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INTRODUCTION

ADIAL

L’actualité récente aura mis l’assurance vie multisupport sur le devant de la scène :
l’administration espère taxer de prélèvements sociaux les fonds bénéficiaires annuellement,
par préférence à l’actuelle taxation au dénouement du contrat. L’opinion avait précédemment
été secouée par les remous de l’affaire Madoff et ses conséquences sur la valeur des unités de
compte inscrites en assurance vie. Sans doute est-ce sur un ton plus confidentiel que la presse
aura relayé les autres problématiques que l’actualité récente a aménagées quant à ces
produits : sort de la créance d’assurance vie dans le bouclier fiscal, saisissabilité de cette
créance d’assurance, devoir de conseil, autant de sujets qui ont émergé à l’initiative du
législateur ou des juridictions. C’est dire combien juristes et professionnels ont régulièrement
à réajuster leur approche de la matière.
Autant de thématiques, autant de portes ouvertes sur le sujet de notre étude, l’arbitrage entre
supports dans les contrats d’assurance vie en unités de compte. Entre assurance et finance,
entre théorie juridique et pratiques professionnelles, l’arbitrage constitue l’un des noeuds
essentiels de l’opération d’assurance multisupports. L’allocation des valeurs sur les unités de
compte est l’acte où se dénouent les intérêts financiers du contrat et autour de laquelle se
tissent les relations des intervenants divers à l’opération.
L’avantage financier : tel est l’enjeu essentiel des opérations d’arbitrage entre unités de compte
dans les contrats d’assurance vie multisupport.
Qui tient l’office d’arbitre, quels sont les contours, enjeux et problématiques soulevés par cette
opération, d’ordre a priori essentiellement financier ? S’il convient d’envisager le statut
juridique de cette activité, c’est précisément en raison des sommes qu’elle met en jeu.
La notion d’arbitrage (inventée par la pratique) désigne le choix d’allocation des primes
d’assurance vie entre les différents supports financiers offerts par le contrat d’assurance,
également appelés unités de compte, elles-mêmes rattachées à des valeurs de référence. Cette
faculté, aménagée contractuellement, permet, en cours de contrat, de modifier la répartition du
capital par le désinvestissement d’un support et le réinvestissement sur une autre référence
dans le contrat, que la pratique désigne sous le vocable de “contrat multisupport”.

En d’autres termes, selon une acception générale, il s’agit du mouvement d’une partie des
avoirs du souscripteur entre plusieurs fonds qu’il perçoit comme lui appartenant dans
l’enveloppe de l’assurance vie (selon une idée juridiquement fausse mais couramment
répandue). Les contrats concernés sont donc des contrats à capital variable, exprimés en unités
de compte (désignant par exemple des SICAV, OPCVM, titres vifs, mobiliers ou
immobiliers), ou en fonds en euros – autrement appelés “poche en euros”. Dans les contrats
multisupports, qui se distinguent des contrats exclusivement exprimés en unités monétaires
(contrats en euros), “la “somme assurée” varie en fonction de la variation de la valeur des
unités de compte de référence, à la hausse comme à la baisse”1.
Cette opération d’arbitrage peut paraître en marge de l’opération d’assurance, dans sa
définition classique. Synthétiquement, il est couramment admis de considérer que l’opération
d’assurance consiste en la couverture d’un risque par l’assureur, en contrepartie du versement
d’une prime. Le souscripteur conclut un contrat d’assurance vie en vue de couvrir le risque de
survie à une certaine date de l’assuré (qui peut être lui-même ou un tiers), ou encore le risque
de décès avant l’échéance du contrat. Les formes modernes de contrat d’assurance vie (ou
assurances mixtes) couvrent ces deux éventualités cumulativement.
En pratique, la possibilité est offerte, de plus en plus largement, de gérer les fonds placés en
assurance vie multisupport (les primes) comme de l’épargne liquide. Et ceci, par l’effet du
versement de la prestation à l’échéance du contrat, mais plus encore grâce à la faculté de
rachat du contrat, érigée en droit depuis quelques années, dès lors que le contrat le prévoit, en
ce sens que l’assureur ne peut plus s’y opposer.
