Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

INTRODUCTION

ADIAL

« La raison d’être de l’Etat est le besoin de sécurité éprouvé par l’individu, qui se sent menacé par tous ses semblables(1) ».

Soucieux derespecter les dispositions de l’Acte Unique européen, qui prescrivait en son article 100A, une forte protection en matière de santé, de sécurité, d’environnement et à l’égard du consommateur, une harmonisation européenne de l’assurance des constructeurs avait déjà été étudiée en 1989.

Cette recherche nommée « Etude des responsabilités, des garanties et des assurances dans la construction en vue d’une harmonisation au niveau communautaire(2) », menée par M. Claude Mathurin, ingénieur général des Ponts et Chaussées, répondait à une demande émanant du Parlement Européen dans sa résolution adoptée le 12 octobre 1988(3). Ce rapport se voulait optimiste et ambitieux, de nombreuses « esquisses de solutions concrètes (4)» avaient été dégagées.

Cependant, celles-ci n’ont pas été appliquées. Cette tentative d’harmonisation des règles de responsabilités, de garanties et d’assurances dans le secteur de la construction reste donc inachevée.

A l’heure actuelle, avec les enjeux socio-économiques du 21ème siècle, une des problématiques les plus délicates à solutionner depuis une vingtaine d’années, reste celle relative à l’assurance décennale en France. En effet, avec l’ouverture sur l’Europe qui prend toujours plus d’ampleur depuis la création par le traité de Lisbonne, de l’Union Européenne le 1er décembre 2009, permettre aux citoyens européens d’accéder plus aisément aux différents marchés qu’offre cette institution reste un objectif que les Etats membres souhaitent atteindre.

L’assurance décennale en France, « est destinée à assurer une protection physique et financière du consommateur(5) ». Le système français d’assurance construction institué en 1978 par la loi Spinetta, se déroule en deux temps. Le premier porte sur la souscription obligatoire d’une police d’assurance de responsabilité décennale par le constructeur.

Le second a trait à la souscription par le maître de l’ouvrage d’une assurance dommages ouvrage qui se traduit par un préfinancement rapide de la réparation du dommage subi. En effet, en cas de dommage, l’assureur dommages ouvrage indemnise le propriétaire dans des délais et conditions fixés par des clauses types puis exercera des recours contre les constructeurs responsables et leurs assureurs en responsabilité décennale.

C’est la raison pour laquelle ce système est qualifié de système « à double détente(6) ». Il permet au maître de l’ouvrage – « celui envers lequel l’entrepreneur s’engage à fournir un ouvrage, dans le contrat de louage d’ouvrage(7) » – d’être indemnisé avec célérité et assure plus efficacement la protection du consommateur.

En France, les règles relatives à la responsabilité des constructeurs sont d’ordre public. Cette responsabilité des constructeurs appelée également responsabilité décennale ou garantie décennale est régie par les articles 1792 et 1792-2 du Code civil.

Selon l’article 1792 du Code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère(8). » Le code civil en son article 1792-1 donne une définition légale des personnes réputées constructeurs. Il indique qu’ « est réputé constructeur de l’ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne, qui, bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage(9). »

Cette présomption de responsabilité pèse sur les constructeurs durant un délai de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage. La réception de l’ouvrage constitue donc la « clé de voûte de tout le système de responsabilité des constructeurs(10) ». Elle représente le point de départ de la responsabilité décennale.

Il s’agit d’une procédure d’acceptation des ouvrages définie telle que « l’acte par lequel, à l’amiable ou judiciairement (mais toujours de façon contradictoire) le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves et qui laisse toujours subsister la garantie de parfait achèvement à la charge de l’entrepreneur, pendant un délai d’un an à compter de sa date et, pendant deux ans au moins, la garantie de bon fonctionnement des éléments d’équipement autres que ceux qui sont parties d’ouvrages(11) ».

Elle est légalement prévue à l’article 1792 -6 du Code civil qui dispose que « la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves(12). »

La responsabilité d’un constructeur est donc susceptible d’être engagée en cas de dommage de nature décennale. Dans une volonté de renforcerla sécurité juridique du consommateur, la loi Spinetta institueen 1978, une obligation légale d’assurance décennale. Cette obligation d’assurance décennale est prévue à l’article L.241-1 du Code des assurances qui dispose en son 1er alinéa que «toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance(13)».

Le non-respect de l’obligation d’assurance décennale est pénalement sanctionné. Néanmoins, cette obligation légale d’assurance contre les vices de nature décennale souffre d’exception selon la nature des ouvrages. Il s’agit notamment des ouvrages se rattachant au génie civil.

Si en France, l’obligation d’assurance décennale est légalement prévue par la loi, tel n’est pas le cas chez tous nos voisins européens. En l’absence de règle européenne relative à l’assurance des constructeurs, chaque ordre juridique conserve son propre corpusjuridique pour la régir lorsque celle-ci est prévue. En effet, les législations européennes relatives à l’assurance construction diffèrent.

Si certains Etats ont adopté une loi afin de régir la responsabilité des constructeurs et rendre son assurabilité obligatoire, d’autres, ont adopté un régime plus souple, fondé sur des usages, mettant l’accent sur la volonté et le bon sens du constructeur à s’assurer.

