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Section 1 : Un contrat d’assurance contraire à l’ordre public ?

ADIAL

Au même titre que les assurances couvrant les amendes civiles ou les pertes de points de permis de conduire, la police Kidnapping-Extorsion est parfois vue comme étant à la limite de l’assurabilité.

Selon l’article 6 du Code Civil connu de tous, « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs ». En ce sens, tout contrat dont l’objet paraitrait contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs est susceptible de se voir frappé de nullité.

En matière d’assurance, l’usage de l’article 6 du Code civil n’a pas été rare. D’abord s’agissant de l’assurance sur la vie, qui était auparavant ressentie comme immorale étant donné que « l’homme est hors de prix ; sa vie ne saurait être l’objet de commerce »(81) et qui a fini par être accepté par le Conseil d’État en 1818.

A cela peuvent s’ajouter les exemples de l’assurance du risque de grève ou encore du risque de loterie. L’assurance de ce type de risques était vue comme contraire à l’ordre public du fait de l’immoralité de ces comportements à une époque donnée.

Plus récemment, ont pu faire entendre parler d’elles les compagnies qui proposaient la couverture du risque « perte de points de permis de conduire » : bien que très lucratives, nul doute possible sur ce point, cette garantie ne saurait être acceptée dès lors qu’elle n’aurait pour seul effet d’inciter les conducteurs à violer le Code de la route, leurs transgressions étant de toute façon assurables(82).

C’est ainsi dans le même ordre d’idées que certains prônent l’illicéité de l’assurance du risque kidnapping et extorsion. Si le raisonnement de ce courant de pensée est suivi, garantir le risque kidnapping et extorsion favoriserait les actes de terrorisme ou autres menaces de la part des ravisseurs, qui sauraient leurs demandes satisfaites par les assureurs.

Cela explique que certains pays interdisent formellement l’assurance K&R : en Espagne, si elle est admise, il apparaît que cette assurance puisse être contestable devant les tribunaux du fait de sa soi-disant contribution au risque ; en Italie, le recours à la police K&R est catégoriquement interdit depuis les années 1970, à la suite notamment des problèmes avec la mafia.

Ailleurs, comme aux Pays-Bas, au Royaume-Uni (depuis 1981 seulement avec l’abrogation du « Ransom Act of 1782 ») ou en Suisse, l’assurance couvrant les risques criminels est admise, malgré les critiques(83).

Face à la coriace idée reçue selon laquelle la police K&R encouragerait les groupes criminels, les assureurs adoptent une attitude excessivement confidentielle, autant dans la divulgation des documents d’assurance (Conditions Générales) que dans le type de clients qu’ils peuvent servir.

Comme il a été souligné précédemment, le recours à une police K&R par une entreprise multinationale n’est pas même ébruité au sein même de cette entreprise, et sûrement pas aux salariés pourtant directement couverts par l’assurance (donc assurés).

Le paiement des rançons reste le point sensible des compagnies d’assurance proposant le contrat visé par les critiques. Certains ont du mal à comprendre comment des sociétés privées d’assurance peuvent vanter le fait qu’elles ont la capacité de procéder au paiement de rançons alors même que les pouvoirs publics passent leur temps à nier ce fait.

81 – Portalis, Fenet, XIV, p. 119
82 – Fin du débat en 1992, lorsque le ministre de l’Economie et des Finances prohibe l’assurance dite de « retrait de permis de conduire » qui allait jusqu’à proposer un chauffeur à l’automobiliste privé de permis.
83 – Anthony E.Fienberg, « Rançon et Kidnapping : Qu’apporte l’assurance ? », Revue Risques N°84, Décembre 2010.

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