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SECTION 2 : LA NATURE PARTICULIERE DE LA VALEUR DE RACHAT

ADIAL

La nature de la créance de rachat s’oppose à ce qu’elle puisse être considérée comme la
valeur du contrat d’assurance-vie non dénoué. En effet, le droit de rachat est le droit de résilier le
contrat par anticipation. Comme le relevait J. Maury, « on pourra trouver étrange que le même
contrat confère un avantage commun en cas de survie et propre en cas de décès, de sorte qu’il faudra
attendre de longues années pour savoir ce qu’il en est exactement ; plus encore que cet avantage eut
été commun si l’assuré prédécède à son conjoint après avoir racheté le contrat ne le soit plus quand il
aura laissé ce même contrat suivre son cours(100) ».

Le rachat ne peut être la valeur du contrat d’assurance-vie non dénoué parce que le droit au
capital constitue une créance conditionnelle qui ne peut être attribuée à la communauté (1.). Par
ailleurs, le droit au rachat constitue une simple faculté pour le souscripteur, la créance de rachat est
donc éventuelle (2.).

1. LE DROIT AU CAPITAL EST UNE CREANCE CONDITIONNELLE

En cas d’assurance-vie mixte, « il y a une assurance unique, découlant d’un contrat unique, mais
comportant pour l’assureur une obligation alternative, et de ce fait deux créanciers conditionnels : le
contractant et le bénéficiaire en cas de décès(101) ». Cette analyse a été reprise par la jurisprudence
dès 1888. « Par une combinaison des règles de la stipulation pour autrui et de l’effet rétroactif de
l’accomplissement des conditions, cet arrêt a consacré le principe que dans un contrat de cette nature
la stipulation de payement du montant de l’assurance, à une date déterminée soit à l’assuré luimême
s’il vit, soit s’il est prédécédé, à un tiers déterminé, l’investit d’un droit propre conditionnel en
vertu duquel il doit être considéré comme ayant été bénéficiaire ab initio(102) ».

La conséquence de la reconnaissance du caractère du droit au bénéfice est alors évidente.
« Une créance, dont l’existence même est incertaine, ne peut pas être prise en compte immédiatement
dans le partage de communauté et servir de contrepartie à des biens dont l’existence est
incontestable. On n’attribue pas un droit susceptible d’être rétroactivement inexistant(103) ».
Pour Jean Aulagnier, la portée de cette analyse doit être nuancée. Appliquée aux pactes de
tontines avec clause d’accroissement, elle conduit à un résultat surprenant. « Le bien
n’appartiendrait ni à l’un ni à l’autre [des tontiniers] par le jeu de la double condition résolutoire et
par les créanciers de chaque coacquéreur(104).

En fin de compte, la conséquence de l’arrêt Praslicka est de forcer le souscripteur à effectuer un
rachat total de son contrat. Il est étonnant que la prise en compte de la valeur du contrat dans la
communauté conduise à son anéantissement, qui plus est par la mise en jeu d’une faculté
protectrice du preneur d’assurance (2).

2. LE DROIT AU RACHAT EST UNE CREANCE EVENTUELLE

La valeur du contrat d’assurance-vie ne peut et ne doit pas être alignée sur la valeur de
rachat. Il ne faut pas oublier que le droit au rachat est une obligation protectrice du souscripteur
visant à rendre disponibles les fonds placés en assurance-vie. C’est une créance éventuelle, qui n’a
pas vocation à être recueillie par le souscripteur en cas de déroulement normal du contrat. Elle ne
peut pas être comparée à la levée de l’option acquisitive d’un crédit bail ou la levée de l’option des
« stocks options » qui participent à l’économie de leurs contrats respectifs. En effet, la possibilité de
lever l’option d’un crédit-bail trouve une contrepartie dans le surcoût des loyers. De la même
manière, aucun bénéfice patrimonial ne peut être recueilli avant la levée de l’option des « stocks
options ».

Dans l’assurance-vie, le droit de rachat est une faculté légale de résiliation anticipée. Son
exercice est personnel au souscripteur. En tant que droit éventuel, il ne peut être intégré à la
communauté. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation de 1998(105) a eu
l’occasion d’affirmer « qu’il résulte des articles L. 132-8, L. 132-9, L. 132-12 et L. 132-14 du Code des
assurances que, tant que le contrat n’est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi ; sauf
acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de faire racheter le contrat et de désigner ou
modifier le bénéficiaire de la prestation ; que, dès lors, nul créancier du souscripteur n’est en droit de
se faire attribuer immédiatement ce que ce dernier ne peut recevoir ». Le caractère personnel et
éventuel du droit de rachat justifie donc l’incessibilité de la valeur de rachat. Il semble difficile de
comprendre pourquoi ce qui est refusé aux créanciers, l’attribution par avance de la valeur de
rachat, devient possible pour la communauté.

On peut conclure avec Bernard Vareille que « le talon d’Achille du régime de communauté
demeure que, s’il s’accommode aisément des acquêts avérés d’une valeur aisément estimable, il se
trouve parfois en défaut devant certaines opérations en cours, pour peu qu’elles présentent un degré
élevé d’incertitude(106) ».

Le contentieux sur la valeur du contrat d’assurance-vie est très nourri parce que le
mécanisme de la stipulation pour autrui permet une circulation de la valeur. Il s’agit alors de
déterminer son imputation patrimoniale (DEUXIEME PARTIE).

100 J. Maury, obs. sous CA Versailles, 21 juin 1993, aff. Praslicka, R.G.A.T. 1994, p. 209
101 J. Bigot, Clair-obscur sur l’assurance-vie, De l’arrêt Pelletier à l’arrêt Praslicka, J.C.P.G., 3718, p. 480
102 Cass. Req. 22 octobre 1888, D.P. 1889, I, 161, rapp. Delise et la note, cité par Jean Bigot
103 J. Ghestin, L’incidence du conjoint de l’assuré sur l’assurance-vie, J.C.P.N., 1995, n° 21, p. 1546
104 B.-H. Dumortier, Le tontinier face à la saisie ou comment se relève l’indivision ? J.C.P.N. 1998, n° 42, p. 1498
105 Cass. 1ère civ., 28 avril 1998, Defrénois 1998, art. 36837, p. 861
106 B. Vareille, Communauté et opérations en cours non dénouées, J.C.P.N. 2009, 1187

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