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Section 2 : La persistance de grave problèmes de prévention

ADIAL

Outre les énormes dégâts que peuvent causer les catastrophes naturelles, ces dernières ont également de fortes conséquences sur la sphère politique. C’est pour cette raison qu’après le passage de la tempête Xynthia, les figures politiques françaises et les médias ont joué un rôle prépondérant.

En effet, les annonces médiatiques se sont succédées tout au long du début de l’année 2010, si bien que certains ont même dénoncé le détournement politique de la catastrophe. De manière générale, trois grandes failles françaises furent pointées du doigt.

§1 : Les trois failles françaises

Selon de nombreux spécialistes de l’environnement, les trois problèmes majeurs de la France en ce qui concerne les catastrophes naturelles et plus particulièrement le risque d’inondation et de tempête, relèvent du vieillissement des ouvrages, de l’urbanisation excessive, et le problème de prévention des risques.

Après le passage de la tempête de 2010, Nicolas GERARD-CAMPHUIS, directeur du Centre européen de prévention du risque inondation (CEPRI) déclarait, ”la première difficulté va être d’identifier les propriétaires des digues. Pour un tiers du linéaire de digues (3.000 à 3.500 km), soit le propriétaire n’existe pas, soit ne remplit pas son rôle d’entretien des digues”(72). L’enjeu est d’importance, car la protection contre les inondations relève de la responsabilité des propriétaires riverains. C’est donc à eux que revient la réalisation de digues de protection contre les inondations ainsi que leur maintien et leur contrôle. Le problème du vieillissement des ouvrages, et en particulier des digues, est donc crucial en ce qui concerne la répartition des responsabilités après la survenance d’une catastrophe.

De plus, la hausse impressionnante du nombre de constructions nouvelles en zones inondables fût grandement mise en exergue. En effet, de 1999 à 2006, ce sont près de 100 000 logements qui ont été construits en zone inondable dans 424 communes françaises, selon le Service de l’observation et des statistiques du ministère de l’environnement. La loi Littoral de 1986(73), visant à encadrer l’aménagement de la côte pour la protéger des excès de la spéculation immobilière, fût donc, grandement détournée, au profit du développement des communes et l’urbanisation du littoral s’est parfois faite en dépit du bon sens(74).

Concernant la prévention, cette dernière s’exerce essentiellement par les Plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Selon Thierry MASQUELIER et Pierre MICHEL, respectivement président et directeur général adjoint de la CCR, quelques 7500 PPRN ont déjà été approuvés, sur 36 000 communes françaises dont un grand nombre n’est pas exposé de façon significative aux périls naturels(75). Ces plans représentent un premier résultat tout à fait louable mais il est très certainement possible de faire mieux. Sans porter atteinte à la solidarité, qui est l’un des fondements du régime, il serait éventuellement possible de moduler la prime en fonction de l’exposition par commune ou par risque. Selon ces mêmes personnes, il serait envisageable de pénaliser les constructions qui ne seraient pas conformes à leur permis de construire ou pour lesquelles les mesures de prévention prévues au PPRN ne seraient pas respectées.

§2 Les PPRI remis en question

La prévention du risque « inondation » relève actuellement d’un régime juridique plus large, celui de la prévention des risques naturels (PRN), et des plans qui lui sont associés.

Le PPRI (plan de préventions du risque inondation) est donc un document émanant de l’autorité publique et destiné à évaluer les zones susceptibles de subir des inondations, et proposant des remèdes techniques, juridiques et humains pour y remédier. Il s’agit principalement d’un document cartographique qui définit des nombreuses règles en matière de constructibilité dans des secteurs présentant de forts risques d’inondation (cf. ANNEXE 9).

L’objectif des plans de prévention des risques inondation et du zonage est d’amoindrir la vulnérabilité des zones à risque, en y interdisant toute nouvelle construction. La prévention a ainsi pour objet de permettre le développement économique tout en assurant la sécurité des personnes. Il est en effet impensable de pouvoir accorder des permis de construire pour des immeubles dans des zones où l’ont sait qu’il y aura très certainement une inondation dans les prochaines années.

