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Section 2 : L’amélioration nécessaire du cadre amiable

ADIAL

La plupart des propositions d’amélioration de la procédure de règlement amiable auprès des CRCI a été reprise dans le rapport Ceretti et Albertini de 2011.(103) Ce rapport a été remis à M. le Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé le 24 février 2011 par M. Ceretti, conseiller santé auprès du Médiateur de la République, et Mme Albertini, responsable du Pôle Démocratie Sanitaire Agence régionale de santé d’Ile de France.

§1. Les améliorations préconisées afin d’atteindre l’objectif de déjudiciarisation

Comme expliqué précédemment, le droit d’accès au dispositif de réparation amiable institué par la loi du 4 mars 2002 est ouvert aux victimes présentant un préjudice excédant un seuil de gravité fixé par décret. Ainsi la victime doit apporter la preuve d’un dommage suffisamment grave pour que son dossier soit jugé recevable.

D’après les rapports d’évaluation annuels présentés par la CNAMED (Commission nationale des accidents médicaux, le non-respect des seuils de gravité fixés par le décret susvisé, constitue la première cause d’irrecevabilité des demandes d’indemnisation présentées par les victimes. En effet, il est rapporté que l’irrecevabilité des dossiers est justifiée par le non-respect des critères de gravité dans 42% des cas.

La première proposition serait d’agir sur un des critères d’accès aux CRCI et à l’indemnisation au titre de la solidarité nationale à savoir le déficit fonctionnel temporaire. L’idée serait de confier à la CNAMED la tâche de définir les éléments permettant d’appréhender la notion de « troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence » afin de mieux en définir le périmètre et d’éviter les divergences d’interprétation.

De plus, pour permettre un élargissement de l’accès à la procédure amiable, il serait favorable de supprimer le caractère exceptionnel des critères relatifs à l’inaptitude et aux troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence inscrits à l’article D. 1142-1 du Code de la santé publique.

L’une des principales propositions porte sur l’abaissement du seuil d’accès aux CRCI. En effet, le rapport Ceretti et Albertini propose de baisser le seuil d’incapacité permanente partielle (IPP) de 24% à 15% pour permettre un accès plus large aux CRCI et à la solidarité nationale. Le rapport démontre que, d’après les experts auditionnés, cet abaissement n’engendrerait pas un afflux majeur des dossiers car de toute évidence « la plupart des victimes atteignant un seuil d’IPP de 15% ont un déficit fonctionnel temporaire (DFT) total d’au moins 50%, ce qui correspond au seuil retenu par le décret ».

Certains vont même jusqu’à préconiser une suppression pure et simple du seuil d’accès aux CRCI, tout en maintenant le seuil de prise en charge par la solidarité nationale.(104)

Une telle solution serait plus cohérente et équitable en permettant à toutes les victimes, quel que soit le seuil de gravité du dommage, d’avoir accès à la procédure rapide et gratuite de règlement amiable. Toutefois, outre les coûts financiers importants, cela risque d’aboutir à un engorgement des CRCI au détriment des victimes les plus gravement atteintes.

Toujours dans le but d’élargir l’accès à la procédure de règlement amiable, le rapport Ceretti et Albertini propose de créer une aide au conseil afin de financer l’intervention d’un avocat et/ou d’un médecin expert privé. Le montant sera réactualisé dans les mêmes conditions que celles de l’aide juridictionnelle et sera versée sous conditions de ressources après que le dossier ait été considéré comme recevable par la CRCI.

Enfin, l’atteinte de l’objectif de déjudiciarisation peut également passer par la promotion de la conciliation. Le regrettable constat a été fait que les tentatives de mise en place de conciliation en matière médicale se sont toujours soldées par un échec.105 Plusieurs propositions ont été faites pour remédier à cet échec.

Tout d’abord, au vu du nombre important de déclarations d’incompétence, il serait opportun d’envisager la possibilité pour les CRCI de concilier en cours de procédure lorsqu’il apparaît manifeste que le dommage ne revêt pas les conditions requises pour bénéficier de la procédure de règlement amiable, à l’instar de la faculté offerte au juge judiciaire et administratif.

Par ailleurs, l’idée de créer une procédure de conciliation préalable à toute saisine d’une juridiction ou d’une CRCI peut être intéressante puisqu’elle ne serait plus de la compétence des CRCI, qui pourraient concentrées leurs efforts uniquement sur la procédure de règlement amiable, mais d’instances régionales spécialisées.

§2. Les autres modifications attendues dans le but d’améliorer la situation des victimes

Si l’on veut assurer la transparence et la performance des procédures amiables et juridictionnelles de règlement des contentieux relatifs au dommage corporel d’origine médicale, d’autres réformes sont nécessaires.

En premier lieu, la clarification de la situation de l’ONIAM est nécessaire. L’Office doit sortir de la composition des CRCI pour n’être qu’une partie ordinaire comme la victime ou l’assureur du professionnel de santé.

Ensuite, le rapport Ceretti et Albertini propose qu’en cas de refus de payer suite à un avis « positif » de la CRCI, l’ONIAM devrait motiver son refus par écrit auprès du président de la CRCI.

Le rapport préconise aussi de confier au Défenseur des Droits la charge d’émettre un avis sur le montant de l’offre d’indemnisation faite par l’assureur de l’établissement ou du professionnel de santé responsable de l’accident médical fautif ou d’une infection nosocomiale, à la suite de l’avis émis par la CRCI. En cas d’offre manifestement insuffisante, le juge pourrait condamner l’assureur à une pénalité d’un montant de 30% au profit de la victime.

Le rapport Ceretti et Albertini prône également le renforcement du contradictoire dans la procédure CRCI en rendant de droit la rédaction d’un pré-rapport d’expertise, dès lors qu’il est demandé par une des deux parties. La procédure globale pour que la CRCI rende son avis serait alors prolongée de 3 mois pour atteindre un délai global de 9 mois.

Enfin, l’unicité du contentieux juridictionnel devant un seul ordre apparaît comme une amélioration indispensable. Selon un auteur, « il ne pourrait s’agir que de l’ordre judiciaire »(106)

Cette proposition de donner la compétence exclusive au juge judiciaire pour traiter les contentieux en matière de responsabilité médicale a été reprise par le rapport Ceretti et Albertini. Cela aura sans doute pour conséquence bénéfique d’éviter les disparités.

Ainsi, avec un recul de 10 ans, le bilan qui peut être fait des apports de la loi du 4 mars 2002 au régime de responsabilité des produits de santé est mitigé. En effet, le régime codifié par la loi Kouchner participe à l’éparpillement des régimes de responsabilité mis à la disposition des victimes en la matière et accentue leur incompréhension. Par ailleurs, la décision du législateur de 2002 de maintenir la jurisprudence antérieure et le dualisme juridictionnel apparaît aujourd’hui source d’insécurité juridique et d’inégalité pour les victimes. Enfin, le temps a permis de mettre en évidence les limites de la procédure de règlement amiable créée par la loi Kouchner et de prendre conscience de la nécessité d’une amélioration de ce cadre amiable.

103 Rapport Ceretti et Albertini, « Bilan et propositions de réforme de la loi du 4 mars 2002 », 24 févr. 2011, la documentation française + présentation
104 Rapport Huet, AN, n°1810 par la mission d’information commune sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical, 8 juill. 2009, p.99
105 ARHAB GIRARDIN F., « L’effectivité de la procédure de règlement amiable des accidents médicaux », RDSS, 2011, p.1093
106 CARTRON D., « Assurance, responsabilité et droits des victimes », RDSS, 2010, p.17

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