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SECTION 1 : LA NOTION DE QUASI-USUFRUIT

ADIAL

Le bénéfice d’un contrat d’assurance-vie constitue un bien qui peut être démembré. La
rédaction d’une clause bénéficiaire démembrée va permettre une transmission patrimoniale à
double détente. Il est fréquent, dans le cadre d’une assurance-décès, que le capital soit versé en
usufruit au conjoint survivant et en nue-propriété aux héritiers. L’usufruit est la réunion des droits
d’usage et de jouissance sur la chose. Il est évidemment impossible d’utiliser de l’argent sans avoir
le droit d’en disposer.

L’article 587 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut
faire l’usage sans les consommer, comme l’argent, […], l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la
charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur
estimée à la date de la restitution ». Ce texte est une consécration de la notion de quasi-usufruit,
connue depuis le droit romain. Sur un plan patrimonial, « le quasi-usufruitier est propriétaire de la
chose, mais il est aussi débiteur de sa valeur à l’extinction de son droit(49) ».

Pour Planiol, « le quasi-usufruit ne se rencontre jamais à l’état isolé ». En fait, « il est toujours
l’accessoire droit d’usufruit plus étendu, établi à titre universel sur un ensemble de biens(50) ». La
doctrine considère cependant que « la lettre du code n’interdit pas la constitution d’un quasiusufruit
à titre particulier(51) ». En présence d’une clause bénéficiaire démembrée en assurance-vie, le
capital a vocation à être verser à l’usufruitier qui pourra utiliser cette somme d’argent. Le nupropriétaire
disposera, à la fin de l’usufruit, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier, d’une créance sur
la succession sur ce capital.

Le quasi usufruit est une technique qui permet de faciliter la transmission patrimoniale. Il
permet en effet de distinguer « la propriété de la chose et l’appropriation de sa valeur(52)». C’est cet
aspect particulier du quasi-usufruit qui explique son intérêt en ingénierie patrimoniale. En effet, « il
confère les pouvoirs d’un plein propriétaire mais se transmet comme un usufruit, avec évaporation de
la matière fiscale imposable(53) ».
L’attribution du bénéfice d’un contrat d’assurance-vie en quasi-usufruit donne ainsi
d’importants pouvoirs de disposition à l’usufruitier (1.) tout en préservant les droits du nupropriétaire
(2.)

1. LES POUVOIRS DE DISPOSITION DE L’USUFRUITIER

Dans un contrat d’assurance-vie, le démembrement du bénéfice se traduit juridiquement
comme une subrogation réelle de l’usufruit sur le capital payé par l’assureur(54).
La mise en clause du démembrement du capital passe par la rédaction d’une clause
bénéficiaire démembrée. Il doit être au minimum stipulé qu’en cas de décès, les capitaux dus par la
compagnie reviendront pour l’usufruit à l’époux du souscripteur et pour la nue-propriété à ses
enfants. Il peut être également prévu un usufruit successif(55) ou un usufruit conjoint(56).
Le quasi-usufruitier, du fait de la consomptibilité attachée à la valeur faisant l’objet de
l’usufruit, conserve la libre disposition des fonds reçus. C’est pourquoi on a pu décrire le quasiusufruitier
comme un « quasi-propriétaire (57)».

L’intérêt est donc de permettre au quasi-usufruitier d’utiliser le capital reçu de la façon la
plus libre. Il s’agit alors de conserver les droits du nu-propriétaire sur ce capital (2.).

2. LA CONSERVATION DES DROITS DU NU-PROPRIETAIRE

La conservation des droits du nu-propriétaire est une problématique courante en droit
successoral. Le syndrome de la veuve joyeuse est une expression montrant le penchant pour
certains conjoints survivants de dilapider leur part dans la succession du défunt. En cas de quasiusufruit,
ce risque est beaucoup plus important que dans un classique usufruit.

En effet, le nu-propriétaire dispose envers le quasi-usufruitier d’une créance sur la
succession de ce dernier. Comme le souligne un auteur, « la nue-propriété relève davantage du
droit personnel que du droit réel» et le nu-propriétaire apparaît comme « un simple créancier
chirographaire du quasi-usufruitier(58)».