Le souscripteur a, en principe2/3, la liberté de demander à l’entreprise d’assurance vie le rachat,
total ou partiel, du contrat. Cela lui permet en conséquence d’entrer en possession, par avance,
de la valeur de son contrat d’assurance vie, c’est-à-dire en dehors des cas de dénouement
ordinaires du contrat (soit par l’arrivée du terme, soit par l’effet du décès de l’assuré). La
faculté permet au souscripteur-investisseur4 de liquider son “épargne” à tout moment, selon
les opportunités du marché et sa situation personnelle. En réalité, cette faculté, cumulée à
celle offerte au souscripteur d’arbitrer entre les supports, fait du contrat d’assurance vie un
outil d’épargne privilégié pour la majorité des français, qui bénéficient également des
avantages fiscaux autorisés par la loi.
On l’aura compris, moins que la couverture d’un risque, ce sont les facultés d’épargne que
recherchent les souscripteurs d’un contrat d’assurance vie. Economiquement, l’arbitrage entre
unités de compte s’analyse comme un outil de gestion de l’épargne.

L’assurance vie multisupport appelle naturellement à élaborer une stratégie de placement. En
ceci elle s’oppose aux contrats libellés en euros (dont l’encadrement réglementaire est une
question brûlante d’actualité en raison des abus des taux d’appel annoncés pour des raisons
commerciales5). Si la performance des contrats d’assurance vie libellés en euros est garantie
contractuellement, ce sont souvent les participations aux bénéfices des sociétés d’assurance6
qui permettent de valoriser la prestation effectivement délivrée. Les contrats en euros ne sont
donc pas directement sujets aux aléas des places financières.
Les contrats multisupports appellent, quant à eux, une analyse plus affinée des risques, des
considérations patrimoniales, économiques et financières, d’autant plus que la législation
favorise au gré du temps la faculté d’arbitrage.
C’est ainsi que la loi de finances pour 1998 avait permis le transfert de contrats ou d’une
partie des unités de compte vers un contrat dit « DSK », tout en conservant l’antériorité fiscale
du contrat concerné et sans imposition des plus-values lors du transfert (à l’exception des
prélèvements sociaux).
A titre d’exemple, et plus récemment, la loi n°2005-842 pour la confiance et la modernisation
de l’économie du 26 juillet 2005, dite loi Breton, ouvre aux assureurs, en son article 17
(autrement désigné “amendement Fourgous”), la possibilité d’offrir aux détenteurs d’un
contrat d’assurance vie en euros la possibilité de les transformer en contrat multisupport sans
être imposé sur la plus-value8. Intégrée dans un titre Ier “Encourager la détention durable
d’actions”, cette disposition, par l’effet d’une faveur fiscale, encourage les détenteurs de
contrats d’assurance vie en euros à opter pour le positionnement des fonds sur des unités de
compte. (Cette décision découle d’un choix politique estimant, pour résumer, que les contrats
en unités de compte sont économiquement plus productifs que les contrats en euros. Elle
cherchait à favoriser la relance de l’économie en transférant l’épargne des français vers
l’entreprise et à renforcer les fonds propres et le capital des entreprises françaises.) Cette
disposition aura à tout le moins donné une impulsion aux souscripteurs pour opter
massivement pour l’assurance vie exprimée en unités de compte.
Il est un autre signe récent des faveurs du marché pour assouplir l’accès et la gestion des
contrats en unités de compte : le récent plaidoyer sous forme de proposition de loi du député
Alain SUGUENOT pour la portabilité du contrat d’assurance vie d’une compagnie
d’assurances à l’autre. Un souscripteur pourra-t-il dorénavant transférer son contrat
d’assurance vie auprès d’un nouvel assureur en conservant les avantages fiscaux du premier
contrat (l’antériorité fiscale attachée à la date de conclusion du contrat)?

Un souscripteur dispose déjà de la faculté d’arbitrer entre unités de compte, il s’agirait en outre
d’arbitrer entre les contrats d’assurance vie en unités de compte. Encore une nouvelle voie
d’incertitudes… Mais ne nous attardons pas à la prospective, les objectifs de cette proposition
de loi ayant fait l’objet d’autres dispositions9.
