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INTRODUCTION GENERALE

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Dans les pays d’endettement à revenu moyen, où les banques
secondaires jouent un rôle essentiel dans le financement de l’activité
économique, le financement du secteur privé s’effectue principalement par
l’offre de crédit bancaire de long terme. Le développement du secteur privé
s’optimise dès lors sous la contrainte des financements des Petites et
Moyennes Entreprises par les banques secondaires(1).

Cependant, l’offre de crédit de long terme aux Petites et Moyennes
Entreprises fait courir aux banques plusieurs risques financiers qui sont
susceptibles de conduire à leur insolvabilité, et leur illiquidité. Il s’agit
notamment du risque de crédit (Le risque que l’emprunteur ne rembourse
pas sa dette à l’échéance fixée), du risque de marché (le risque de perte qui
peut résulter des fluctuations des prix des instruments financiers qui
composent le portefeuille. Le risque peut porter sur le cours des actions, le
taux d’intérêts, les taux de changes, les cours de matières premières etc.) et
du risque opérationnel (le risque de pertes directes ou indirectes dues à une
inadéquation ou à une défaillance des procédures de l’établissement, de son
personnel, des systèmes internes ou à des risques externes).

Dans un tel environnement risqué, et en présence d’une asymétrie de
l’information dans leur relation avec la clientèle (AKERLOF, 1971 ; STIGLITZ
et WEISS, 1981), les banques peuvent être risquophobes (averses au risque),
risquophiles (avoir le goût du risque) ou neutre à l’égard du risque (VON
NEUMANN et MORGENSTERN, 1944).

Lorsqu’elles sont averses vis-à-vis du risque, les banques gabonaises,
ont tendance à surestimer le risque associé au financement d’une grande
partie des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Ce comportement se
traduit par l’insuffisance des crédits de long terme vis-à-vis des dépôts, et
donc, par l’augmentation de leur liquidité au-delà du seuil nécessaire. Cette
aversion au risque d’insolvabilité donne lieu à une surliquidité bancaire(2)
suivit du sous-financement des Petites et Moyennes Entreprises (P.M.E).

L’alourdissement de la contrainte financière, expliquée par l’aversion des
banques secondaires face au risque de crédit de long terme, porte un frein
au développement du secteur privé.

L’existence de ce paradoxe montre le regain d’intérêt donné à la
question du développement du secteur privé. Une solution récente apportée
à cette problématique porte sur les réformes réglementaires (passage de Bâle
I3 à Bâle II4) permettant aux banques d’être moins averses au risque;
d’exercer leur activité d’intermédiation financière tout en se couvrant contre
le risque d’insolvabilité (KIM et SANTEMERO, 1988 ; ROCHET, 1992,
LAPTEACRU, 2008 ; BRUNO et GIROD, 2008). Une réglementation
prudentielle plus adaptée à la qualité du secteur privé inciterait donc les
banques à détenir plus de créances P.M.E. et renforcerait ainsi
l’intermédiation financière nécessaire au développement du secteur privé
(BERGER, HERRING et SZEGO, 1995 ; FREIXAS et ROCHET, 1997 ;
SANTOS, 1999 ; VAN ROY, 2003 ; BRUNO, GIROD, 2008 ; LAPTEACRU,
2008).

Au Gabon, le paradoxe du sous-financement du secteur privé dans
une situation de surliquidité des banques, justifie que l’on s’intéresse, en
amont, à leurs aversions au risque et, en aval, à la nécessité d’une
réglementation prudentielle plus adaptée. Par sa persistance, le sous
développement du secteur privé dépasse un simple phénomène conjoncturel,
laissant à penser que le problème principal est celui du sous-financement et
qu’il puise sa source dans l’aversion au risque des banques. Déjà soumises
aux normes prudentielles de la Commission Bancaire d’Afrique Centrale
(COBAC), les banques s’avèrent encore surliquides et peu disposées à
financer le secteur privé. De ces constats, les ratios prudentiels de Bâle I en
vigueur dans la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale
(CEMAC) ne semblent pas inciter les banques à financer une plus grande
partie de PME gabonaises, au point de songer à passer de Bâle I à Bâle II.

En proposant une approche microéconomique à notre étude, nous
sommes donc amenés, dans le cas du Gabon, à nous poser la question
suivante : comment optimiser le développement du secteur privé sous la
contrainte d’une aversion au risque de crédit de long terme des banques ?
Une des solutions apportées à cette problématique, par la mise en
place d’une réglementation prudentielle adaptée, a fait l’objet d’une
abondante littérature. En effet, deux approches s’opposent sur l’analyse des
effets de la réglementation prudentielle sur la prise de risque des banques. Il
s’agit de l’approche des portefeuilles, d’une part, et celle des incitations,
d’autre part.

