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INTRODUCTION

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Tout Comme les simples particuliers, les États procèdent à des opérations de dépenses indispensables à leur subsistance. Le paiement des salaires des fonctionnaires, l’achat d’équipements militaires, la construction de barrages ou le remboursement de la dette publique, nécessitent avant tout des moyens financiers. Les opérations financières de l’État sont dans une large mesure, prédéterminées par la loi de finances qui traduit sur le plan financier, les choix politiques du gouvernement.

Vu la complexité de l’activité financière de l’État et son intervention dans de véritables chantiers de développement, les prévisions budgétaires établies en début d’année par la loi de finance, ne peuvent plus être intangibles, c’est-à-dire valables durant toute l’année budgétaire. La multiplicité des opérations financières inscrites dans le budget de l’État, a fini par faire admettre que : « la prévision financière établie en début d’exercice, doit pouvoir être rectifiée, complétée et nuancée au gré des circonstances enregistrées en cours d’année » (1).

La notion de loi de finances a été introduite en France par le décret organique du 19 juin 1956, qui dispose dans son article 1er que « le budget prévoit et autorise en la forme législative les charges et les ressources de l’État. Il est arrêté par le parlement dans la loi de finances qui traduit les objectifs économiques et financiers du gouvernement ». En Tunisie, l’article 1er de l’actuelle loi organique du budget (2), dispose que « la loi de finances prévoit et autorise pour chaque année, l’ensemble des charges et des ressources de l’État dans le cadre des objectifs des plans de développement et compte tenu de l’équilibre économique et financier défini par le budget économique ». Cette définition apparaît à quelques termes prés, semblable à la formule utilisée dans l’article 5 du décret français qui définissait le budget comme étant « l’acte par lequel sont prévues et autorisées les dépenses et les recettes de l’État pour une période déterminée ».

D’après l’article 1er de la première loi organique du 12 mars 1960, « la loi de finances prévoit l’ensemble des recettes et autorise leur perception, prévoit l’ensemble des dépenses de l’État et en arrête le montant ». La formule actuelle est plus novatrice, elle remplace les termes dépenses et recettes par les termes charges et ressources. D’autre part, elle établit un lien entre la prévision financière, l’équilibre économique et financier et les plans de développement. Enfin, elle élargit le cadre de l’autorisation qui devient désormais nécessaire pour les recettes et les dépenses, tout en précisant son caractère temporaire.

L’exécution de la loi de finances relève de la compétence du pouvoir exécutif qui l’exerce par le biais des divers décrets d’application et des arrêtés ministériels, pour arriver à des actes juridiques de paiement d’une dépense ou de la réalisation d’une recette. Tout au long de la phase de son exécution, les prévisions financières établies par la loi de finances peuvent subir de nombreuses modifications, aussi bien par voie législative que par voie réglementaire.
D’après l’article 2 de la LOB : « l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre de la même année ». Ainsi, conformément au principe de l’annualité budgétaire, les prévisions et autorisations établies par la loi de finances ont une portée limitée dans le temps. Elles sont valables pour une seule année civile et appelées à se renouveler chaque année. Selon E. Allix, prévisions et autorisations sont deux mots qui appellent l’attention : « prévues et autorisées. Ce sont là les deux caractères nécessaires et indissolubles d’un budget » (3).

L’autorisation budgétaire est le principe qui commande les finances publiques contemporaines. Dans son sens le plus strict, il soumet la perception des recettes et la réalisation des dépenses publiques au consentement préalable du Parlement. Cette idée d’autorisation découle d’une coutume anglaise apparue au 13ème siècle, selon laquelle la levée de l’impôt ne peut avoir lieu qu’après le consentement des contribuables.

Cette coutume du consentement du peuple à l’impôt a été consacrée pour la première fois dans la Grande Charte de Jean sans terre appelée aussi Magna Carta (4). À cette époque médiévale, l’activité financière de la monarchie anglaise se résumait à entretenir les dépenses nécessaires à la marche de l’appareil administratif et militaire de la collectivité. Les ressources provenaient des revenus et privilèges du domaine. Les opérations financières du royaume se faisaient sans le regard des ressortissants, aucun contrôle n’était imposé sur les finances du Roi. Toutefois, lorsque des besoins nouveaux se sont manifestés, « les revenus et privilèges du domaine ne permettant pas d’y faire face, il fallait alors recourir à des recettes extraordinaires, c’est-à-dire à des levées d’argent sur les individus » (5). Pour permettre la perception de ces ressources qualifiées autrefois d’extraordinaires, les contribuables furent associés pour la première fois à la prise de décision en matière financière.