Cette souplesse dans la détermination des placements en unités de compte, cumulée à de bons
“rendements” et à un régime social et fiscal de faveur, explique aisément l’importance des
montants en jeu. Malgré la conjoncture sans précédent qui s’est prolongée depuis 2007 et qu’il
est devenu commun d’appeler “crise”, les performances se sont nettement redressées en 2009.
L’assurance vie, est souvent désignée comme le “produit d’épargne préféré des français”.
Cette affirmation, pour exacte qu’elle soit, semble refléter une vision unitaire des contrats
d’assurance vie, alors que les chiffres récemment publiés révèlent une frilosité accrue des
souscripteurs pour les unités de compte les plus risquées, et un net repli en faveur des supports
sécurisés.
Un graphique de la FFSA illustre la parfaite corrélation entre la collecte en supports unité de
compte et le niveau du CAC40, la hausse continue des indices boursiers avant la crise ayant
encouragé la commercialisation de contrats d’assurance vie.10
La tendance générale depuis la “crise”, était à la baisse des cotisations, résultant notamment
de la baisse des marchés boursiers et de l’inversion de la courbe des taux. En effet, ” les taux
de court terme étaient plus élevés que ceux de long terme, ce qui a conduit les ménages à
investir massivement dans les produits liquides (OPCVM monétaires ou compte à terme) mais
aussi dans les livrets défiscalisés notamment le Livret A”11. Si les taux de rendement des
contrats en euros étaient stables, ceux des contrats multisupports avaient chuté (en 2008 de
24,2%) tout comme le nombre de “transformations” de contrats en euros en contrats
multisupports.12
Désormais, un rapport de conférence de presse de la Fédération française des sociétés
d’assurances13 laisse apparaître un progrès dans la collecte de primes en assurances de
personnes, le niveau de cotisation dépassant à nouveau les 150 milliards d’euros en 2009, ce
qui représente 55 % de l’épargne longue des Français en 2009, mais un désintérêt relatif du
marché pour les contrats en unités de compte par rapport à 2008 (-12,7%) et un repli sur les
supports euros (+ 19,7%).
Plus récemment, la FFSA rapportait, le 22 juillet 2010, que pour l’assurance vie en 2010,
à la fin juin, la collecte aura progressé de 8 %, à 78,5 milliards d’euros, alors que les
cotisations étaient en hausse de 9 % à fin mai et de 10 % à la fin du mois d’avril.
“Les supports euros sont toujours privilégiés par les épargnants avec 68,5 milliards d’euros
investis depuis le début de l’année (+ 6 %), soit 87 % de la collecte. La collecte sur les
supports UC s’établit à 10 milliards d’euros (+26 %).” Et de se féliciter de la bonne
rentabilité des supports en unités de comptes.
Pourquoi un tel engouement pour l’assurance vie ?
http://www.ffsa.fr/ffsa/upload/docs/application/pdf/2010-06/confpressejuin_2010vldiaporama.pdf

Les sirènes de l’assurance vie chantent à plusieurs voix, même si elles perdent de la vigueur à
force de législations qui, peu à peu, amoindrissement leurs avantages.
Le Code des assurances exclut14 des règles successorales15 la prestation (rente ou capital) de
l’assureur vie pour cause de décès. Plus précisément, elle l’évince des règles du rapport à la
succession et de celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant16.
Ces règles sont également exclues pour les primes (à moins qu’elles ne soient manifestement
exagérées eu égard aux facultés du souscripteur). « [L]e bénéfice du contrat d’assurance-vie
est transmis à un bénéficiaire hors la succession du souscripteur au contrat (L. 132-12) et ce
bénéfice est exclu du rapport à succession sauf si les primes ont été manifestement excessives
(L. 132-14).”17
Par ailleurs, le conseiller rapporteur devant la Cour de cassation évoque en ces termes
l’essentiel des autres avantages sociaux et civils de l’assurance vie18:
– « la saisie du capital par les créanciers du souscripteur au contrat est impossible sous
réserve de fraude paulienne et des nullités de la période suspecte lorsque les primes versées
par le souscripteur sont manifestement exagérées (L. 132-14 du Code des assurances).”19
– « le contrat d’assurance-vie est soustrait de la communauté lorsqu’il a été conclu au
bénéfice du conjoint sous réserve d’un droit à récompense pour les primes manifestement
excessives payées sur les deniers communs (L. 132-16).”
