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Section 1 : Les apports de la loi du 30 décembre 2002

ADIAL

§1. L’assurabilité des professionnels et des établissements de santé en péril

Comme évoqué précédemment, initialement une jurisprudence favorable aux assurés s’était développée: la Cour de cassation décidait en effet que la garantie était acquise pour tout sinistre survenu pendant la période de validité du contrat, c’est-à-dire entre la date de prise d’effet du contrat est son expiration et ce même si les dommages étaient déclarés postérieurement à la réalisation du contrat. Ces dommages étaient couverts dès lors que leur fait générateur, l’acte médical, s’était produit pendant la période de validité du contrat(124).

Dans les faits, la condamnation des clauses base réclamation, ou « claim’s made » exigeant que la réclamation de la victime intervienne avant l’expiration du contrat, s’est faite par étapes: elles ont tout d’abord été déclarées inopposables à la victime(125), ce qui signifie que l’assureur était tenu d’indemniser la victime puis de se retourner contre son assuré pour obtenir le remboursement de l’indemnité versée.

Ensuite, dans le souci de protéger tant l’assuré que la victime, elles ont été déclarées nulles par une série de sept arrêts rendus le même jour par la première chambre civile de la Cour de cassation(126).

Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a réitéré sa position et il était clair que toute clause qui avait pour effet de limiter la garantie à une durée inférieure à celle de la responsabilité de l’assuré était réputée non écrite(127)

Les clauses claim’s made sont ainsi réputées nulles et le sinistre est daté au jour du fait dommageable.

Par exception à cette jurisprudence, la Cour de cassation a reconnu la validité des clauses réclamations de la victime édictées par le pouvoir réglementaire lorsqu’il a institué des obligations d’assurance, comme pour les centres de transfusions sanguines(128). Il est vrai que bon nombre d’assurances obligatoires définies par le pouvoir réglementaire utilisaient le système claim’s made pour dater le sinistre, la Cour de cassation était liée par les textes réglementaires.

Plus tard, le Conseil d’État saisi de la question adopte la même analyse que les juges judiciaires et répute nulle la clause « claim’s made »(129).

Le changement est intervenu à cause ou grâce à l’assurance obligatoire imposée aux professionnels de santé par la loi Kouchner de 2002. Avant 2002, les professionnels de santé exerçant à titre libéral n’avaient aucune obligation d’assurance de responsabilité civile. Du fait du fonctionnement de la jurisprudence de la Cour de cassation en base « fait dommageable », les assureurs ont estimé que le système ne leur permettait d’avoir aucune maitrise de la garantie dans le temps et que le marché ne pouvait pas proposer une telle garantie dans le temps. De ce fait ils ont fait savoir leur intention de résilier l’ensemble des contrats du secteur au 1er janvier 2003 et de se retirer du marché.

En effet, la loi du 4 mars 2002 prévoyait une garantie dans le temps « ingérable »: elle instituait une prescription de dix ans pour la responsabilité médicale mais ne faisait courir le délai qu’à compter de la consolidation de l’état de la victime, ce qui en fait pouvait prolonger la durée du risque, et celle corrélative de la garantie d’assurance, de quelques dizaines d’années. De plus, « la consolidation ne peut être une date repère parce qu’elle est inconnue, instable et fuyante »(130).

Face à cette pression, les pouvoirs publics se devaient d’intervenir au regard des conditions d’assurabilité du secteur médical dans le but de rassurer les professionnels et les établissements de santé.

Pour cela la loi About du 30 décembre 2002(131) est venu légaliser un système de réclamation en assurance responsabilité civile médicale. Elle n’a pas modifié la disposition relative à la durée de la responsabilité civile mais a préféré dissocier la durée de la garantie d’assurance de celle de la responsabilité.

Cette réforme a ainsi permis d’adapter les contrats d’assurance à la spécificité des dommages consécutifs à des accidents médicaux à savoir qu’ils peuvent survenir des années après la réalisation des actes de soins. Cette réforme permet plus précisément de prendre en compte les dommages consécutifs à des produits de santé dans la mesure où ce type de produits présente, par nature, des incertitudes quant à son caractère inoffensif.

Quelques mois plus tard, la loi du 1er août 2003 dite loi de sécurité financière(132) est venue généraliser le système de réclamation pour les assurances de responsabilité civile couvrant un risque professionnel.

§2. L’application du contrat dans le temps: la validation des clauses réclamation

Le gouvernement ayant pris la mesure du péril, la loi du 30 décembre 2002 a été promulguée. Elle introduit un nouvel article L.251-2 dans le Code des assurances qui vise à préciser le régime juridique des contrats souscrits par les professionnels et établissements de santé en application de l’obligation d’assurance qui leur est imposée par l’article L.1142-2 du Code de la santé publique.

