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Section 1 : Délimitation technique et gestion des sinistres en série

ADIAL

Pour être globalisés les sinistres en série doivent avoir une même cause technique, il convient donc de définir cette cause technique (§1), d’analyser l’objectif de cette globalisation (§2), d’en déterminer la date (§3) pour ensuite pouvoir indemniser les victimes (§4).

§1 : Définition de la cause technique d’un sinistre sériel

Afin de considérer un sinistre sériel, il convient d’agréger les sinistres entre eux, à condition qu’ils aient la même cause technique. L’article L124-1-1 du Code des assurances définit le fait dommageable comme « celui qui constitue la cause génératrice du dommage ».

Dans un arrêt récent(108), l’assureur avait refusé de considérer qu’il y avait qu’une seule série de sinistres, estimant qu’il y avait d’une part, les réclamations suite à l’exposition à l’amiante qui avaient eu lieux avant résiliation du contrat et d’autre part, celles qui avaient eu lieux après la résiliation. Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, estiment qu’il faut tenir compte comme fait générateur, de la cause technique (exposition à l’amiante) commune à l’ensemble des réclamations, et non pas des circonstances de temps et de lieux propres à chaque réclamation. En effet, la loi n’exige pas que les dommages fassent l’objet d’une ou plusieurs réclamations. Ainsi, selon l’attendu de principe de la Cour de cassation, « le fait générateur doit s’entendre non des circonstances de temps et de lieu propres à chaque réclamation mais de la cause technique qui est commune et constituée en l’espèce par l’exposition des salariés à l’amiante. »(109)

C’est la même position qui a été retenue par la chambre commerciale le 12 février 2013, pour un contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle contenant une clause contractuelle de globalisation des sinistres pour toutes réclamations résultant d’un même événement ou d’un même acte, erreur ou omission fautifs. En l’occurrence, il s’agissait de deux sinistres résultant d’un même évènement, le défaut de conseil, donnant lieu à globalisation des sinistres entre eux(110).

La clause de globalisation a pour but de considérer comme un sinistre unique des sinistres en série ayant une même cause technique afin d’appliquer à l’ensemble un seul et même plafond de garantie. A défaut d’une telle clause, chacun des sinistres devrait être apprécié distinctement et être soumis à un plafond de garantie jusqu’à l’épuisement de celui-ci. Depuis 2003, la technique de globalisation a été consacrée par la loi, désormais, il n’est plus nécessaire de prévoir dans les contrats une telle clause. Nous aborderons par la suite la nécessité d’une telle technique.

§2 : La nécessité de globaliser les sinistres

Par la technique de globalisation des sinistres, on considère que l’ensemble des sinistres qui se sont produits successivement ne sont qu’en fait qu’un seul et même sinistre. L’application d’un seul et même plafond permet à l’assureur de mieux maitriser le coût du sinistre.

Cette technique a été consacrée par la loi du 1er aout 2003 dans l’article L124-1-1 Code des assurances. « Constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l’assuré, résultant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ».

La technique de globalisation est majoritairement utilisée en matière d’assurance de responsabilité civile des produits livrés. Mais, elle est également courante en assurance de responsabilité civile exploitation et responsabilité civile professionnelle.

Un sinistre sériel s’étend souvent sur plusieurs années, pendant lesquelles les victimes présenteront leurs réclamations. Un sinistre sériel donne lieu à une multitude de réclamations c’est pourquoi il convient de déterminer précisément à partir de quelle date le sinistre sera globalisé.

§3 : La date du sinistre globalisé

La loi de 2003 ne précise pas la période à laquelle le sinistre globalisé doit être rattaché. Selon Madame Axelle ASTEGIANO-LA RIZZA, il faudrait tenir compte du système choisi par les parties(111). S’il s’agit d’un contrat en base réclamation, on tiendrait compte de la première réclamation survenue avant résiliation du contrat. En revanche, s’il s’agit d’un contrat en base fait générateur, on fera jouer la garantie du contrat en vigueur au moment de la première exposition aux poussières d’amiante (le fait dommageable).

La technique de globalisation n’a d’effet que pour l’agrégation des sinistres entre eux et permet alors de considérer qu’il ne s’agit que d’un seul et même sinistre. Permettant ainsi de déterminer la période du contrat sur laquelle le sinistre globalisé sera imputé et d’appliquer des plafonds de garantie. La globalisation n’a pas d’impact sur l’application des autres règles propres à chaque sinistre, telle que la prescription. En effet, lors d’un arrêt du 28 février 2013, la deuxième chambre civile(112) a jugé que « la clause d’unicité ou de globalisation de sinistre ne portait que sur la définition du sinistre et avait pour objet de permettre d’appliquer les plafonds de garantie prévus par sinistre et par an à des sinistres dits sériels, en les considérant comme un seul sinistre se rattachant à la même année d’assurance, et n’avait pas pour effet de faire courir un seul délai de prescription biennale pour tous les sinistres se rattachant au même fait générateur ».