La coutume anglaise du consentement du peuple à l’impôt exprime « l’idée première du budget dans son sens d’autorisation, mais uniquement au regard de certaines recettes » (6). Le principe de l’autorisation budgétaire prend sa forme finale au 17ème siècle. En effet, dans son 4ème point le « Bill of Rights» de 1689 prévoit que : « une levée d’argent pour la couronne ou à son usage, sous prétexte de prérogative, sans le consentement du Parlement, pour un temps plus long et d’une manière autre qu’elle n’est ou ne sera consentie par le Parlement est illégale » (7). Désormais, le Parlement approuve pour une période prédéterminée, à la fois les ressources à réaliser et les modalités de leur usage.

Ces deux principes ; à savoir, le principe du consentement à l’impôt et le principe du consentement du peuple à l’impôt, constituent la clé de voûte du droit budgétaire et des finances publiques modernes. Elles sont consacrées en Tunisie à un niveau constitutionnel. Le principe du consentement du peuple à l’impôt figure à l’alinéa 8 de l’article 34 de la Constitution du 1er juin 1959 qui dispose : « sont pris sous forme de lois, les textes relatifs : – à l’assiette, aux taux et aux procédures de recouvrement des impôts, sauf délégation accordée au président de la république par les lois de finances et les lois fiscales » (8). Quant au principe de l’autorisation budgétaire, il est consacré dans l’article 36 de la même constitution dans les termes suivants : « la loi approuve le plan de développement. Elle autorise les ressources et les charges de l’État dans les conditions prévues par la loi organique du budget ».

Outre son caractère d’autorisation, la loi de finances est aussi un acte de prévision. En matière de ressources, la LOB actuelle distingue deux grandes catégories. Un premier titre concerne les ressources ordinaires. Ces dernières, proviennent principalement, des recettes fiscales sous formes d’impôts et de taxes, et subsidiairement, des revenus du domaine de l’État. Le titre deux est réservé au ressources extraordinaires. Dans cette catégorie, on retrouve l’emprunt public, les produits de recouvrement des prêts et certaines recettes qualifiées d’exceptionnelles telles que les produits des privatisations (9).

En matière de dépenses, on distingue traditionnellement deux catégories. D’une part, les dépenses de gestion ; elles ont pour rôle le financement de l’activité de l’appareil étatique. D’autre part, les dépenses de développement qui servent à financer l’interventionnisme étatique dans le domaine économique et social. Pour assurer un contrôle précis sur l’utilisation des deniers publics, les prévisions de dépenses sont établies suivant la règle de la spécialité. Cette règle veut que toutes dépenses autorisées, soient affectées à un objet bien précis.

La préparation des prévisions budgétaires, se caractérise par le rôle important du ministre des finances. Les prévisions des recettes sont établies compte tenu de l’équilibre économique de l’année considérée. Quant aux prévisions des dépenses, elles « sont déterminées sur la base des besoins de fonctionnement prévisibles des différents services et selon l’état de réalisation des projets et programmes de développement » (10). Les prévisions budgétaires sont ainsi établies en fonction de l’équilibre économique et financier défini par le budget économique et des objectifs prévus par le plan de développement.

