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PARAGRAPHE 1 : LES OBJECTIFS, HYPOTHÈSES ET LE POINT DES CONNAISSANCES SUR LA PROBLÉMATIQUE

Non classé

Les objectifs et hypothèses de l’étude seront formulés par rapport à chaque problème spécifique (A). Quant au point des connaissances sur la problématique, il consistera à examiner les approches développées par différents auteurs ayant déjà abordé des questions relatives à la problématique
(B).

A – LES OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES DE L’ÉTUDE

Les objectifs traduisent notre intention de résolution de la problématique étudiée (1). Les hypothèses consistent en des réponses provisoires, établies sur la base de causes supposées, et destinées à être confirmées ou infirmées (2).

1. Les objectifs de l’étude

– L’objectif général

Pour résoudre le problème de la gestion peu efficace de la délégation de la maîtrise d’ouvrage publique au Bénin, notre recherche consistera à identifier les conditions d’amélioration de la passation et de l’exécution des conventions de maîtrise d’ouvrage déléguée au Bénin.

– Les objectifs spécifiques

Pour aboutir à l’objectif général, les objectifs spécifiques suivants, formulés par rapport aux problèmes spécifiques, doivent être atteints :

– proposer les conditions dans lesquelles pourra être établi un cadre réglementaire et légal propice à la saine et transparente concurrence sur le marché de la MOD (Objectif spécifique n° 1) ;

– suggérer les conditions d’application du code des marchés publics aux maîtres d’ouvrage délégués (Objectif spécifique n°2) ;

– déterminer les mesures nécessaires à la célérité de la sélection du MOD et de la signature de la convention de MOD (Objectif spécifique n°3) ;

– identifier le contexte favorable à l’exécution diligente des marchés de travaux en maîtrise d’ouvrage déléguée (Objectif spécifique n°4).

Les objectifs ainsi déterminés, nous identifierons les hypothèses devant servir de base à notre étude.

2. Les hypothèses de recherche

Pour déterminer les hypothèses, nous énumérerons et analyserons les causes susceptibles d’être à la base de chaque problème spécifique. La formulation de chaque hypothèse se fera à partir de la (ou des) cause(s) considérée(s) comme la (ou les) plus probable(s).

– L’hypothèse spécifique n°1

Le faible impact du cadre juridique sur les conditions de mise en concurrence des MOD pourrait s’expliquer par :

– la réticence des maîtres d’ouvrage et bailleurs à « faire confiance » aux nouvelles agences ;
– l’insuffisante vulgarisation des textes adoptés en la matière, auprès des acteurs de la commande publique ;
– l’inadaptation des textes aux réalités vécues dans l’exercice des missions de MOD ;
– les lacunes et imprécisions des textes adoptés en la matière ;
– l’insuffisance des mesures de mise en œuvre nécessaires au succès de la réforme.

La réticence des maîtres d’ouvrage et des partenaires techniques et financiers (PTF) à faire assurer la délégation de la maîtrise d’ouvrage par les nouvelles agences ayant vu le jour après la réforme, peut expliquer ce problème spécifique, dans la mesure où le poids des habitudes et le caractère « intuitu personae » que devrait revêtir la délégation amènent certains MO et PTF à désigner directement une ou deux anciennes agences, sans mise en concurrence, ou à restreindre la compétition à quelques agences seulement.

Pourtant, cette cause doit être réfutée, car, l’AGETIP-BENIN, qui est l’une des agences les plus expérimentées et jouissant de la confiance de ses partenaires, subit elle aussi les effets néfastes d’une concurrence purement théorique. Aussi l’insuffisante vulgarisation des textes adoptés en matière de délégation de la maîtrise d’ouvrage publique doit-elle être écartée comme cause, puisque les maîtres d’ouvrage publics et PTF qui recourent à la MOD n’ont pas pu ignorer qu’une réforme a été opérée dans ce secteur, désormais soumis à la concurrence.