Notons la particularité de cette espèce dans laquelle une seul et même personne se prévaut de plusieurs sinistres distincts ayant chacun un fait dommageable propre, les juges ont considérés qu’il y avait bien sinistres sériels malgré l’unicité de la victime, alors que dans la plupart des sinistres sériels il s’agit de plusieurs personnes indépendant les unes des autres mais ayant étaient victimes d’un même fait dommageable(113).

La clause de globalisation ne porte donc que sur la définition du sinistre afin d’appliquer un seul plafond de garantie par sinistre et par année à des sinistres sériels, en considérant qu’il n’y a qu’un seul sinistre se rattachant à la même année d’assurance. Cependant la globalisation n’aura aucune incidence sur le point de départ du délai de prescription.

Nous évoquerons par la suite les modalités d’indemnisation des sinistres globalisés et notamment l’épuisement du plafond de garantie.

§4 : Indemnisation et épuisement de la garantie

La technique de globalisation se combine généralement avec un plafond de garantie par sinistre et par année d’assurance permettant ainsi à l’assureur de mieux maitriser l’étendue de son engagement. On se demande alors à ce stade, comment s’épuise le plafond de garantie relatif aux sinistres globalisés. Les différents sinistres se rattachent à l’année dans laquelle ils ont été déclarés. C’est donc le montant de la garantie annuelle de cette année qui est concernée. Pour les sinistres sériels et avec la technique de globalisation, on va considérer qu’il n’y a qu’un seul et même sinistre, on tiendra compte de la date de la première réclamation. Un seul plafond sera opposable à l’ensemble des réclamations.

La solution convenable serait une indemnisation des victimes en proportion jusqu’à épuisement du plafond, afin que les victimes présentant leurs réclamations en dernier ne se retrouvent pas sans indemnisation. Cependant, en raison de l’impossibilité d’attendre toutes les réclamations des victimes pour pouvoir effectuer une répartition au marc le franc, la FFSA(114) opte pour le système des paiements successifs, c’est-à-dire qu’au fur et à mesure des réclamations des victimes jusqu’à épuisement progressif de la garantie.

La Cour de cassation avait affirmé en 1994 que l’épuisement de la garantie était opposable aux tiers lésés, en effet, la victime non indemnisée ne pouvait pas reprocher à l’assureur d’avoir payé postérieurement à sa réclamation d’autres victimes dont la réclamation était antérieure(115). Selon Jérôme KULLMANN, la question à se poser serait « Qui fera le choix entre indemnisation totale d’un nombre réduit de victimes et indemnisation partielle de (presque) toutes les victimes ? Même cause, même fait dommageable, même dommage, mais pas même indemnisation : la rupture du lien issu de la série surgit là où les victimes ne l’attendent probablement pas ».(116)

Aujourd’hui, la situation des victimes de sinistres sériels est en passe de s’améliorer grâce à l’action de groupe.

L’action de groupe est actuellement en train de voir le jour en France, elle représente pour les consommateurs victimes de sinistres sériels un atout considérable dans la quête d’une meilleure indemnisation de leurs préjudices.

108 Cass. civ. 2e, 7 février 2013, n°11-24154, non publié au bulletin ; obs. A. ASTEGIANO- LA RIZZA, « l’appréciation de la cause technique d’un sinistre sériel et autres questions », actuassurance 2013, n°30.
109 Bulletin d’actualité, Lamy Assurances, mars 2013, n°20 « Clause de globalisation applicable aux réclamations des salariés exposés aux fibres d’amiante ».
110 Cass. com. 12 février 2013, n°12-11828, non publié au bulletin.
111 Voir supra (107).
112 Cass. civ. 2e, 28 février 2013, n°12-12813, publié au bulletin.
113 Voir supra (107).
114 Livre blanc de l’assurance de responsabilité civile, 12 septembre 2000.
115 Cass. civ. 1er, 8 juin 1994, n°92-10825, non publié au bulletin ; RCA 1994, n°874.
116 J.KULLMANN, « Remarques juridiques sur les sinistres sériels » : http://www.ffsa.fr/webffsa/risques.nsf/b724c3eb326a8defc12572290050915b/ffa1c0820c23e81fc125723a00358d7e/$FILE/Risques_062_0022.htm

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