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Introduction

ADIAL

« Le consommateur, qui se situe au terme du processus économique, existe sans doute depuis la nuit des temps ; et certaines mesures protectrices en sa faveur sont déjà anciennes. Mais ce n’est qu’assez récemment que l’attention des juristes et des gouvernements s’est portée à son endroit(1) ». L’idée d’une meilleure protection des consommateurs par une amélioration de la qualité des produits, de l’information et de la sécurité de l’emploi des produits, est en effet apparue dans les années 1970 dans le cadre du courant de pensée du consumérisme, et a permis l’adoption d’un nombre important de textes venant organiser ou renforcer une telle protection. Le législateur a notamment tenu compte du fait que la fourniture de produits constitue plus que jamais une source éventuelle de dommages, par exemple en insérant dans le Code de la consommation de nouvelles dispositions relatives à la garantie de conformité des biens vendus. Il est alors possible d’opérer un constat : tous les biens et produits sont susceptibles de causer des dommages. Il convient ainsi de se remémorer les affaires du talc de Morhange et du sang contaminé(2). Dans ce contexte nouveau, le consommateur ainsi que sa protection sont désormais au centre de toutes les attentions de telle sorte que la question de la responsabilité des fabricants et négociants revêt une acuité particulière.

Il convient de distinguer le fabricant du négociant. Le fabricant est le « producteur dont l’action consiste à façonner un objet ; la personne qui, à titre professionnel, applique sa façon à la matière pour en faire un objet (3)». Il s’agit donc de la personne qui crée le produit. Le négociant, quant à lui, est « la personne physique ou morale, qui achète des marchandises en un certain état et les revend dans le même et pareil état(4)». L’activité de « négoce ne comporte donc ni fabrication, ni transformation, ni installation ou construction(5) ». Dès lors, dans de cadre de l’étude qui nous est soumise, le négociant sera assimilé au simple vendeur professionnel, au fournisseur de produits.

Toutefois, ces deux catégories d’intervenants ne sont pas hermétiques. Si l’activité du négociant consiste uniquement à acheter et vendre des produits, celle des fabricants s’avère plus étendue : ils transforment « la matière des biens en vue de produire des biens et de les mettre en circulation(6)». Outre la fabrication en elle-même, les fabricants vendent toujours leurs produits, que ce soit à une entreprise, à un négociant ayant qualité d’intermédiaire, ou directement à un consommateur. « Le fabricant est donc au départ d’une chaîne de vente de choses mobilières et il s’inscrit dans le cadre d’un marché de fournitures, qui est une vente(7) ». Le fabricant a également la possibilité de procéder à des démonstrations et parfois d’appliquer les produits et matériaux qu’il fabrique. Nous nous intéresserons ainsi, dans notre développement, au fabricant également vendeur, au fabricant applicateur/démonstrateur, et au négociant pur.

Il existe autant de fabricants/négociants qu’il existe de biens et produits mis en circulation sur le marché. Toutefois, notre attention se focalisera uniquement sur les fabricants/négociants de matériaux de construction, les matériaux de construction étant entendus comme « toute matière utilisée pour fabriquer ou construire, comme l’ensemble des éléments qui entrent dans la construction d’un bâtiment (pierre, bois, tuiles, ciment, etc.)(8) ». Plus largement, nous nous intéresserons aussi aux composants et aux éléments d’équipement utilisés dans la construction. Les composants sont d’une manière générale des éléments dont l’assemblage sert à former quelque chose (cependant, leur définition est beaucoup plus restrictive dans le domaine de la construction comme nous le verrons par la suite). Les éléments d’équipement sont en principe des appareils mécaniques et électriques, mais d’autres éléments comme un faux plafond, des vitrages ou encore des portes métalliques peuvent obtenir cette qualification. Finalement, ce sont les produits de construction qui sont ici visés, ceux-ci étant notamment définis dans les conditions générales « Responsabilité professionnelle des négociants et fabricants en matériaux de construction » de l’Auxiliaire comme les « matériaux ou composants incorporés ou destinés à être incorporés dans une construction ou un existant fabriqués et/ou vendus par l’assuré ».