On peut alors penser que la réforme porte en elle-même les germes de son insuccès, en raison, soit de certaines lacunes et imprécisions des textes adoptés, soit de l’inadaptation desdits textes aux réalités de la MOD. La première éventualité (lacunes et imprécisions) nous paraît plus pertinente. En effet, si la loi MOP du Bénin nous semble opportune, réaliste, et assez exhaustive, il n’en est pas ainsi de ses rares textes d’application, qui souffrent davantage d’insuffisances, d’imprécisions que d’irréalisme.

De même, il nous semble pertinent de relever que certaines mesures de mise en œuvre devant « suivre » l’adoption des textes (incitation par exemple au développement de nouvelles agences, à travers des exonérations ou autres mesures facilitatrices, etc.) font défaut.

De cette brève analyse résulte la formulation suivante de l’hypothèse : les lacunes et imprécisions des textes adoptés en matière de MOD et l’insuffisance des mesures de mise en œuvre de la réforme engendrent le faible impact du cadre juridique sur les conditions de mise en concurrence des MOD (Hypothèse spécifique n°1).

– L’hypothèse spécifique n°2

La pratique de dérogation de fait au code des marchés publics peut s’expliquer par :

– l’inadaptation ou l’irréalisme de cette exigence, par rapport à la pratique de la délégation de la maîtrise d’ouvrage ;
– le souci légitime des MOD d’accélérer les procédures, en évitant les lourds contrôles a priori exigés par le code ;
– le laxisme des maîtres d’ouvrage, qui ne veillent pas à l’application correcte des procédures exigées ;
– l’ignorance de la portée de l’article 9 de la loi portant MOP ;
– le laxisme des structures nationales chargées du contrôle et de la régulation des marchés publics.

L’exigence de la loi MOP du Bénin, à savoir l’application du code des marchés publics au MOD, tout comme au maître d’ouvrage, c’est-à-dire dans les mêmes conditions, peut paraître irréaliste, dans la mesure où la célérité recherchée à travers le recours à la MOD serait compromise si les lourds contrôles a priori devaient prévaloir. Mais cela ne nous semble pas suffire à expliquer la dérogation de fait observée, pas plus que le souci d’accélérer les procédures, car certains acteurs de la commande publique (interrogés lors de nos investigations) pensent que les agences d’exécution dérogent, en toute légalité, au code des marchés publics. Pour les uns, le contrôle du maître d’ouvrage et les audits effectués a posteriori suffisent à exclure les formalités traditionnellement remplies par les maîtres d’ouvrage. Pour d’autres, la convention de MOD ayant été validée par la DNCMP, tous les actes passés dans ce cadre le sont de facto. Or, à l’inverse de la plupart des lois MOP que nous avons consultées (celles de la France, du Madagascar, et de la Mauritanie, en l’occurrence) et qui atténuent la rigueur de cette exigence (en prévoyant des « adaptations » ou « exceptions »), la loi MOP du Bénin est très rigide sur cette question, en insistant sur l’application rigoureuse, « dans les mêmes conditions » du code des marchés publics. Il nous semble, ainsi, que la mauvaise perception de la portée de l’article 9 de notre loi MOP par les acteurs justifie l’admission tacite des régimes dérogatoires. On peut également y ajouter le laxisme, non pas des maîtres d’ouvrage, mais des structures nationales, notamment la DNCMP et l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, véritables acteurs du contrôle et de la régulation des marchés publics au Bénin. L’hypothèse pourra ainsi être formulée : la pratique de dérogation de fait au code des marchés publics est due à l’ignorance de la portée de l’article 9 de la loi MOP et au laxisme des structures nationales chargées du contrôle et de la régulation des marchés publics (Hypothèse spécifique n°2).

– L’hypothèse spécifique n°3

Le retard dans l’opérationnalisation des projets et programmes publics en MOD peut être dû à :

– la lourdeur dans les procédures administratives ;
– l’absence de planification rigoureuse des activités de délégation de la maîtrise d’ouvrage.