Le budget économique n’est pas un acte d’autorisation. Il s’agit d’un simple document joint au projet de loi de finances, qui établit, un ajustement annuel du plan de développement, et qui offre des prévisions macroéconomiques à court terme. L’équilibre économique et financier défini par le budget économique, « n’implique pas que recettes et dépenses doivent s’équivaloir » (11). Pour atteindre l’équilibre économique et financier, la Tunisie recourt chaque année à l’emprunt. Les prévisions des ressources d’emprunt ont été estimées pour l’année 2011 à un montant de 3647 MD ; à savoir 19,12 % du montant total des ressources inscrites dans le budget (12). Le déficit budgétaire n’est pas forcément un signe de mauvaise gestion des finances publiques, parfois, il peut servir comme un moyen de relance économique, il permet de voter le projet de loi de finances suivant un équilibre strict entre charges et ressources. Les prévisions budgétaires doivent être élaborées avec un maximum de précision car une simple erreur d’évaluation pourrait conduire à fausser l’équilibre budgétaire et nécessiterait une adaptation de la prévision autorisée.

Une fois les prévisions établies, le projet de loi de finances est transmis au Parlement « au plus tard, le 25 octobre de l’année précédant celle relative à l’exécution de la loi de finances » (13). Le vote de la loi de finances s’effectue selon une procédure spécifique par rapport à celle des lois ordinaires. En effet, la loi de finances « constitue un acte législatif qui s’analyse juridiquement en un projet de loi soumis au Parlement et non en une proposition de loi » (14); le droit d’initiative étant exclusivement réservé à l’exécutif. Le droit d’amendement par les députés est strictement limité. Enfin, le vote du projet de loi de finances est soumis à des délais rigoureux. En effet, l’article 28 de la constitution précise que « le budget doit être adopté au plus tard le 31décembre».

À part la procédure du vote, les lois ordinaires se distinguent des lois de finances par leur nature même. En fait, « la loi proprement dite implique une règle impérative de droit posée par le législateur. Rien de tel dans le fait de prévoir que les dépenses s’élèveront à tant dans la prochaine période et d’affecter les ressources, crées par lois existantes, à l’exécution de ces dépenses » (15). Lorsqu’il autorise les ressources et les charges de l’État, le Parlement exerce un pouvoir budgétaire qui s’exprime par des actes conditions rendant exécutoires les dépenses et recettes. Il s’agit d’une simple habilitation limitée dans le temps, ouvrant au gouvernement la possibilité de réaliser des opérations financières, conformément aux prévisions établies dans les tableaux budgétaires. Alors qu’en votant des lois ordinaires, le Parlement exerce un pouvoir normatif qui établit des règles obligatoires, générales et permanentes.

D’après l’article 26 de la LOB, le projet de loi de finances peut contenir « des dispositions relatives à : … – la mobilisation des ressources fiscales en non fiscales ainsi que la détermination des procédures financières. – la création de fonds spéciaux du trésor et des fonds spéciaux ainsi que leur modification ou leur suppression.- la fixation du plafond des garanties consenties par l’État et du plafond des prêts du trésor.- l’autorisation afférente aux emprunts et obligations à contracter au profil de l’État… ». Tout en ayant un caractère financier, ces dispositions n’ont pas la valeur d’autorisation et de prévision.

Elles s’apparentent plus aux normes impersonnelles et permanentes qu’on trouve dans les lois ordinaires. Ces dispositions financières à caractère extrabudgétaire concernent : – la matière fiscale qui est un domaine partagé entre les lois de finances et les lois ordinaires. La loi de finances du 17 décembre 2010 apporte de véritables incitations fiscales, elle procède à la réduction des droits de douane sur l’importation de certaines matières premières et produits semi-finis. Dans son article 12, elle dispose que : « les équipements utilisés dans la maîtrise de l’énergie et dans le domaine de l’énergie renouvelable bénéficient des droits de douane aux taux de 10 %. Les matières premières et les produits semi-finis nécessaires à la fabrication de ces équipements bénéficient de l’exonération des droits de douane ». – la création, la suppression ou la modification des décisions d’affectations des fonds spéciaux du trésor ou des fonds spéciaux : les décisions d’affectation entre recettes et dépenses, bien qu’elles se présentent sous formes d’actes-règles, ont un lien direct avec le budget de l’État puisqu’elles s’appliquent à des recettes et des dépenses dont la prévision figure dans les tableaux budgétaires. – les dispositions relatives à l’autorisation des garanties de l’État et des prêts du trésor : bien qu’elles aient le caractère d’autorisation, ces dispositions n’ont pas un objet purement budgétaire puisqu’elles ne s’appliquent pas à des opérations définitives, elles ont une portée limitée dans le temps et doivent se renouveler chaque année (16).

