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Section 1 : Le manque d’encadrement du régime de l’assurance de responsabilité civile médicale des produits de santé

ADIAL

§1. Un objet en apparence limité

A première vue, l’obligation d’assurance recouvre un large domaine puisque sont assujettis à cette obligation « les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements de santé, services de santé et organismes exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé, à l’état de produits finis, utilisés à l’occasion de ces activités »(107).

D’autre part, l’obligation d’assurance englobe les dommages qui pourraient être causés par leurs salariés agissant dans la limite de la mission qui leur est impartie et ce même s’ils disposent d’une certaine indépendance dans l’exercice de l’art médical.

Par conséquent, un nombre fort important de professionnels sont concernés. De surcroit, le défaut d’assurance expose le professionnel, personne physique ou morale, à des sanctions pénales (amendes) et des interdictions d’exercer(108).

Enfin, l’assurance obligatoire appréhende toute responsabilité de l’assuré qu’elle soit civile, administrative, contractuelle ou délictuelle. Ainsi, tous les manquements, la faute, la négligence, la maladresse ainsi que la responsabilité objective doivent être assurés à l’exception bien entendu de la faute intentionnelle qui selon le droit commun n’est jamais assurable.

Le législateur a tenté de limiter ce large domaine d’application en visant uniquement les dommages subis par des tiers résultant d’atteinte à la personne. Autrement dit, seuls les dommages corporels sont pris en compte à l’exclusion des dommages matériels.

Par ailleurs, la garantie d’assurance en cas de sinistre est conditionnée puisque le dommage doit avoir été causé dans l’exercice légal de la profession, de plus l’activité professionnelle doit avoir été déclarée à l’assureur pour être garantie.(109)

Toutefois, cette tentative d’encadrement, pourtant indispensable au bon fonctionnement du régime d’assurance, n’est pas suffisante. En effet, l’article L.1142-2 du Code de la santé publique dresse un cadre général des risques à garantir, en dehors de ce cadre la liberté contractuelle reprend ses droits. Dans la pratique, les contrats fonctionnent le plus souvent en « tous risques sauf » avec l’énumération des clauses d’exclusion de garantie par lesquelles les parties conviennent que certains risques listés ne seront pas pris en charge par l’assureur.

Il est regrettable que le législateur ne se soit pas inspiré de la voie choisie pour l’assurance automobile et qu’il n’ait pas dressé un inventaire des exclusions acceptables dans l’assurance de responsabilité des professionnels de santé(110). Par conséquent, la validité de telles clauses est soumise aux conditions de droit commun définies à l’article L.113-1 du Code des assurances. Cet article dispose que les clauses d’exclusion de garanties doivent être formelles, limitées et apparentes.

Le caractère formel est respecté lorsque la clause est claire et précise et que de ce fait l’assuré soit en mesure de saisir précisément la portée de sa garantie, les cas et les conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre.

D’autre part, l’exigence de limitation impose à ces clauses de ne pas priver l’obligation d’assurance de son objet. Autrement dit elles ne doivent pas vider le contrat d’assurance de sa substance.

A ce titre, l’exclusion « en cas d’atteinte aux règles de l’art » ou encore « en cas d’actes non conformes à la déontologie » fait débat. Un arrêt a été cassé récemment pour avoir validé la clause d’exclusion de la garantie « en cas d’infraction à un ensemble de règles de sécurité à bord d’un navire » au motif que les juges du fond n’avaient pas recherché si « ces règles n’entrainaient pas, pour l’assuré, une incertitude sur la garantie qui lui était due par l’assureur »(111) Pour ne pas être remise en cause, la clause d’exclusion devrait déterminer précisément quelles sont les règles de l’art dont la violation entrainerait l’absence de garantie.

Dans le même sens et pouvant s’appliquer au domaine médical, ont été réputées non écrites des exclusions de garantie en cas de dommage lié à l’utilisation de « procédés techniques non homologués »(112) ou encore celles visant « l’exercice anormal des fonctions »(113).