La loi About vient préciser la définition de termes essentiels tels que la notion de sinistre définie comme « un ou des dommages qui engagent la responsabilité de l’assuré et qui résultent d’un ou de faits générateurs ayant la même cause technique, imputables aux activités garanties dans le cadre du contrat et ayant donné lieu à réclamation »(133).

Surtout la nouvelle loi vient règlementer la période de garantie prévue au contrat d’assurance de responsabilité médicale en condamnant le régime qu’imposait jusqu’alors la Cour de cassation (système fait générateur) et en imposant le système base réclamation.

Le principe est désormais le suivant: l’assureur ne doit sa garantie que pour les dommages ayant fait l’objet d’une réclamation pendant la période de validité du contrat(134). Autrement dit, il doit garantir les sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat dès lors que le fait générateur est survenu dans le cadre des activités de l’assuré garanties au moment de la première réclamation.

En contrepartie, de cette restriction temporelle, la loi About a institué une garantie subséquente obligatoire. L’assureur est alors tenu de couvrir les sinistres faisant l’objet d’une réclamation pendant au moins cinq ans à compter de la résiliation du contrat si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date et s’ils résultent d’un fait générateur survenu pendant la période de validité du contrat(135). Cette durée peut être supérieure si les parties en conviennent et elle est portée à dix ans lorsque le contrat d’assurance est le dernier contrat avant la cessation d’activité ou la mise à la retraite du professionnel. En revanche, afin de préserver la continuité, la garantie ne peut pas être plafonnée par le contrat d’assurance à un montant inférieur à celui applicable pour la dernière année d’activité assurée.

Le texte consacre également une disposition traditionnelle du droit des assurances en imposant une clause de reprise du passé inconnu. Cette clause permet d’écarter les sinistres antérieurs au contrat connus de l’assuré lors de la souscription du contrat.

Par ailleurs, en cas de succession de garanties, la loi pose le principe selon lequel « lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation ».

Autrement dit, la garantie subséquente ne serait pas appliquée dans ce cas.

Il convient de souligner que l’adoption du régime base réclamation présente de très nombreux avantages par rapport au régime fait générateur. Tout d’abord il permet une reprise du passé. De plus, il donne beaucoup plus de clarté et de visibilité pour l’assureur au niveau du calcul de la prime nécessaire pour garantir le risque. En effet, le jour de la résiliation du contrat, les comptes peuvent faits de façon quasi instantanée.

Par ailleurs, les dommages consécutifs à des accidents médicaux et encore plus fortement ceux causés par des produits de santé, pouvant survenir longtemps après la réalisation des actes de soins, ce système base réclamation évite pour l’assuré la délicate recherche de l’assureur et le risque de découvrir que les garanties prévues à l’époque ne sont plus adaptées notamment en terme de montant. C’est ainsi l’intérêt de voir le sinistre garanti par un assureur présent sur le marché et à partir d’un contrat récent.

Toutefois, si ce système permet de combler certaines lacunes du régime instauré par la loi du 4 mars 2002, il encourt plusieurs critiques et appelle tôt ou tard une réforme de fond.

124 Art. L.124-5 al.3 du C. ass
125 Cass. civ 1ère, 22 janv. 1985, RGAT 1985, p. 410
126 Cass. civ 1ère, 19 déc. 1990, n° 88-12.863, Bull. Civ. 1990, I, n°303
127 Cass. civ 1ère, 16 déc. 1997, n°94-17.061, JCP G 1998, II, n° 10018, rapport Sargos P.
128 Cass. civ 1ère, 9 mai 1994, n°92-12.990, Bull. Civ. I, n°168, RGAT 1994, p. 647, note Bigot J.
129 CE, 29 déc. 2000, « Beule », RGDA 2001, p. 33
130 LAMBERT FAIVRE Y., « la responsabilité médicale: la loi du 30 décembre 2002 modifiant la loi du 4 mars
2002 », D. 2003, chron. p.361 et s. sur l’inassurabilité de certaines responsabilités professionnelles
131 L. n° 2002-1577 du 30 déc. 2002, JO 31 déc.
132 L. n° 2003-706, RGDA 2003, p. 670
133 Art. L.251-2, al. 1 C. ass
134 Selon l’art. 251-2, al.2 C. ass, « constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d’un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l’assuré ou à son assureur ».
135 Art. L.251-2, al.4 C. ass

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