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II. REVUE DE LA LITTÉRATURE

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INTRODUCTION

Notre recherche débute donc par une analyse de la littérature ; le premier objectif de cette revue de la littérature consiste à déterminer dans quelle mesure la pratique du marketing dans les organisations à but non lucratif se différencie de celle opérée dans les organisations commerciales. Généralement le marketing, tel qu’il est enseigné dans le milieu académique, s’applique aux entreprises commerciales ; il est donc primordial de bien comprendre les potentielles modulations qui sont apportées au marketing classique par les organisations à caractère social.

Nous allons ensuite tenter de déterminer les orientations qui doivent être suivies pour optimiser la pratique du marketing dans les organisations à caractère non lucratif.

Nous nous focaliserons enfin sur une discipline particulière du marketing dans les organisations caritatives, la collecte de fonds. Nous allons tenter de mettre en lumière les bonnes pratiques à adopter pour maximiser l’efficacité de la collecte de fonds dans une organisation.

1. LE NONPROFIT MARKETING

L’utilisation faite des outils et des concepts du marketing dans les organisations à but non lucratif diffère sensiblement de l’approche classique du marketing, telle qu’opérée par les organisations commerciales. Les moyens, les objectifs et les modes de fonctionnement des organisations caritatives diffèrent de ceux des organisations commerciales.

1.1 LA SINGULARITÉ DU NONPROFIT MARKETING

Nous allons, dans cette première partie de notre revue de la littérature, tenter de déterminer les éléments qui provoquent une utilisation différente du marketing dans le milieu associatif. Nous aborderons les principales différences entre organisations commerciales et organisations à but non lucratif, qui influencent directement l’utilisation faite du marketing.

LA CULTURE DES ORGANISATIONS

Les différences entre l’état d’esprit des employés des organisations sans but lucratif et celui des employés d’entreprises commerciales sont indéniables ; ces divergences ont tendance à induire une attitude différente envers les outils et les concepts du marketing.

Les employés travaillant dans le non-marchand et ceux travaillant dans le marchand ont des objectifs de carrière différents ; les employés d’organisations caritatives sont plus concernés par la mission de leur organisation que par la compétitivité. Ils choisissent souvent des carrières au sein d’organisations à but non lucratif parce qu’ils n’affectionnent pas l’environnement concurrentiel et potentiellement mercantile des entreprises commerciales.

Cette attitude envers le monde de l’entreprise peut limiter la motivation des employés d’organisations non marchandes à utiliser des outils de marketing originellement issus du secteur marchand.(1)

LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

Les organisations à but non lucratif sont soumises à des règles d’éthique propres au secteur. Comme Salamon et Sokolowski l’avancent, les organisations sans but lucratif ont pour mission de répondre aux besoins de certaines communautés en leur offrant des services sociaux qui ne sont pas pris en charge par le secteur public.(2)

Pour être aidées à relever ce défi, elles reçoivent – de la part des gouvernements – des droits particuliers, des privilèges et des supports financiers ; elles sont également aidées financièrement par le grand public et les entreprises. Ce soutien important crée des obligations spécifiques ; les organisations sans but lucratif doivent poursuivre leurs objectifs d’une manière particulièrement responsable et éthique. Les citoyens sont plus exigeants, éthiquement parlant, envers ce type d’organisations qu’envers les entreprises commerciales.(3)

LES MOYENS MATÉRIELS À DISPOSITION

Les infrastructures et le budget dont disposent les organisations à but non lucratif sont généralement – par rapport à ceux des entreprises commerciales – très limités. Le manque d’argent affecte la disponibilité de l’information et la planification stratégique est rendue plus difficile, étant donné le manque de données concernant le marché(4). Pour Andreasen et Manning, le manque de moyens financiers a tendance à conforter les managers d’organisations à but non lucratif dans l’idée que les outils du marketing classique ne sont pas adaptés à leur organisation.(5)

LES OBJECTIFS

LES OBJECTIFS MARKETING

Dans le secteur caritatif, les outils et les techniques du marketing sont le plus souvent employés pour supporter le recrutement de volontaires, pour motiver l’achat de produits ou de services dérivés, pour faire du plaidoyer auprès du grand public, et pour la collecte de fonds.(6) Dans le secteur commercial l’objectif principal du marketing réside dans une adaptation de l’offre aux besoins des consommateurs, dans une perspective d’optimisation des ventes.