« Certaines polices peuvent aussi être de type contractuelle et de nature de polices de dommages(14)» et nombreux sont les Etats où n’existe pas d’obligation d’assurance. Enfin, dans certains états, il incombera au maître d’ouvrage de souscrire une police d’assurance de responsabilité des constructeurs.

Aujourd’hui la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieuret transposée en France en 2009, destinée à faciliter la mise en oeuvre des libertés d’établissement et de libre prestation de services et à éliminer les obstacles, notamment administratifs et juridiques, au développement des activités de services à l’intérieur de l’Union,engendre de nouvelles difficultés. Son champ d’application est large et a pourtant été réduit. Il couvre plusieurs services tels que les services immobiliers, le commerce de détail, la plupart des professions réglementées, le tourisme, l’enseignement privé, l’artisanat et la construction.

Si au commencement, le principe appliqué afin d’éliminer les obstacles aux échanges de services transfrontaliers était celui du « pays d’origine », celui-ci a par la suite, été abandonné au profit du principe de libre prestation de service, qui fait l’objet de dispositions(15) du Traité de Rome(16). Selon ce principe, « l’Etat membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire(17). »

Les Etats membres ont néanmoins la possibilitéd’imposer des exigences nationales relatives à l’ordre public, la sécurité publique, la santé publique et la protection de l’environnement. Ils continuent donc de pouvoir imposer aux prestataires établis au sein de leur Etat, leurs exigences nationales.

La France voit dans l’application de cette directive une remise en cause de sonsystème de responsabilité et d’assurance construction au bénéfice de l’Union Européenne qui a toujours été soucieuse de supprimer tout obstacle au respect des principes de liberté d’établissement et de libre prestation de service.

Ces deux corollaires de l’instauration de l’Union Européenne, viennent quelques fois en contradiction avec les règles internes des Etats membres. Il s’agit là, d’un problème sous-jacent à une possible et souhaitable harmonisation européenne des règles d’assurance des constructeurs.

La frontière entre le respect du principe de primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national dégagé par l’arrêt Costa contre Enel(18) et celui des ordres juridiques internes notamment des lois de police, est délicate. D’autant plus, qu’un état qui entraverait les principes de libre établissement et de libre prestation de service serait soupçonné de protectionnisme.

C’est dans ce contexte conflictuel que la problématiqued’une éventuelle harmonisation européenne des règles d’assurance décennale revient sous les projecteurs. La question se pose donc de savoir comment harmoniser les règles d’assurance des constructeurs au niveau européen afin d’optimiser l’accès des constructeurseuropéens au marché français.

Afin de répondre à cette problématique, il convient de s’intéresser dans un premier temps, à l’interaction entre le Droit national et le Droit de l’Union Européenne. (Partie 1), avant d’étudier, dans un second temps, les éventuelles orientations à adopter pour tendre vers une harmonisation européenne de l’assurance des constructeurs.(Partie 2).

Au préalable, il nous semble opportun de préciser que pour une meilleure compréhension, l’étude de l’obligation d’assurance décennale nous obligera parfois, à aborder la responsabilité décennale. Par ailleurs, il nous semble préférable et plus judicieux, d’utiliser les termes d’ « assurance construction » ou d’ « assurance contre les vices de la construction » lors de notre étude comparative puisque la durée décennale n’est pas celle appliquée dans tous les Etats membres de l’Union Européenne.

1 ARENDT Hannah, « L’impérialisme »,éd. Le Seuil, PARIS, 2006, 378p.
2 MATHURIN Claude, « Rapport final – Etude des responsabilités, des garanties et des assurances dans la construction en vue d’une harmonisation au niveau communautaire », Commission des communautés européennes, Marché intérieur et Affaires industrielles, Bruxelles, 15 novembre 1989.
3 « Résolution sur la nécessité d’une action communautaire dans le secteur de la construction », Parlement Européen, 12 octobre 1988.
4op. cit. (p.47)
5 Fédération Française des Sociétés d’Assurance, « Assurance construction : l’assurance décennale, ode d’emploi », www.ffsa.fr.
6Ibid.
7 CORNU (G), Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 8è ed., PUF, 2008, p. 569.
8 Article 1792 du Code civil.
9 Article 1792-1 du Code civil.
10 KARILA Jean-Pierre et KULLMANN Jérôme, Lamy assurances, Editions Lamy, 2013, n°5024, p.1489.
11 CORNU (G), Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 8è ed., PUF, 2008, p.766.
12 Article 1792-6 du Code civil.
13 Article L.241-1 du Code des assurances.
14 SUDRES Roland, « L’assurance des risques de la construction », Hannoverre, 2006, p.14.
15 Article 59, Traité de Rome instituant la Communauté européenne, 25 mars 1957 ; Article 60 du Traité de Rome instituant la Communauté européenne, 25 mars 1957.
16 Traité de Rome instituant la Communauté européenne, 25 mars 1957.
17 Article 16, Directive 2006/123/CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.
18 CJCE, Costa c/ Enel, 15 juillet 1964, aff. 6/64.

Retour au menu : Harmonisation Européenne et Assurance Décennale Obligatoire