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Introduction

ADIAL

Des situations de conflits d’intérêts font souvent la une de l’actualité notamment dans le domaine de la vie publique ou le secteur financier. Cette notion se retrouve dans tous les secteurs et l’assurance ne fait pas figure d’exception.

Pourtant la notion de conflit d’intérêt est complexe à définir. Actuellement, il n’existe pas de définition de la notion de conflit d’intérêt dans le secteur de l’assurance ni dans la législation européenne ni dans la législation française.

La seule définition européenne de conflit d’intérêt qui existe définit les conflits d’intérêts pour les agents publics dans la Recommandation NR (2000) 10 du Conseil de l’Europe relatif aux codes de conduites des agents publics. L’article 13 (1)(1) de la recommandation dispose qu’un conflit d’intérêt « naît d’une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l’exercice impartial et objectifs de ses fonctions officielles ». On peut certes s’inspirer de cette définition pour dégager la notion de conflit d’intérêt en assurance mais cette définition est très spécifique à la fonction publique et doit être adaptée.

Selon Guy Canivet, Premier Président de la Cour de cassation, cette notion ne recouvre pas une simple opposition entre intérêt personnel et intérêt d’autrui. Il faut distinguer entre les oppositions normales (intérêts divergents) et le conflit d’intérêt que la morale réprouve, et que le droit entend combattre. Les conflits d’intérêts dans ce sens-là n’apparaissent pas à la formation du contrat mais se révèlent au moment de l’exécution d’un contrat « aux termes duquel l’une des parties a pris en charge l’intérêt de son cocontractant ».

Le conflit d’intérêt est donc « une situation dans laquelle les intérêts personnels d’une personne sont en opposition avec ses devoirs, lesquels tendent justement à la protection des intérêts dont elle a la charge »(2). La notion d’intérêt quant à elle doit être entendue comme soit un intérêt pécuniaire ou moral, un intérêt propre ou l’intérêt de ses proches ou de la famille, un intérêt immédiat ou futur.

La définition donnée par Guy Canivet semble être adaptée à la situation d’un intermédiaire d’assurance qui a un devoir de conseil qui consiste justement à donner des conseils avisés à son client afin de l’aider au mieux à choisir un produit d’assurance adapté à ses besoins. Principalement cette définition s’adapte très bien aux courtiers et pour cause. Les situations conflictuelles d’intérêts se retrouvent majoritairement dans la relation entre un courtier et son client car justement le courtier reçoit mandat pour défendre les intérêts de son client. Elles apparaissent aussi parfois dans les relations entre un agent général ayant le statut de courtier et ses clients.

Un des objectifs affichés par la proposition de directive européenne en intermédiation en assurance (DIA 2), publiée le 3 juillet 2012 par la Commission Européenne, ayant pour projet la révision de la directive en intermédiation d’assurance 2002/92/CE du 9 décembre 2002 (DIA 1), est justement de renforcer la protection des consommateurs en s’attaquant au problème des conflits d’intérêts. La DIA 2 est actuellement en attente d’être adoptée par la Commission qui a repoussé son vote à 2014.

La DIA 2 est le résultat de la constatation du besoin de révision de la DIA 1 qui était devenue obsolète en matière de protection des consommateurs notamment au niveau des conflits d’intérêts.

La crise financière récente a démontré sur le plan international la nécessité d’assurer la protection des consommateurs dans l’ensemble des secteurs financiers. C’est pourquoi, en Novembre 2010, le G20 avait invité l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) et le Conseil de stabilité financière ainsi que d’autres instances financières internationales à élaborer des principes communs au bénéfice de la protection des consommateurs. Cette réunion a débouché sur la mise en place des projets de principes de haut niveau sur la protection financière des consommateurs en instituant une réglementation et un renforcement de la surveillance de tous les prestataires financiers en incluant les agents qui traitent directement avec les consommateurs et à juste titre, mettre un niveau de protection comparable pour tous les consommateurs du monde entier. La DIA 1 a été révisée dans cette optique.

Au niveau européen, durant la discussion dans les chambres parlementaires européennes sur la solvabilité 2, une demande de révision de la DIA 1 a été formulée par les parlementaires appuyés par les avis des associations de consommateurs. Les doutes se sont principalement fixés sur la vente des produits d’assurances vie présentant un élément d’investissement mais dans un souci de cohérence intersectoriel, le parlement Européen a demandé qu’on prenne en compte également la révision de la directive MIFID 2 (directive marché instrument financier) afin d’obtenir les mêmes normes de protection harmonisées.

De plus une enquête de la Commission Européenne en 2007 (3) a mis en avant les situations de conflits d’intérêts qui existaient au niveau du marché d’intermédiation des produits d’assurance des risques d’entreprises. Ces situations de conflits d’intérêts étaient aussi vraies pour les risques de masse.

