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SECTION 1 : LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES VALEURS AU REGARD DU REGIME MATRIMONIAL

ADIAL

Le premier problème concernant la liquidation de communauté comprenant des contrats
d’assurance-vie mixtes non dénoués est la qualification en bien commun ou propre au regard du
régime matrimonial des époux.

Nous avons pu relever précédemment les hésitations sur l’attribution du bénéfice d’un
contrat dénoué au profit de l’époux souscripteur. L’arrêt Praslicka a semble-t-il clairement tranché
en faveur du caractère commun de celui-ci, puisque les juges au moment de statuer connaissaient
le dénouement du contrat, la mise en jeu de la garantie vie et l’attribution du bénéfice à l’époux
souscripteur.

Le contrat d’assurance-vie non dénoué peut comprendre une autre valeur, celle de la
créance de rachat du souscripteur envers l’assureur. Elle se distingue de celle du droit au capital (1)
en ce qu’elle est forcément exercée avant le dénouement du contrat et donc, en l’état du droit
positif, nécessairement commune. La haute juridiction n’a donc pas hésité à qualifier la valeur du
contrat de bien de communauté puisque c’est la qualification qu’auraient les sommes issues d’un
rachat total du contrat par le souscripteur (2.)

1. LA DISTINCTION ENTRE LE DROIT AU RACHAT ET LE DROIT AU CAPITAL

Le rachat, versement anticipé du capital réduit dans la proportion des primes payées et de
la durée effective du contrat, est une créance du souscripteur contre l’assureur. Cette disponibilité
de l’épargne du souscripteur a été imposée dans certaines conditions par le législateur pour
protéger le preneur d’assurance. Pour Jérôme Kullmann, juridiquement, le rachat est « un droit de

résilier le contrat par anticipation(57) ». La valeur de rachat correspondent à la provision
mathématiques que doivent constituer les entreprises d’assurance en vertu de l’article R. 331-1 du
Code des assurances et qui sont définies comme « la différence entre les valeurs actuelles des
engagements prises respectivement par l’assureur et par les assurés(58) ». C’est « une réserve de prime
qui permet à l’assureur de maintenir un équilibre permanent entre ses ressources et ses charges
futures(59) ».

Le rachat peut être partiel ou total. S’il est total, l’opération d’assurance prend fin. S’il est
partiel, le contrat se poursuit mais la provision mathématique de celui-ci est diminuée à
concurrence du rachat. Le Code des assurances précise dans un article L. 132-23 que certaines
assurances ne peuvent comporter de rachat, notamment les assurances temporaires en cas de
décès, les assurances en cas de vie sans contre-assurance et les rentes viagères différées. En effet,
dans ces contrats, il n’y a pas de provision mathématique et de rachat possible qui conduirait à un
risque d’anti-sélection. La valeur de rachat, quand elle est possible, « est égale à la provision
mathématique du contrat dans la limite, pour la valeur de rachat des contrats d’assurance sur la vie,
du montant assuré en cas de décès(60) ».

Il faut distinguer le droit au rachat du droit au bénéfice. Comme le souligne très justement
un auteur, « le droit au rachat ne se confond nullement avec le droit au bénéfice de l’assurance : l’un
et l’autre s’exercent contre la compagnie, mais comme son nom l’indique, le bénéfice est un droit
appartenant au bénéficiaire, alors que le droit au rachat est un octroyé au souscripteur(61)». La
conséquence de cette distinction est la non applicabilité des textes spéciaux du droit des
assurances et la soumission au droit commun des régimes matrimoniaux. La créance de rachat
aurait donc la nature d’un acquêt de communauté.

Pour Jean Bigot en revanche, « la créance contre l’assureur a en quelque sorte un titulaire
alternatif : d’abord le souscripteur puis à l’échéance et rétroactivement, le bénéficiaire». Cette dualité
de titulaires « n’a pas pour effet de modifier la nature même de la créance, qui reste intrinsèquement
la même(62) ». Pour cet auteur, conformément à son opinion qui est de qualifier le bénéfice au profit
du conjoint souscripteur de bien propre, la créance de rachat suit donc le régime juridique du droit
au capital. « Le rachat, mise en oeuvre anticipée de la créance [du capital], constitue un propre(63) ». Si
l’on considère au contraire avec la doctrine majoritaire que le bénéfice du conjoint souscripteur est
une valeur commune, les sommes issues de l’exercice du droit de rachat devront être considérées
comme appartenant à la communauté.

Cette thèse n’a pas été reprise par la Cour de cassation. La valeur de rachat a été intégrée
dans l’actif de la communauté (2).

