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PARTIE I – LA SOLITUDE À L’ORIGINE DE LA FOLIE

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« El ser humano parece encontrarse en el mundo como une estranjero solitario y desemparado »(6), déclare Sábato, une vingtaine d’années après avoir écrit Le Tunnel. Ce propos, consubstantiel de l’oeuvre de Sábato en général, est globalisant. « El ser humano », c’est l’ « être humain » dans son acception générale, mais c’est aussi l’homme du temps de l’auteur, l’homme du vingtième siècle.

Ces deux romans apparaissent au premier abord comme des romans « de l’intime », et semblent bien loin du roman social ou historique. Pourtant, la société est non seulement présente mais essentielle dans la construction des deux récits. Aussi, l’absence presque totale de repères historiques et politiques dans Paulina 1880 et dans Le Tunnel n’évince pas la conscience politique très forte de Jouve et de Sábato. Le constat d’un mal-être, de la déchéance de l’humanité s’illustrent tout au long des deux récits. Elle est parfois mise en œuvre de manière presque directe : La méfiance de Sábato à l’égard de la société est bien souvent présente dans le roman, à travers le personnage de Juan, « double » cruel de l’auteur. Juan, lors de sa digression sur les « confréries »(7), ne donne-t-il pas l’exemple des communistes et des fascistes pour illustrer sa haine des corporations ? Or, c’est justement contre ces partis politiques que Sábato a lutté une bonne partie de sa vie. L’auteur semble s’impliquer, de façon indirecte, dans le « je » narrateur. Mais cet acte d’identification de l’auteur au personnage n’est pas essentiel. En effet, ce n’est pas l’implication directe des auteurs qui nous indique que Paulina 1880 et le Tunnel parlent d’une société, c’est davantage la construction du personnage principal. Ce n’est pas à travers une critique directe de la société que le roman prend son sens, mais à travers les cheminements du corps et de la conscience de nos héros, gouvernés par un mal-être représentatif de leur société agonisante. Comment s’illustre ce mal-être essentiel, cette « crise civilisationnelle »? C’est cette question, essentielle dans la construction de l’intrigue criminelle, que cette analyse tâchera d’aborder dans un premier temps.

6 « L’être humain semble de sentir, dans le monde, comme un étranger seul et désemparé.» in SÁBATO Ernesto, Itinerario, Buenos aires, Editorial Sur, 1969, p.31
7 SÁBATO Ernesto, Le Tunnel, Editions du seuil, 1978 pour la traduction, 1995 pour la présentation, p. 18

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