Il a vite été clair pour la Commission Européenne que la DIA 1 devait être révisée. Dès lors la Commission Européenne a lancé la révision de la DIA 2 selon une procédure de codécision. Suivant cette procédure de codécision, la Commission européenne avait pris en compte l’avis des acteurs du marché notamment l’avis de diverses associations de consommateurs au niveau européen, ainsi que les avis des autorités européennes des assurances, l’avis de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, et autres. Ces avis ont conduits à divers études d’impact et à la rédaction de divers rapports. (4)

Il ressort de ces analyses que la confiance des consommateurs dans le marché de l’intermédiation avait était fortement ébranlée par la crise financière de 2007 et les diverses situations de conflits d’intérêts auxquels ils étaient confrontés. Ces rapports ont démontrés les nombres édifiant de plaintes déposées contre les intermédiaires d’assurance pour défaut de conseil et du nombre de consommateurs qui se sont retrouvés avec des produits d’assurances complètement inadaptés à leurs besoins à cause des situations de conflits d’intérêts. Leur confiance a aussi chuté du fait de l’inefficacité des sanctions applicables aux intermédiaires d’assurances en cas de manquements à leurs obligations d’informations et de conseils. Plusieurs consommateurs ont même indiqué qu’il ne servait à rien de porter plainte.

Ces rapports et enquêtes ont mis en avant la nécessité de renforcer la protection des consommateurs tout en veillant à ce que ces règles protectrices ne résultent pas en des charges disproportionnées pour les intermédiaires d’assurance. Ainsi la DIA 2 a été rédigée dans cette optique.

Dans le cadre des définitions des objectifs de la DIA 2, la Commission Européenne s’est basée sur plusieurs documents. (5) L’un des objectifs qui ont été définis a été la lutte contre les conflits d’intérêts.

Pour ce faire, la DIA 2 opère un certain nombre de changements notamment dans la définition même de l’intermédiation, déjà délimitée dans la DIA 1.

A ce propos, la DIA 1 définit les intermédiaire en assurance comme étant des personnes physiques ou moral qui moyennant rémunération présentent ou proposent des contrats d’assurance ou aident à réaliser des travaux préparatoires à leurs conclusion ou aident à leur conclusion et même des fois contribuent à la gestion de et l’exécution de ces contrats notamment en cas de sinistres. Cette définition couvre une large catégorie d’intermédiaires comme les courtiers, les agents généraux, les mandataires d’assurance et les mandataires intermédiaires d’assurance.

La DIA 2 quant à elle, dans son article 2 modifie la définition en y supprimant l’activité de proposer. Elle considère qu’un intermédiaire d’assurance prodigue des conseils sur les contrats d’assurance, aide à la réalisation de travaux préparatoires ou à la conclusion d’un contrat d’assurance, ou qui contribue à leur gestion et exécution notamment en cas de sinistre. Elle y inclut aussi les gestionnaires de sinistres et les experts.

Cette modification s’explique d’abord par la volonté qu’a eu la Commission Européenne d’élargir le plus possible le champ de la DIA 2 afin de donner une protection renforcée et égale aux consommateurs et ce peu importe le canal de distribution qu’ils utilisent (intermédiaire, souscription directe auprès de l’assureur, intermédiaire ayant une activité d’intermédiation accessoire à une activité principale, ou intermédiaire déclaré).

Cependant en ce qui concerne les conflits d’intérêts, les dispositions de la DIA 2 visent essentiellement la situation d’un courtier ou d’un agent général ayant aussi le statut d’un courtier qui se retrouve à cheval entre les intérêts de l’assureur et les intérêts du consommateur notamment quand il se fait rémunéré par l’assureur ou qu’il a reçu une délégation de gestion de ce dernier. Ce conflit d’intérêt né du fait qu’il a un certain « devoir de loyauté » envers les deux.

La directive veut éviter ces situations de conflit d’intérêt, ou du moins les exposer et les gérer si on ne peut pas les éviter. C’est aussi l’objectif affiché par les organisations de consommateurs comme la BEUC (Bureau Européen des Unions de consommateurs), FSUG (‘Financial Services User Group’), et la « German Consumer Association ».

Toutefois, il est curieux qu’un des objectifs affichés par la Commission soit la lutte contre les conflits d’intérêts alors qu’elle ne définit pas cette notion ; notion qui est à la fois complexe et pouvant être sujette à des interprétations différentes et divergentes au sein des Etats membres de l’Union Européenne. Ne pas définir ce terme revient donc à ouvrir la porte à une application différenciée de la législation censée combattre ce fléau.

De plus la DIA 2 dans l’objectif d’avoir une réglementation cohérente avec les autres directives et règlements européen a pris en compte lors de la révision de la DIA 1 la révision de deux autres directives, la révision de la directive sur les OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières), la révision de la directive Mifid (marché d’instruments financiers) et la révision du règlement de produits d’investissement de détail packagés (Prips). Ces trois directives abordent la question des produits d’investissements et la DIA 2 a voulu prendre en considération ces directives pour accorder le même niveau de protection aux consommateurs de produits d’investissement et aux consommateurs de produits d’investissements assurantiels. En effet, concernant les produits d’investissements assurantiels, il a aussi été fait constat que les situations de conflits d’intérêts débouchant sur la vente de produits inadaptés aux consommateurs pouvaient avoir des conséquences désastreuses.

