Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Section 2 : Les fondements de l’indemnisation des préjudices écologiques subis par les associations

ADIAL

Une association pour pouvoir agir en justice en défense de l’environnement doit avoir
pour objet social la préservation de celui-ci. Ses statuts doivent le prévoir. Si elle agit devant
le juge civil, elle devra prouver le dommage, son préjudice et le lien de causalité entre les
premiers. Or elle ne peut justifier son préjudice si son objet n’est pas la protection de
l’environnement. L’association agit en réalité pour la défense de l’intérêt collectif de ses
membres. Cependant, il existe des cas en jurisprudence où le juge a estimé que le préjudice
subit par l’association était personnel et direct : « la violation par la SCI de l’inconstructibilité
des lieux qui portait atteinte à la vocation et à l’activité au plan départemental de
l’association, conforme à son objet social et à son agrément, causait à celle-ci un préjudice
personnel direct en relation avec la violation de la règle d’urbanisme »(29). Cette motivation du
juge ne se fait pas ex nihilo car l’article 2 du code de procédure pénale précise formellement
que la constitution de partie civile devant le juge pénal est ouverte exclusivement à ceux qui
ont personnellement subi le dommage causé par l’infraction.

La loi de 2008 a décidé d’aller plus loin en créant un Droit spécial. Dans ce cadre,
l’atteinte à l’environnement doit être constitutive d’une infraction. Ainsi, l’association n’aura
pas à prouver le dommage qui est déjà constitué par l’infraction, ce qui allège la charge de la
preuve. La preuve de son préjudice et du lien de causalité entre ce préjudice et l’infraction
suffira à fonder sa constitution de partie civile devant le juge répressif. Cette procédure lui est
ouverte par une habilitation spéciale insérée à l’article L142-2 alinéa 2(30) du code de
l’environnement. Aussi, le juge n’hésite pas à s’appuyer de plus en plus sur des présomptions
pour accueillir les actions des associations. De ce fait, les associations disposent d’armes non
négligeables pour agir devant le juge en réparation des atteintes à la nature lorsque la
protection de cette dernière rentre dans leur objet social.

En règle générale, le juge pour indemniser l’association de défense de la nature se
fondera sur le préjudice moral subit par celle-ci(31), au delà des caractéristiques inéluctables que
doit avoir un préjudice pour être réparé en droit de la responsabilité civile (préjudice direct
certain, liquide et exigible). Le caractère personnel n’apparaît pas ici car l’action des
associations et groupements est une limite à cette exigence, souvent mal adaptée à la
spécificité des atteintes environnementales, surtout quand on sait que les dommages à la
nature sans incidence sur les personnes et les biens sont désormais réparables. Le tribunal
correctionnel de Paris, dans son jugement du 26 janvier 2008 au sujet du naufrage de l’Erika a
d’ailleurs reconnu que les associations agrées peuvent agir en réparation du préjudice matériel
ou moral, direct ou indirect, causé aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre,
mais aussi de celui résultant de l’atteinte à l’environnement qui lèse de manière directe ou
indirecte ces mêmes intérêts. En d’autres mots, les associations peuvent agir non seulement
pour la réparation de préjudices directs, mais aussi de préjudices consécutifs aux premiers.
Dans tous les cas, le juge procèdera à une évaluation au cas par cas en fonction des éléments
présentés devant lui. La réparation se fera par équivalent monétaire.

Seulement, les fonds alloués aux associations en réparation de leur préjudice ne seront
pas automatiquement affectés à la remise en état de l’environnement conformément au
principe français de la libre disposition des dommages-intérêts. Quelques dérogations existent
en matière de santé et de dommages futurs. Ceci est une grande difficulté car si on admet de
plus en plus l’action des associations pour la défense de l’environnement, l’objectif in fine est
le rétablissement de la nature détériorée par la pollution, surtout lorsqu’il s’agit d’un
dommage écologique pur. Dans ce cas, l’indemnisation vise non pas à réparer un préjudice
personnel mais un préjudice collectif. Elle ne remplira sa mission que si les sommes allouées
sont mises au profit de la collectivité. Le meilleur moyen de permettre au grand nombre d’en
profiter serait alors la remise en état du milieu pollué. Les auteurs, critiquant ce principe de
libre affectation disent qu’il n’est pas souhaitable qu’un préjudice éminemment collectif
nourrisse les finances de certains requérants. M. Jourdain(32) dira à ce sujet que : « La
réparation pour être efficace et pleinement justifiée, se doit (…) d’atteindre son but qui est de
préserver le milieu naturel dans l’intérêt du développement durable et des générations futures.

(…) La liberté d’emploi des fonds (…) n’a plus la même valeur en présence d’un dommage
atteignant la nature ; elle doit ici s’incliner devant la nécessité d’assurer autant que possible sa
réparation ou sa préservation ». C’est déjà le cas aux Etats-Unis et au Brésil. Or en France, le
juge judiciaire reste limité, n’ayant pas le pouvoir d’imposer aux associations l’usage qui sera
fait de l’indemnité qui leur est allouée par le pollueur. Il serait souhaitable de prévoir ne ce
reste qu’une affectation partielle de ces indemnités à la remise en état de l’environnement, ou
à défaut, comme le propose les auteurs, affecter l’indemnité au financement d’actions
d’information, de sensibilisation voire de prévention de telles atteintes.

Cette faille du juge judiciaire va justifier, l’institution d’un régime de police
administrative, dans lequel l’objectif premier sera la prévention, et en cas d’échec des mesures
de prévention, la remise en état de l’environnement altéré.

29 Cass. 3e civ ; 26 septembre 2007, N° 04-20636, SCI Les Chênes
30 Les associations disposent de la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne
les faits portant préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre.
31 Cass. 1e civ ; 16 novembre 1982, N° 81-15550 : Du fait de la mort d’un rapace protégé, tué par les chasseurs,
l’association de protection de la nature a subit un préjudice moral, direct et personnel, en liaison avec le but et
l’objet de ses activités
32 M Jourdain ; le dommage écologique et sa réparation, in Les responsabilités environnementales dans
l’espace européen – point de vue franco-belge, p179

Retour au menu : Le dommage écologique causé par l’entreprise à l’environnement et aux tiers et son assurabilité