LES OBJECTIFS DE COMMUNICATION

Les organisations à caractère non commercial promeuvent des changements qui requièrent souvent une modification de comportement de la part de l’audience ciblée – modification a priori non désirées ou sans bénéfice personnel direct ; par exemple, abandonner la drogue, porter des préservatifs ou recycler ses déchets.

Par opposition, le challenge des entreprises commerciales consiste principalement à obtenir la préférence du consommateur pour leur marque, produit, ou service.(7) Il découle de ces objectifs différents des approches et des stratégies marketing divergentes.

LA SPÉCIFICITÉ DES PROBLÉMATIQUES ABORDÉES

Les préoccupations des organisations non-lucratives sont très différentes des préoccupations des organisations commerciales ; les défis auxquels les deux types d’organisations doivent répondre peuvent par conséquent être fort différents. Bloom et Novelli remarquent, par exemple, qu’il est plus difficile de faire des recherches sur des sujets tels que le sida ou l’obésité que sur des biscuits ou des sodas. Les gens ont tendance, lorsqu’ils sont interrogés sur des sujets sensibles, à donner des réponses imprécises dans la limite du socialement acceptable.(8)

LE PUBLIC CIBLE

Dans le secteur privé, le public cible est personnifié par les consommateurs. Dans le domaine caritatif, il existe deux types de publics cible : d’une part les individus auxquels l’organisation fournit d’éventuels produits et services, et d’autre part les donateurs qui apportent du financement à l’organisation. Le fait de disposer de plusieurs publics cible peut rendre le travail des organisations sans but lucratif très difficile ; il est parfois complexe de développer des stratégies ayant pour but de satisfaire chacune des parties prenantes.(9)

1.2 LES DÉFIS DU NONPROFIT MARKETER

L’approche différente du marketing dans les organisations à caractère non lucratif a une influence directe sur le métier des employés responsables du marketing dans ce type d’organisations.

Akchin a réalisé une étude se focalisant sur les différentes tâches des responsable marketing au sein d’ONG américaines. Il a découvert que ces employés étaient des travailleurs multitâches, ils ont en moyenne 7 tâches globales à accomplir dans le cadre de leur profession. Les trois tâches les plus citées sont la collecte de fonds (80%), la planification d’évènements (79%) et la stratégie de relations publiques (79%). Quand les personnes interrogées ont dû classer ces tâches par ordre d’importance, 53% ont déterminé la collecte de fonds comme leur priorité première contre seulement 10% pour la stratégie marketing.

Les résultats montrent que les ONG se soucient du marketing mais travaillent plus dans l’opérationnel que dans le stratégique.(10) Les marketers qui travaillent au sein d’ONG sont souvent désireux de faire des recherches concernant le marché sur lequel ils officient mais il y a rarement assez d’argent disponible.(11)
Un autre problème majeur auquel sont confrontés de nombreux marketers officiant dans des organisations caritatives est le manque de temps imparti pour entamer une réflexion stratégique. Ils sont souvent trop occupés par leur travail quotidien pour prendre le temps de questionner et de repositionner leurs stratégies et leurs méthodologies. (12)

1.3 ATTITUDE À ADOPTER EN NONPROFIT MARKETING

Connaître les éléments qui ont une influence sur l’approche singulière du marketing dans les organisations caritatives n’est pas suffisant ; il faut pouvoir déterminer les orientations à suivre pour optimiser la pratique du marketing dans ce type d’organisations. Notre revue de la littérature a mis en évidence l’importance, pour les organisations caritatives, d’orienter le marketing vers le public cible.

1.3.1 LE MARKETING ORIENTÉ PUBLIC CIBLE

D’après Andreasen et Kotler, un marketer opérant dans une organisation sans but lucratif ne peut avoir de succès que s’il adopte la bonne approche marketing, à savoir une approche orientée public cible. Cette approche correspond à une philosophie marketing qui place le public cible – un client, un donateur, un volontaire – au centre de tout effort.

Beaucoup d’organisations à but non lucratif pensent avoir une approche marketing orientée client alors qu’il n’en est rien ; elles sont orientées vers elles-mêmes. Selon Andreasen et Kotler, une philosophie marketing orientée vers l’organisation – par opposition au marketing orienté public cible – engendre des inefficacités conséquentes. (13)

1.3.1.1 LES CARACTÉRISTIQUES DU MARKETING ORIENTÉE PUBLIC CIBLE(14)

Abordons dès à présent les orientations à suivre par une organisation caritative pour orienter son approche marketing vers son public cible.