Matériellement, la loi de finances ne coïncide pas avec le budget. Certes la prévision et l’autorisation des charges et des ressources de l’État est l’objet principal de la loi de finances, mais il n’est pas l’unique. Outre l’autorisation et la prévision budgétaire, la loi de finances contient des dispositions à caractère normatif, semblables à celles que l’on retrouve dans les lois ordinaires. D’ailleurs, M. Gaucher « devait rappeler la distinction qu’il y’a lieu d’effectuer, entre un pouvoir normatif en matière financière, qui se manifeste par des actes-règles et un pouvoir budgétaire qui donne naissance à des actes-conditions » (17).

Dans son aspect organique, la loi de finances est la loi votée selon la procédure spéciale prévue à l’article 28 de la constitution. Ce critère organique permet d’élargir l’expression « loi de finances » pour désigner, outre la loi de finances de l’année, la loi de finances complémentaire et la loi de règlement du budget tant que ces deux lois sont votées dans les mêmes conditions que le projet de loi de finances (18). D’après le professeur Ph. Loïc, la loi de finances est « le texte législatif qui est voté, chaque année, par le parlement et qui regroupe l’ensemble des charges et des ressources de l’État. Elle est modifiée en cours d’année par des lois de finances dites rectificatives et donne lieu, après la fin de l’exercice, à une loi de règlement qui constate les résultats » (19).

Jusqu’au début du 18ème siècle, la distinction entre les finances publiques et les finances du monarque n’était pas établie en Tunisie. Sous la dynastie Husseinite, l’activité financière de la régence était soumise à la volonté discrétionnaire du Bey. Ce dernier n’hésitait pas à multiplier les impôts tout en assurant leur prélèvement par « une expédition militaro-fiscale biannuelle ayant pour but de convaincre par les armes les contribuables récalcitrants » (20).

Les premiers signes d’autorisation budgétaire, ont coïncidé avec le passage d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle. La Constitution du 26 avril 1861 donne « compétence au conseil suprême pour participer à l’élaboration et à l’exécution du budget et pour contrôler les comptes et dépenses de chaque ministère » (21). Son article 63 soumet à l’approbation du conseil suprême, toute augmentation ou « diminution dans les impôts » (22). Toutefois, ce conseil n’avait pas un réel pouvoir de décision, mais un simple rôle consultatif. Le recours excessif à l’emprunt et le doublement de la Majba en janvier 1864, ont conduit à la révolte fiscale et à la suppression de la Constitution pour amener quelques années après, à la banqueroute et à l’installation de la commission financière internationale (23).

Sous le protectorat, le décret du 12 mars 1887 prévoyait que « l’établissement ainsi que le règlement du budget devaient faire l’objet d’un décret » (24). Le caractère annuel du budget a été précisé par le décret du 16 mai 1906 relatif à la comptabilité publique (25). À ces pratiques du temps du protectorat manquait l’essence même du budget. En effet, aucune autorisation du contribuable n’avait été envisagée, les décisions budgétaires étaient concentrées entre les mains de la puissance française. Le décret français du 10 novembre 1884 accorde au résident général le soin de viser les décrets beylicaux « faisant ainsi de ce haut fonctionnaire français le véritable chef de l’exécutif tunisien » (26).

A l’aube de l’indépendance, l’exigence d’une gestion efficace des finances publiques était plus que nécessaire. Ainsi, juste après la proclamation de la République en juillet 1957, la Constitution de 1959 est venue instaurer un régime de séparation de pouvoirs. Le nouvel État est ainsi doté d’un Parlement qui édicte les lois, d’un gouvernement qui les exécute, et d’un appareil judicaire qui veille à leur application.

