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Section 2 : Le législateur : acteur essentiel à l‟objectivisation de l‟aléa

ADIAL

S‟il existe un tel débat autour de la notion d‟aléa en droit des assurances c‟est avant tout car l‟instrument juridique de référence qu‟est le Code des assurances ne permet pas de trancher avec certitude pour l‟une ou l‟autre notion. Il semble néanmoins que le législateur ait envisagé une notion objective de l‟aléa. Si le doute est permis, c‟est toutefois ce qu‟affirment les auteurs prônant l‟inassurabilité du risque putatif grâce à des arguments plutôt convaincants.

Le droit positif préconise de manière générale la recherche objective de la notion d‟aléa. C‟est ce que met en exergue l‟article 1974 du Code civil qui énonce que « tout contrat de rente viagère créé sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat, ne produit aucun effet ». Aucune référence n‟est faite à la connaissance ou l‟ignorance du décès par le cocontractant. C‟est donc bien l‟objectivité qui semble être retenue puisque seuls les faits concrètement réalisés prévalent et non l‟état de connaissance dans lequel se trouvait le cocontractant au moment de conclure le contrat de rente viagère. De fait, le contrat de rente viagère et le contrat d‟assurance étant deux contrats aléatoires fonctionnant sur des bases similaires, on peut envisager que le législateur a entendu retenir une conception identique de l‟aléa au sein de ces deux contrats. La conception retenue serait donc objective, c‟est du moins l‟interprétation qui est faite de la loi par la doctrine prônant l‟objectivité de l‟aléa.

Le Code des assurances propose une disposition quelque peu similaire en son article L 121-15 énonçant que « l’assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques ». Dès lors, le législateur ne mentionne aucunement l‟état de connaissance éventuelle dans lequel se trouve l‟assuré au moment de la conclusion du contrat. Aucune distinction n‟est proposée en fonction de l‟état psychologique de l‟assuré. Or, selon un adage juridique classique, « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus »(24). Dès lors, la loi ne proposant aucune distinction quant à l‟éventuelle connaissance de l‟assuré de la réalisation du risque au moment de la souscription du contrat, l‟assurance doit être nulle dès que la chose assurée a péri ou ne peut plus être exposée aux risques.

Le rapprochement des 1er et 3e alinéas de l‟article L 121-15 du Code des assurances(25) démontre en effet que l‟ignorance du fait que la chose ait effectivement péri entraine néanmoins la nullité de l‟assurance. Dès lors, peut importe que l‟assuré ait ou non connaissance de la réalisation du risque, l‟aléa faisant défaut, le contrat est nul. C‟est en ce sens que la Cour de cassation a retenu l‟absence d‟aléa dans un arrêt du 23 juin 1993(26) alors même que le souscripteur n‟a connu le diagnostic que six mois après son adhésion au contrat de groupe. Dans cet arrêt, l‟assuré avait contracté un emprunt auprès d‟un organisme financier et adhéré au contrat d‟assurance de groupe invalidité, décès, maladie de ce même organisme. L‟assuré avait été mis en arrêt maladie par la suite et l‟assureur avait refusé de prendre en charge le remboursement du solde du prêt faisant valoir que le contrat ne couvrait pas les conséquences d‟une maladie antérieure à la prise d‟effet de la garantie. Par cet arrêt, la Cour de cassation reconnait que l‟assureur de groupe est fondé à refuser la prise en charge des conséquences d‟une maladie antérieure à la prise d‟effet de la garantie, qu‟elle qu‟ait pu être l‟incertitude de l‟assuré sur la nature de cette maladie.

Cette solution jurisprudentielle concernant les assurances de groupe n‟a cependant pas été reprise par la suite, laissant place à plus de souplesse de la part des juges. La présence de l‟aléa au sein d‟un contrat doit donc être appréciée à la date du fait originel. Cette logique est mise à mal lorsqu‟un dommage rattachable à un fait générateur antérieur survient après la souscription, et que l‟existence de l‟aléa est néanmoins retenue(27).

La Cour de cassation a toutefois pu retenir dans son chapeau(28) qu‟en vertu des articles 1964 du Code civil et L.121-15 du Code des assurances, « le contrat d’assurance, par nature aléatoire, ne peut porter sur un risque que l’assuré sait déjà réalisé ». En effet, dans la conception objective de l‟aléa, cette notion ne peut s‟appliquer que dans le cas de la réalisation future d‟un événement. Mais l‟accent est ici porté sur la connaissance du risque par l‟assuré, ce qui vient pondérer le regard que peuvent porter certains auteurs plus contemporains sur la théorie retenue par le législateur.

24 Adage juridique latin signifiant : « là où la loi ne distingue pas, nous non plus ne devons pas distinguer ».
25 « L’assurance est nulle si, au moment du contrat, la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus être exposée aux risques.
Les primes payées doivent être restituées à l’assuré, sous déduction des frais exposés par l’assureur, autres que ceux de commissions, lorsque ces derniers ont été récupérés contre l’agent ou le courtier.
Dans le cas mentionné au premier alinéa du présent article, la partie dont la mauvaise foi est prouvée doit à l’autre une somme double de la prime d’une année. »
26 Cass. Civ. 1re, 23 juin 1993 RGAT 1993 n°4 p.859.
27 Cass. Civ. 1re, 2 juillet 1991 RGAT 1991 p. 902.
28 Cass. Civ. 1re, 27 février 1990 RGAT 1990, p. 523.

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