NE PAS CONSIDÉRER SON OFFRE COMME NATURELLEMENT ATTIRANTE

Les acteurs qui appliquent un marketing orienté organisation considèrent le comportement qu’ils prescrivent comme grandement désirable pour toute personne ; ils ne s’imaginent pas qu’une personne normalement constituée puisse s’opposer à celui-ci. Par exemple, une ONG n’envisageant pas que son public cible ne veuille pas faire de don n’est pas une ONG orientée public cible.

REMETTRE SON OFFRE EN QUESTION PLUTÔT QUE LE COMPORTEMENT DU PUBLIC CIBLE

Dans les organisations centrées sur elles-mêmes, les managers pensent qu’il existe deux uniques raisons possibles pour lesquelles un individu ne réagit pas à une campagne marketing ; soit il n’a pas compris la proposition de valeur de l’organisation et ne partage donc pas sa croyance, soit il n’est pas assez motivé pour passer à l’action. Il s’agit d’un comportement hostile de l’organisation envers la cible ; ce type de comportement doit à tout prix être évité car cet état d’esprit est susceptible de se faire sentir dans la communication et les relations que l’organisation entretient avec sa cible. Un manager orienté public cible aura tendance à adapter l’offre de son organisation aux attentes du public plutôt que d’espérer la survenance du processus inverse.

CHERCHER À INFLUENCER LE COMPORTEMENT

Une organisation adoptant une orientation marketing moderne centrée sur le public cible considère l’influence sur le comportement comme objectif premier de toutes ses opérations ; l’organisation a compris que le succès est atteint lorsque les gens agissent. C’est pourquoi une compréhension poussée de la manière dont les individus se comportent constitue la base de chaque nouveau défi marketing d’une organisation orientée public cible.

PRENDRE CONSCIENCE DE L’IMPORTANCE DE LA RECHERCHE

L’organisation orientée public cible compte grandement sur la recherche. Elle estime avoir besoin de comprendre la perception, les besoins et les désirs de son public cible ; elle est également à l’affut de tout changement d’un de ces paramètres, afin d’avoir une capacité d’adaptation rapide et réactive. L’organisation orientée public cible entreprend donc des études marketing pour affuter le profil de ses cibles.

L’organisation centrée sur elle-même n’effectue pas de recherches concernant son public cible ou alors elle les oriente dans la mauvaise direction. Elle aura tendance à se demander pourquoi sa cible manque de motivation ou à quel point elle est ignorante plutôt que de se questionner sur le profil, les besoins et les attentes des individus la composant.

SEGMENTER SON MARCHÉ

L’organisation orientée public cible accorde de l’importance à la segmentation ; pour chaque plan marketing mis sur pied, les responsables marketing pensent en terme de stratégies spécifiques en fonction des segments étudiés.

L’organisation orientée sur elle-même considère le marché comme un bloc relativement monolithe composé uniquement de quelques segments différents. Par conséquent elle estime n’avoir besoin que d’une ou deux bonnes stratégies marketing visant les segments évidents – par exemple, les jeunes, les familles et les personnes âgées. Il n’y a pas de place pour la prise de risque, pour l’innovation stratégique, ou la recherche des segments plus subtils.

PRENDRE CONSCIENCE DES FORCES CONCURRENTIELLES EN PRÉSENCE

Les marketers des organisations orientées public cible sont bien conscients des forces concurrentielles auxquelles ils doivent faire face ; lesdites forces ne se résument pas forcément aux organisations qui font le même métier, elles englobent l’ensemble des paramètres qui poussent le public cible à ne pas adopter le comportement souhaité par l’organisation. Une organisation orientée public cible agit donc constamment en regard des force concurrentielles auxquelles elle est soumise.

UTILISER UN MARKETING MIX COMPLET

Enfin, un marketer efficace utilise le marketing mix au complet. L’objectif marketing premier est de répondre aux besoins et aux envies du public cible ; un plan marketing ne se focalise pas uniquement sur la communication mais attache aussi une grande importance à la nature de la proposition de valeur, à son coût pour le public cible et aux canaux de distribution utilisés.