– « dans un contrat d’assurance-vie, les primes versées ainsi que les sommes reversées par
l’assureur rejoignent le patrimoine de l’assureur et échappent au gage général des créanciers
et ce en vertu du droit direct reconnu au tiers bénéficiaire, alors que dans un contrat
d’épargne (ou de placement ou de capitalisation) l’organisme de crédit n’est que le
dépositaire des sommes investies qui peuvent être appréhendées par les créanciers du
client. »
Outre ces qualités, les contrats d’assurance vie offrent des avantages fiscaux (annuellement,
pour la valorisation de l’épargne, et au moment du décès).20
Déjà en 2010, l’exonération de prélèvements sociaux des contrats d’assurance vie
multisupports a été remise en cause de lors de dénouement en cas de décès (soit 15 à 20 % des
contrats) par la loi de financement de la Sécurité sociale. Les souscripteurs pensaient
transmettre en franchise de droits grâce à l’assurance vie. Désormais, quand une assurance-vie
se dénoue par le décès du souscripteur, des prélèvements sociaux à hauteur 12,1 % sont
affectés sur les montants alloués au bénéficiaire.
Qui plus est, la fiscalité des prélèvements obligatoires mobilise actuellement l’opinion
publique. Avantage social relatif à la faculté d’arbitrage, les contrats en unités de compte ne
subissent pas de prélèvements sociaux alors qu’y sont assujettis annuellement sur les intérêts
générés par les contrats en euros. Or le fisc entendrait donner un effet immédiat aux arbitrages
effectués en cours de contrat dès lors qu’ils sont effectués en hausse, de telle sorte de taxer les
fonds en euros garantis au sein de la poche en euros. Et ce, en contradiction avec le principe
selon lequel les fonds appartiennent à l’assureur. Encore faut-il admettre que le souscripteur
tient contre lui une dette éventuelle de rachat ou de prestation au terme en cas de vie nierait
l’unité du contrat dont les plus-values ne sont pas acquises avant le dénouement. Même
capitalisées pour permettre l’arbitrage de plus nombreuses unités de compte ou en faveur
d’unités de compte plus onéreuses, ces plus-values ne sauraient être considérées comme
acquises tant que le sort du contrat n’est pas dénoué.
Le gouvernement envisage toutefois, en cette fin de l’été 2010, la possibilité de prélever
chaque année la CSG et CRDS sur les contrats d’assurance vie multisupports, pour la part en
euros (à capital garanti), espérant percevoir un milliard d’euros de recettes fiscales par an.
Autre avantage fiscal attaché à l’arbitrage en assurance vie multisupport, pour les
contribuables redevables de l’ISF, le bouclier fiscal distingue les revenus d’un contrat en euros
de celui des contrats multisupports même arbitrés en support en euros (La solution a été
énoncée par un arrêt du Conseil d’Etat du 13 janvier 2010).
Outre ces avantages fiscaux et sociaux, à cette conception financière du contrat d’assurance
vie répondent l’argumentation économique des acteurs de l’assurance, au premier plan
desquels s’inscrivent les résultats financiers des produits assuranciels.
Originellement, les candidats à l’assurance aspiraient d’abord à faire porter leur risque par
d’une entité digne de crédit, une entreprise qui apportait au souscripteur un gage suffisant de
solvabilité pour assumer, partager ou relayer les conséquences financières de la réalisation de
ce risque. Cette analyse continue de présider à de nombreuses branches de l’assurance non vie,
gérée en répartition. Toutefois, commercialiser un produit d’assurance vie nécessite désormais
d’avancer plutôt des arguments en termes d’épargne. Les acteurs du marketing ne s’y sont pas
trompés, utilisant désormais volontiers des termes issus de la finance pour qualifier l’opération
qu’ils souhaitent valoriser.