Le PPRI a été au coeur d’une longue histoire législative. Tout débuta avec la loi du 22 Juillet 1987(76), relative à l’organisation de la sécurité civile et à la prévention des risques majeurs. Cette loi prévoyait notamment la possibilité pour les communes ou les préfets d’établir les PPRI. Puis ce texte fût complété par la fameuse loi Barnier de 1995(77), relative au renforcement de la protection de l’environnement et qui prévoit la création d’un fonds. Cette loi a notamment imposé aux communes d’être dotées d’un plan, en faisant une obligation légale. Pourtant, force fut de constater qu’à l’époque du passage de la tempête Xynthia, très peu de communes exposées à des crues disposaient d’un plan approuvé.

Désormais, ces textes sont codifiés dans le Code de l’environnement aux articles L562-1 à L562-8, et L210-1 à L211-1(78).

Cependant, comme l’indique le rapport de la mission interministérielle du mois de Mai 2010, le constat fût dressé qu’à l’époque de Xynthia, il existait de « sérieuses carences sur le plan local de la politique nationale de prévention des risques naturels », avec des zones où le risque avait été nié et n’avait tout simplement pas été pris en compte, ce qui a entraîné non seulement des dégâts aux biens, mais par-dessus tout des pertes de vies humaines(79).

En effet, un grand nombre de PPRI, pourtant obligatoires, étaient toujours en phase d’instruction ou étaient tout simplement prescrits. Aujourd’hui encore, en ce qui concerne le risque de submersion marine en particulier, nous constatons que les communes littorales sont très marginalement dotées de tels plans : seuls 46 PPR ont été approuvés. De plus, l’intégration des PPRI dans les documents d’urbanismes, bien que théoriquement prévues par la loi, n’est pas systématique. Ce constat illustre donc de nombreux problèmes auxquels il est urgent de remédier.

Par ailleurs, le problème du zonage fût au coeur de nombreux débats, notamment après les déclarations très médiatisées des politiques français après le passage de la tempête de 2010. En effet, très peu de temps après la catastrophe, Nicolas Sarkozy avait insisté sur le fait qu’il « ne serait pas possible d’autoriser des personnes à se réinstaller là où elles sont exposées à un risque mortel ». C’est ainsi que fut très rapidement annoncé l’établissement de différentes zones : des « zones noires », ensuite rebaptisées « zones de solidarités » puis « zones d’acquisition amiable », visant à empêcher les populations sinistrées à se réinstaller dans des lieux qui, à l’origine, n’auraient jamais dû être considérés comme constructibles.

Le principe d’une telle mesure est donc très clairement que l’Etat procède au rachat des habitations situées en zones à très fort risque, et ce de manière amiable, en privilégiant la négociation avec les propriétaires concernés. En cas d’échec de la phase amiable, et face à un éventuel refus par le sinistré de la proposition d’indemnisation, l’Etat devrait procéder à des expropriations dans le cadre de procédures formalisées et sous le contrôle du juge, c’est-à-dire en suivant les préceptes prévus par la loi Barnier de 1995.

Selon un rapport d’étape rédigé et déposé devant le Sénat(80), l’établissement des ces « zones d’acquisition amiables » est un dispositif ad hoc relativement ambitieux mis en place à l’initiative de l’Etat. L’article L561-1 du Code de l’environnement, dans son alinéa 1er, précise ce dispositif en dispose que : « Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l’Etat peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation ». Le dernier alinéa de cet article précise enfin que, pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n’est pas tenu compte de l’existence du risque.

En raison des contraintes que peuvent représenter une telle procédure, l’article L561-1 du Code de l’environnement pose donc plusieurs conditions d’applications strictes : la première concerne les risques en eux mêmes (risque de mouvement de terrain, risque de crue, risque de submersion marine), et la seconde concerne la gravité du danger. Cette gravité s’apprécie au regard des circonstances de temps et de lieu dans lequel le phénomène naturel est susceptible de se produire, ainsi qu’au regard des délais nécessaires à l’alerte et à l’évacuation complète des populations exposées.

L’article R561-1 du Code de l’environnement précise la procédure prévue en matière d’expropriation pour les habitations situées en « zone d’acquisition amiable » : c’est à la demande des ministres chargés de la prévention des risques majeurs, de la sécurité civile et de l’économie que le préfet concerné engage cette procédure. Ce dernier procède ensuite à une première analyse sur la base des pièces jointes à cette demande et des autres éléments techniques ou économiques à sa disposition, puis il instruit la demande et en analyse la recevabilité. Le préfet transmet ensuite chaque demande au ministre compétent. Lorsque le dossier sera considéré comme recevable, le préfet sera alors invité à engager la procédure d’expropriation. A noter que le préfet transmet également au ministre chargé de la prévention des risques l’indication des montants des indemnités fixées par accord amiable ou par le juge de l’expropriation.

