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INTRODUCTION

ADIAL

« L’un des contrastes les plus saisissants du monde actuel est le gouffre qui sépare le civil de l’incivil. Par “civil”, j’entends civilisation: longs siècles d’un apprentissage sur lequel nous fondons le progrès. Par “civil”, j’entends aussi tolérance: le pluralisme et le respect de la diversité des peuples du monde, dont nous tirons notre force. Et enfin, j’entends la société civile: les groupements de citoyens, les entreprises, les syndicats, les professeurs, les journalistes, les partis politiques et tant d’autres, qui ont un rôle essentiel à jouer dans la conduite de toute société. Cependant, déployées contre ces forces constructives, en nombre toujours plus grand et dotées d’armes toujours plus puissantes, sont les forces de ce que j’appelle la “société incivile”. Ce sont, entre autres, les terroristes, les criminels, les trafiquants de drogues, les trafiquants d’êtres humains, qui défont le bel ouvrage de la société civile. Ils prennent avantage des frontières ouvertes, de la liberté des marchés et des progrès techniques qui apportent tant de bienfaits au genre humain.

Ils prospèrent dans les pays dont les institutions sont faibles et ne montrent aucun scrupule à recourir à l’intimidation ou à la violence. Impitoyables, ils sont l’antithèse même de tout ce que nous considérons comme civil. Ils sont puissants, représentent des intérêts solidement enracinés et ils ont derrière eux une entreprise mondiale qui vaut des milliards de dollars, mais ils ne sont pas invincibles ».

Ainsi Kofi A.Annan, alors secrétaire général des Nations Unis, choisit-il d’introduire la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (New-York, 2004).

A l’heure de la liberté des marchés, où toute une génération de multinationales aux forts pouvoirs transfrontaliers mais également de Petites et Moyennes Entreprises et Industries (PME/PMI) qui se languissent d’avoir elles aussi un impact mondial, l’implantation des entreprises françaises à l’étranger est devenue une étape quasi indispensable. Celles qui choisissent de se développer hors des frontières françaises ont souvent de bonnes raisons de le faire : choix commercial stratégique, coût du travail modéré et main d’oeuvre souple, zones fiscalement avantageuses, etc…

De même, les compagnies françaises qui prennent aujourd’hui pour habitude d’envoyer certains de leurs employés ou cadres à l’étranger pour des « missions » de courte durée ne sont plus une exception. Les déplacements se font fréquents, suivant divers objectifs : créer de nouvelles relations d’affaires, développer un nouveau marché, ou bien justement envisager une prochaine implantation.

Mais, si certains pays d’implantation sont terres hospitalières (tant au niveau de l’économie que de la stabilité locale), d’autres connaissent une instabilité qui peut vite s’avérer dangereuse pour ces nouvelles arrivantes.

En tant que symboles d’un régime démocratique occidental, les entreprises françaises implantées dans un pays dit « émergent »1 se trouvent de nos jours trop souvent être les proies d’attaques diverses qui peuvent très vite les conduire à une situation critique, tant économiquement qu’humainement ou juridiquement.

Carte du monde reprenant les pays à risques dans les tons les plus foncés

Illustration 1 : carte du monde reprenant les pays à risques dans les tons les plus foncés. -http://www.controlrisks.com/RiskMap/Pages/Kidnap.aspx

Ainsi, la relation entre les entrepreneurs français et les pays émergents est à double tranchant : tout en représentant un nouveau marché lucratif, le pays d’accueil peut aussi incarner un défi terrible à relever.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001 qui ont à jamais marqué les esprits, le monde est perçu comme plus incertain, du fait de la menace quasi-persistante de groupes criminels ou terroristes, en particulier associés aux pays émergents.

Il apparaît ainsi que les entreprises françaises d’aujourd’hui ont peine à imaginer pouvoir s’intégrer dans des climats aussi difficiles et menaçants, et surtout pouvoir encore motiver leurs équipes à s’expatrier ou à voyager dans des zones que tout le monde sait être « à risques » (2).

C’est dans ce contexte angoissant que les assureurs ont choisi d’intervenir et de développer une nouvelle police : l’assurance Kidnapping et Rançon (« K&R ») ou encore « Enlèvement et Extorsion », prenant une ampleur considérable, d’abord dans les pays anglo-saxons pour aujourd’hui séduire de plus en plus d’entrepreneurs français.

En effet, bien que le nombre de compagnies d’assurance intervenant dans ce domaine soit encore faible, cette police atypique pourrait bien répondre aux risques et doutes que les entrepreneurs peuvent avoir lorsqu’ils décident de se tourner vers l’international.

Un tel contrat promet la formation des organisations françaises à l’implantation dans le pays émergent choisi, mais aussi et surtout la couverture en cas de prises d’otages ou d’extorsion à la fois par des prestations financières et des prestations d’assistance notables.

Pourtant, les prises d’otages et autres tentatives d’extorsion commises envers les sociétés françaises cachent souvent des réalités beaucoup plus complexes qu’une simple demande de rançon, comme certains s’imaginent sûrement : au-delà d’une menace à la personne morale pleine de richesses, c’est très souvent une affaire d’États qui est alors mise en avant.

L’État français a donc vraisemblablement un rôle à jouer dans la gestion du risque Kidnapping et Extorsion encouru par ses ressortissants(3).

Dès lors, dans un domaine aussi complexe que celui des risques criminels(4), où l’intervention de l’État français apparaît indispensable, l’assurance privée a-t-elle légitimement sa place ? Quels intérêts une entreprise a-t-elle à choisir de souscrire à la police K&R ?

Afin de tenter de comprendre quelle place doit être faite à l’assurance privée par le contrat Kidnapping et Rançon(5), il sera indispensable d’examiner dans cette étude, dans un premier temps, les principales motivations actuelles des organisations françaises s’exerçant dans des zones dites « à risques » à souscrire une police K&R (Partie I) avant d’analyser l’application de cette police-même, captivante par son originalité et son offre de garanties (Partie II) pour enfin s’interroger sur la nécessité d’une telle souscription au regard de la place de l’État français dans la gestion de ce risque Kidnapping et Extorsion (Partie III).

1 – Pays émergent : « Qui se distingue des autres pays de sa catégorie (pays en développement) par des résultats macroéconomiques (production industrielle, emploi) supérieurs et un taux de croissance élevé », LAROUSSE 2013. Un pays n’est ainsi qualifié d’émergent que par comparaison avec les pays en développement, souvent les pays occidentaux.
2 – V. supra la carte du monde du risque Kidnapping par Control Risks.
3 – « Ressortissants » au sens citoyens français (employés et cadres) et entreprises (multinationales et PME/PMI).
4 – Il sera souvent fait allusion tout au long de cette étude aux risques « criminels », regroupant ainsi le risque de kidnapping et celui d’extorsion ou menace d’extorsion engendrés par les groupes armés des pays émergents.
5 – Police aux diverses appellations qui sera dans cette étude souvent qualifiée de police « K&R » (« de l’appelation anglophone « Kidnapping and Ransom »), dans un souci de praticité.

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