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SECTION 2 : L’ALIGNEMENT SUR LA VALEUR DE RACHAT

ADIAL

L’arrêt Praslicka pose en principe que la « valeur de la police » doit intégrer l’actif de la
communauté du contrat au jour de la dissolution de la communauté. Un auteur relève avec raison
que « la Cour de cassation prend soin de ne pas évoquer une ‘valeur de rachat’, mais « ‘une valeur
de la police’ ». En conséquence, « cette dernière n’est donc pas celle que le contrat pourrait créer à
son dénouement » et son « montant devrait être fixé par référence aux utilités que celui-ci procure à
la personne qui en a la maîtrise, à savoir au souscripteur(69) ». Cette valeur d’usage est par essence
personnelle et non évaluable.

La Cour de cassation a choisi d’aligner la valeur du contrat sur la valeur de rachat. Cette
solution s’explique parce que la valeur de rachat est la seule quantifiable d’un point de vue
pécuniaire. En fait, la Cour de cassation esquive totalement la difficulté liée l’appréhension d’une
valeur aléatoire. En effet, pour Picard et Besson, par le rachat, « l’assureur accepte de transformer
l’obligation conditionnelle ou à terme dont il était tenu en une obligation pure et simple à échéance
immédiate(70) ». La valeur de rachat, qui n’est pas conditionnelle, est donc intégrée à l’actif de la
communauté.

Pour une partie de la doctrine, cette solution se justifie par une application de la distinction
du titre et de la finance (1). Cette approche masque cependant un choix qui consiste à évaluer la
valeur d’un contrat d’assurance-vie non dénoué par le biais de la valeur de la destruction du
contrat (2.)

1. UNE APPLICATION DE LA DISTINCTION DU TITRE ET DE LA FINANCE

Jean-Guirec Raffray explique la jurisprudence Praslicka par l’application de la distinction du
titre et de la finance. Ainsi, « celui des époux qui souscrirait, en utilisant les deniers communs, un
contrat d’assurance aurait toute liberté quant à la gestion de ce contrat qu’il s’agisse, d’abord, de le
souscrire, qu’il s’agisse ensuite de le gérer, et cette faculté de gestion comporte notamment le droit de
désigner les bénéficiaires, d’en changer tant que le bénéficiaire n’a pas accepté, de décider de racheter
le contrat ». Continuant son raisonnement, il précise que « le titre de souscripteur appartiendrait
donc à celui des époux qui a conclu le contrat, mais il n’empêche que les règles de la communauté
légale ne seraient pas totalement écartées puisque la souscription d’un tel contrat avec l’utilisation de
deniers communs ne priverait pas la communauté ni de la valeur du contrat ni d’un droit à
récompense(71) ».

La transposition à l’assurance-vie de la distinction du titre et de la finance ne fait pas
l’unanimité dans la doctrine. Il est objecté que « le droit au rachat de l’assurance-vie ou si l’on
préfère : le titre, détermine la valeur de rachat, qui n’est rien d’autre que la valeur de la créance de
rachat. Comme ce droit est viager, sa valeur disparaît au décès de son titulaire, c’est-à-dire du
souscripteur(72) ».

Au final, l’application à la matière de la célèbre distinction du titre et de la finance ne nous
semble pas pertinente. Elle a été transposée par une réponse ministérielle aux problèmes liquidatifs
liés « stocks options(73) ». Il est intéressant de faire un parallèle entre le traitement des « stocks
options » et des contrats d’assurance-vie non dénoués. Dans ces deux situations, les problèmes
d’évaluation sont identiques.

Un commentateur des réponses ministérielles rendues en matière de stocks options relève
que « la solution apparemment préconisée est de faire comme si l’option était levée au jour de la
dissolution de la communauté », on sent ici une transposition de la jurisprudence de l’arrêt
Praslicka. L’auteur poursuit en critiquant cette méthode « parce qu’elle ne tient pas compte du fait
que les stocks options ne représentent qu’un gain probable. Il se peut que le titulaire ne lève pas
l’option ». Suivant toujours notre parallélisme, le rachat n’est pas obligatoire alors que la valeur
issue de son exercice à déjà été affectée à la communauté. Finalement, pour le titulaire de « stocks
options » « s’il ne lève pas l’option du fait de la technique d’évaluation préconisée il aura tout perdu :
les stocks options et le patrimoine équivalent à leur valeur dans la liquidation de la communauté(74) ».
C’est également le constat que l’on peut faire pour notre souscripteur du contrat non dénoué :
l’attribution par avance de la valeur du droit du contrat l’oblige à racheter.