2. L’INTEGRATION DE LA VALEUR DU CONTRAT DANS L’ACTIF DE LA COMMUNAUTE

Le raisonnement sous jacent de l’arrêt Praslicka est la qualification de bien commun au
bénéfice de l’assurance-vie souscrite au profit du conjoint souscripteur en cas de mise eu jeu de la
garantie vie. Le problème devient alors vite insoluble en cas de contrat non dénoué. Comment
qualifier la valeur du contrat à l’instant « T » de la liquidation en présence de deux alternatives de
dénouement dont la conséquence est une qualification tantôt de bien commun et tantôt de bien
propre ? Les juges ont alors recherché la solutions la moins dérangeante, c’est-à-dire celle ne
compromettant pas les droits de la communauté.

Une alternative réaliste à la solution de l’arrêt Praslicka se trouve dans le droit spécial des
assurances et l’interprétation de Jean Bigot. Il suffirait alors d’ériger « l’excès en unique critère du
droit à récompense, quelque soit la nature du contrat, ou la personne du bénéficiaire(64) », c’est-à-dire
mettre en oeuvre le mécanisme de la récompense de l’article L. 132-13 quand le montant des
primes était manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur(65). Il serait alors
opportun de modifier l’alinéa de l’article L. 132-16, selon la proposition de Luc Mayaux(66) : « le
bénéfice de l’assurance contractée en faveur d’un époux commun en biens constitue un propre pour
celui-ci ». L’inconvénient de cette suggestion est de permettre la création d’un propre financé par
des biens de communauté. A notre sens, l’argument doit être relativisé. Le bénéfice de l’assurancevie
mixte est un propre pour l’époux non souscripteur en cas de décès de son conjoint. Dès lors,
chaque époux garde de façon symétrique une possibilité de recueillir un bénéfice en propre et non
soumis à récompense(67).

La proposition la plus convaincante sur le plan des principes émane de Jacques Ghestin. Il
faudrait considérer le capital épargné comme un patrimoine de prévoyance en instance
d’affectation. Pou cet auteur, « il faut nécessairement attendre de connaître l’attribution finale du
patrimoine dans lequel ce capital est incorporé, par le jeu combiné de la condition du décès de
l’assuré et de la stipulation pour autrui pour savoir s’il doit être ou non inclus dans le partage des
biens communs(68) ». Il préconise alors de faire usage des mesures conservatoires de préservation
des créances conditionnelles. Cette solution d’attente a pour intérêt de ne pas remettre en cause
les solutions d’attribution matrimoniale du bénéfice en cas de vie ou de décès. On peut néanmoins
se demander s’il est opportun de laisser en suspens les droits éventuels de la communauté qui est
par hypothèse dissoute. Et ce d’autant plus que chaque somme issue d’un rachat du souscripteur
doit être attribuée à la communauté.

La Cour de cassation a choisi une voie plus simple. Après avoir déterminé la qualification de
bien commun du contrat d’assurance-vie non dénoué, elle aligne de façon critiquable son montant
sur celle du rachat (SECTION 2).

57 J. Kullmann, Lamy Assurances, éd. Lamy, 2001
58 Art. R. 331-3 du Code des assurances
59 T. Corfias, Assurance-vie : techniques et produits, préf. J. Bigot, éd. L’Argus, 2003, p. 141 et s.
60 Art. L. 331-2 du Code des assurances ; une indemnité conventionnelle peut par ailleurs diminuer la valeur
de rachat dans certaines conditions
61 F. Lucet, Le sort des contrats d’assurance-vie non dénoués à la dissolution de la communauté, Défrésnois
1993, art. 35481, p. 275
62 J .Bigot, Clair-obscur sur l’assurance-vie, De l’arrêt Pelletier à l’arrêt Praslicka, J.C.P.G. 1993, I, chron. 718, p.
479
63 Ibid.
64 L. Mayaux, Les relations entre le droit des assurances et le droit de la famille : questions d’actualité, R.G.A.T.
1994, n° 2, p. 435
65 J. Kullmann, V° Assurances de personnes, Répertoire de droit civil, Dalloz, n° 489
66 L. Mayaux, op. cit.
67 En ce sens, J. Bigot Clair-obscur sur l’assurance-vie, De l’arrêt Pelletier à l’arrêt Praslicka, J.C.P.G. 1993, 3718,
n° 18
68 J. Ghestin, L’incidence du décès du conjoint de l’assuré sur l’assurance-vie, J.C.P.N. 1995, p. 1541

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