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Section 1 : L’appréhension du risque K&R par l’assureur

ADIAL

Avant de répondre à la proposition d’assurance faite par un client prospect, souvent par l’intermédiaire d’un courtier, l’assureur se doit d’analyser le risque qu’il s’apprête à accepter. Pour cela, il a recours, comme lors de toute négociation d’assurance, au questionnaire d’assurance (I), afin de pouvoir ensuite mettre en place des limites contractuelles adaptées, là encore selon la procédure habituelle (II).

I/ Déclaration de risque et questionnaire : une étape-clé pour l’assureur K&R

Aux vues du questionnaire en annexe(49), les mêmes interrogations sont souvent faites aux potentiels clients de la police Kidnapping et Extorsion.
Les risques de kidnapping et d’extorsion sont très délicats et leur probabilité comme leur intensité peuvent varier d’un pays à l’autre mais également d’une branche d’activité à l’autre.

Ainsi, les assureurs semblent avoir pour habitude de demander à leurs clients ou prospects, outre le chiffre d’affaire de l’entreprise (outil de calcul de la prime), la nature de l’activité. Il apparaît en effet évident, pour n’importe quel type de police, de savoir ce quel type d’activité le client exerce afin de pouvoir en dessiner les risques que ce dernier encourt.

En matière de Kidnapping et Extorsion, la nature de l’activité du client est d’autant plus importante que certaines branches se révèlent être plus menacées que d’autres. Selon l’étude de International SOS(50) , et contrairement à ce qu’on a tendance à entendre, les journalistes et autres professionnels des médias ne sont pas les premiers touchés par la prise d’otage (bien qu’il faille reconnaître que leur présence sur les terrains hostiles favorisent leurs enlèvements) : on trouve alors parmi les professions les plus concernées le secteur de la défense ou de l’aérospatial, auxquelles s’ajoutent évidemment les entreprises exploitatrices d’énergies ou de pétrole.

Par ailleurs, la zone d’expatriation est une question primordiale pour l’assureur K&R. Du lieu de destination dépendra forcément le montant de la prime, certaines zones du monde étant beaucoup plus risquées que d’autres.

Ainsi en 2013 est-il certainement plus dangereux d’aller au Mali ou en Egypte qu’il y a plusieurs années, la situation politique étant devenue particulièrement instable.

Pourtant, il faut impérativement noter que les zones dites « dangereuses » (ou « zones rouges ») sont amener à changer d’une année à l’autre. Les assureurs K&R seront donc contraints d’avoir recours à des études et des statistiques très strictes chaque année pour réévaluer chaque partie du monde en termes de criminalité.

Autre précision non moins importante que le prospect devra donner à la compagnie d’assurance : la sécurité déjà en place. L’assureur tentera effectivement de connaitre la situation actuelle de l’entreprise au niveau de la sécurité pour estimer son degré de responsabilisation et d’avance sur la mise en place de cellule de crise, etc… Pour exemple, la présence d’un risk manager dans la société cliente ou son choix du recours à la RSE vue auparavant séduira forcément l’assureur qui appréciera la réaction du client face aux risques criminels.

Un client déjà conscient du risque sera forcément moins sinistré puisque plus ancré dans la prévention. Autant de travail que l’assureur n’aura pas à faire.
La compagnie d’assurance cherchera également inévitablement à connaitre le passé de l’organisation prospecte concernant les menaces d’extorsion et les prises d’otages de salariés. Cela ne concerne pas la garantie RC qui est souscrite en base « Fait dommageable » (l’évènement doit avoir lieu pendant la période de garantie).

D’autre part, le questionnaire permet à la compagnie de lister les personnes qu’elle entend couvrir par la police. La plupart des questionnaires proposés par les assureurs font sur ce point la distinction entre les collaborateurs en voyage d’affaires (mission de courte durée dans le pays étranger) et les salariés et cadres expatriés qui quant à eux s’apprêtent à vivre dans la zone déclarée.

Le risque n’est pas le même, les premiers étant destinés à fouler un territoire inconnu seulement quelques jours alors que les seconds devront s’habituer à la vie quotidienne locale avec tous les risques que cela peut comporter.

On imagine donc bien que la part de prime d’un collaborateur en voyage d’affaire sera beaucoup moins élevée que celle d’un expatrié quotidiennement exposé au risque (quoique plus habitué au climat dudit pays,…).

Quoiqu’il en soit, une fois le questionnaire dument (et honnêtement) rempli par l’entreprise, l’assureur se chargera d’encadrer les garanties de son contrat, par le biais des traditionnelles « limites contractuelles de garantie ».

II/ Les limites contractuelles

S’il appartient au client prospect de faire sa « proposition d’assurance », l’assureur reste maitre du contrat en l’encadrant comme il l’entend (même si la négociation avec une entreprise présente toujours un caractère intuitu personae beaucoup plus prononcé que celle effectuée avec un particulier).

a) La territorialité de la police

Première chose, l’assureur peut décider d’appliquer une territorialité du contrat large ou au contraire stricte.