2. LE CHOIX DE LA VALEUR DE RESILIATION DU CONTRAT AU DETRIMENT DE CELLE DE SON
UTILITE

En retenant que la valeur du contrat d’assurance-vie non dénoué, comprendre sa valeur de
rachat, soit intégré à l’actif communautaire, la Cour de cassation considère implicitement mais
nécessairement que la valeur du contrat en cours est égal à la « valeur née de la destruction du
contrat(75) ». Ce raisonnement fait prévaloir la théorie de la valeur d’échange sur la valeur utilité. Il
faudrait sinon reconnaître que l’objectif de prévoyance poursuivi par le souscripteur, en
garantissant à ses proches une source de revenu en cas de décès prématuré, est devenu caduc
suite à la dissolution de la communauté. Cyniquement, on pourrait avancer en ce sens qu’en cas de
divorce, cet objectif disparaît en même temps que la communauté de vie avec le conjoint. En cas
de prédécès du conjoint, l’aspect protecteur de la garantie décès n’aurait plus de valeur pour le
conjoint souscripteur parce que le conjoint ne serait, par hypothèse, plus là pour en recueillir le
bénéfice.

L’argument ne résiste pas à l’analyse de la pratique concernant la rédaction des clauses
bénéficiaire. Celles-ci sont rédigées le plus souvent de manière à protéger le conjoint survivant en
cette qualité, et en bénéficiaire de second rang les enfants issus du mariage. Par exemple, l’alinéa 4
de l’article L. 132-8 du Code des assurances prévoit que « l’assurance faite au profit du conjoint
profite à la personne qui a cette qualité au moment de l’exigibilité ». Le divorce ou le veuvage seront
une cause de caducité de la désignation(76). Les bénéficiaires de second rang auront seuls droit au
bénéfice. L’utilité pour le souscripteur est donc de même nature, prémunir un proche du risque de
son décès. Le changement de la personne protégée ne peut avoir pour effet d’éteindre cette
valeur. Nous avons eu l’occasion de souligner que les primes payées pour un contrat d’assurancevie
dénoué au profit d’un enfant s’analysent en un passif de communauté, non soumises à
récompenses. Par application de l’arrêt Praslicka au contraire, la valeur du contrat d’assurance-vie
non dénoué est considérée comme un actif de communauté, alors même qu’un enfant peut
recueillir en qualité de bénéficiaire de second rang le bénéfice de la garantie décès.
Ces incohérences n’ont pas échappé aux commentateurs des arrêts de la Cour de cassation
du 31 mars 1992 et surtout celui de 19 avril 2005 entérinant le choix douteux de l’alignement de la
valeur du contrat sur celle du rachat (CHAPITRE 2).

69 L. Mayaux, Assurance et valeur, Par delà la diversité, Mélanges Jerry Sainte-Rose
70 M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres, t. I, Le contrat d’assurance, L.G.D.J
71 J.-G. Raffray, De l’arrêt Pelletier à l’arrêt Praslicka : tentative de conciliation, R.C.A. octobre 1997, p. 9, n° 8
72 L. Mayaux, Les relations entre le droit des assurances et le droit de la famille : questions d’actualité, R.G.A.T.
1992, n° 2, p. 434
73 Rép. Min de Robien n°58031, 19 févr. 2001, JO débats An 18 juin 2001, p.3530
74 S. Robin, Stocks option et communauté, exposé, non publié
75 L. Mayaux, Assurance et valeur, Par delà la diversité, op. cit.
76 H. Groutel (dir.), Traité du contrat d’assurance terrestre, éd. Litec, n° 2242, p. 1557

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