La pollution de l’environnement constitue un problème majeur dans les pays en développement (PED) (Spain and Alm, 2003 ; Awomeso et al., 2010 ; Rajaganapathy et al., 2011). Elle entraine des conséquences multiples dont les effets sont parfois irréversibles (Sibosiko, 2003). Les facteurs qui favorisent la pollution de l’environnement dans les PED sont notamment la croissance démographique, le développement économique et le niveau d’éducation de la population en rapport avec la gestion de déchets et la protection de l’environnement (Charnay, 2005; Aina, 2006; Aloueimine, 2006; Awomeso et al., 2010 ; Corcoran et al., 2011). Les déchets qui résultent des ces différentes activités ne sont pas traités, ils sont déchargés dans l’environnement sans contrôle préalable. Ils pourraient conduire à la pollution de l’eau, du sol et de l’air, avec des conséquences sur l’homme et son environnement (Barbault et al., 1993; Sibosiko, 2003).
Les autorités urbaines dans les PED sont souvent confrontés aux problèmes de la planification de la gestion de déchets ménagers (DM) (Charnay, 2005; Aina, 2006). Les principales difficultés qu’elles rencontrent sont les suivants: i) les infrastructures urbaines inopérantes (voirie, adduction d’assainissement, collecte, traitement et valorisation des déchets, etc.);ii) Un financement très irrégulier; iii) Les problèmes de financement et maintenance des équipements de base; iv) un personnel sous qualifié dans le secteur publique en matière de la gestion de déchets; v) Le manque de données suffisantes sur les déchets produits dans les milieux urbains; vi) le manque de la sensibilisation et d’éducation de la population en matière de la gestion de déchets et vii) le manque des données sur le niveau de connaissance de la population en rapport avec la gestion des déchets et la pollution de l’environnement (Aina, 2006; Aloueimine, 2006). En plus, l’absence de la volonté politique d’inscrire la gestion des déchets dans les priorités stratégiques des PED en tant que programme nationale à part entière comme c’est le cas dans le domaine de la santé (programme de lutte contre le SIDA, le paludisme, la tuberculose, la malnutrition, le planning familial, etc.) ou de l’éducation (programme de scolarisation des filles, programme de lutte contre l’analphabétisme des adultes, l’éducation de base obligatoire, l’éducation pour tous, etc.) constitue un handicap de plus dans la gestion des déchets dans les PED (Aloueimine, 2006).
Les données sur le niveau d’instruction de la population en rapport avec la gestion des DM est importante pour une gestion durable des déchets et pour la protection de l’environnement. Elles pourraient permettre aux responsables locaux: i) d’évaluer la situation présente en matière de quantité et de qualité des DM produits et suivre leur évolution; ii) d’identifier les spécificités des déchets en fonction des caractéristiques des populations et par conséquent bien cibler les campagnes d’information, d’éducation et de communication; iii) d’impliquer les ménages et les autres acteurs dans la gestion des déchets; iv) d’évaluer les potentialités économiques et d’élaborer les programmes de valorisation et de recyclage permettant de réduire le coût de transport des déchets vers les décharges, le développement des filières de traitement formel et informel, etc.; v) d’optimiser le choix des modes de la gestion de déchets et vi) de prendre en compte l’évolution de la composante déchet dans la planification de l’urbanisation future (Ademe, 2005; Charnay, 2005; Aina, 2006).
Les DM créent plusieurs problèmes à l’environnement. En effet, Awomeso et al., (2010); Mashhood, (2011) et Meena et al., (2011) ont montré que les DM constituent une source de microbes pathogènes. L’exposition à ces organismes pourrait présenter des risques sur la santé des êtres vivants (Payment and Katarina, 2005 ; Marijké, 2010).
Les maladies, les agents causaux et les sources sont repris dans le tableau ci-dessous.
Tableau 1 : Pathogènes des DM et les maladies qu’ils causent (Katarina and Payment, 2005; Abdo et al., 2010; Marijké, 2010).
Pendant le processus de transformation, les DM dégagent le SO2, NO2 et le CO2 dans l’environnement externe. Ces oxydes, au contact avec les vapeurs d’eau atmosphériques, pourraient provoquer des pluies acides, le réchauffement de la planète, etc. (Dotrepp, 1975). Les DM sont très souvent associés aux métaux lourds (ML) et aux antimicrobiens (Spain and Alm, 2003 ; Wan et al., 2009 ). Ces polluants sont rejetés dans l’environnement, a travers la matière fécale, les déchets domestique, les déchets des hôpitaux, les eaux de ruissellement, et les effluent des dépotoirs (Abu and Egenonu, 2008 ; Czekalski et al., 2012). Ils constituent un problème majeur dans le monde, ils pourraient conduire à la dissémination des microorganismes résistants dans les écosystèmes avec des conséquences néfastes sur l’humanité et la biodiversité (Barifaijo et al., 2009 ; Blair, 2010). Les polluants disponibles dans les déchets ménagers présenteraient plusieurs conséquentes sur les êtres vivants: i) l’accumulation des nitrates dans les plantes présente des conséquences sur les prédateurs. En effet, l’excès des nitrates dans l’organisme provoque la méthémoglobinémie (Aelterman et Embrechts, 1989), ii) l’accumulation des ML dans les tissues des organismes vivants pourrait avoir d’effets neurotoxiques, cancérigènes, embryotoxiques, etc. Ils pourraient également affecter les fonctions hormonales et enzymatiques de l’homme et d’autres organismes (Ehrlich, 1997 ; Nies, 1999, Mwashole, 2003 ; Rajanagapathy et al., 2011), iii) l’infection par des microbes résistants retarde la guerison de la maladie, augmente le taux de mortalité et de morbidité avec des conséquences économiques qui s’ensuivent (WHO, 2012).