§2. Le flou autour du montant de la garantie

Le manque d’encadrement est également présent au stade de l’indemnisation. Ce laxisme est préjudiciable aussi bien pour les assurés c’est-à-dire les professionnels et les établissements de santé que pour les victimes d’accidents médicaux.

Tout d’abord, le régime de l’assurance de responsabilité civile des professionnels de santé est lacunaire en termes de montant de garantie.

En effet, bien que des seuils aient été fixés par la loi: le montant de la garantie ne pouvant pas être inférieur à 3 millions d’euros par sinistre et à 10 millions d’euros par année d’assurance(114), la liberté de plafonner ce montant est expressément prévue à l’article L.1142-2 du Code de la santé publique.

Cette autorisation légale de réduction de la couverture d’assurance des médecins par le jeu de plafonds de garantie a été mise en œuvre pour faire revenir les assureurs sur le marché de la responsabilité civile professionnelle des médecins.

Cette liberté de réduction de la couverture d’assurance donne naissance à des pratiques divergentes selon les assureurs. Selon le rapport de l’IGAS (Inspection Générales des Affaires Sociales en 2007, tous les contrats fournis par le BCT (Bureau Central de Tarification) seraient plafonnés à 3 millions d’euros, par ailleurs, il apparaît que certaines compagnies d’assurance ne pratiqueraient pas de plafond et enfin que d’autres proposeraient un tarif différencié selon le plafond appliqué.(115)

Ces pratiques diverses sont inévitablement sources d’inégalités entre les professionnels de santé qui sont ainsi plus ou moins bien assurés en fonction de leur choix d’assureur. Ce flou est regrettable puisque au-delà du plafond, le patrimoine personnel des médecins sera sollicité.

Outre ce manque de rigueur dans la détermination du montant de garantie au détriment des médecins, les incertitudes concernant les modalités de mise en œuvre de ces seuils sont préjudiciables aux victimes. En effet, le mode de répartition des sommes plafonnées en cas de pluralité de victimes ne fait l’objet d’aucune directive légale. Le législateur a laissé cette question à la liberté contractuelle ce qui apparaît peu satisfaisant.

Un auteur a mis en évidence les deux modalités envisageables: le principe de proportionnalité et l’épuisement progressif du plafond ainsi que les difficultés d’application de chacune.(116)

S’agissant du principe de proportionnalité, des doutes subsistent notamment lorsque les victimes ne présentent pas leurs réclamations au même moment et que la somme des indemnités est susceptible de dépasser le plafond.

Des réserves existent aussi pour la règle de l’épuisement progressif du plafond. Selon un premier système, le plafond serait entamé à compter du paiement effectif de la victime. Or cela entraine une discrimination entre les victimes indemnisées par transaction et celles qui ont choisi la voie contentieuse, cette dernière étant plus longue. Le risque serait alors que les victimes se précipitent et acceptent une indemnisation plus faible que celle à laquelle elles auraient pu prétendre. Un système d’épuisement du plafond en fonction de l’ordre chronologique des réclamations paraît plus opportun.

Ce manque de rigueur donne lieu à des incertitudes pour les professionnels de santé ainsi que pour les victimes. En effet, le législateur entend donner à la liberté contractuelle une place prépondérante que ce soit en terme d’exclusion de garantie que s’agissant du montant de cette dernière. Des réformes à la fois du régime de l’assurance médicale à proprement parler et de manière générale de l’indemnisation du dommage corporel apparaissent nécessaires.

107 Art. L.1142-2 du C. santé publ.
108 Art. L.1142-25 et L.1142-26 du C. santé publ.
109 Art. L.251-2 du C. ass
110 Comp. avec art. R.211-10 et R.211-11 du C. ass
111 Cass. civ 2ème, 22 janv. 2009, n°06-11.650
112 Cass. civ 1ère, 24 févr. 1982
113 Cass. civ 1ère 29 janv. 1985, Bull. Civ. I, n°38
114 Art. R.1142-4 du C. santé publ.
115 Rapport de l’IGAS, « l’assurance en responsabilité civile médicale », février 2007, annexe 4, p.13 et suiv.
116 CORGAS-BERNARD C., « l’assurance de responsabilité civile des professionnels libéraux de santé », RDSS, 2010, p.75

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