La lourdeur dans les procédures administratives est une cause souvent évoquée, pour rendre compte des dysfonctionnements d’ordre administratif qui font obstacle à la célérité dans la mise en œuvre des activités quotidiennes des entités publiques. Toutefois, retenir les contraintes procédurales comme causes du retard observé, présente l’inconvénient de ne pas permettre de situer les responsabilités. A notre avis, il n’y aura pas de retard, lorsqu’à la suite d’une décision de délégation prise à temps, l’on effectue une planification rigoureuse et réaliste, prenant en compte le temps nécessaire aux formalités administratives.

Aussi formulerons-nous l’hypothèse de la sorte : l’absence de planification rigoureuse des activités de délégation de la MO explique le retard dans l’opérationnalisation des projets et programmes en MOD (Hypothèse spécifique n°3).

– L’hypothèse spécifique n°4

Les retards d’exécution des marchés de travaux peuvent être engendrés par :

– les difficultés de mobilisation du financement par les maîtres d’ouvrage publics ;
– la saturation des principaux MOD, qui réduit leur efficacité ;
– la mauvaise organisation et/ou l’inefficacité de certaines entreprises et bureaux d’études ou de contrôle ;
– le manque de promptitude des maîtres d’ouvrage, dans le respect de leurs obligations (avis de non-objection, traitement des appels de fonds, etc.).

Les difficultés de mobilisation des ressources nécessaires au financement des activités constituent, dans certains cas, un obstacle à l’exécution diligente des travaux. Par ailleurs, il arrive parfois que, étant responsables de plusieurs projets à la fois, les chefs projets ne soient pas à même de superviser convenablement les travaux : ce qui peut faire penser à une certaine saturation des principales agences (AGETIP-BENIN et AGETUR).

Cependant, ces facteurs, s’ils expliquent certains retards, ne doivent pas être généralisés. En effet, certaines données constantes telles que le traitement tardif des appels de fonds (certains demeurent deux ans durant, avant d’être traités, pour des travaux devant être exécutés sur six mois) et les défaillances des entreprises et bureaux d’études, tendent à se généraliser. Notre hypothèse peut être ainsi formulée : les retards d’exécution des marchés de travaux s’expliquent par la mauvaise organisation et/ou l’inefficacité de certaines entreprises et bureaux d’études ou de contrôle et le manque de promptitude des maîtres d’ouvrage dans le respect de leurs obligations (Hypothèse spécifique n°4).

Le tableau de la page suivante résume les objectifs, les causes retenues et les hypothèses formulées, en les liant à chaque problème :

Tableau n° 3 : Tableau de bord de l’étude (TBE)

Tableau de bord de l’étude

Source : nos observations

Le tableau de bord de l’étude ainsi présenté, résume le cadre théorique de notre étude. Il sied, avant l’adoption de toute démarche méthodologique, de faire une synthèse de la littérature existante sur la problématique étudiée.

B– LE POINT DES CONNAISSANCES SUR LA PROBLÉMATIQUE

La littérature relative aux conditions d’exercice des missions de maîtrise d’ouvrage déléguée au Bénin n’est pas particulièrement fournie. Les rares mémoires ayant abordé la question, l’ont traitée de façon sommaire.

Toutefois, en étendant notre recherche à d’autres pays et à des rapports d’études, d’activités ou d’enquêtes, nous avons pu réunir des informations nécessaires à la compréhension et à la résolution de la problématique. Les idées qui ressortent des documents exploités peuvent se résumer en deux points essentiels : d’une part, la nécessité de disposer d’un cadre juridique approprié à l’exercice des missions de MOD (1) et d’autre part, les facteurs qui font obstacle à la célérité et à la performance des MOD (2).

1. La nécessité d’un cadre juridique approprié à la MOD

Deux questions fondamentales ont été abordées par les auteurs, à savoir d’abord l’opportunité de la mise en concurrence préalable à la conclusion des conventions de mandat de maîtrise d’ouvrage publique, et ensuite la détermination des règles qui doivent être appliquées aux contrats passés par les MOD, avec différents prestataires. Cependant, avant d’aborder ces deux questions, il convient de préciser le fondement et la nature juridiques des conventions de maîtrise d’ouvrage déléguée.

