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Section 1–Les arrêts « Amiante » de 2002 : refonte totale de la notion de faute inexcusable (FI)

ADIAL

La refonte de la conception initialement adoptée (I) aura des conséquences majeures sur la responsabilité de l’employeur (II).

I. La conception initiale de la faute inexcusable

En 1941, une première définition aux conditions cumulatives très strictes fut donnée par la Cour de Cassation. Elle s’entendait comme une faute « d’une exceptionnelle gravité, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant de la faute intentionnelle par le défaut d’un élément intentionnel »(54).

Face au caractère tellement rare d’une telle hypothèse, les assureurs ne risquaient rien à introduire la garantie FI de manière systématique dans leurs polices couvrant la responsabilité civile des entreprises, sans réelle surprime. Elle ne servait que rarement, pour ne pas dire jamais.

Le Doyen OLLIER avait pu faire remarquer de manière très juste en 2002 que « une telle faute n’a longtemps été admise qu’à titre tout à fait exceptionnel »(55).

Il précisait cependant que la jurisprudence, « à l’approche de l’an 2000, se montrait de plus en plus souple et reconnaissait de plus en plus souvent l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur ».

Ceci annonçait probablement ce qui allait rapidement se produire à l’occasion des affaires dites « amiante » portées devant la Chambre Sociale de la Cour de Cassation(56).

Par 7 décisions publiés le 28 février 2002, elle adopte une toute nouvelle définition de la FI en cas de MP.

Dès lors, elle énonce que « en vertu du contrat de travail liant [l’employeur] à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat », et que « le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver »(57).

Elle affirme donc dans un même arrêt l’existence d’une obligation de sécurité de résultat à la charge de l’employeur et que tout manquement à une telle obligation constituera une FI au sens des dispositions du Code de la Sécurité Sociale (CSS) dès lors que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger.

Il doit donc désormais prendre toutes les mesures nécessaires visant le maintien de la sécurité : conformité des installations, formation des personnels, mais aussi identification des risques(58). Cela lui permettra d’avoir « conscience des dangers », et de prendre les précautions associées.

C’est donc une tâche non négligeable tant en terme de temps que d’argent, mais ce n’est que par ce biais que l’employeur pourra éviter au mieux que soit reconnu un manquement à son obligation de résultat relative à la sécurité.

Sans attendre, cette jurisprudence rendue en matière de maladies professionnelles fut étendue aux accidents du travail, puisque c’est par deux arrêts des 11 avril et 23 mai 2002(59) que la Chambre Sociale a opéré une telle extension pure et simple.

On devine que celle nouvelle jurisprudence va impliquer un véritable tournant quant à la reconnaissance d’une FI de l’employeur.

L’obligation de résultat qui pèse sur ce dernier est telle qu’un manquement peu vite être reconnu, suffisant à engager sa responsabilité et mettre à sa charge toutes les conséquences associées.

II. Les conséquences de la refonte de la notion de faute inexcusable

Les assureurs furent très certainement les premiers à s’inquiéter d’une telle refonte.

Leurs polices RC entreprise contenaient une garantie FI, sans réelle contrepartie. Elle ne faisait pas l’objet d’une prime séparée et n’était certainement que très peu prise en compte dans le calcul de la sinistralité potentielle, réalisé par les actuaires.

Sans changement de leur part, ils se retrouveraient rapidement à payer des sommes considérables au titre d’une garantie qui ne devait au départ pas être actionnée en pratique. Un paragraphe subséquent sera consacré à cette réaction des acteurs de l’assurance face à cette nouvelle vision de la responsabilité de l’employeur.

La conséquence première de cette nouvelle définition est d’engendrer une probabilité accrue pour l’employeur de se voir assigner en justice par son salarié estimant que l’indemnité versée par la Sécurité Sociale n’est pas suffisante et qu’il a commis un manquement.

La seconde conséquence, mais à l’importance majeure, est essentiellement financière. Majoration de l’indemnité allouée par la Sécurité Sociale et indemnisation de préjudices non encore indemnisées pourraient être mis à la charge de l’employeur

On se demande néanmoins jusqu’où peut aller ce complément. Simple montant supplémentaire ou indemnisation intégrale du préjudice, pour sa « valeur réelle » ?

A ce stade entre en scène le Conseil Constitutionnel, mettant fin à ces questionnements. Second coup de massue : par sa décision, il élargit encore davantage l’envergure de la responsabilité pesant sur les chefs d’entreprise.

54 Arrêt Dame Veuve Villa c/ Cie d’Assurances Générales du 15 juillet 1941, Bull. Ch. Réunies n°183.
55 « La responsabilité de l’employeur en matière d’accident du travail et de maladies professionnelles », Pierre OLLIER, Rapport annuel de la Cour de cassation de 2002.
56 Notamment : Cass soc 28 février 2002 n°00-10.051
57 Là encore : Cass soc 28 février 2002, entre autres : pourvoi n°99-17.201.
58 Par l’élaboration d’une cartographie des risques permettant de déterminer quels risques présentent les différents pôles de l’entreprise et suivant quelle fréquence.
59 Cass soc 11 avril 2002 n°00-16.535 et Cass civ 23 mai 2002 n°00-14.125.

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