L’analyse de l’activité bancaire dans le cadre de la théorie des choix de
portefeuille met en exergue de débat sur l’impact de la réglementation
prudentielle sur l’aversion des banques. Cette analyse trouve son origine
dans les travaux de PYLE (1971), HART et JAFFEE (1974) et KAHANE
(1977). Les travaux de KAHANE (1977) et KOEHN et SANTOMERO (1980)
soulignent l’existence d’un effet pervers pouvant résulter d’une
réglementation prudentielle fondée sur un simple ratio fonds propres sur
actifs. KIM et SANTOMERO (1988) suggèrent de neutraliser cet effet pervers
en imposant aux banques un ratio de fonds propres construit à partir d’une
méthode de pondération de chaque actif du portefeuille, en fonction du
niveau de risque qui le caractérise. Cependant, KEELEY et FURLONG (1990)
ont vivement critiqué ces précédentes études qui, à leurs yeux, souffrent
d’incohérence interne sous l’hypothèse de responsabilité illimitée des
actionnaires de la banque. Aussi, contrairement à ces travaux, les auteurs
ajoutent-ils la notion de valeur d’option de l’assurance des dépôts et
montrent qu’avec plus de capitaux propres et moins de risque, la régulation
a un effet stabilisateur car elle réduit le risque d’insolvabilité de la banque,
autrement dit le risque systémique. ROCHET (1992) quant à lui, analyse
l’activité bancaire dans le cadre de la théorie des choix de portefeuille de
façon satisfaisante en introduisant l’hypothèse de responsabilité limitée des
actionnaires. Il montre alors qu’une réglementation prudentielle est efficace
si elle parvient à combiner, de façon complémentaire, l’imposition d’un ratio
de fonds propres pondéré en fonction du risque systématique des actifs et
d’un montant de fonds propres minimum.

Bien sûr, ces travaux furent eux-mêmes largement critiqués car ils
négligent les phénomènes d’asymétrie d’information et d’aléa moral qui
caractérisent l’activité bancaire. Les modèles de l’approche des incitations
tentent d’élucider la relation entre le ratio de capitaux propres et la prise de
risque par l’asymétrie de l’information présente à plusieurs niveaux de
l’activité bancaire. Il s’agit premièrement du modèle de BESANKO et
KATANAS (1996), qui considère le comportement de la banque à l’égard du
risque en relation étroite avec, d’une part, le problème entre les anciens
actionnaires et les nouveaux actionnaires et, d’autre part, le problème entre
les insiders et les régulateurs. Ensuite, le modèle de SANTOS (2000) qui
ajoute le rôle d’asymétrie d’information au niveau des relations entre la
banque et la firme qui a besoin de financement (l’effort de la firme dans ce
modèle n’est pas observable) et au niveau de la banque et ses assureurs de
dépôts.

Sur le plan empirique, plusieurs vérifications ont été faites pour
clarifier le débat portant sur les effets de la réglementation du capital
bancaire sur le comportement de la banque. Les premiers travaux de
recherche ont été ceux de PELTZMAN (1970) et MAYNES (1972), complétés
par d’autres études empiriques étudiant le comportement des banques en
matière de prise de risque et les relations entre la variation du capital et la
variation du niveau du risque. Il s’agit principalement des travaux de
SHRIEVES et DAHL (1992) ; JACQUES et NIGRO (1997) ; AGGARWAL et
JACQUES (1997) ; EDITZ, MICHAEL et PERRAUDIN (1998) et plus
récemment, de RIME (2001) ; AGGARWAL et JACQUES (2001), VAN ROY
(2003) ; GOLDEWSKI (2004 ; 2005) ; VAN ROY (2008) ; LAPTEACRU (2008).

SHRIEVES et DAHL (1992) ont examiné la relation « prise de risquerégulation
» pour les banques américaines, respectivement pendant les
années 1984-1986, suite à l’imposition de leverage ratio (fonds propres
propres/total des actifs). Ces auteurs ont trouvé une relation positive et
statistiquement significative entre la variation du niveau de capitaux propres
et la prise de risque des banques américaines. Ce résultat suppose que les
banques qui prennent plus de risque vont essayer d’accroître leur liquidité
pour éviter d’être pénalisées.

Utilisant une approche similaire, JACQUES et NIGRO (1997) ont
montré que l’introduction des standards de fonds propres fondés sur le
risque a entraîné une hausse significative des ratios de calcul et une baisse
du risque de portefeuille des banques ayant déjà satisfait les exigences
réglementaires.

Le modèle de SHRIEVES et DAHL a servi de support aux études
empiriques ultérieures. Ainsi, EDITZ et AL. (1998) et RIME (2000) obtiennent
pour une autre période (1989-1995) des conclusions semblables pour les
banques anglaises et suisses. Les banques suisses tentent d’atteindre
rapidement les ratios exigés par la loi pour éviter les nombreuses pénalités
prévues par les autorités de la régulation. Elles améliorent leurs ratios de
fonds propres en augmentant leurs liquidité et non pas en réduisant l’offre
de crédit aux P.M.E (EDIZ et AL. 1998 ; RIME, 2000).

Par contre, AGGARWAL et JACQUES (1998), en prenant appui sur des
données des banques américaines pour les années 1991-1993, découvrent
que les banques ont décru leur risque pondéré à l’actif pour les années 1992
et 1993 (ce qui contraste avec le comportement des banques en 1991). Cette
baisse de la prise de risque s’explique par l’entrée en vigueur, en 1992, de
plusieurs sanctions applicables aux banques en cas de non respect des
standards de la régulation. Ce qui signifie que les pénalités prévues par les
autorités ont eu des incitations positives sur le comportement des banques
(AGGARWAL et JACQUES, 1998).