– Le fondement et la nature juridiques des conventions de maîtrise d’ouvrage déléguée

Le fondement juridique de la MOD : le mandat

La convention de maîtrise d’ouvrage déléguée repose, au plan juridique, sur la notion de mandat. Aussi, selon Patrice COSSALTER(4) (2010), devrait-on dire « maîtrise d’ouvrage mandatée », expression plus moderne et plus appropriée. En droit civil, le mandat est « l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom » (article 1984 du code civil). Cependant, la délégation de la maîtrise d’ouvrage publique relève du droit administratif, où il n’existe pas de définition du mandat. En appliquant alors la définition civiliste du mandat au domaine administratif, il peut résulter la définition proposée par Romain GRANJON(5)(2004), à savoir que le mandat administratif est « le pouvoir de faire faire, c’est-à-dire d’accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte de la personne publique ». Une telle définition ne fait pas l’unanimité dans la doctrine. Son auteur a lui-même reconnu que les missions du mandataire au sens de la loi MOP « vont bien au-delà du simple mandat civiliste, puisqu’elles s’étendent à des études et des tâches d’assistance administrative, juridique, technique, financière (qui sont davantage des actes matériels que juridiques) ». Par ailleurs, une autre particularité du mandat de maîtrise d’ouvrage réside, selon Philippe SCHMIDT et Laure THIERRY(6) (2004) dans le fait que le juge ne considère pas le mandant « comme partie aux contrats conclus avec les constructeurs par le mandataire au nom et pour le compte du maître d’ouvrage », ce qui déroge au mécanisme de la représentation.

La nature juridique de la convention de MOD : marché public de service

La convention de maîtrise d’ouvrage déléguée est avant tout un contrat administratif, en raison notamment de l’implication d’une personne publique, de la participation du cocontractant à l’exécution d’une mission de service public et de la présence de clauses exorbitantes de droit commun. En France, initialement exclues du code des marchés publics, en son article 3, point 7, les conventions de mandat de droit administratif y ont été réintégrées par le Conseil d’Etat, par son arrêt n°233372, « Union nationale des services publics industriels et commerciaux et autres » (Unspic) du 5 mars 2003. Le juge entendait ainsi assurer la conformité avec le droit communautaire et empêcher qu’une disposition de nature trop générale et absolue, soustraie tous les contrats de mandat aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Au sens de la directive 2004/18/CE(7), les conventions de MOD sont des marchés publics de services. Il en est ainsi, car, selon Yves- René GUILLOU et Lila BENCHIKH(8) (2004), ces contrats « ont pour objet des prestations de services (…) alors même qu’ils sont le préalable à la réalisation de travaux ».

Au Bénin, la notion de maîtrise d’ouvrage déléguée, jusqu’alors inexistante dans le droit positif, n’a été consacrée qu’avec la loi portant MOP adoptée en 2001. La loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public dispose en son article 42, que les marchés de prestations intellectuelles incluent les services de maîtrise d’ouvrage déléguée. Aussi leur passation relève-t-elle des dispositions particulières relatives à cette catégorie de marchés. Ce bref aperçu du fondement et de la nature juridiques de la convention de maîtrise d’ouvrage déléguée nous permettra d’aborder les approches développées par les auteurs par rapport à la mise en concurrence et les règles applicables aux MOD.

L’opportunité et les conditions d’une mise en concurrence optimale

Dans les contextes français et africain (béninois, en l’occurrence), l’idée de la mise en concurrence des bénéficiaires de la délégation de la maîtrise d’ouvrage publique n’est pas intervenue dans les mêmes conditions. Pourtant, dans un contexte comme dans l’autre, on est passé, non sans résistance, d’une délégation intuitu personae et souple à une délégation soumise au code des marchés publics. Ce trait commun nous amène à examiner de façon sommaire le contexte français, avant de nous appesantir sur l’Afrique.