A cet égard, courtiers, agents, assureurs, bancassureurs, tous rivalisent d’arguments pour
démontrer les rendements et les garanties de leurs produits. Corollaire indispensable de
l’épargne, la rentabilité du placement est au coeur de l’opération. A ce titre, le client est appelé
à envisager, pour les contrats en “support euros”, les taux garantis, et pour les contrats “multi
supports”, la diversité des supports d’épargne, la souplesse de gestion, l’efficacité des choix de
placement, voire l’identité du gestionnaire. Toutes notions qui font appel à la notion
d’arbitrage entre les unités de compte.

A priori marginale au titre de l’analyse juridique de l’assurance vie, la notion d’arbitrage entre
supports, trouve donc une place centrale dans la vie du contrat.
Arrêtons-nous à cette notion, dans son acception la plus large possible, qui permettra de
dégager les grandes lignes du sujet dans le domaine qui nous intéresse.
“ARBITRAGE : n.m. de arbitrer
1. Règlement d’un différend ou sentence arbitrale rendue par une ou plusieurs
personnes, auxquelles les parties ont décidé, d’un commun accord, de s’en
remettre. […]
2. FIN. Opération d’achat et de vente en vue de tirer bénéfice des différences de
cours entre deux choses similaires sur la même place, ou entre deux places
différentes sur la même chose (valeur ou marchandise). Arbitrage de
portefeuille, sur des valeurs mobilières […]”
in Le nouveau Petit ROBERT de la langue française, édition 2009
“ARBITRE : n.[…]
1. DR. Personne désignée par les parties (particuliers ou Etats) pour trancher un
différend, régler un litige […]
COUR. Personne prise pour juge dans un débat, une dispute.[…] Personne qui est
capable de juger, de décider de qqch.[…]
2. Personne que son autorité désigne pour concilier des intérêts opposés […]”
in Le nouveau Petit ROBERT de la langue française, édition 2009
A la lecture de ces définitions, envisager l’arbitrage dans son acception courante ne se conçoit
qu’en lien étroit avec la personne de l’arbitre. Ce qui guide le choix de l’arbitre est la confiance
dans les qualités de la personne désignée pour peser les solutions et faire un choix. Il apparaît
que les éléments essentiels sont à la fois :
– l’existence d’intérêts divergents (d’où la référence la plus courante à l’arbitrage dans le cadre
d’un différend) – en assurance vie, il s’agira de choisir entre des unités de compte plus ou
moins risquées en termes de rentabilité, de perte ou de gain de valeur, à plus ou moins long
terme,
– des compétences spécifiques – en assurance vie, des capacités d’analyse financière,
– une confiance nécessaire justifiant la désignation de l’arbitre par les intéressés – en assurance
vie, le souscripteur pourra avoir une confiance suffisante:
– en l’assureur pour garantir au mieux les ressources nécessaires à la couverture de
son risque,
– en ses propres qualités pour distinguer les intérêts qui devront présider à des
choix,
– ou désigner une personne ou entité de confiance pour le faire.
Pour résumer, en matière d’assurance vie, la notion de personne habilitée à arbitrer est
essentielle, tant des compétences financières sont nécessaires pour ces choix techniques, mais
également parce que l’arbitre doit respecter les critères de choix de l’intéressé à l’assurance.
Ces considérations sous-tendront l’ensemble de la présente étude et permettront d’apporter un
éclairage utile aux solutions apportées par la législation ou la pratique.
De manière plus technique, certains auteurs se sont attachés à définir les opérations
d’arbitrage. Force est de constater qu’ils ne se sont pas attachés à qualifier juridiquement
l’opération mais à préciser l’état de la pratique. A notre sens, c’est elle qui nourrit l’essentiel de
la problématique.

“ARBITRAGE EN MULTISUPPORT”
Un contrat d’assurance vie adossé à plusieurs unités de compte (reflétant des SICAV,
FCP, sociétés immobilières, valeurs mobilières) est dit multisupport.
Le nombre et le choix des supports relèvent de l’assureur.
