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II- REVUE DE LA LITTERATURE

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Les travaux empiriques qui traitent de l’impact de la privatisation sur la performance des entreprises vont dans un sens ou dans l’autre et concluent aussi bien à la thèse de la neutralité (la privatisation n’aurait aucun impact significatif sur la variable performance), que sur celle de la non neutralité. Ces divergences de résultats induites par la privatisation suggèrent si l’on se fie aux travaux de Cuirot et Villalonga (2000), Barberis et al. (1996) qu’il y aurait des variables contextuelles (processus de privatisation, environnement légal, économique et politique, facteurs organisationnels) à prendre en considération dans l’évaluation des impacts de la privatisation sur la performance des entreprises.

Petrovic et Jaffee (1977) ont entrepris de comparer les performances des secteurs privé et public dans le domaine de la collecte des ordures ménagères dans 83 villes du Midwest américain afin de lever le voile sur les controverses entourant l’efficacité des secteurs public et privé. Leurs travaux concluent que le coût de la collecte des ordures ménagères par les entreprises publiques est 15% plus élevé que celui des firmes privées. Dès Mars 1986, Kay et Thompson (1986) ont examiné l’impact de la privatisation sur la performance des firmes et concluent que celui-ci est positif en l’occurrence dans un contexte où les sociétés d’Etat sont inefficientes et en situation de monopole dans des secteurs industriels particuliers. La privatisation serait donc de l’avis de ces auteurs, la façon la plus efficace de promouvoir la concurrence.

Boardman et Vining (1989) ont entrepris quelques années plus tard des recherches similaires comparant la performance de près de 500 entreprises privées, mixtes et publiques à l’échelle internationale dans les pays industrialisés (à l’exception des Etats-Unis). Les conclusions de ces recherches, parues dans un article intitulé « Ownership and Performance in Competitive Environments : A Comparition of the Performance of Private, Mixed and State-Owned Enterprises », Journal of Law and Economics, n°32, pp ; 1-33, stipulent que les sociétés d’Etat sont moins efficaces, moins profitables et moins productives que les autres formes d’entreprises (notamment les entreprises privatisées), la privatisation serait donc une nécessité parce qu’elle discipline les entreprises et conduit à une meilleure gestion dans la mesure où les marchés financiers soumettent les sociétés privées à une plus grande rigueur de gestion. C’est du moins le constat que se permet de poser Nellis (1994).

L’auteur soutient que les politiciens interfèrent moins dans le fonctionnement des firmes privées qui sont possédées et gérées par des actionnaires attentifs plutôt que par des bureaucrates désintéressés. La propriété selon Nellis(1994) serait donc la meilleure façon d’améliorer l’efficacité d’une entreprise et l’auteur suggère que les travaux empiriques pré et post-privatisation démontrent très clairement que les firmes privatisées enregistrent des améliorations significatives de performance dans les pays industrialisés.

Les travaux de Megginson, Nash et Van Randenborgh (1994) sur l’impact de la privatisation sur la performance de 61 entreprises réparties sur 18 pays semblent confirmer cette tendance. Les résultats de leur recherche parus dans un article intitulé « The Financial and Operating Performance of Newly Privatized Firms : An International Empirical Analysis », Journal of Finance, n°49 pp. 403-452, font remarquer que les entreprises privatisées ont amélioré leur ratio d’investissement, d’endettement, d’efficacité et de productivité de façon significative.

Selon ces auteurs, le passage de la propriété publique à la propriété privée conduit à une diminution de la proportion de dettes dans la structure du capital pour plusieurs raisons. La principale raison est que les entreprises publiques ont un niveau de dette élevé parce qu’elles ne peuvent pas avoir recours aux prêts pour avoir un financement car elles sont dans l’incapacité de vendre les actions de l’entreprise aux investisseurs privés. En outre, ils ont remarqué que les entreprises privatisées sont devenues plus rentables, que leurs ventes ont augmenté, de même que les dividendes versés aux actionnaires.

De plus, ces sociétés ont diminué considérablement leur niveau d’endettement et les auteurs ont trouvé que dans 64% des cas, le niveau d’emploi s’est accru. Pour Boycko, Schleifer et Visny(1996), l’entreprise privée, contrairement à l’entreprise publique n’a pour seul objectif que la maximisation du profit. Dans le secteur public par contre, la rentabilité n’est qu’un des divers et multiples objectifs possibles, définis par un processus politique. Sur le plan empirique, de nombreux travaux ont relevé l’existence d’une différence significative en termes de performance entre l’entreprise publique et l’entreprise privée tandis que d’autres, au contraire, n’ont réussi à trouver aucune différence notable.

Newberry et Pollitt (1997) se sont appesantis sur la privatisation de l’une des grandes compagnies d’électricité en Grande- Bretagne (Central Electric Generating Board). Ils remarquent une amélioration significative de la performance de l’entreprise après sa privatisation, mais nuancent leurs conclusions en observant que les consommateurs et les gouvernements sont les perdants (notamment à cause de la hausse vertigineuse des tarifs), alors que les actionnaires en profitent en accumulant des bénéfices financiers gigantesques. Boardman, Laurin et Vining (2000) ont examiné la performance de 9 sociétés d’Etat canadiennes privatisées entre 1988 et 1995 en comparant leur performance 5ans avant la privatisation et 3ans après. Les auteurs concluent que le retour sur ventes (ROS) de même que le retour sur investissement (ROE) desdites entreprises ont pratiquement doublé suite à leur cession au privé et que les entreprises ont également enregistré des performances au dessus de la moyenne du marché.