1.4 LES ÉTUDES DE MARCHÉ APPLIQUÉES AU NONPROFIT MARKETING

Les organisations à but non lucratif entreprennent généralement beaucoup moins d’études marketing que les entreprises commerciales ; ce comportement est la conséquence de budgets restreints, de la relative nouveauté du marketing dans les organisations caritatives, et de l’expertise limitée des marketers opérant dans le secteur non-marchand.(15)

Cependant, comme le préconise l’approche marketing orientée public cible, les individus ciblés par une organisation doivent impérativement être au centre des préoccupations marketing. Ce que ces personnes pensent, veulent, et la manière dont elles agissent, sont les informations de base dont doit disposer le marketer pour pouvoir les influencer.

Les recherches marketing qui se concentrent sur le public cible sont donc essentielles à la mise en oeuvre d’un nonprofit marketing efficace. Ces recherches doivent permettre de déterminer le profil des individus ciblés, les sollicitations auxquelles ils sont le plus sensibles, et les éléments qui les freinent à agir dans le sens désiré par l’organisation.(16)

2. LE FUNDRAISING

2.1 LES CARACTÉRISTIQUES DU FUNDRAISING MODERNE

La collecte de fonds est une discipline en constante évolution, influencée par les tendances philanthropiques, économiques et sociétales. Nichols affirme qu’en entrant dans le 21ème siècle les méthodes de collecte de fonds ont évolué ; l’auteur développe quatre évolutions majeures ayant eu un impact sur la capacité des organisations à lever des fonds. (17)

D’UNE COLLECTE DE FONDS MÉTHODOLOGIQUE VERS UNE COLLECTE ORIENTÉE DONATEURS

Dans les années 80 et 90, la meilleure méthode pour collecter des fonds consistait à organiser des appels au don annuels durant une campagne majeure et à mettre sur pied des évènements particuliers au cours de l’année. Aujourd’hui, les donateurs veulent être au centre du processus, ils veulent réaliser la démarche du don de manière spontanée. On est passé d’un modèle de donateur réactif à un modèle dans lequel le donateur a un rôle proactif.

D’UNE AUDIENCE HOMOGÈNE À DES AUDIENCES NICHES

Au vingtième siècle les organisations à but non lucratif pouvaient baser leur stratégie de collecte de fonds sur le postulat qu’elles avaient une audience unique, majoritairement composée de personnes relativement âgées. Aujourd’hui les donateurs potentiels sont d’origines multiples et d’âges variés.

DE PROSPECTS NÉS AVANT LA 2ÈME GUERRE MONDIALE À DES PROSPECTS NÉS APRÈS-GUERRE

Entre 2004 et 2010, la population mondiale des personnes âgées de moins de 50 ans a diminué de 1,5% et la population des personnes âgées de plus de 50 ans a augmenté de 76%.

On observe donc un vieillissement majeur de la population, et une population adulte qui n’a plus de souvenirs relatifs à la première moitié du 20ème siècle.

D’UNE COMMUNICATION DE MASSE VERS UNE COMMUNICATION INDIVIDUALISÉE

Etant donné la diversité nouvelle des donateurs, il est important d’adapter les moyens de communication utilisés. Les donateurs s’attendent aujourd’hui à ce que les organisations à but non lucratif répondent à leurs préférences de communication ; à savoir, quand les contacter, à quelle fréquence et quel format de communication utiliser.

Pour Hodiak et Ryan, la collecte de fonds a également évolué durant les dernières années. On est passé, d’après eux, d’un modèle traditionnel – qui consistait à identifier des personnes à revenus élevés et à solliciter des dons auprès de celles-ci – à un modèle d’affinité, dans lequel l’organisation sans but lucratif détermine les personnes qui sont proches de ses valeurs et tente de répondre à leurs intérêts et à leurs attentes, afin d’obtenir leur soutien.(18)

2.2 LES DONATEURS

Les donateurs représentent la pierre angulaire de la stratégie de collecte de fonds. La mission première de tout fundraiser consiste à développer des outils pour comprendre, influencer et fidéliser les donateurs. Le travail d’un fundraiser est constamment orienté vers les comportements, les désirs et les attentes des donateurs faisant partie de la cible.