Les exclusions de pays se feront le plus souvent en adéquation avec l’actualité des pays et seront donc amenées à bouger très rapidement. Un pays sans grand risque peut se révéler très dangereux du jour au lendemain, du fait par exemple d’un soulèvement de la population ou d’un évènement marquant.

Ainsi, AIG peut appliquer des conditions très particulières pour ce qu’il appelle « les 7 pays à très haut risque »(51) : l’application du contrat à un établissement récemment implanté à l’étranger est automatique, sauf si le lieu d’implantation est l’un de ces 7 pays, auquel cas le souscripteur devra déclarer ce qui peut être considéré comme une aggravation de risque.

Et comme toute aggravation de risque, l’assureur peut, selon l’article L113-2 3° du Code des Assurances, choisir de refuser le nouveau risque ou bien de l’accepter moyennant surprime.

Il faut souligner à ce stade que les compagnies s’efforcent de n’exclure aucun pays catégoriquement mais préfèrent comme AIG parler de « pays à haut risque nécessitant déclaration », une exclusion totale pouvant ne pas jouer en leur faveur lors de la souscription face à leurs concurrents sur le marché de l’assurance K&R.

b) Les plafonds de garantie et franchises

Outre la territorialité du contrat, l’assureur est en mesure d’établir les plafonds de garanties, autrement dit les montants au-delà desquels il n’interviendra plus en cas de sinistre.

Sur ce point, il n’est pas rare que les compagnies établissent des « options » ou « formules » dans lesquelles les capitaux assurés seront plus ou moins élevés. Dans la « formule 1 » par exemple le plafond de garantie par année pourra être de 1 million d’euros alors que la « formule 2 » proposera un montant de garantie annuel de 2 millions d’euros.

Cela influera évidemment sur le montant de la prime associée à la formule.

Il est intéressant de noter que la plupart des polices prévoient des plafonds par sinistre et par année d’assurance.

Par ailleurs, en matière de garantie « décès/individuelle accident », le plafond de garantie s’appliquera par personne assurée et année d’assurance.

Dans le même sens, les franchises sont la plupart du temps applicables par sinistre. La franchise principalement retrouvée dans ce contrat est celle associée à la garantie perte d’exploitation (PE) qui se chiffre comme habituellement en PE en jours.

c) Les principales exclusions

Pour finir, l’entreprise se verra forcément imposer dans sa police d’assurance des clauses d’exclusion. S’agissant de la police K&R, la faute intentionnelle ou dolosive trouve évidemment une place prépondérante(52).

Mais il est également fréquemment fait allusion à « toute action frauduleuse, malhonnête ou criminelle commise par l’assuré ayant pour effet de conserver la rançon ».

Autre exclusion propre au contrat K&R, l’hypothèse où la détention d’une personne assurée résulterait uniquement d’un non-respect par elle ou sa famille de la réglementation locale en vigueur concernant les papiers officiels (visas ou autres documents d’immigration, de travail ou de résidence) ou du droit local à moins qu’il ne soit démontré que la détention est fondée sur des faits inexacts ou par des raisons politiques.

En ce qui concerne les salaires de l’employé victime, leur remboursement à l’entreprise par l’assureur est exclu à compter de la mort de celui-ci, de même que les frais psychologiques et médicaux assurés ne le sont plus après dix-huit mois suivants la libération des victimes.

Ces limitations de garanties varient d’un assureur à l’autre mais restent tout de même chaque fois dans le même esprit.

La société qui souhaite avoir recours à ce contrat atypique devra donc prendre conscience des frais qu’elle risque d’engager en termes de prime (tout en précisant que les primes Kidnapping et Extorsion sont relativement abordables compte tenues des garanties offertes) et les limites de garanties que l’assureur risque de lui imposer. En matière de risques criminels, il faut d’autant plus avoir à l’esprit que les pays émergents peuvent basculer du jour au lendemain dans la catégorie des « zones rouges/ à risques », ce qui impliquera inévitablement une limitation de garanties beaucoup plus strictes par les assureurs(53).

Le recours à un courtier pour la souscription de ce type de police particulièrement riche et complexe peut donc s’avérer très efficace.

49 – V. Annexe N°4
50 – Dans son Livre Blanc Le Devoir de protection et Gestion du Risque Voyage
51 – Les 7 pays concernés sont l’Afghanistan, la Colombie, l’Irak, le Mexique, Le Nigéria, le Yémen et la Tchétchénie au moment de cette étude (« pays à haut risque susceptibles d’être fréquemment modifiés).
52 – Pourrait-il être fait allusion ici à l’employeur qui provoque intentionnellement les menaces ou encore une prise d’otage montée de toutes pièces ?
53 – Ou une majoration de prime ?

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