Outre l’article 36 qui range la matière budgétaire parmi les compétences du Parlement. L’alinéa dernier de l’article 28 de la constitution de 1959, ajouté par la révision constitutionnelle du 8 avril 1976, précise que : « le budget doit être adopté au plus tard le 31 décembre. Si passé ce délai, les deux chambres ne se sont prononcées, les dispositions des projets de lois de finances peuvent être mises en vigueur par décret, par tranches trimestrielles renouvelables ». Ainsi, il apparaît qu’en Tunisie le pouvoir budgétaire n’est pas de la compétence exclusive du Parlement. Les recettes et les dépenses publiques peuvent être exécutées même en-dehors de toute loi de finances, cela se produit, aussi bien lorsque le projet de loi de finances n’a pas été voté dans les délais que tout au long de la phase d’exécution du budget.

Telle qu’explicitée par la loi organique du budget, l’autorisation budgétaire véhiculée par la loi de finances a une portée assez limitée. Les principes généraux du droit budgétaire qui « devaient donner à l’autorisation parlementaire toute sa valeur » (27), sont consacrés en Tunisie de manière peu rigoureuse. D’après l’article 43 de la LOB : « d’autres modifications de la loi de finances peuvent intervenir au cours de l’année budgétaire et faire l’objet de lois de finances complémentaires… ». Le principe de l’annualité prévu à l’article 2 de la LOB, souffre de plusieurs exceptions.

En effet, le cadre annuel du budget apparaît « comme la période de base tolérant des adaptations souvent marginales, parfois importantes » (28). Les adaptations à l’annualité budgétaire se traduisent soit par l’extension de la durée de l’autorisation, au-delà d’une année, ou bien elles prennent la forme d’entorses infra-annuelles permettant de modifier en cours d’année les prévisions déjà établies par la loi de finances de l’année.

La pluralité des actes budgétaires affecte fort l’unité formelle du budget. Le principe de l’unité budgétaire « suppose l’établissement d’un document budgétaire unique recensant toutes les dépenses et les recettes » (29). Si l’intervention d’une loi de finances complémentaire constitue un prolongement de l’acte budgétaire de base et sauvegarde les prérogatives du Parlement, le recours au pouvoir réglementaire pour modifier l’autorisation donnée par la loi de finances apparaît comme une véritable atteinte, aussi bien à la compétence budgétaire du Parlement qu’au principe de l’unité.

Quant au principe de l’universalité, il « répond au double souci d’assurer la clarté des comptes de l’État et de permettre, par là-même, un contrôle efficace du Parlement ; qui a pour conséquence que les recettes et les dépenses de l’État doivent figurer au budget pour leur montant brut sans être contractées et qu’il est interdite l’affectation d’une recette déterminée à la couverture d’une dépense déterminée… » (30). La règle du produit brut est consacrée dans l’article 15 de la LOB, qui dispose que « les recettes sont prises en compte pour leur montant intégral sans compensation avec les dépenses ». La règle de la non-affectation des recettes aux dépenses est prévue à l’article 16 de la LOB, qui dispose que « l’ensemble des recettes est utilisé pour faire face à l’ensemble des dépenses », son alinéa 2 ajoute que : « en outre certaines ressources d’emprunt extérieurs peuvent être affectées au financement des projets de développement sous forme de ressources employées directement en dépenses. Ces dépenses revêtent un caractère évaluatif. Toute augmentation de ces dépenses est effectuée par arrêté du ministre des finances ».

De nos jours, le budget a beaucoup perdu de son caractère d’autorisation. Les dépenses publiques peuvent être exécutées même sans le consentement des Parlementaires. Le budget de l’État n’est pas limité aux prévisions autorisées par la loi de finances de l’année, il trouve ses sources aussi dans des actes réglementaires et des lois de finances complémentaires ayant pour objet, de remodeler les prévisions initiales. D’ailleurs, dans son article 6, la loi organique n ° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances en France dispose que : « le budget décrit, pour une année, l’ensemble des recettes et des dépenses budgétaire de l’État » (31).

Depuis le vote du budget dans le cadre de la loi de finances de l’année, les prévisions budgétaires ne cessent d’évoluer. En temps normal, il est évident que la loi de finances constitue l’acte budgétaire de base. Toutefois, tout au long de la phase de son exécution, le budget subit de nombreuses modifications. L’exercice budgétaire est clôturé par la loi de règlement, qui établit le budget d’exécution, et autorise « le transfert du résultat de l’année au compte permanent des découverts du trésor » (32).