2.2.1 LES MOTIVATIONS DES DONATEURS

Si on en croit les théories néoclassiques, l’homme – étant donné son caractère rationnel – n’est censé donner de son argent que s’il espère toucher un bénéfice économique tangible en retour. Or, dans la plupart des cas, le don ne peut être expliqué par l’attente d’une récompense économique de la part du donateur. Andreoni fournit trois explications possibles au comportement du donateur : (19)

– La théorie du bien public : cette théorie avance que les gens supportent des organisations caritatives car ils sont conscients du fait que leur don bénéficiera à la société entière, et qu’ils pourront donc eux aussi, en tant que membres de la société, profiter du don réalisé.
– La théorie de l’échange : cette théorie est très proche de la théorie néoclassique ; elle explique le comportement des donateurs par le fait que ceux-ci attendent une récompense tangible en échange de leur don. Cette récompense peut, par exemple, prendre la forme de bénéfices réservés aux membres d’une organisation.
– L’effet warm glow : certains économistes pensent que les donateurs sont motivés dans leur élan de générosité par le fait que donner influence positivement leur état de bien-être ; le don leur permettrait de profiter du sentiment de devoir accompli.

Cermak, File et Prince identifient quant à eux quatre profils différents de donateurs. Ces quatre profils reflètent quatre types de motivations qui résultent d’avantages obtenus suite à la réalisation d’un don : (20)

– the affiliator : celui qui est motivé par une combinaison de liens sociaux et de facteurs humanitaires ;
– the pragmatist : celui qui est motivé par l’avantage fiscal ;
– the dynast : celui qui donne par tradition familiale ;
– the repayer : celui qui donne car lui-même – ou un de ses proches – a bénéficié de l’aide d’une organisation.

2.2.2 RECRUTEMENT ET DÉVELOPPEMENT DE DONATEURS

Tout fundraiser est chargé de deux missions principales, celles-ci ont un lien direct avec les donateurs. D’une part, le fundraiser est tenu de recruter de nouveaux donateurs ; d’autre part il a pour mission de développer les donateurs existants.

2.2.2.1 LE RECRUTEMENT DE DONATEURS

Le recrutement de nouveaux donateurs est une activité essentielle à la survie d’une organisation à but non lucratif. Même si une organisation arrive à entretenir des relations positives et rentables avec sa base de donateurs, elle sera toujours amenée à faire des efforts de recrutement car il existe de nombreuses raisons – indépendantes du terrain de compétence de l’organisation – qui peuvent pousser un donateur à arrêter de faire des dons.(21)

Le recrutement de nouveaux donateurs permet par ailleurs à une organisation d’avoir des contacts avec des individus plus motivés ; les nouveaux donateurs sont généralement plus généreux et enthousiastes pendant les premiers mois au cours desquels ils entretiennent une relation avec une organisation.(22) Enfin, le fait d’avoir de nouveaux donateurs permet à une organisation de croître et de rallier de nouvelles audiences à sa cause.

Selon Nichols, la stratégie de recrutement la plus pertinente consiste à créer un équilibre entre les donateurs recrutés plutôt que de focaliser sa stratégie sur les très gros donateurs occasionnels ou sur l’acquisition d’un nombre important de petits donateurs. L’auteur propose de réaliser des études marketing poussées afin d’identifier le profil géographique, social et psychologique des individus susceptibles de faire des dons à l’organisation, et représentant un intérêt particulier pour cette dernière. Il établit, par ailleurs, que les donateurs susceptibles de faire des dons à une organisation sont ceux qui ont un profil proche de celui des donateurs récurrents de ladite organisation.(23)

2.2.2.2 LE DÉVELOPPEMENT DE DONATEURS EXISTANTS

Le développement des donateurs existants représente une activité primordiale pour tout fundraiser. Généralement, les organisations consacrent 70 à 80% de leur budget de fundraising aux activités de rétention et de développement des donateurs.(24)

Une étude menée par Sargeant a montré que 26,5% des donateurs qui décidaient d’arrêter de supporter une organisation donnée évoquaient comme raison principale à leur décision le fait de supporter un autre organisme. Ceci signifie que 26,5% des donateurs caducs pourraient rester des donateurs actifs si leurs organisations arrivaient à leur donner plus de raisons de continuer à les supporter.

2.2.2.3 PRATIQUES À ADOPTER POUR OPTIMISER LA RÉTENTION DES DONATEURS

Si une organisation caritative veut conserver ses donateurs, elle doit faire en sorte d’améliorer leur satisfaction et de renforcer le lien qu’il existe entre eux et l’organisation. D’après les résultats issus de l’étude de Sargeant, il est important pour les organisations sans but lucratif d’assurer à leurs donateurs un feedback spécifique et régulier sur la manière dont leur argent est utilisé.