En France, c’est l’évolution du droit communautaire qui a imposé l’ouverture à la concurrence. Seules certaines personnes publiques (et privées sous influence publique) limitativement autorisées par la loi MOP française pouvaient recevoir délégation de la maîtrise d’ouvrage publique. Avec la décision du Conseil d’Etat intervenue en 2003 (voir supra), qui intègre le mandat dans le champ du CMP et donc de la mise en concurrence, des inquiétudes étaient nées quant aux effets qui découleraient de cette évolution.

Romain GRANJON (2004) résume ainsi cet état de choses : « comment envisager une mise en concurrence européenne des mandats loi MOP qui sont réservés … à des entités juridiques françaises ». Yves-René GUILLOU et Lila BENCHIKH (2004) ont semblé répondre à cette préoccupation, en affirmant qu’ « il conviendra de mettre en place une publicité adéquate, de choisir une procédure adaptée permettant une concurrence effective et une optimisation concurrentielle ».

En Afrique, ce sont les partenaires techniques et financiers (PTF) qui ont joué un rôle déterminant dans le sens de l’ouverture à la concurrence de la MOD. Les agences d’exécution installées dans les pays africains ont connu un succès tel que l’idée de leur pérennisation, non envisagée au départ, s’était imposée. Or, comme le démontrent plusieurs auteurs, une telle pérennisation requiert nécessairement une ouverture à la concurrence.

Dans ce sens, Mamadou SYLLA(9) (2007) affirme que « la situation de monopole (…) en matière de délégation de contrats de travaux publics ne peut durer légitimement » car, renchérit-il « la situation dans laquelle une seule agence intervient n’est pas sans risques. L’agence peut être victime de son succès : à des demandes sans cesse plus nombreuses ou plus diversifiées, elle peut répondre, soit correctement mais au risque de monopoliser le marché, soit imparfaitement au risque d’éroder sa crédibilité ». Il conclura que la « mise en concurrence est indispensable car elle crée une émulation entre ces structures et accroît par conséquent leur obligation de résultats et la constante amélioration de leurs prestations ». A ce sujet, Christian DIOU, Michel HENRY et Babaly DEME(10) (2007) estiment que « l’ouverture à la concurrence de l’attribution des missions de maîtrise d’ouvrage est en soi une condition de réussite de la fonction » puisque cela « permettrait de gagner en efficacité et en transparence et éviterait que la MOD ne soit la chasse gardée d’un seul opérateur. La situation de monopole n’est pas saine et l’ouverture à la concurrence est la porte de sortie, car il est certain que cette activité intéressera le secteur privé ».

Or, comme l’ont relevé ces auteurs, les effets de l’ouverture à la concurrence sont encore peu perceptibles, « notamment au Bénin qui parait le pays le plus avancé dans l’institutionnalisation de la MOD (…) d’autant que (…) le poids des habitudes conduit encore les bailleurs de fonds à spécifier dans les accords de crédit le nom de l’agence qu’ils souhaitent voir intervenir (…) et certains maîtres d’ouvrage ne sont pas encore suffisamment sensibilisés sur la loi et continuent à s’adresser directement à leur MOD traditionnel sans faire jouer la concurrence ». Cette situation peut s’expliquer, selon eux, par le fait que les administrations ne sont pas vraiment favorables à la MOD ainsi qu’à l’idée d’instaurer un cadre légal et réglementaire, et ne l’ont fait que sur l’insistance des bailleurs de fonds, notamment la Banque Mondiale.

Enfin, les documents consultés ébauchent quelques idées pouvant guider les réflexions, dans le sens de l’effectivité de la concurrence. Christian DIOU, Michel HENRY et Babaly DEME (2007) recommandent que la loi organise le marché de la MOD, afin d’éviter « que l’anarchie ne s’instaure, avec d’un côté des MOD bien structurés (…), et de l’autre des privés ne répondant pas aux mêmes critères d’exigence ». En un mot, « on ne peut mettre en concurrence que des structures comparables ». De même, ils suggèrent que l’ouverture à la concurrence se fasse, en envisageant la création de plusieurs catégories de MOD : « des MOD spécialisés par type d’investissement, par région, des MOD sociaux, etc. ». En outre, selon Mamadou SYLLA (2007), « pour que la compétition se fasse dans les meilleures conditions, la création de plusieurs agences suppose que le volume de travaux à exécuter soit suffisant et qu’elles disposent, toutes, des mêmes prérogatives, notamment s’il s’agit de procédures dérogatoires ».