Des récentes études empiriques, depuis celles menées par Davies(1971) concernant les performances comparées de deux compagnies de transport aérien australiennes en situation de duopole, celles de Borcherding, Pommerenhe et Schneider (1982) jusqu’à celles de Ehrhich et al.

(1990) au sujet de la privatisation d’une quarantaine de compagnies aériennes dans 23 pays ; la France y compris aboutissent à la même conclusion et corroborent les mêmes allégations théoriques : l’entreprise privée est mieux gérée et plus efficace que l’entreprise publique, en termes de rendements. Dans cette même optique, Plane (1999), Perotti et Guney (1993) arrivent à la conclusion, à travers leurs recherches, que si la privatisation s’accompagne d’une déréglementation ou d’une ouverture de marché (ce qui est généralement le cas), les entreprises nouvellement privatisées parviennent à augmenter leurs dépenses d’investissement pour se développer et rester compétitives. La hausse des investissements devrait permettre de relancer la production à un niveau supérieur à celui observé quand l’entreprise était sous le giron de l’Etat.

Mais les effets de la privatisation ne sont pas que bénéfiques au niveau de la rentabilité et de la productivité des entreprises ; les aléas de la privatisation, conjugués à une concurrence acerbe et à la suppression de subventions gouvernementales poussant les entreprises privatisées à mettre en œuvre divers programmes dans le but d’accroître leur productivité. Les privatisations, dans les pays industrialisés semblent générer de façon générale de meilleurs résultats que dans les pays en voie de développement. Cette évidence a été confirmée dans une étude menée par Dewenter et Malatesta (1997), en comparant les effets induits par la privatisation au niveau microéconomique dans 109 entreprises reparties au Canada, en France, en Hongrie, au Japon, en Malaisie, en Pologne, en Thaïlande et au Royaume-Uni. Ces différences de résultat semblent liées à l’environnement institutionnel et économique des privatisations d’après les auteurs, ce qui nuancerait la relation systématique entre privatisation et performance.

Même si les conclusions sur les travaux entrepris sur la question varient d’un auteur à un autre et sont fonction de la perspective d’analyse choisie et de la méthodologie adoptée, il est néanmoins possible d’arriver à une conclusion générale. Les résultats induits par la privatisation en Afrique sont mitigés et semblent réfuter certaines hypothèses simplificatrices qui visent à faire de la privatisation en Afrique l’outil efficace de la réforme des entreprises publiques, capable de parer à la déconfiture du secteur public et de briser les inerties managériales qui le caractérisent. Parmi les travaux dignes de mention portant sur l’impact des privatisations sur la performance des entreprises en Afrique, on peut citer ceux entrepris par Boubakri et Cosset (1998).

Ces auteurs ont examiné les performances pré versus post-privatisation de 16 anciennes sociétés d’Etat privatisées entre 1989 et 1996 et concluent que même si les entreprises semblent avoir accru leurs dépenses d’investissement, celles-ci ont enregistré des améliorations peu significatives en ce qui concerne leur profitabilité, leur efficience, leur productivité ainsi que leur niveau d’endettement. Les faibles réalisations des privatisations en Afrique ont également été illustrées dans une étude de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) menée par Berthélemy, Kauffmann, Valfort et Wegner (2004) et intitulée Privatisation en Afrique Subsaharienne : Un état des lieux.

En Afrique occidentale, Jones, Jammal et Gokur (1998) ont examiné l’impact social et économique de la privatisation de 81 entreprises ivoiriennes évoluant dans divers secteurs (agriculture, agro-industries, infrastructure, etc.). Les auteurs en sont arrivés aux conclusions suivantes : (i) les sociétés d’Etat ivoiriennes ont été plus performantes suite à leur privatisation. (ii) leurs résultats sont supérieurs à ceux qu’elles ont obtenu étant sous le giron de l’Etat. (iii) les privatisations en Côte-d’Ivoire ont contribué de façon générale à l’amélioration du bien-être de la population.

Des résultats similaires avaient déjà été obtenus par Campbell White et Bhatia en 1998 en ce qui concerne les privatisations en Afrique subsaharienne. Qu’il s’agisse du Ghana, de la Tanzanie ou du Nigeria, les privatisations semblent avoir accru les dépenses d’investissement des firmes de même que l’introduction par ces dernières de nouvelles technologies de pointe afin de stimuler la productivité. Cependant, les recherches menées par Shirley (1998) à la même période dans une douzaine d’entreprises reparties dans six pays en voie de développement parviennent à des conclusions contradictoires. L’auteur fait remarquer que dans seulement très peu de cas, les firmes privatisées sont parvenues à améliorer leur performance en termes de productivité et de rentabilité.

Au vu des résultats mitigé et controversé du lien privatisation /performance des entreprises dans les études menées jusqu’ici dans plusieurs pays et qui, pour la majorité d’entre elles, se fondent sur des tests synchroniques qui consistent à comparer la performance des firmes privatisées à celle d’un groupe de firmes non privatisées ou à celle qu’elles auraient réalisées si elles étaient restées sous le giron de l’Etat (performance potentielle), nous évaluerons l’impact de la privatisation sur la performance des entreprises camerounaises en utilisant à quelques différences près l’approche alternative de Megginson et al.(1994) fondée sur des tests historiques et qui consiste à comparer les performances avant et après la privatisation, des mêmes entreprises pouvant appartenir à des secteurs d’activités hétérogènes

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