Le seul objectif de la DIA 2 n’est bien sûr pas de lutter contre les conflits d’intérêts mais c’est cette question que l’on va aborder ici. Il conviendra d’analyser si la DIA 2 a réellement régler le problème de l’existence de conflit d’intérêt dans l’intermédiation d’assurance.

Pour pouvoir répondre à cette question, il est nécessaire de s’attarder sur les situations de conflits d’intérêts que l’on rencontre actuellement dans le domaine de l’intermédiation de l’assurance. En effet, comme dans tout problème il est important d’identifier la source du problème, ses causes avant de pouvoir mettre en œuvre des solutions et analyser leur efficacité à résoudre le problème.

Ainsi il convient d’abord de cerner les conflits d’intérêts susceptibles d’apparaître dans une relation entre un intermédiaire et son client. Ce n’est qu’après ce travail d’analyse qu’on pourra répondre à la question de savoir si la DIA apporte un niveau de protection efficace.

On va donc examiner les raisons de l’insuffisance de la protection offerte par la DIA 1 face aux problèmes de conflits d’intérêts (Partie 1) avant de voir comment la DIA 2 a mis l’obligation de transparence des rémunérations et des obligations renforcées d’information et de conseil au cœur de son dispositif pour lutter contre les conflits d’intérêts (Partie 2).

1. Recommandation NR(2000) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le code de conduite des pour les agents publics – adopté par le Comité des Ministres le 11 mai 2000 à sa 106e session.
2. http://www.courdecassation.fr/institution_1/autres_publications_discours_2039/discours_2202/2_avril_8453.html ( Guy Canivet, 30e colloque organisé par l’Association Droit et Commerce Deauville avril 2006 les conflits d’intérêts)
3 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.douri=CELEX:52007DC0556:EN:NOT – enquête sectorielle de la commission européenne sur les risques d’entreprises COM (2007) 556 final
4 avis de l’autorité européennes des assurances et des pensions professionnelles AEAPP avec un rapport final de 2010 période 2010-2011, les services de la Commission ont régulièrement rencontré des représentants du secteur des assurances, des organisations de consommateurs et des autorités de surveillance ; consultation publique au sujet de la révision de l’IMD1 entre le 26 novembre 2010 et le 28 février 2011 audition publique sur l’IMD2 du 10 décembre 2010 sur le champ d’application de la directive, sur les exigences en matière d’information imposées aux intermédiaires d’assurance, sur les conflits d’intérêts, sur les échanges transfrontières ainsi que sur les exigences relatives aux qualifications professionnelles Réunion du 11 avril 2011 organisée avec des experts des États membres et l’AEAPP en vue d’examiner les résultats de la consultation publique étude de Pricewaterhouse Coopers sur la distribution des produits d’assurance dans UE – 2011 étude sur les coûts et bénéfices de la révision des règles de distribution des produits d’assurance & des produits d’investissement assurantiel. Étude sur la qualité du conseil étude des facteurs déterminant dans la prise de décision des investisseurs.
5 d’abord sur les avis de la CEIOPS/ EIOPA qui a conseillé à la Commission de l’UE de réviser le DIA 1 pour avoir beaucoup plus de sécurité juridique. Durant les discussions sur l’adoption de la directive Solvency II, une demande de révision de la DIA 1 a été formulée par certains parlementaires et organisations de consommateurs suite à la crise financière. A ce titre, les organisations de consommateurs ont recommandé de prendre en compte la révision de Mifid en plus de l’ enquête sectorielle déjà faite par la commission sur le marché de l’assurance en 2007 . Il y a eu un impératif guidé par une nouvelle politique et qui s’axe sur la protection des consommateurs mais également la nécessité de faciliter le commerce transfrontalier.
Une étude d’impact a commencée en 2010 Enfin la commission a aussi consulté l’ EIOPA, les représentants du secteur de l’assurance ( FFSA, CEA, BIPAR, VVO,
GDV), les associations de consommateurs (BEUC, FSUG). La commission a également procédé à des consultations publiques (DG Market) sur l’ obligation d’ information, les conflits d’ intérêts, l’échange transfrontalier, les exigences de qualifications, et la commission a aussi procédé à des discussion sur ces consultations public avec l’EIOPA, les représentants de consommateurs ( FIN-USE, Financial Services Consumer Group, and Financial Services User Group),et les commissions de surveillance (EIOPA, FSC) . Le bilan fût que la majorité était d’accord vers une position de révision de la directive [études missionné par Commission en vue de la révision de la DIA 1 : Pricewaterhouse coopers Luxembourg – fonctionnement distribution assurance en EU 2010 étude 2010 par DG market sur les coûts et bénéfices des changements dans la réglementaire sur la distribution des produits de l’assurance et les Prips assurance étude DG SANGO sur la qualité des conseils en EU étude par DG SANGO sur les facteurs de comportements économique lié à la prise de décision des investisseurs étude sur les coûts et bénéfices des différents options concernant la révision de la règlementation sur la vente de produits ne relevant pas du Mifid Prips|

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