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SECTION 1 : LES TEMPERAMENTS CIVILS

ADIAL

Un commentateur de l’arrêt Leroux du 18 juillet 2010 avait intitulé son article « L’assurance-vie
est-elle toujours hors succession ?(11) ». Cet angle d’approche montre clairement que l’enjeu de la
qualification de l’assurance-vie mixte en véritable opération d’assurance ou au contraire en
opération de capitalisation est l’éviction des règles successorales. Cette préoccupation est
également consubstantielle aux analyses de Michel Grimaldi pour qui « en aucun cas, l’assurance-
vie ne doit être le manteau sous lequel on pourrait soustraire un temps ses actifs au gage de ses
créanciers, détourner l’épargne de la communauté, vider la réserve héréditaire(12) ».

Cette controverse liée à la qualification et au caractère aléatoire de l’assurance-vie a été éteinte,
nous l’avons vu, par les arrêts du 23 novembre 2004. Les autorités de droit patrimonial de la famille
doivent se résoudre à l’évidence. Le droit spécial des assurances a vocation à régir les rapports
patrimoniaux des époux souscripteurs d’un contrat d’assurance-vie, et à protéger la communauté
et les héritiers par le critère de l’excès.

Les tempéraments civils au caractère hors succession de l’assurance-vie sont donc à titre
principal le caractère exagéré des primes (2.) et de façon plus secondaire certaines réminiscences
du caractère d’ordre public de la réserve héréditaire (1.).

1. L’ORDRE PUBLIC DE PROTECTION DE LA RESERVE

Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8 juillet 2010 casse un
arrêt d’appel pour défaut de réponse aux conclusions « qui faisaient valoir que le souscripteur avait,
dans son testament, exprimé la volonté que le capital d’assurance-vie soit pris en considération pour
le calcul de la réserve et de la quotité disponible en précisant que ce capital devrait être inclus dans le
lot de sa fille(13) ». La haute juridiction semble ainsi affirmer qu’il est possible d’attribuer le bénéfice
d’une assurance-vie à titre de legs et de l’inclure dans la succession.

Cette solution est compatible avec l’ordre public de protection de la réserve qui sanctionne
les seules atteintes à celle-ci. L’ordre public des assurances de l’article L. 111-2 est par contre
atteint. Cependant, là encore, il s’agit d’un ordre public de protection des souscripteurs. Par ailleurs,
il est possible de se demander si l’interdiction de la modification « par convention » s’étend
également aux actes unilatéraux tels que le testament(14).

La solution se justifie en ce que l’éviction des règles successorales est seulement un moyen
de faciliter une transmission de valeur. Le souscripteur peut toujours stipuler le contraire et
s’attacher à partager équitablement son patrimoine, l’assurance-vie n’étant plus qu’une
composante de celui-ci. Cette volonté doit être suffisamment caractérisée(15). Selon Michel Grimaldi,
« le souci de drainer l’épargne vers les produits d’assurance-vie(16) » devrait justifier en pareille
hypothèse l’application du régime fiscal de l’assurance-vie. De la même manière, un auteur
considère que « le risque fiscal est nul », la volonté des parties ne pouvant les placer en dehors de
la loi fiscale(17).

Ce tempérament civil à l’éviction des règles de l’ordre public et de la réserve est justifié par
une analyse de la volonté du souscripteur et de la rédaction de la clause bénéficiaire. Au contraire,
le caractère de l’excès des primes s’impose en toute circonstance parce qu’il constitue le garde-fou
contre l’atteinte manifeste aux droits des héritiers (2.).

2. L’EXCEPTION DES PRIMES MANIFESTEMENT EXCESSIVES

L’article L. 132-13 du code des assurances dispose que « le capital ou la rente payable au
décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à
succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ». L’alinéa
2 introduit une limite à ce principe en énonçant que « ces règles ne s’appliquent pas non plus aux
sommes versées par le contractant à titre de rimes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement
exagérées eu égard à ses facultés ». La doctrine est divisée sur la question de savoir sur le montant
sur lequel dit porter le rapport et la réduction. Certains auteurs penchent en faveur de la part de
prime excessive(18) tandis que d’autres pensent que ces actions portent sur la totalité des primes(19).
Cette question de droit importante n’est malheureusement pas tranchée par la Cour de cassation(20).
L’appréciation du caractère excessif des cotisations est délicate. L’administration considère
qu’il n’y a pas lieu de fixer des critères légaux de la mesure de l’excès(21) et que cette appréciation
relevait du pouvoir d’appréciation des juges du fonds(22). En 2004, la Cour de cassation reprend le
contrôle du caractère excessif qui doit s’apprécier eu égard aux facultés du souscripteur au
moment du versement au regard de l’âge et des situations patrimoniales et familiale du
souscripteur(23).