Les prévisions budgétaires établies par la loi de finances de l’année connaissent un véritable phénomène d’adaptation. Elles sont d’abord complétées par les décrets de répartition, et adaptées en cours d’année par une panoplie d’actes réglementaires et de lois de finances rectificatives. Contrairement aux lois ordinaires et par exception à la règle du parallélisme des formes, les dispositions budgétaires de la loi de finances peuvent être modifiées aussi bien par voie législative que par voie réglementaire. En matière budgétaire, le législateur organique partage les compétences entre le gouvernement et le parlement.

L’activité financière de l’État se déroule selon un schéma à quatre temps. En effet, le gouvernement procède à l’évaluation des prévisions budgétaires, le Parlement les autorise, le gouvernement les exécute, le Parlement constate les opérations effectives.

Depuis leur autorisation par la loi de finances de l’année, en passant par les lois de finances complémentaires et les différents actes réglementaires arrivant jusqu’à la loi de règlement, les prévisions budgétaires sont constamment revues.

En matière de recettes publiques, l’autorisation budgétaire ouvre aux agents de l’administration, la faculté de procéder au recouvrement des ressources prévues, conformément à la législation financière en vigueur. Selon le Professeur A. Bockel, « il est relativement difficile de modifier les prévisions de recettes sauf à retoucher la législation fiscale » (33). La modification du montant des ressources à recevoir, suppose la modification des textes portant création d’une créance envers l’État. Ces ressources ne peuvent être mises « en recouvrement sur la base d’une nouvelle disposition qu’après une nouvelle autorisation parlementaires » (34).

Conformément à la règle de la spécialité, l’autorisation de dépenses prend la forme de crédits budgétaires. D’après l’article 11 de la LOB « la loi de finances ouvre les crédits par partie et par chapitre pour les dépenses de gestion, les dépenses de développement et les dépenses des fonds spéciaux du trésor. Le chapitre budgétaire regroupe l’ensemble des crédits mis à la disposition de chaque chef d’administration ». Quant à la partie, elle indique l’objet de la dépense autorisée. Les crédits de chaque partie sont explicités par les actes de répartitions, pour ventiler les crédits par article, paragraphe et sous paragraphe. Le crédit budgétaire ouvre au gouvernement, la faculté de procéder à des opérations de dépenses publiques, conformément, à la nomenclature budgétaire établie par la loi de finances et les actes réglementaires de répartition des crédits. Durant la phase d’exécution de la loi de finances, le gouvernement doit se conformer aux prévisions budgétaires.

Or l’imperfection des méthodes d’évaluation et la gestion de l’imprévu nécessite la présence « de mécanismes de régulation en vue de mieux adapter en cours d’exécution les prévisions initiales » (35). C’est ainsi que dans son Titre III, intitulé « exécution et règlement du budget », la loi organique du budget prévoit de nombreuses techniques financières permettant de remodeler les crédits budgétaires. Les mécanismes d’adaptation de l’autorisation initiale sont partagés entre l’exécutif et le législatif.

Comment se manifeste la modification des crédits budgétaires ?

Concrètement, la modification des crédits budgétaires peut prendre diverses formes. D’abord, il arrive que les crédits alloués au gouvernement s’avèrent en cours d’année insuffisants, que le montant des dépenses effectuées soit supérieur aux dotations autorisées par la loi de finances, d’où l’hypothèse de dépassement de crédits (Chapitre I : Les dépassements de crédits).

D’autre part, dans la gestion des crédits qui lui sont alloués, on constate que le gouvernement dispose d’une grande latitude pour opérer des aménagements internes à l’autorisation de dépenses. En effet, sans sortir du cadre de l’autorisation, le gouvernement dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour l’emploi des crédits votés par la loi de finances (Chapitre II : La gestion des crédits).

