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Section 2 : les lacunes de ce système de substitution sources d\’insécurité juridique

ADIAL

§1. Un système source de discontinuité de la couverture assurantielle

Le dispositif mis en place par la loi Kouchner ne permet pas d’offrir aux professionnels de santé une continuité dans leur couverture assurantielle non seulement en cas d’épuisement de la couverture mais également en cas d’expiration de celle-ci.

Premièrement, comme dit précédemment, des plafonds de garanties peuvent être prévus aux contrats d’assurance responsabilité civile médicale. Pour les professionnels de santé libéraux, le montant minimal de ces plafonds est fixé par décret et été fixé initialement à trois millions d’euros par sinistre et dix millions par année d’assurance. Le dépassement de ce seuil, bien qu’exceptionnel, demeure un réel risque notamment lorsque que c’est un enfant qui a subi des dommages lors d’un accouchement puisque l’indemnisation est définitivement fixée par les juridictions lorsqu’il devient adulte(157).

Il est vrai que la loi du 4 mars 2002 a mis en place des mécanismes de substitution en cas d’épuisement du plafond de garantie, substitution assurée par l’ONIAM après information de l’épuisement de la garantie par l’assureur du professionnel de santé. Toutefois, ce dispositif initial prévoyait un champ d’application restreint de la substitution de l’ONIAM dans la mesure où elle n’était envisagée que dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant les CRCI et non pas au contentieux.

De plus, ce système a été essentiellement mis en œuvre dans le but de protéger la victime et non les professionnels de santé. Le recours récursoire donné à l’ONIAM à concurrence des sommes versées à l’encontre du professionnel de santé responsable du dommage le prouve. En d’autres termes, le praticien se devait finalement d’assumer sur son patrimoine personnel la part d’indemnisation excédant le plafond et donc non prise en charge par la garantie d’assurance.

Comme vu précédemment, l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010(158) a tenté d’améliorer ce système. Bien que des avancées aient été prévues, à savoir le fait d’avoir étendu la substitution de l’ONIAM à la procédure juridictionnelle, les conditions d’application de ce nouveau dispositif apparaissaient comme beaucoup trop restrictives. En effet, le texte était applicable aux seuls médecins conventionnés exerçant une spécialité chirurgicale, obstétricale ou d’anesthésie-réanimation puis aux sages-femmes. Par ailleurs, le système était limité aux actes liés à la naissance, autrement dit pour les autres actes médicaux, aucune substitution n’est possible. De plus, la victime ne pouvait saisir l’ONIAM qu’en cas de défaillance du professionnel, par conséquent elle devait d’abord s’adresser au médecin pour obtenir la part d’indemnisation dépassant le plafond de garantie.

Par ailleurs, l’une des principales lacunes du système de la loi du 4 mars 2002 n’a pas été totalement effacée dans la mesure où les recours récursoires de l’ONIAM ont été maintenus. Des exceptions ont toutefois été apportées si le délai de validité de la garantie d’assurance était expiré ou si le juge avait constaté « l’incompatibilité du règlement de la créance avec la solvabilité du professionnel ».

Cela signifie donc que le recours récursoire n’est écarté que si l’insolvabilité du médecin est constatée devant une juridiction et non pas dans le cadre d’un règlement amiable.

Enfin la différenciation faite dans ce texte entre les professionnels de santé contredit le principe d’égalité étant donné que tout praticien est susceptible d’épuisement sa garantie d’assurance.

D’autre part, l’absence de continuité de la couverture d’assurance dans le système de 2002 résulte de la persistance d’un « trou de garantie ». L’indispensable validation par la loi du 30 décembre 2002 des clauses base réclamation assorties des clauses de reprise du passé inconnu et de la garantie subséquente n’a pas permis d’éviter les trous de garantie comme nous l’avons vu précédemment (fait générateur connu survenu pendant la période de validité d’un premier contrat et première réclamation de la victime à l’expiration de la garantie subséquente de 5 ans ou encore cessation d’activité par le professionnel et réclamation à l’expiration de la garantie subséquente de 10 ans).

Les mécanismes de substitution organisés par la loi du 4 mars 2002 n’avaient pas clairement résolu ces trous de garantie. En effet, la rédaction de l’article L.1142-15 était lacunaire car n’envisageait pas expressément le cas de l’expiration de la garantie d’assurance parmi les cas de substitution de l’ONIAM. Alors qu’une indemnisation subsidiaire de l’ONIAM dans le cadre de la procédure de règlement amiable semblait possible en cas d’expiration de la garantie, aucune substitution n’était prévue dans le cadre de la procédure contentieuse.

Les textes ultérieurs ont ignoré ces trous de garantie pouvant résulter de l’expiration de la garantie d’assurance.

§2. Une mise en danger sérieuse de l’exercice libéral de la profession de médecin

Aux vues des modalités de fonctionnement de ce système d’indemnisation subsidiaire mis en place par la loi du 4 mars 2002, la volonté du législateur de favoriser l’indemnisation de la victime au détriment des professionnels de santé apparaît clairement.

Ainsi, le risque d’atteinte à la profession de médecin libéral se matérialise dans le cadre de la procédure de règlement amiable devant les CRCI et de façon encore plus forte dans le cadre d’une procédure contentieuse.

En effet, dans le cadre de la procédure amiable, le constat du privilège offert à la victime résulte du recours récursoire offert à l’ONIAM à l’encontre du professionnel de santé responsable pour obtenir le remboursement des sommes versées.

Par ce mécanisme, la victime sera en toutes circonstances indemnisée. Le praticien, quant à lui, devra faire face à un risque de ruine aussi bien en cas d’épuisement de la couverture qu’en cas d’expiration de celle. Dans le premier cas, il devra assumer, après subrogation de l’ONIAM dans les droits de la victime, sur son patrimoine personnel, la part de l’indemnisation non prise en charge par son assureur. Dans le second cas, le risque pour le professionnel est encore plus fort puisque après indemnisation de la victime par l’ONIAM, ce dernier dispose d’un recours récursoire contre le médecin qui devra alors assumer la charge de l’intégralité de l’indemnisation.

D’autre part, il est important de rappeler que le champ d’application de la substitution de l’ONIAM est restreint dans la mesure où la loi Kouchner ne l’envisageait que dans le cadre de la procédure de règlement amiable.

Par conséquent, dans le cadre de la procédure contentieuse, en cas d’épuisement ou d’expiration de la couverture assurantielle, aucune substitution de l’ONIAM n’a été prévue. En d’autres termes, la victime n’aura d’autre choix que de se retourner contre le professionnel de santé responsable. Cette situation est préjudiciable tant pour le professionnel qui doit indemniser la victime sur son patrimoine personnel que pour la victime qui se voit exposée au risque d’insolvabilité du professionnel.

Par conséquent, il apparaît que ce mécanisme, source d’insécurité juridique, nécessite des aménagements pour protéger aussi bien le professionnel de santé que la victime.

157 PELLET R. « l’assurance des obstétriciens et l’impéritie des pouvoirs publics, RDSS 2010. p.94
158 L. n°2009-1646 du 24 déc. 2009

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