Il faut d’abord préventivement déconseiller les transmissions en quasi-usufruit dans des
contextes familiaux conflictuels. Mais en tout état de cause, le quasi-usufruitier bénéfice d’une
certaine protection dans le recouvrement de sa créance.

Le régime légal de l’usufruit prévoit dans les articles 600 et 601 du Code civil(59), qui ne sont
pas impératifs, l’obligation pour l’usufruitier de dresser inventaire des biens en usufruit et de
fournir caution de jouir en bon père de famille. A défaut, « si l’usufruitier ne trouve pas de caution,
les sommes comprises dans l’usufruit sont placées60 », les intérêts revenant à l’usufruitier.

Cet emploi des sommes reçues peut être demandée par les descendants au conjoint
survivant dans tout les cas, et cette obligation ne sera donc pas affectée d’une dispense de la
fourniture d’une caution(61). L’obligation d’emploi des articles 602 et 1094-3 du Code civil implique
la concertation avec le nu-propriétaire et, en cas de désaccord, l’arbitrage des juridictions civiles(62).
La clause bénéficiaire peut prévoir ab initio une obligation d’emploi(63).

Le quasi-usufruit peut être également aménagé par voie conventionnelle. Pour conserver
les droits du nu-propriétaire, une sureté réelle peut être consentie à son profit. Une obligation
d’emploi dans un contrat d’assurance-vie au bénéfice exclusif du nu-propriétaire peut être
envisagée. L’intérêt est de soumettre l’exercice des droits sur le contrat, et notamment ceux
concernant le rachat, à l’accord du nu-propriétaire.

La clause bénéficiaire démembrée permet donc d’accorder des prérogatives de
propriétaires à l’usufruitier tout en conservant les droits du nu-propriétaire. L’intérêt fiscal attaché à
cette technique a en outre pendant longtemps été non négligeable (SECTION 2).

49 F. Sauvage, Les nouvelles frontières du quasi-usufruit, J.C.P.N. 21 Avril 2000, p. 691
50 M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, L.G.D.J., 1900, t. 1, n° 1630, p. 544
51 H. Groutel (dir.), Traité du contrat d’assurance terrestre, éd. Litec, n° 2254, p. 1569
52 F Sauvage, op. cit.
53 Ibid.
54 M. Robineau, Assurance vie et démembrement de propriété, R.G.D.A., 1 janv. 2005 n° 2005-01, p. 21
55 Exemple de clause :
– Pour l’usufruit : à mon épouse puis à son décès mon fils s’il est en vie
– Pour la nue-propriété : à mon petit-fils
56 Exemple de clause :
– Pour l’usufruit : conjointement à mon épouse et à mon fils ; au décès du premier d’entre eux, sa part
viendra accroître celle du survivant
– Pour la nue-propriété : à mon petit-fils
57 L’expression est de M. Sirinelli
58 Ibid.
59 Art. 600 C. civ. : « L’usufruitier prend les choses dans l’état où elles sont, mais il ne peut entrer en jouissance
qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire des meubles et un
état des immeubles sujets à l’usufruit ».
Art. 601C civ. : « Il donne caution de jouir en bon père de famille, s’il n’en est dispensé par l’acte constitutif de
l’usufruit ; cependant les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur,
sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution ».
60 Art. 602 C. civ
61 Art. 1094-3 C. civ : « Les enfants ou descendants pourront, nonobstant toute stipulation contraire du
disposant, exiger, quant aux biens soumis à l’usufruit, qu’il soit fait emploi des sommes ».Cet article a vocation
à s’appliquer si on considère que l’assurance-vie réalise une libéralité entre époux.
62 M. Grimaldi, L’emploi des deniers grevés d’usufruit, P.A. 23 juillet 1999 n° 146, p. 4
63 Exemple de clause :
– Pour l’usufruit à mon conjoint afin de lui assurer des liquidité. Celui(ci devra remployer x% des sommes
reçues dans un bien offrant toute sécurité aux nus-propriétaires ci-après désignés. A défaut d’acceptation par
l’usufruitier de cette condition ou à défaut d’exécution dans le trois mois suivant la date de disponibilité des
capitaux par l’assureur, les bénéficiaires en nue-propriété seront fondés à demander la restitution des fonds
et à les percevoir en qualité de propriétaires.
– Pour la nue-propriété à mes enfants vivants ou représentés par parts égales

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