Pour Jean Aulagnier, « il y a ‘primes exagérées’ dès qu’elles ont été prélevées sur le
patrimoine et non sur l’excédent des revenus courants(24) ». L’analyse de la jurisprudence montre que
l’appréciation de l’excès est plus nuancée. La seule certitude est que l’excès ne peut résulter du seul
dépassement de la quotité disponible(25). Il semble se dégager trois critères d’appréciation
principaux.

L’excès peut d’abord être caractérisé par l’excès par rapport au patrimoine du souscripteur.
Ont été jugées excessives les primes représentant plus du tiers de l’actif du souscripteur(26), de deux
tiers de l’actif du patrimoine(27), de quarante pour cent de l’actif successoral(28), de la moitié du
patrimoine mobilier et immobilier(29), ou encore de soixante pour cent des liquidités(30). La pratique
considère que le risque de la reconnaissance du caractère excessif des primes est négligeable
lorsqu’elles représentent vingt pour cent du patrimoine et réel dès lors qu’elles dépassent un tiers
du patrimoine.

Un autre critère d’appréciation s’effectue par rapport aux revenus. Il rejoint celui préconisé
par Jean Aulagnier. Les juges du fonds ont pu ainsi rechercher si les primes étaient supérieures aux
revenus perçus pendant la période de versement en cas de primes excessives ou pendant une
année en cas de prime unique(31).

Le dernier critère qui ressort de l’analyse de la jurisprudence est celui de l’utilité de
l’opération pour le souscripteur. En 1997, la Cour de cassation a validé le critère de « l’utilité de
l’opération pour le souscripteur et de l’âge de celui-ci(32) ». La haute juridiction a en ce sens approuvé
des juges du fonds ayant retenu l’absence d’utilité pour un souscripteur âgé de 84 ans à la
souscription(33).

Le critère de l’excès permet de soumettre à récompenses les primes ayant pour effet
manifeste de porter atteinte à la réserve successorale. L’assurance-vie ne permet pas d’écarter
totalement le droit des héritiers. Par ailleurs, la circulation du bénéfice peut faire l’objet d’une
taxation fiscale (SECTION 2).

11 D. Faucher et F. Sauvage, L’assurance-vie est-elle toujours hors succession ?, J.C.P.N. 24 nov. 2000, n° 47, p.
1683
12 M. Grimaldi, Réflexions sur l’assurance-vie et le droit patrimonial de la famille, Defrénois, 1994, art. 35841,
n° 30, p. 756
13 Cass. Civ. 1ère, 8 juill. 2010, R.T.D.Civ. 2011, p. 167, obs. M. Grimaldi
14 A. Depondt, Assurance-vie : les incohérences du droit positif (seconde partie), J.C.P.N. 2010, 1173
15 Cass. Civ. 1ère, 20 mai 2009, D. 2009. 1537
16 M. Grimaldi, obs. préc.
17 A. Depondt, Assurance-vie : les incohérences du droit positif (seconde partie), J..P.G.N. 2010, 1173
18 J. Kullmann (dir.), Lamy Assurances, n° 3227 se basant sur l’exposé des motifs de la loi du 13 juillet 1930
19 Perreau. La réduction, le rapport et la récompense des primes ou du capital dans l’assurance-vie, R.G.A.T
1931, 721
20 Civ. I, 1er juillet 1997, note J. Bigot, R.G.D.A.1 juillet 1997, p. 820
21 Rép. Min. à QE n0 49208, JOAN Q. 6 juill. 1992, p. 3050
22 Cass. Civ. 1ère, 11 mars 1997, R.C.A. 1997, comm. n° 141
23 Cass. Ch. mixte, 23 nov. 2004 et Rapp. Cass. 2004, Doc. Fr. 2005, p. 354
24 J. Aulagnier, Peut-on échapper à une réforme de l’assurance-vie, J.C.P.N. 1996, 3893, n° 15
25 Cass. Civ. 2ème, 4 juillet 2007, RGDA 2007, p. 881, note L. Mayaux
26 CA Riom 6 avril 1995 confirmé par Cass. Civ. 1ère, 1er juillet 1997
27 CA Paris 3 octobre 2000
28 CA Douai 29 mars 1999
29 CA Paris 2 octobre 2001, CA Lyon 8 mars 2001
30 CA Colmar, 19 novembre 1998
31 Cass. Civ. 1ère, 18 mars 1997, n° 94-21.396
32 Cass. 1er juillet 1997, précité
33 Cass. Civ. 1ère 15 juillet 1997

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