Les conséquences des polluants de l’environnement pourraient bien être limitées si les gouvernants des PED faisaient de la gestion des DM une des priorités de leurs activités gouvernementales.
En République Démocratique du Congo (RDC) et particulièrement dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu, la collecte des déchets n’est pas organisée, elle se limite au niveau de quelques ménages aisés dans le centre urbain. Les ménages qui n’ont pas accès à cette facilitation rejettent tout simplement les déchets dans les rues, les rivières, les canalisations et les terrains de football comme montre sur les photos en annexe 3. Aussi, malgré que ces déchets soient ramassés dans certains ménages par les organisations non gouvernementales (ONGs), le service n’est pas régulier. Les déchets collectés sont délivrés à l’environnement sans traitement préalable (Ntabugi, 2006, Abedi, 2012). Ils finissent la trajectoire dans la nappe aquifère, les rivières et le lac Kivu qui souffrent du phénomène d’eutrophisation (Mubwebwe, 2009; Muvundja et al., 2009). Les DM déposés dans les rivières et les canalisations empêchent le libre passage de l’eau. En effet, pendant les fortes pluies sur la ville de Bukavu, on assiste à de nombreux cas d’inondations pendant lesquelles l’eau balaye les routes et les avenues. Elle pourrait emporter les microorganismes, les antimicrobiens, les ML, les nitrates, etc. dans l’eau naturelle (Meena et al., 2010). Ceci pourrait contribuer à la pollution de l’eau dans les rivières de la ville de Bukavu et le lac Kivu dont les conséquences sur la biodiversité seraient incalculables. Les latrines de la ville de Bukavu se perdent toutes dans le sol (Ntabugi, 2006). Les familles qui n’en ont pas et qui vivent le long des rivières, du lac Kivu et des canalisations rejettent la matière fécale dans l’eau comme indiquent les photos en annexe 3, série 9. La matière fécale contient les microorganismes, les antimicrobiens qu’elle véhicule dans l’environnement (Abu and Egenonu, 2008; Wei and Wee, 2011) .Ces déchets, mal gérés, pourraient contribuer à la dissémination des microorganismes résistants dans l’eau des rivières et du lac Kivu, et seraient à la base de nombreuses maladies qui se vivent dans notre milieu telles que le choléra, la fièvre typhoïde, les diarrhées, etc.
Les déchets solides(DS) stockés dans des „‘décharges sauvages’’ éparpillés dans la ville de Bukavu (Photos en annexe 3, séries 1, 2, 3 et 4) sont incinérés lorsque le volume est important (Photos en annexe 3, série 7). Ce moyen de traitement des déchets, dont les caractéristiques échappent à la connaissance, pourrait contribuer à la dispersion des gaz à effet de serre (GES) (responsable du réchauffement de la planète) et des ML dont les conséquences majeurs incluent les cancers, insuffisance rénal, trouble neurologique, etc. (European Commission DG ENV E3, 2002; WHO, 2007) dont pourraient souffrir la population de la ville de Bukavu. D’autre part, les déchets rejetés dans différents endroits de la ville se décomposent à la surface du sol, à l’air libre (Photo en annexe 3, séries 1, 2, 3 et 4). Pendant cette transformation, les déchets pourraient dégager les lixiviats qui polluent la nappe aquifère et les oxydes (CO2, NO2,…) qui réagissent avec les vapeurs d’eau atmosphérique et qui pourraient être à la base de la formation des pluies acides (Dotrepp, 1975) dans notre province. Les conséquences de ces polluants qui résulteraient des déchets restent incalculables sur la biodiversité dans les écosystèmes naturels dans la ville de Bukavu.
Les recherches récentes sur les déchets dans la ville de Bukavu ont montré qu’ils étaient mal gérés (Ntabugi, 2006 ; Abedi, 2012). La présente étude a été motivée par la manière dont la population de la ville de Bukavu considère les déchets ménagers alors que ces derniers présentent des conséquences sur la santé et l’environnement. Notre étude a pour but d’évaluer le niveau de connaissance des habitants de la ville de Bukavu sur la gestion des DMs. Les résultats de cette recherche pourraient constituer une base des données pour les autorités locales et les chercheurs pour une gestion durable des DM. Deuxièmement, ils pourraient permettre d’acquérir les informations sur le niveau de connaissance de la population concernant les dangers que présenteraient les déchets sur l’environnement et sur la santé. Troisièmement, ils pourraient permettre d’acquérir une vue d’ensemble sur le niveau de connaissance des habitants de la ville de Bukavu sur la gestion de DM et enfin, ils pourraient permettre d’envisager un projet de campagne de sensibilisation de la population afin d’éduquer celle-ci sur la gestion et les dangers des DM afin de limiter les risques qui y seraient associés. C’est dans ce cadre que nous avons envisagé cette recherche.
Ce travail de mémoire fait objet d’une présentation en trois chapitres. Le premier chapitre consacré à la synthèse bibliographique présente un aperçu général de la gestion des déchets dans les PED ainsi que les risques liés à ces déchets. Le deuxième décrit le milieu d’étude et présente une description des méthodes utilisées dans l’évaluation. Les résultats obtenus ainsi que leur discussion sont présentés dans le troisième chapitre.