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Section 1 : L’évolution des mesures face à l’internationalisation des échanges

ADIAL

Il est désormais fréquent d’entendre via les médias qu’un salarié d’une compagnie pétrolière ou exploitante d’énergie a fait l’objet d’une capture, au fin fonds des Philippines, de l’Amérique Latine ou encore dans le désert du Sahel.

Les exemples sont malheureusement nombreux et s’accumulent au fil des années et des gouvernements français.

Aussi est-il intéressant de voir comment les gouvernements qui se sont succédés en France répondaient et répondent aujourd’hui aux prises d’otages français et surtout aux demandes de rançons qui en découlent (I) et quelles mesures ont peu à peu été mises en place pour faire face à ce risque kidnapping (et extorsion) grandissant étant donnée l’évolution incessante de l’internationalisation des échanges (II).

I/ La problématique du paiement des rançons

Lorsqu’un ressortissant français est victime d’un kidnapping dans un pays émergent, la France entière a les yeux rivés vers le Gouvernement, attendant une réaction de sa part pour la libération immédiate de l’otage.

Les médias sont là encore un acteur important en matière de divulgation des informations, laissant peu de temps aux politiques pour prendre leurs dispositions avant que l’opinion publique n’en attende d’eux.

Les choses se passent généralement très vite et les informations concernant les prises d’otages, les libérations et les conditions dans lesquelles la libération a pu aboutir demeurent la plupart du temps très floues.

Il ressort de bon nombre d’études menées au travers de plusieurs gouvernements français successifs que la France est particulièrement défavorable au paiement des rançons demandées par les ravisseurs.

«On ne négocie pas avec les terroristes » est une phrase que beaucoup de politiques français ont prononcé, afin de préserver la crédibilité du pays, en lutte quotidienne contre le terrorisme(71).

Il est évident qu’en payant délibérément toutes les demandes de rançons qui lui seraient faites, la France ne serait pas à l’abri de voir ces ressortissants disparaître aux quatre coins de la planète. Les entreprises qui voient leurs salariés menacés voire capturés s’en remettraient sans aucune hésitation au Ministère des Affaires Étrangères pour payer.

S’en suivrait alors un cercle vicieux d’enlèvement avec demande de rançons battant chaque fois des records en termes de prix.

Ainsi la France se déclare-t-elle hostile à toute discussion avec les ravisseurs, souvent des groupes criminels organisés comme définis auparavant et autres mafias.

Pourtant, l’expression « On ne négocie pas avec les terroristes » est difficile à croire, sauf à mettre directement en péril les vies d’otages français.

Il apparaît donc après coup indispensable de négocier avec les ravisseurs, afin de mettre fin aux menaces, de venir à bout des demandes et finalement de tolérer les actes des terroristes.

A côté de la France, les États anglo-saxons utilisent un adage beaucoup plus direct : « Strike, no deal », autrement dit « frapper et ne pas transiger ». Il est pour ces pays, tels que les Etats-Unis ou l’Angleterre, inimaginable de donner une quelconque crédibilité aux groupes criminels qui tentent de se faire entendre par le biais de menaces aux entreprises et aux citoyens.

A titre d’exemple il peut être repris celui de la prise d’otage de l’Ambassade Américaine à Téhéran en 1979 lors de laquelle le gouvernement de Jimmy Carter n’a sans aucun doute pas vraiment essayé de comprendre la demande des étudiants iraniens révoltés.

Et pourtant, certains autres évènements ont pu montrer la faiblesse des États-Unis, notamment lorsqu’ils ont été contraints en 1985 de libérer des prisonniers chiites pour que soient délivrés les touristes américains à bord d’un avion détourné par des pirates du Hezbollah(72) à Beyrouth.

L’ONU insiste pourtant sur le fait qu’il est anti-démocratique de céder à la volonté des terroristes en ce sens que ce comportement incite à la reproduction de tels actes condamnables(73).