Par ailleurs, dans le cadre d’une dynamique temporelle, CALEM et
ROB (1999) cherchent à nuancer les résultats précédents. Les calculs fondés
sur les données américaines entre1984 et 1993 indiquent que l’offre de
crédit bancaire aux P.M.E risquées dépend de son ratio des capitaux propres
et que cette relation suit une courbe en forme de U. Au fur et à mesure que
le ratio de capitaux propres s’accroît, la prise de risque diminue jusqu’au
point correspondant au standard de 8% exigé par les autorités de la
régulation. Ensuite, jugeant le risque de faillite trop faible, les banques bien
capitalisées tentent de prendre plus de risques.

Les travaux de De BONDT et PRAST (2000) cherchent à étudier les
déterminants des ratios de capitaux propres bancaires dans les années 90
en mettant en avant les facteurs spécifiques à la banque et le degré de
capitalisation. Leurs résultats suggèrent que la majorité des banques sont
averses au risque et évaluent le risque de leur portefeuille plus élevé que
celui dicté par les schémas de pondération de Bâle I. Malgré cela, la
réglementation bancaire reste efficace du fait de la tendance des banques
sous-capitalisées à l’ajustement de leurs ratios de capital.

VAN ROY (2003) et GOLDEWESKI (2004) ont trouvé que les variations
des capitaux propres et la prise de risque des banques sont négativement
reliées. Leurs résultats ne confirment pas la conclusion de KOEHN et
SANTOMERO selon laquelle les banques choisissent un portefeuille plus
risqué pour compenser la perte induite par la baisse du levier d’endettement.

Pour eux, les ratios élevés de fonds propres n’entraînent pas un
accroissement du risque de crédit et donc d’instabilité financière.

Les résultats de ces travaux, qui se fondent sur un modèle à équations
simultanées, sont divergents concernant l’influence des exigences en
capitaux propres sur le comportement des banques face au risque.

Dans la pratique, une telle problématique intéresse, d’une part, la
Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) statuant sur la
réglementation prudentielle en zone CEMAC, et d’autre part, l’ensemble des
ministères de l’économie et des finances des pays à économie d’endettement,
soucieux de lever la contrainte d’intermédiation financière pesant sur leur
secteur privé. Parmi les économies où ce problème se pose avec acuité, nous
pouvons citer l’ensemble des pays de la CEMAC (Gabon, Cameroun,
République Centrafricaine, Congo, Tchad) dont le paradoxe est de présenter
à la fois une surliquidité de leurs banques et un secteur privé risqué,
contraint financièrement.

Pour répondre à notre question de recherche, nous prendrons le cas
particulier des banques gabonaises. La discussion sera menée en deux
parties : La première partie consistera en une présentation du modèle de
détermination du niveau de risque bancaire, définissant l’encrage théorique
et les variables du modèle; La deuxième partie aura trait à l’estimation et à
l’interprétation des résultats.

1 Dans la suite de notre étude, le terme « banque » fera référence aux banques secondaires.
2 La surliquidité ou l’excès de liquidité que certains auteurs qualifient d’excès de réserves est défini
comme la détention d’actifs liquides au-delà du niveau réglementaire (SACEGAARD, 2006). Aussi,
WANDA (2007) considère qu’il y’a surliquidité lorsque le ratio dépôts sur crédits est supérieur à un.
3 Selon les normes de Bâle I (1988), les fonds propres exigibles sont calculés sur la base d’une somme
pondérée des différents types d’actifs d’une banque; ces pondérations cherchent à refléter le niveau de
risque de chaque catégorie d’actifs (le ratio COOKE exige des fonds propres à hauteur de 8% de leurs
engagements). Une des limites du ratio COOKE est de ne pas prendre en considération de manière
pertinente et suffisamment précise le niveau réel du risque de crédit, celui-ci est évalué de façon
forfaitaire en fonction du type de contrepartie et du produit. En particulier, le ratio COOKE ne tient
pas compte des différences de qualités des emprunteurs privés puisque quasiment tous les prêts au
secteur privé supportent des charges en fonds propres identiques, quelle que soit leur maturité, leurs
montants ou la solidité financière de leurs bénéficiaires.
4 Les normes de Bâle II (2007) remplacent le ratio COOKE par le ratio Mac DONOUGH qui au-delà du
risque de crédit et du risque de marché intègre le risque opérationnel. Bâle II permet une plus grande
différenciation dans les exigences de capital en fonction de la qualité des risques de crédit, qui dépend
entre autres de la probabilité de défaut de la contrepartie et de la perte en cas de défaut. Bâle II
reforme le calcul du « capital réglementaire » afin d’améliorer la stabilité du système bancaire
international. Il est désormais croissant avec le risque de l’emprunteur. Bâle II est conçu pour ne pas
pénaliser l’accès au crédit des PME, à priori, plus risqué et admet un capital réglementaire associé aux
créances PME faible de 30% relativement à Bâle I.

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