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Section 1 : Une indemnisation globalement efficace

Globalement, le bilan du système français d’indemnisation des catastrophes naturelles est donc plutôt apprécié des différents acteurs du monde de l’assurance et des particuliers. Ce régime, qui existe depuis plus de trente ans, n’a connu de modifications législatives que sur des détails. Les principes sont restés inchangés depuis l’origine, ce qui est la preuve qu’ils sont appréciés des français. Toutefois, ce régime peut être amélioré notamment en vue de le rendre plus incitatif à la prévention(67).

Selon Ubirisk Consultant (société spécialisée dans l’étude, le conseil et l’expertise dans le domaine des risques naturels), 140 000 arrêtés « cat’nat’ » ont été pris depuis l’instauration du régime d’indemnisation en 1982. 70% concernent des communes victimes d’une inondation, principal péril naturel en France (loin derrière la sécheresse, qui ne compte que pour 13% des décisions). Paradoxalement, les effets du vent ou les tempêtes, un péril non pris en compte par le régime car réputé assurable, ne pèse que pour 11% du total des arrêtés(68).

L’efficacité du système d’indemnisation des catastrophes naturelles a d’ailleurs été démontrée une fois de plus lors du passage de la tempête Xynthia.

Le 28 Février 2010, une forte tempête accompagnée d’un raz de marée dévaste la côté Atlantique (cf. ANNEXE 6). Cet évènement d’une importance tout à fait inattendue a malheureusement fait 53 victimes : 35 en Vendée et 12 en Charente Maritime. En effet, cette catastrophe fût l’une des plus meurtrières depuis les deux tempêtes de 1999 en raison de la « concomitance de ce phénomène avec une marée haute de vives-eaux (coefficient de 102), qui s’est traduite par une surcote de 1,5 mètre sur le littoral, expliquant une montée des eaux assez exceptionnelle »(69).

Le 2 Mars, les pouvoirs publics décident de prendre l’arrêté de catastrophe naturel requis par l’article L125-1 du Code des assurances, mesure essentielle afin de pouvoir déclencher la mise en oeuvre de la garantie des catastrophes naturelles. Au-delà des dommages subis par les particuliers, des pans entiers de l’économie locale ont été durement et durablement touchés. Le principal secteur victime de cette tempête fût certainement l’agriculture avec plus de 500 exploitations inondées lors de la submersion marine (cf. ANNEXE 7). Brûlées par le sel, ces terres seront très certainement infertiles pendant de nombreuses années.

Outre l’état de désolation crée par le passage de la tempête Xynthia, un véritable déferlement médiatique a surgi en France à la suite de la catastrophe. Le président en exercice, Nicolas Sarkozy, a d’emblée mis l’accent sur la question des digues en relevant que celles qui protégeaient les communes touchées s’étaient brisées sous l’assaut des vagues. Certaines, vieilles de plusieurs décennies n’étaient pas entretenues adéquatement faute de moyens. Face à ces déclarations, certains élus locaux ont directement reproché au Président de la République un sous-financement étatique.

Le problème des digues de la côte Atlantique fut dès le départ au coeur de nombreux débats. Il s’agit d’un sujet complexe puisque certaines digues sont publiques et entretenues par les Conseils généraux alors que d’autres sont privées et préservées par les particuliers. Il en reste cependant un tiers qui, faute de propriétaire désignés, sont laissées à l’abandon(70).

La FFSA pu estimer que le passage de la tempête Xynthia a causé environ 470 000 sinistres, dont le coût total fut de 1,5 milliards d’euros pour les assureurs, avec notamment plus de 200 kilomètres de digues à reconstruire. (cf. ANNEXE 8). Dès le mois de mars, puis à l’approche des grandes marées d’équinoxe, des travaux ont été réalisés en urgence sur les digues endommagées afin de combler les brèches ou reconstruire les parapets. Ce constat a ainsi amené le Premier Ministre de l’époque à qualifier Xynthia de « catastrophe nationale ». 42, 6 millions d’euros ont été engagés dans ce chantier et le Gouvernement avait d’ailleurs annoncé en juillet 2012 qu’il consacrerait 500 millions d’euros sur six ans pour réaliser 1200 km de travaux de confortement ou de rehaussement des digues.

Concernant l’indemnisation des victimes, la ministre de l’économie de l’époque, Christine Lagarde, avait fixé pour la fin du mois de Mars le délai pour que les règlements interviennent dans le cadre de la garantie des catastrophes naturelles. La même mesure avait été annoncée par le Gouvernement à la suite de la tempête Klaus en 2009. Plus précisément, Bercy avait annoncé « un système d’indemnisation forfaitaire rapide pour les dégâts inférieurs à un certain montant ». Bien qu’à la suite de la tempête Klaus, certains assureurs avaient supprimés les franchises, tel ne fut pas le cas en majorité à la suite du passage de la tempête Xynthia. Seul le Crédit agricole Assurance avait ainsi décidé de supprimer les délais de déclaration et exonérer ses assurés de leurs franchises.

Mais l’expérience de la tempête Klaus n’a pas été vaine dans le cadre du processus d’indemnisation suite au désastre causé par Xynthia. En effet, les représentants de la FFSA, le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema), les banques, les experts ainsi que les pouvoirs publics ont tenté de travailler main dans la main, aussi bien lors de la période d’estimation des biens détruits que lors de la phase d’indemnisation.

Ce travail d’équipe fut très efficace puisque les premières indemnisations furent relativement rapides et de nombreux professionnels ont pu redémarrer à temps pour la saison estivale. Mais tout cela n’a pas empêché certains tâtonnements, essentiellement dus au fait qu’une grande partie des assurés connaissent mal le contenu de leurs contrats, ignorant même jusqu’au montant de leur franchise ou de leurs primes. De plus, une certaine confusion fut créée par certains assureurs promettant des gestes commerciaux, comme par exemple la prise en charge des frais de relogement, lesquels ne sont pas couverts par la garantie classique des catastrophes naturelles.

Toutefois, en définitive, et malgré certaines critiques, la plupart des dossiers de catastrophes naturelles suivant la tempête Xynthia furent clos en peu de temps. Seuls certains sinistres ont bien évidemment pris plus de temps à être indemnisés, en raison de leur importance ou encore de l’indisponibilité du prestataire pour réaliser les travaux(71).

Nous le comprenons donc bien, c’est en matière de prévention des risques d’inondation que la France doit fournir le plus d’efforts.

67 MASQUELIER T. « Trente ans d’assurance des catastrophes naturelles », La jaune et la rouge, Mai 2011 p 12.
68 www.catnat.net
69 MIGAUD D et BERTRAND JM : « les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique (Xynthia) et dans le Var », Rapport de la Cour des comptes sur les inondations de 2010, p299.
70 « Xynthia : une addition bien salée », L’argus de l’assurance, 5 Mars 2010 p 10.
71 BERNARD E. « Xynthia : après la vague », L’argus de l’assurance, 25 Février 2011 p 16.

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