Les fabricants/négociants de matériaux de construction sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée du fait de leurs produits livrés. Une nouvelle distinction s’impose alors: celle entre responsabilité civile exploitation (laquelle ne fera pas l’objet de notre étude) et responsabilité civile après livraison(9). La responsabilité civile exploitation vise « la responsabilité civile que peut encourir l’entreprise du fait de son exploitation, notamment du fait de ses préposés, de ses bâtiments, installations, machines, équipements, matériaux, produits en cours de fabrication jusqu’à leur livraison(10) ». Seule la responsabilité civile après livraison, autrement dénommée responsabilité civile produits livrés sera étudiée, celle-ci concernant uniquement la responsabilité de l’entreprise après la livraison du produit. Toutefois le fait générateur de responsabilité peut se situer antérieurement à la livraison. Par ailleurs, il convient de ne pas confondre la responsabilité civile après livraison et la responsabilité civile professionnelle : cette dernière englobe au sens large la responsabilité civile après livraison et la responsabilité civile exploitation, et vise au sens strict la responsabilité des personnes exerçant une profession libérale(11).

La livraison constitue la césure entre la responsabilité civile exploitation et la responsabilité civile après livraison ; sa définition paraît fondamentale. Les contrats d’assurance peuvent donner des définitions variables de la livraison, mais elles font toutes référence à une situation de fait. La livraison est « la remise effective, par l’assuré, d’un produit, d’une marchandise, d’un matériel ou plus généralement d’un bien, dès lors que cette remise fait perdre à l’assuré ou à toute personne dont il est civilement responsable, son pouvoir d’usage, de direction et de contrôle sur ce bien(12) ». La livraison s’identifie donc à la notion de garde. Par exemple, dans les conditions générales « Responsabilité professionnelle des fabricants et négociants de matériaux de construction », le groupe CAMACTE propose la définition suivante : « remise effective et matérielle d’un bien, d’une prestation à autrui de telle sorte que celui-ci dispose des moyens pratiques d’exercer un contrôle sur les conditions d’usage, de consommation ou de modification de ce bien, de cette prestation. La livraison peut être provisoire ou définitive, intervenir en présence d’une réserve de propriété».

Les notions de livraison et de réception sont distinctes, la réception étant définie comme « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves(13) ». Cependant, elles seront parfois liées comme nous le verrons concernant la responsabilité du fabricant d’Eléments Pouvant Entraîner la Responsabilité Solidaire (EPERS). En effet, si l’EPERS est effectivement livré (à défaut de transfert du bien ce dernier ne peut pas causer de dommage matériel à un ouvrage), la notion centrale du régime spécial de responsabilité du fabricant d’EPERS est la réception. Finalement nous nous intéresserons donc à la responsabilité du fabricant/négociant après livraison mais aussi après réception.

Plusieurs personnes peuvent engager la responsabilité des fabricants/négociants de matériaux de construction du fait de la fourniture d’une chose, de la livraison d’un produit. Tout d’abord, il peut s’agir du cocontractant du fabricant ou du négociant (dans les deux cas une vente aura lieu) ayant acheté les matériaux : l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage (selon l’article A 243-1 annexe II du Code des assurances, il s’agit de la « personne physique ou morale qui conclut avec les réalisateurs les contrats de louage d’ouvrage afférents à la conception et à l’exécution de l’opération de construction »), le négociant qui acquiert les produits. Ensuite, les personnes non liées contractuellement au fabricant/négociant ont également vocation à agir : le maître de l’ouvrage s’il n’a pas acheté directement les matériaux auprès du fabricant ou du négociant, l’architecte, l’entrepreneur s’il n’est pas partie au contrat de vente, et plus généralement tout autre tiers à ce contrat(14).