A noter qu’en cas d’expropriation, les indemnités versées aux sinistrés sont prises en charges par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier » (cf. Article L561-3 du Code de l’environnement).

Au 1er janvier 2011, sur les 1574 habitations concernées par les « zones de solidarité » en Vendée et en Charente-Maritime, 1113 avaient fait l’objet d’un accord pour une acquisition amiable par l’Etat, soit près de 90% des habitations concernées. A l’époque, l’Etat avait donc déjà débloqué 225 millions d’euros du fonds Barnier(81).

Le passage de la tempête Xynthia a donc eu le mérite de déclencher une véritable prise de conscience des pouvoirs publics sur les faiblesses françaises en matière d’urbanisme et de prévention des risques d’inondation. Une attention toute particulière est aujourd’hui donnée à l’approbation des PPRI, avec une redéfinition du zonage. Désormais, pour déterminer la cartographie des zones à risques d’inondation du PPRI, trois critères sont pris en compte : l’existence de digues « fiables et de qualité », la distance entre les habitations et le trait de côte, et enfin le seuil des maisons par rapport au niveau de la mer (et non la hauteur des terrains). Il existe ainsi trois zones : les zones rouges considérées comme inconstructibles à l’avenir, les zones bleues foncées constructibles mais sous certaines conditions, les zones bleues claires pour lesquelles des prescriptions sont recommandées, et enfin les zones blanches qui ne sont pas concernées.

Toutefois, et comme nous pouvons facilement l’imaginer, le zonage suscite de très vives critiques, notamment par les riverains. Dans le cas des habitations rasées après acquisition faite par l’Etat, les propriétaires ont certes perdu leur bien, mais ils ont généralement accepté les propositions faites par l’Etat et obtenu une indemnisation tout a fait raisonnable. En effet, les offres de rachat de l’Etat français ont été jugées très correctes dans leur globalité, puisque ces dernières allaient de 200 000 à 300 000 euros, ce qui correspond généralement à la valeur des biens en 2008 et 2009.

En revanche, les difficultés et les protestations se sont surtout faites ressentir pour les habitations concernées par la modification du PPRI. En effet, de très nombreuses manifestations se sont déroulées au moment de l’étude et de l’adoption du nouveau plan. Pour la commune de la Faute-sur-mer par exemple, la grande majorité des zones constructibles de la commune ont été reclassées en « zone rouge », « zone inconstructible sauf condition pour travaux spécifiques ». Ce nouveau zonage a ainsi eu pour conséquence d’empêcher de nombreux projets d’extensions d’habitations déjà existantes ou encore de faire perdre de la valeur à un grand nombre de biens.

Après la survenance de la catastrophe Xynthia, l’Etat français a donc du opérer des choix difficiles mais pour le moins nécessaires. Il a ainsi renoncé à favoriser le développement des communes littorales afin de garantir la sécurité des personnes en interdisant les constructions dans les zones inondables. Autrement dit, il y a eu une véritable prise de conscience des politiques quand à la nécessité de corriger les zonages et de faire réellement appliquer les plans de prévention des risques d’inondation.

72 www.crepi.net
73 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral
74 www.actu-environnement.com, « Tempête Xynthia, les trois failles françaises »
75 « Trente ans d’assurance des catastrophes naturelles », La Jaune et la Rouge, Mai 2011, p12
76 Loi n°87-565 du 22 Juillet 1987
77 Loi n°95-101 du 2 Février 1995, complété par le décret n°95-1089
78 Codifié par l’ordonnance n°2000-914 du 18 Février 2000
79 www.interieur.gouv.fr : « Tempête Xynthia, retour d’expérience, évaluation et propositions d’action », Mai 2010.
80 www.senat.fr : Rapport d’information n°554 (2009-2010) de Monsieur A. ANZIANI, faut au nom MCI sur les conséquences de la tempête Xynthia, déposé le 10 Juin 2010.
81 BOUGHRIET R. » Après-Xynthia : lancement d’un plan national de prévention des submersions marines », www.actu-environnement.com

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