Mais diverses formules de contrats multisupports sont offerts à l’assuré et lui
permettent :
– le choix, lors de la souscription, parmi les divers supports que comporte la
combinaison concernée, le panachage étant possible au gré du souscripteur;
– la possibilité ultérieure et périodique (chaque année en général ou même à tout
moment) de modifier la composition du portefeuille représentatif et/ou les proportions
comportées par le contrat de chaque support de ce portefeuille. […]”
in Dictionnaire Général de l’Assurance, C. SAINTRAPT
D’aucuns pourraient s’interroger sur l’intérêt d’une telle étude. Or, le sujet de l’arbitrage entre
unités de compte est particulièrement actuel. S’il était besoin de justifier les questionnements
juridiques par des considérations d’ordre économique, il suffirait de s’attacher ici à
l’importance des sommes mises en jeu dans les unités de comptes offertes à l’arbitrage en
assurance vie aux débats actuels sur la fiscalité des contrats, assortis de la faculté d’arbitrage
et à la multiplication des scandales entourant l’assurance vie en unités de compte.
Les médias se sont largement fait l’écho des retombées de l’affaire Madoff sur la valorisation
des contrats arbitrés sur la foi de ce courtier. Les medias ont évoqué quelque 3 millions de
victimes pour un montant total proche de 50 milliards de dollars (environ 35 milliards
d’euros). Qui aura supporté la charge des conséquences financières en cascade de cette
escroquerie ? Qui aura assumé la responsabilité du choix des supports Madoff ? Le crédit
accordé par le public à l’assurance vie moderne, ces récentes années, risque d’en être affecté
durablement et en profondeur.
Plus présente encore, la “crise” a amené nombre de souscripteurs et bénéficiaires de contrats
d’assurance vie à déplorer la moindre valeur de la prestation délivrée par rapport au montant
des primes versées. Il était commun de penser qu’à tout le moins à long terme, et surtout en
période de baisse des taux d’intérêt, que les contrats multisupports avaient un meilleur
rendement que les contrats en euros – la réalité financière a changé. Déçus de ce qu’ils
perçoivent comme un faible “rendement” ou une “perte”, ils seront nombreux à rechercher la
responsabilité des intervenants à l’opération qu’ils considèreront comme “mal arbitrée”.
Les enjeux financiers considérables appellent à s’interroger sur les responsabilités de chacun
des acteurs et intéressés à ce type d’opérations, actuellement mal définies, et qui nourriront
probablement un contentieux grandissant dans les années à venir, étant donné notamment
l’importance des montants en jeu et la multiplicité des acteurs.
Aborder les problématiques soulevées par l’arbitrage nécessite d’analyser la pratique, le sujet
ayant été traité de façon seulement laconique par le législateur et de manière parcellaire par
les juridictions.
Cette étude chevauchant le Code des assurances, le Code civil et le Code monétaire et
financier envisagera la pratique, notamment contractuelle :
– contrat d’assurance, d’une part, qui lie le souscripteur à l’assureur et aménage les modalités
d’arbitrage, et
– contrat de délégation, d’autre part, qui lie souvent le souscripteur ou l’assureur à un
professionnel pour procéder à l’arbitrage.
C’est que l’une des spécificités de l’assurance vie tient à la multiplicité des personnes
intéressées à la délivrance de la prestation d’assurance, à la croisée de la finance et de
l’assurance.
L’enjeu principal des litiges concernant les contrats d’assurance vie entre unités de compte
consiste à déterminer les responsabilités entre tous les intervenants ou intéressés à l’opération
d’arbitrage, de telle sorte de déterminer qui, en définitive, portera les conséquences financières
de mauvais choix de gestion.
Souscripteur, assuré, bénéficiaire, assureur, délégataire d’arbitrage, intermédiaire d’assurances,
qui sera comptable de ces manquements – pour autant qu’ils puissent être considérés comme
susceptibles d’entraîner une indemnisation sur le fondement de la responsabilité civile – ? Qui
supportera le risque d’une diminution de capital par rapport au montant des primes payées ?
Mémoire Institut des Assurances de Lyon 2010
L’arbitrage entre supports dans les contrats d’ assurance en unités de compte – Emilie CHENARD-COLLY Page 14
Qualifier l’acte d’arbitrage entre unités de compte constitue un préalable nécessaire à
l’établissement des responsabilités engendrées par les arbitrages en assurance-vie.
