produit avec un autre(45), par exemple de l’incompatibilité d’un béton cellulaire avec un enduit.

L’obligation contractuelle de renseignement, tout comme l’obligation précontractuelle, vise les choses dangereuses, les produits nouveaux ou très techniques. Elle incombe surtout au vendeur professionnel, étant précisé que le défaut de compétence du vendeur concernant le produit vendu ne le décharge pas de son obligation. Tel est le cas pour « l’entreprise de bâtiment qui fournit un particulier en béton prêt à l’emploi (46)».

Par ailleurs, la jurisprudence est plus sévère lorsque l’acheteur est un professionnel, notamment de la même spécialité que le vendeur, lequel doit lui-même se renseigner sur la chose qu’il acquiert(47). Toutefois, si l’acheteur est un professionnel ne possédant pas les compétences techniques du vendeur, l’obligation de renseignement est admise. Ceci a été le cas concernant la mauvaise tenue d’un enduit de façade(48).

Afin que la responsabilité contractuelle du fabricant/négociant puisse être engagée, il est nécessaire que l’information fournie par le vendeur soit insuffisante. En réalité, l’obligation de renseignement est une obligation de moyen, de telle sorte que le vendeur doit prouver qu’il a tout mis en oeuvre afin de délivrer une information correcte(49).

L’obligation de renseignement du fabricant ne décharge pas l’entrepreneur installateur de son devoir de conseil. En effet, selon la Cour de cassation, « l’obligation d’information et de conseil de l’entrepreneur installateur d’un matériau lui impose d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur les inconvénients du produit choisi et sur les précautions à prendre pour sa mise en oeuvre, compte tenu de l’usage auquel ce matériau est destiné(50) ».

§2) L’obligation de conseil

L’obligation de conseil est distincte de l’obligation de renseignement. « L’obligation de conseil est plus large puisque son débiteur ne se borne plus à énoncer les faits. Il doit, au moins partiellement, faire apparaître à l’autre partie les conséquences quant à l’opportunité de conclure le contrat envisagé, sur le plan technique ou pécuniaire(51)».

L’obligation de conseil est révélatrice d’une obligation de mise en garde contre les conséquences de la décision de l’acheteur. Dans un arrêt en date du 27 février 1985, la Cour de cassation a par ailleurs énoncé que : « le fabricant doit, tout d’abord, conseiller au maître de l’ouvrage l’emploi d’un produit adapté à ses possibilités et à ses besoins(52) ». De même, le vendeur doit « avertir l’entreprise du caractère inapproprié du produit au regard du projet(53) ».

Par exemple, il a été jugé à propos de tuiles à caractère ornemental présentant un défaut d’étanchéité qu’ « il appartient au vendeur professionnel du matériau acquis par un acheteur profane de le conseiller et de le renseigner, et, notamment, d’attirer son attention, sur les inconvénients inhérents à la qualité du matériau chois par le client, ainsi que sur les précautions à prendre pour sa mise en oeuvre, compte tenu de l’usage auquel ce matériau est destiné(54) ».

De surcroît, le devoir de conseil apparaît également lorsque le produit vendu présente une technicité élevée(55).

Il convient de préciser que ce devoir disparait si l’acheteur a procédé à une utilisation anormale du produit et si le vendeur n’en a pas été informé.
Une dernière remarque importante doit être effectuée: le devoir de conseil s’impose avec force pour les fabricants/négociants qui procèdent eux-mêmes à l’application des produits, ou lorsqu’ils effectuent des démonstrations. Par exemple, dans un dossier soumis à l’Auxiliaire, une entreprise de peintures et d’enduits notoirement connue avait, en plus de la fabrication de produits, un rôle de démonstrateur et d’accompagnateur. Elle devait notamment analyser un support afin de préconiser un produit et était alors susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle si elle préconisait un produit incompatible (enduits de façade) avec le support.

Le fabricant/négociant doit également satisfaire à deux obligations distinctes : délivrer une chose conforme et garantir les vices cachés(56).

33 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2216
34 ZAVARO (M.), La responsabilité des constructeurs, 2è ed., Lexis Nexis, 2007, page 204
35 LE TOURNEAU (P.), Responsabilité des vendeurs et fabricants, 4è ed. Dalloz référence, 2012-2013, p.72 ; MALINVAUD (P.), Droit de la construction, Dalloz action, 2010, p.1270
36 Cass. Com., 16 oct.1973, n°72-10.540, JCP G 1974, II, n°17846
37CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 220
38 LE TOURNEAU (P.), Responsabilité des vendeurs et fabricants, 4è ed. Dalloz référence, 2012-2013, p.77
39 PERINET-MARQUET (H.), La responsabilité des fabricants de matériaux de construction, Gazette du Palais, 24 février 2007, n°55
40 Dictionnaire permanent, Editions législatives, 14 janvier 2011, p. 3370 ; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed, Lexis Nexis, 2011 p.279
41 LE TOURNEAU (P.), Responsabilité des vendeurs et fabricants, 4è ed. Dalloz référence, 2012-2013, p.79
42 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 221
43 CASTON (A.), La responsabilité des constructeurs, 6è ed. Moniteur, 2006, p.248
44 Cass. 1è civ., 23 avr. 1985, JCP éd. G 1985, IV, n°328
45 MALINVAUD (P.), Droit de la construction, Dalloz action, 2010, p.1271
46 Dictionnaire permanent, Editions législatives, 14 janvier 2011, p. 3371
47 CA Paris, 15 janv. 1987, D. 1987, I.R., p.37
48 Cass. 3è civ., 18 fév. 2004, n°02-17.523, Bull. Civ. III, n°32
49 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2219
50 Cass. 1è civ., 20 juin 1995, Bull. I., n°276, p. 191, RD imm. 1995, 751 et 1996, 70, obs. Malinvaud et Boubli ; PERINET-MARQUET (H.), La responsabilité des fabricants de matériaux de construction, Gazette du Palais, 24 février 2007, n°55
51 GHESTIN (J.), Le contrat, 1è ed, LGDJ, 1982, n°456, p.503
52 Cass. 1è civ., 27 fév. 1985, Gaz. Pal., Rec. 1985, pan. p. 248 ; PERINET-MARQUET (H.), La responsabilité des fabricants de matériaux de construction, Gazette du Palais, 24 février 2007, n°55
53 Cass. 3è civ., 13 janvier 2010, n° 07-15915 ; KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed, Lexis Nexis, 2011 p.280
54 Cass. 1è civ., 3 juill. 1985, n°84-10.875, RTV civ. 1986, p.368; Dictionnaire permanent, Editions législatives, 14 janvier 2011, p. 3371
55 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p. 222
56 LEFEBVRE (F.), Urbanisme Construction, ed Francis Lefebvre, 2012-2013, p. 1267

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