Ainsi insiste-t-elle, dans sa Résolution 1904, sur le fait que « le terrorisme ne peut être vaincu que grâce à l’adoption d’une démarche suivie et globale, fondée sur la participation et la collaboration actives de l’ensemble des États et organismes internationaux et régionaux, pour contrer, affaiblir, isoler et neutraliser la menace terroriste ».

Quoiqu’il en soit, que les négociations entre État français et groupes criminels organisés aient lieu ou non, tout est question de discrétion.

Sur la question des paiements de rançons en effet, il apparaît finalement que les français ne demandent pas d’explications sur les circonstances des libérations des otages français, l’essentiel étant que ceux-ci soient sains et saufs.

Le flou qui entoure la fin des prises d’otages semble convenir à la population française qui respecte le secret d’État.

Pour autant, cela ne garantit pas aux entreprises qu’en cas de menaces ou de captures des équipes expatriées, l’Etat français interviendrait immédiatement (autant physiquement que financièrement).

II/ Les mesures prises par l’État français visant à protéger les entreprises et l’économie françaises

Si le flou demeure persistant quant au rôle de l’État dans la libération des otages et la protection des individus français faisant l’objet de menaces dans les pays émergents au sein desquels ils sont envoyés, il n’en reste pas moins que les entreprises françaises ont davantage besoin aujourd’hui d’être soutenues et rassurées dans leur projet d’implantation dans ce genre de pays où elles se savent vulnérables.

C’est en ce sens que le gouvernement français a depuis quelques années décidé de mettre en place des mesures permettant d’accompagner au mieux ses entreprises, via son centre de gestion de crise74, et ainsi de préserver la place de l’économie française à l’étranger.

En matière de gestion de crise tout d’abord, il était urgent que la France se montre plus claire quant à l’assistance qu’elle apporterait en cas d’évènements graves à ses ressortissants.

a) Le Centre de Crise

La plaquette explicative consultable en ligne reprend les missions du centre de gestion, mettant en avant l’intervention du Gouvernement français en cas de crise.

Outre les subventions accordées aux ONG à caractère humanitaire, dont la plus connue et la plus efficace reste le CICR (dont le rôle a été détaillé auparavant), il s’agit pour le centre de crise du MAE de garantir la sécurité des français à l’étranger, parmi lesquels se trouvent les expatriés et voyageurs d’affaires.

Le 10 juillet 2013, un protocole a ainsi été signé entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense prévoyant une meilleure coopération entre les deux entités en cas de crise à gérer, notamment en termes de conduites des opérations sur le terrain, d’exercices ou de cartographie.

Une cellule de crise est par ailleurs prête à être activée en cas d’alerte pour un événement majeur survenant à l’étranger et menant en péril la sécurité de ressortissants français. Tous les moyens seront mis en oeuvre selon la complexité et la nature de l’évènement et il pourra alors être fait appel aux ONG compétentes en la matière.

En ce qui concerne les prises d’otages, outre les équipes de recherche, celles spécialisées en négociation ou gestion de crise, il pourra être sollicité le concours d’autres partenaires, pour une assistance psychologique aux otages ou leurs familles par exemple, le tout dans le respect de la souveraineté de l’État sur le territoire duquel a eu lieu l’agression.

b) Les dernières réformes de l’État français en matière de protection de ses ressortissants(75)

Depuis le 12 juillet 2011, le Ministère des affaires étrangères a mis au point sur son site(76) des conseils aux voyageurs (touristes ou voyageurs d’affaires) auxquels s’associe le dispositif ARIANE avec pour slogan « Pour votre sécurité, soyez connecté », par lequel le ministère transmet, via des messages instantanés aux voyageurs français, des recommandations de sécurité selon les actualités d’un pays donné.

Une personne qui souhaite se déplacer pour des raisons personnelles ou professionnelles dans un pays du monde pourra en connaître le « dossier-pays ».