Les procédures applicables aux contrats passés par les MOD

La question essentielle que l’on se pose ici, comme le souligne François LICHERE(11) (1998), est de savoir si, lorsqu’il contracte avec un tiers au mandat, le mandataire est tenu au respect des obligations propres aux personnes publiques mandantes ou au contraire ne se voit appliquer que ses propres contraintes, peu nombreuses. Autrement dit, dans le cadre du mandat de maîtrise d’ouvrage, le MOD doit-il appliquer le code des marchés publics aux contrats qu’il passe avec les tiers dans l’exécution de ses missions, ou peut-il n’appliquer que ses propres règles ? Sur cette question, on note une position assez tranchée de certains auteurs. Pour Christophe LAJOYE(12) (2006), puisque le mandat institue un mécanisme de représentation, à travers le mandataire, transparaît le mandant. Ainsi, c’est en réalité « le mandant, personne publique assujettie au code, qui est partie au contrat, il est donc logique que ce dernier soit soumis au code ». Cette position est soutenue par Philippe SCHMIDT et Laure THIERRY (2004) qui voient, en la circonstance que les contrats passés par le mandataire soient soumis au code des marchés publics, tant pour leur passation que pour leur exécution, un indice de ce que ces contrats sont effectivement passés au nom et pour le compte de la personne publique. Or, comme nous l’avons précisé plus haut, le mandat de maîtrise d’ouvrage publique semble aller au-delà de la notion civiliste du mandat, et les conditions de mise en jeu de la responsabilité contractuelle entre le mandant, le mandataire et les tiers dérogent quelque peu à la conception classique du mandat. Du reste, comme le signale Romain GRANJON (2004), le mandat de maîtrise d’ouvrage publique n’est-il pas, en partie, « le résultat d’une volonté d’échapper aux contraintes des règles de passation et d’exécution des marchés publics » ? La loi MOP française a toutefois résolu le problème, en posant le principe de l’application du code des marchés publics au MOD, tout en prévoyant « des adaptations », par voie réglementaire, pour tenir compte de l’intervention du mandataire.

Au Bénin, la loi MOP a insisté sur l’application du CMP au MOD, tout comme au maître d’ouvrage, « dans les mêmes conditions », sauf en cas de financement extérieur, où pourront être appliquées les procédures spécifiées par le bailleur. Pourtant, comme l’ont relevé Christian DIOU, Michel HENRY et Babaly DEME (2007), « les MOD continuent à utiliser leurs procédures particulières, même pour les investissements en délégation directe, financés sur ressources nationales, alors que selon la loi, c’est le Code des marchés Publics qui est applicable ». Selon ces auteurs, le développement de la maîtrise d’ouvrage déléguée ne peut être obtenu au moyen de régimes dérogatoires. Aussi proposent-ils que le code des marchés publics prévoie clairement les procédures qui devront être appliquées par les MOD.

Si la plupart des approches que fournit la littérature relative à la MOD concernent le cadre juridique dans lequel elle s’exerce, d’autres développements ont trait aux facteurs de retard et de contreperformance des MOD.

2. Les facteurs de retards et de contreperformance des MOD

La performance des MOD semble s’amoindrir de plus en plus. Ce constat s’impose, eu égard aux retards considérables enregistrés dans l’exécution des travaux et la livraison des ouvrages. Imorou TIKANDE et Marouf S. MORAT LAFIA(13) (2003) ont fait observer que les agences d’exécution, en l’occurrence l’AGETUR – SA et l’AGETIP-BENIN – SA, « n’ont pas pu combler les attentes en ce qui concerne leur efficacité ». Ils ont justifié une telle conclusion en indiquant qu’il n’était pas rare que l’une de ces agences soit indexée, en raison de travaux de construction « mal exécutés ou bloqués ». Selon eux, les causes de cette contreperformance des MOD résident dans leurs rapports avec les maîtres d’ouvrage publics (retard et lenteur dans la signature des conventions de MOD, réticence à la délégation), les cabinets d’étude (manque d’expérience) et les entreprises (insuffisante formation des cadres, mauvaise gestion, insuffisance
de moyens matériels et humains, etc.).