Afin de dégager des solutions, il convient d’abord que l’on définisse avec précision l’acte
d’arbitrage, sa qualité, son régime, son rôle dans l’opération d’assurance afin de déterminer son
titulaire (Partie I), avant d’envisager les problématiques de sa mise en oeuvre en termes de
responsabilités (Partie II).

1 Traité de droit des assurances, Tome 4 Les assurances de personnes, sous la direction de Jean BIGOT, LGDJ,
ed. 2007, n°54
2 L 132-2
3 Les articles cités dans la présente étude font référence au Code des assurances sauf mention contraire.
4 Nous utiliserons, dans la présente étude, le terme de “souscripteur” ou “preneur d’assurance” pour désigner
cette personne – sauf à distinguer expressément le cas de l’assurance collective où l’épargnant est désigné
“adhérent” et le souscripteur est celui qui contracte l’assurance collective avec un assureur pour le compte des
adhérents.
5 Arrêté du 7 juillet 2010 portant modification des modalités de garanties d’un taux minimum par les
entreprises d’assurance modifiant les articles A. 132-2 et A. 132-3 du Code des assurances.
6 article A331-3 du Code des assurances
7 “I. – La transformation d’un bon ou contrat mentionné au I de l’article 125-0 A du code général des impôts,
dont les primes versées sont affectées à l’acquisition de droits qui ne sont pas exprimés en unités de compte
visées au deuxième alinéa de l’article L. 131-1 du code des assurances, en un bon ou contrat mentionné au I de
l’article 125-0 A du code général des impôts dont une part ou l’intégralité des primes versées sont affectées à
l’acquisition de droits exprimés en unités de compte susvisées n’entraîne pas les conséquences fiscales d’un
dénouement.[…]”
8 Instruction fiscale du 4 novembre 2005, BOI n°182
9 L’objectif sous-jacent consistait à éviter que l’épargnant ne soit “prisonnier de la compagnie” qui affiche des
taux majorés à court terme pour attirer de nouveaux clients au détriment des clients en portefeuille – L’Argus
de l’assurance, 11 décembre 2009, p. 11 et s. – NDLR : une autre voie a été trouvée, qui limite
réglementairement la pratique ce ces taux (article A132-2 nouveau précité)
10 http://www.enass.fr/PDF/travaux_recherche/MBA_Rousse_unites-de-comptes.pdf
11 Rapport FFSA 2008
12 L’Argus de l’Assurance, 30 janvier 2009
13 Conférence de presse du 23 juin 2010,
14 article L132-13
15 pour un exemple d’application Arret Leroux 2000 (mais pas pour les contrats de capitalisation) JCP 2001 I
329, RGDA 2000 p 767
16 Mais un arrêt récent semble envisager qu’un testateur puisse intégrer volontairement la valeur du bénéfice
de l’assurance vie en cas de décès dans le calcul de la part d’héritage du bénéficiaire, voir Cass. 1ère civ.,
08 juillet 2010, n°09-12491
17 Mme CREDEVILLE, Rapport devant la Chambre mixte de la Cour de cassation, 4 arrêts du 23 novembre 2004,
pourvois n° 01-13.592, 02-11.352, 02-17.507, 03-13.673
18 ibid.
19 Come nous l’avons évoqué, une récente mesure du Code pénal ébranle cette certitude
20 Rescrit fiscal RES N° 2010/46 du 10 août 2010 relatif aux modalités de détermination des produits imposables
lors de rachat partiel sur un contrat d’assurance-vie en unités de compte ou multisupports « en perte »
instituant une tolérance administrative selon laquelle, pour les rachats partiels sur des contrats d’assurance-vie
en unités de compte ou multisupports « en perte » à la date à laquelle ils sont effectués (situation dans laquelle
la valeur totale du contrat est inférieure au montant des primes non remboursées), la part des primes
remboursées lors du rachat partiel soit plafonnée au montant du rachat partiel. [Ce qui n’est pas sans incidence
sur la fiscalité des rachats ultérieurs]

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