A titre d’exemple, si vous souhaitez vous rendre au Tchad au cours de l’année 2013, il existe des recommandations strictes de sécurité comme : « Les enlèvements opérés de 2011 à 2013 au Mali, au Niger, au Nigéria et au Cameroun confirment le niveau particulièrement élevé de la menace terroriste dans l’ensemble de l’arc sahélo-saharien. (…) Les déplacements sont formellement déconseillés en zone rouge, c’est-à-dire à proximité immédiate des frontières nigérienne, libyenne, soudanaise, centrafricaine et nigériane, camerounaise (jusqu’au niveau des villes de Binder et Léré), ainsi que dans la région située au Nord du Lac Tchad (ouest et nord du demi-cercle Lac / Bol / Mao, à l’exclusion de ces deux dernières villes) ».

Par ailleurs, le dispositif ARIANE permet aux voyageurs qui ont souhaité s’inscrire de se signaler à l’étranger afin qu’ils soient facilement localisables en cas de crises.

Ces nouveaux outils mis en place par l’État français ont le mérite d’être simples d’utilisation et ont pour vocation de sensibiliser les voyageurs aux risques qu’ils peuvent encourir dans chaque pays du globe.

Les expatriés et voyageurs d’affaires pourront donc avoir recours à ce type d’application pour être conseillés et entrainés en fonction de leur lieu de destination.

Ce dispositif révolutionnaire peut tout de même avoir comme effet pervers de « cataloguer » certaines régions du monde comme étant des « zones rouges » ou au contraire « zones vertes », risquant de peser un poids sur les relations diplomatiques de la France.

Concernant les relations entreprises et État français, la France a souhaité franchir un pas de plus vers ses industries en leur apportant davantage de soutien dans leurs excursions à l’étranger, et notamment dans les pays émergents.

L’accompagnement des entreprises et leurs travailleurs expatriés par le centre de gestion de crise du MAE se trouve renforcé depuis la signature d’une Convention entre le centre et le cercle Magellan(77), annonçant une véritable coopération en matière de prévention et de gestion de crise pour les salariés expatriés et voyageurs d’affaires.

Par ces diverses réformes, il apparaît aujourd’hui plus qu’hier que l’État français se sent concerné par le bien-être des salariés français à l’étranger, étant donné les risques reconnus dans certaines zones du monde et la santé de l’économie française à l’international.

En encourageant une coopération public-privé, la France s’engage à veiller de plus près et protéger ses entreprises et tous les collaborateurs qui les composent des menaces auxquelles ceux-ci peuvent être victimes dans les pays émergents (personnes physiques comme personnes morales)(78).

Outre le fait que ce lien sensibilise encore plus les entreprises à la prise de conscience des risques qu’elles encourent (notamment le risque juridique(79)), il responsabilise aussi l’État sur l’importance de son rôle de guide, d’accompagnateur et de soutien en cas de crises.

Néanmoins, ce visage de l’État français trouve des limites plus ou moins justifiées, limites qui semblent permettre de légitimer le recours à des sociétés d’assurance privées pour les entreprises qui souhaitent se couvrir au maximum.

71 – Il peut être fait allusion en dernier lieu au Président François Hollande, à la tête de l’Etat français lors de la capture de la famille Moulin-Fournier, pour laquelle il a justement prononcé cette phrase au moment des demandes d’explications concernant les circonstances de la libération des victimes.
72 – Le Hezbollah, en arabe « Parti de Dieu », est une milice chiite islamiste principalement soutenue par l’Iran.
73 – http://www.un.org/News/fr-press/docs/2009/CS9825.doc.htm
74 – Pour toutes les informations concernant le Centre de gestion de crise du MAE, plaquette explicative à consulter sur : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/29-Centre_de_crise-plaquette.pdf
75 – Discussion sur ce sujet à l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cafe/12-13/c1213049.asp
76 – http://www.diplomatie.gouv.fr/
77 – Le Cercle Magellan, créé en 1998, est un réseau professionnel regroupant les Ressources Humaines de plusieurs centaines de multinationales françaises afin d’échanger sur les problématiques actuelles touchant entre autres la mobilité internationale des salariés. – Pour davantage d’informations suer cet organisme et la Convention signée : http://www.magellan-network.com/
78 – V. Partie I « Le Risque Kidnapping et Extorsion : réalités et actualités ».
79 – V. Partie I, Titre II.

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