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SECTION 1 : LE REJET DE LA NOTION DE PRIME MANIFESTEMENT EXAGEREE

ADIAL

A l’occasion de l’arrêt Daignan, l’alternative possible pour la haute juridiction était de soumettre
les primes versées, soit à récompense intégrale, soit à récompense en cas de primes manifestement
excessives. Cette dernière solution, qui fait primer la logique des utilités, est défendue par certains
auteurs par le biais d’une interprétation par analogie de l’alinéa 2 de l’article L. 132-16 qui prévoit
la dispense de récompense(29).

La haute juridiction consacre ici l’application du droit des régimes matrimoniaux et soumet les
primes à récompenses intégrales. Des auteurs regrettent ainsi que l’arrêt « ne comporte aucune
allusion au montant des primes versées, la Cour de cassation paraissant totalement indifférente à
l’importance des sommes détournées de la communauté ». C’est que cette espèce concernait un pur
contrat d’assurance décès souscrit à fonds perdus.

Une récompense est due sur l’assiette des primes versées, ce qui peut être discutable, (1.)
mais sans aller jusqu’au capital (2.).

1. UN DROIT A RECOMPENSE ASSIS SUR LE MONTANT DES PRIMES VERSEES

En faisant application de l’article 1437 du Code civil(30), la haute juridiction considère que le
payement de primes d’assurance constitue un acquittement de charge personnelle à l’un des
époux. La récompense est assise sur le montant des primes versées, c’est-à-dire la dépense fait,
faute de profit subsistant.

Le fondement retenu par la Cour de cassation semble être discutable, pour deux raisons.
Tout d’abord, il n’est pas possible de trouver un profit personnel pour le conjoint souscripteur
d’une assurance temporaire décès. Cette assurance-vie est une opération de prévoyance et ne peut
avoir de valeur patrimoniale(31). Ensuite, il faut relever la contradiction avec un arrêt « Praslicka » qui
a considéré que la valeur d’un contrat d’assurance-vie non dénoué devait être intégré à la
communauté lors de la liquidation du régime matrimonial. Pour Jean Bigot, « en bonne logique, si
la valeur du contrat en cours d’exécution, fait partie de l’actif commun, et doit être arrêtée à sa valeur
au jour de la dissolution de la communauté (arrêt Praslicka), si cette valeur est nulle, parce que le
contrat ne comporte pas de valeur de rachat, sur cette valeur nulle les époux n’ont rien à se
partager(32) ».

La justification de cette solution par certains auteurs se trouve dans une interprétation très
extensive de l’article 1437 du Code civil. Pour Guy Courtieu, « certes le terme de profit est inadapté,
mais cela signifie seulement qu’il appartient au juge de rechercher si la désignation bénéficiaire
répond à un objectif commun de protection de la cellule familiale ou à des préoccupations
personnelles du souscripteur dépourvues de toute légitimité(33) ». L’argument serait alors de définir le
profit personnel comme une dépense inutile du point de vue de la communauté, par opposition à
la reconnaissance d’un intérêt extrapatrimonial de l’époux souscripteur. On peut cependant
préférer une requalification en donation indirecte des primes d’assurance-vie, amenant à la même
solution mais de façon plus rigoureuse(34).

Une partie de la doctrine, très favorable aux droits communautaires, a milité pour une
extension de la récompense qui devrait avoir pour assiette le capital (2.)

2. L’EXCLUSION DU CAPITAL DANS L’ASSIETTE DU DROIT A RECOMPENSE

Certains auteurs ont voulu accroitre l’assiette de la récompense en faisant application de
l’article Article 1469 du Code civil aux contrats d’assurance-vie. Celui-ci dispose que « la
récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite
et le profit subsistant […] Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur
empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la
liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou
amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau
bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. ». Le raisonnement est de
dire que la prime a servi à devenir propriétaire d’un bien, le capital, qui est ensuite donné à un tiers.

La question est alors de savoir si « la valeur du contrat est-elle égale au montant des primes
payées cumulées ou au montant du capital assuré, ce qui fera bénéficier la communauté non pas des
intérêts capitalisés s’agissant d’une assurance temporaire-décès, mais du bénéfice de mortalité
procuré par la technique de l’assurance de répartition ?(35)». La réponse ne peut faire aucun doute. De
par le mécanisme de la stipulation pour autrui, le bénéficiaire dispose d’un droit direct contre
l’assureur. Le capital n’est jamais entré dans le patrimoine du stipulant.

L’extension de la récompense au capital est plus délicate à écarter concernant les contrats
disposant d’une valeur de rachat(36). Une interprétation consisterait alors à affirmer que
« l’investissement réalisé concrétiserait la « dépense d’acquisition » d’un bien nouveau, la créance
contre la compagnie d’assurances, susceptible « d’aliénation » lorsque l’acceptation de l’attributaire
prive le contractant du droit de rachat dont il jouissait jusqu’alors(37) ». Comme on le verra par la suite
à l’occasion de l’étude des contrats non dénoués, le rachat est un droit personnel au souscripteur. Il
est impropre de parler d’aliénation de la créance de rachat. L’acceptation met un terme à
l’indisponibilité – discutée – de ce droit(38).

Finalement, seules les primes constituent l’assiette de la récompense due à la communauté.
Un auteur l’explique par analogie à un contrat aléatoire de jeu. Selon lui, « la valeur d’un billet de
loto est a priori le prix payé à la Française des jeux pour l’acquérir et non le montant du lot qu’il fera
gagner à son porteur39 ». Comme nous avons eu l’occasion de l’écrire précédemment, le contrat
d’assurance-vie s’éloigne du pari. Il conserve un certain caractère commutatif en octroyant dès sa
conclusion, un service au souscripteur, qui est la certitude de la couverture des conséquences d’un
risque défavorable.

En cela, l’indifférence à la durée pendant laquelle le conjoint avait pu être couvert du risque
de décès de son époux aurait pu être prise en compte (SECTION 2).

29 J. Bigot, op. cit.
30 Art. 1437 C. civ : « Toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes
ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat
des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et
généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il
en doit la récompense »
31 A. Trescases, Assurances et droit des régimes matrimoniaux, Defrénois, coll. Doctorat et notariat, 2006,
no 570
32 J. Bigot, note sous Cass. 1re civ., 10 juillet 1996, R.G.D.A. 1996, p. 693
33 G. Courtieu, J.-Cl. Civil Annexes, V° Assurances, fasc. 15-20, n° 116
34 F. Sauvage, La communauté qui a financé la souscription d’une assurance-vie doit-elle être récompensée lors
du divorce ?, D. 1998, p. 26
35 F. Sauvage, op. cit.
36 Sur cette notion, voir supra titre 2
37 H. Groutel (dir.), Traité du contrat d’assurance terrestre, éd. Litec, 2008, n° 2211, p. 1516
38 Voir Titre 2, section 1, 1.
39 F. Sauvage, La communauté qui a financé la souscription d’une assurance-vie doit-elle être récompensée
lors du divorce ?, D. 1998 p. 26

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