1 (L) Mechichi, « Le budget de l’État en Tunisie », thèse pour le doctorat d’État en Droit, faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 1993, p 244.
2 Il s’agit de la loi n ° 67-53 du 8 décembre 1967 portant loi organique du budget, qui a abrogé la première loi organique du budget du 12 mai 1960. Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises, la dernière modification date du 13 mai 2004.
3 (E) Allix, « Traité élémentaire de science des finances et de législation financière française », 4ème édition, Paris 1921, p 1
4 Dans son 12ème point, la charte du 15 juin 1215 précise que : « aucun impôt ou aide ne sera imposé, dans notre royaume, sans le consentement du conseil commun de notre royaume, à moins que ce ne soit, par la rançon de notre royaume, pour faire notre fils aîné chevalier ou, pour une seule fois seulement, le mariage de notre fille aînée, et, pour ceci il ne sera levé qu’une aide raisonnable ».
Source : http://www.aidh.org/Biblio/Text_fondat/GB_01.htm 13/11/2011.
5 (L) Trotabas, (J-M) Cotteret, « Droit budgétaire et comptabilité publique », Dalloz 3ème édition 1985, p 23.
6 Supra, p 23.
7 Source : http://mjp.univ-perp.fr/constit/uk1689.htm 13/11/2011.
8 Ladite Constitution est actuellement suspendue suite au renversement du régime en place. En effet, Selon l’article 1er du décret-loi n ° 2011-14 du 23 mars 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics : « la pleine application des dispositions de la constitution est devenue impossible ». Ce décret-loi a été pris suite à la mise en œuvre de l’état d’exception par le décret du 15 janvier 2011 instaurant l’état d’urgence.
9 Loi n ° 2007-70 du 27 décembre 2007, portant loi de finances pour l’année 2008.
10 Article 24 de la LOB.
11 (L) Mechichi, supra, p 315.
12 La loi n ° 2010-58 du 17 décembre 2010, portant loi de finances pour l’année 2011.
13 Article 23 de la LOB.
14 (C) Bigaut, « Finances publiques Droit budgétaire », Eyrolles Paris 1991, p 32.
15 (J-L) Guiéze, « Le partage des compétences entre la loi et le règlement en matière financière », Paris 1974, p 20.
16 (L) Mechichi, supra, p 715-716.
17 (S) Damarey, « Légalité administrative et légalité budgétaire », in RFFP n ° 70, juin 2000, p 26.
18 D’après l’article 48 de la LOB « le projet de loi de règlement du budget de l’État est soumis au vote de la chambre des députés dans les mêmes conditions que le projet de la loi de finances ». L’article 43 précise que les lois de finances complémentaires sont soumises au Parlement « dans les mêmes conditions que la loi de finances ».
19 (Ph) Loïc, « Finances publiques », Cujas 4ème édition, p 167.
20 (L) Mechichi, supra, p 22.
21 (H) Ayadi, « Droit fiscal », Tunis 1989, p 41.
22 (L) Mechichi, supra, p 23.
23 Le décret du 5 juillet 1869 soumet les pouvoir du Bey en matière d’impôt à « l’accord préalable de la commission ».
24 (H) Ayadi, supra, p 47.
25 Dans son article 3, le décret du 16 mai 1906 dispose que « chaque année, dans le courant du mois de juin au plus tard, les chefs des services publics de l’État… préparent le budget de leur service respectif ».
26 (H) Ayadi, supra, p 29.
27 (L) Trotabas, « Droit budgétaire et comptabilité publique », 3ème édition, Dalloz 1985, p 67.
28 (J-B) Toulouse, (J-F) De Leusse, (Y) Rolland, (X) Pillot, « Finances publiques et politiques publiques », Economica Paris, p 39.
29 (C) Bigaut, « Finances publique Droit budgétaire », Eyrolles 1991, p 65.
30 Décision n ° 154 DC du 29 décembre 1982, cité par (P-M) Gaudemet, p 323.
31 Il s’agit de l’actuelle loi organique française, elle venue remplacer l’ancienne ordonnance n ° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
32 Art 45 de la LOB.
33 (A) Bockel, « les pouvoirs budgétaires de l’assemblée nationale selon la loi organique du 12 mars 1960 », in RTD 1966-1967, p 168.
34 (M-A) El Banna, « le particularisme du pouvoir d’autorisation budgétaire », Paris 1968, p 137.
35 (M) Bouvier, (M-C) Esclassan, (J-P) Lassale, « Finances publiques », 5ème édition L.G.D.J, p 319.

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