Deux grands régimes de responsabilité sont applicables aux fabricants/négociants de matériaux de construction après livraison (ou réception): les régimes de responsabilité de droit commun et les régimes spéciaux. Les premiers font référence au droit commun de la responsabilité délictuelle et contractuelle et sont susceptibles d’être mis en oeuvre à l’égard de tous les fabricants/négociants et non uniquement dans le domaine du bâtiment et travaux publics. Les seconds sont de deux ordres : il s’agit de la responsabilité du fait des produits défectueux issue de la directive européenne de 1985, cette responsabilité étant considérée comme spéciale car elle transcende la distinction traditionnelle entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle ; et du régime de responsabilité propre aux constructeurs instauré par la loi Spinetta du 4 janvier 1978 relative à l’assurance construction (de telle sorte que le fabricant/négociant peut voir sa responsabilité engagée dès lors qu’il met en oeuvre des EPERS). Il ressort de ce constat que les fondements permettant d’engager la responsabilité des fabricants/négociants de matériaux de construction sont nombreux.

Il apparaît alors nécessaire pour les fabricants/négociants de se protéger contre les conséquences de la mise en oeuvre de leur responsabilité du fait de la livraison de leurs produits. En effet, « la sauvegarde du patrimoine de l’assuré ne passe pas seulement par la garantie des dommages causés à ses biens, à son patrimoine, mais également par la protection du passif, des dettes de responsabilité qui peuvent lui incomber (15)». Plusieurs contrats d’assurance auront vocation à être souscrits : une assurance de responsabilité civile du fait des produits livrés, une assurance de responsabilité civile décennale pour les fabricants d’EPERS, une garantie des frais de retrait… L’assurance responsabilité civile produits livrés constitue l’assurance la plus importante pour les fabricants/négociants de matériaux de construction, toutefois, « il n’y a pas coïncidence rigoureuse et absolue entre les contours de la responsabilité susceptible d’être mise à la charge de l’assuré et la portée du contrat d’assurance souscrit par celui-ci(16)».

La question se pose de savoir sur quels fondements les fabricants/négociants de matériaux de construction peuvent voir leur responsabilité engagée dès lors que ces derniers livrent des produits. De même, il convient de s’interroger sur l’identité des personnes pouvant agir en responsabilité contre de tels fabricants/négociants et selon quelles modalités. Il est également possible de se demander comment ces responsabilités sont-elles prises en compte par l’assurance, si les assurances ont vocation à couvrir l’étendue des responsabilités encourues. Enfin, nous pourrons apprécier les différentes solutions d’assurance proposées sur le marché et voir si ces dernières sont satisfaisantes.

Il convient de s’intéresser, dans un premier temps, à la responsabilité civile des fabricants/négociants de matériaux de construction du fait des produits livrés (Partie 1), avant d’étudier, dans un second temps, l’assurance de responsabilité civile des fabricants/négociants (Partie 2).

1 LE TOURNEAU (P.), Responsabilité civile professionnelle, 2è ed., Dalloz référence, 2005, page 2
2 MONTANIER (J-C.), Les produits défectueux, Litec, 2000, page 3
3 CORNU (G.), Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 8è ed., PUF, 2008
4 SAINRAPT (C.), Dictionnaire général de l’assurance, Arcature, 1996
5 CORNU (G.), Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, 8è ed., PUF, 2008
6 LANDEL (J.) et CHARRE-SERVEAU (M.), Lexique des termes d’assurance, L’argus de l’assurance, 2003
7 LEFEBVRE (F.), Urbanisme Construction, ed Francis Lefebvre, 2012-2013, p. 1261
8 Le dictionnaire du français, ed. Hachette, 1996
9 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.275
10 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°1971
11 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.276
12 CHAUMET (F.), Les assurances de responsabilité de l’entreprise, 5è ed. L’argus de l’assurance, 2011, p.278
13 Article 1792-6 Code civil, 111è ed, Dalloz, 2012
14 KARILA (L.) et CHARBONNEAU (C.), Droit de la construction : responsabilités et assurances, 2è ed. Lexis Nexis, 2011, p. 271
15 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2283
16 KULLMANN (J.), Lamy assurances, Editions Lamy, 2012, n°2283

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