Quelques-uns de ces facteurs ont été également soulignés par Christian DIOU, Michel HENRY et Babaly DEME (2007), qui y ont ajouté bien d’autres encore. Ainsi, pour ceux-ci, les retards d’exécution notables ayant « constitué un point de faiblesse des travaux gérés sous la maîtrise d’ouvrage déléguée » s’expliquent « dans tous les pays, par les faibles capacités techniques et financières de beaucoup de PME ». De même, ils indiquent qu’en se fiant à certains audits techniques, les retards d’exécution trouveraient aussi leur cause dans : la mauvaise qualité de certaines études, la sous-estimation des délais contractuels imposés dans les Dossiers d’Appel d’Offres (DAO), les longs délais de mise à disposition des ressources locales par l’Etat, ayant entraîné des difficultés de paiement des entreprises. Ce dernier point figure, en bonne place, dans le rapport d’activités de l’AGETIER Mali, du 1er semestre de l’année 2006, où il est déploré « le non-respect du planning de mise à disposition des fonds » par les maîtres d’ouvrage, une situation qui « hypothèque les performances de l’agence » et « menace l’équilibre financier, voire l’existence même de l’agence et de certains prestataires ».

Tous les facteurs ci-dessus énumérés ont en commun de relever davantage des partenaires des MOD que de ceux-ci mêmes. Toutefois, selon Christian DIOU, Michel HENRY et Babaly DEME (2007), s’il est une cause interne aux MOD, qui explique leur contreperformance, c’est bien l’insuffisance du personnel, lequel est souvent amené à consacrer plus de temps aux opérations de passation des marchés qu’aux prestations de gestion technique des projets (supervision et validation des études, supervision des missions de contrôle des travaux).

Ce tour d’horizon effectué autour des problèmes fondamentaux que pose, en pratique, la maîtrise d’ouvrage déléguée, permet d’avoir une idée précise de l’existant, en termes de questions déjà résolues ou de solutions déjà apportées, pour mieux orienter nos enquêtes. Toutefois, il demeure encore une étape décisive, à savoir l’adoption d’une démarche méthodologique adaptée à notre étude.

4 COSSALTER, Patrice (2010) « Le mandat de maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’ouvrage partagée », Edition Territorial, Bresson, 60 pages.
5 GRANJON, Romain et al. (2004) : « Le contrat de mandat rattrapé par le droit administratif » (voir bibliographie).
6 SCHMIDT P. et Laure THIERRY (2004) « Les contentieux liés à l’exécution d’un mandat » (voir bibliographie).
7 Directive 2004/18/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
8 GUILLOU, Y. et Lila BENCHIKH (2004) Comment les contrats de mandat doivent-ils être mis en concurrence ? (Voir bibliographie).
9 SYLLA, Mamadou (2007) : « La délégation de la maîtrise d’ouvrage publique : l’approche AGETIP en Afrique, enjeux et bilans d’un nouveau partenariat », ENA Guinée (Voir bibliographie).
10 DIOU, Christian, HENRY, Michel et Babaly DEME (2007) : « La délégation de la maîtrise d’ouvrage en Afrique en 2007, Bilan, enjeux et perspectives » (Enquête menée au Bénin – AGETIP, AGETUR – au Burkina Faso – FASO BAARA – et au Sénégal – AGETIP).
11 LICHERE, François (1998) : « Les contrats administratifs entre personnes privées, Représentation, transparence et exceptions jurisprudentielles au critère organique du contrat administratif ». (Voir bibliographie).
12 LAJOYE, C. (2006) : « Droit des marchés publics », 3ème édition Gualino
13 TIKANDE, I. et Marouf S. MORAT LAFIA (2003) « Les marchés de travaux publics au Ministère des enseignements primaire et secondaire » (Voir bibliographie).

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