Si l’organisation arrive à créer chez le donateur le sentiment que son don a eu un impact positif sur la cause, alors les risques qu’il décide d’offrir son support à une autre organisation seront probablement moindres.(25)

La qualité du service est également, d’après les résultats de l’enquête menée par Sargeant, un facteur décisif dans la rétention des donateurs. Les donateurs caducs ont en effet une perception beaucoup plus négative des services de l’organisation qu’ils avaient l’habitude de supporter que les donateurs toujours actifs. Il est donc important, pour les organisations qui souhaitent améliorer leur rétention de donateurs, de communiquer d’une manière plus individualisée et plus efficace.

En conclusion, il est conseillé aux organisations d’adopter un relationship fundraising. Cette méthode de collecte de fonds – que nous analysons dans le point suivant de cette revue de la littérature – est axée sur le donateur. Elle permet de renforcer le lien entre l’organisation et le donateur, de mieux répondre aux exigences du donateur en termes de feedback, et donc d’améliorer la satisfaction générale de ce dernier. (26)

LE RELATIONSHIP FUNDRAISING

Le relationship fundraising – ou collecte de fonds relationnelle – est une application du relationship marketing – le marketing relationnel – à la collecte de fonds. Le relationship marketing est une discipline qui insiste sur l’importance pour les entreprises de développer des relations sur le long terme avec leurs parties prenantes. (27)

Burnett définit le relationship fundraising comme une approche marketing du fundraising qui ne se focalise pas sur la collecte de fonds en elle-même mais sur le développement optimal d’une relation unique et particulière avec les donateurs.(28) Cette approche est similaire à l’approche du nonprofit marketing orienté public cible développée plus tôt dans ce travail.(29) Le relationship fundraising insiste sur l’importance du développement et de la maintenance de relations sur le long terme avec les donateurs de l’organisation.

Jusqu’au début des années 1990, la plupart des fundraisers planifiaient leur stratégie marketing en se basant sur le modèle transactionnel, opposé au principe du relationship fundraising.

Le modèle transactionnel avait pour but de maximiser les bénéfices générés par chaque campagne ; il consistait à envoyer une demande standardisée à tous les donateurs potentiels et à insister sur le caractère urgent du don.

Dans une optique tout à fait différente, le modèle relationnel, qui est à la base du relationship fundraising, accepte de ne pas atteindre un break-even sur chacune des communications avec un donateur. Le modèle relationnel a pour objectif de réaliser un retour sur investissement important sur toute la durée de vie du donateur ; le concept de lifetime value – valeur sur la durée de vie –, développé ci-après, prend ici une importance majeure.

Le fundraiser adapte son offre aux profils, aux besoins et aux attentes de chacun des donateurs dans le but de les satisfaire et d’obtenir de ceux-ci le meilleur retour sur investissement tout au long de la durée de la relation.(30)

LE CONCEPT DE LIFETIME VALUE (LTV)

Pour mettre en place un relationship fundraising efficace, il est donc indispensable pour les marketers de porter une attention toute particulière à la lifetime value – valeur sur la durée de vie – de leurs donateurs.

Bitran et Mondschein définissent le concept de lifetime value comme la contribution nette totale qu’un donateur génère au cours de sa vie au profit d’une organisation.(31) C’est donc une mesure de la valeur nette totale de la relation entretenue par une organisation sans but lucratif avec un donateur spécifique.
Le calcul de la lifetime value se réalise en estimant les coûts et les revenus associés à la gestion de la communication avec le donateur tout au long de la relation entretenue avec celui-ci. Les organisations peuvent, dans un souci de rentabilité, décider d’abandonner les donateurs qui ne sont pas profitables sur la durée de la relation et de concentrer leurs ressources sur le recrutement et la fidélisation de ceux qui sont supposés l’être.(32)

La lifetime value peut être calculée aussi bien pour un donateur particulier que pour un segment de donateurs ; elle se calcule en utilisant la formule suivante ;

lifetime value

Où :
Ci = Contribution annuelle nette (revenus-coûts)
d = Taux d’escompte
n = Durée estimée de la relation

1 ANDREASEN, A., GOODSTEIN, D., WILSON, Transferring “Marketing Knowledge” to the Nonprofit Sector, in California Management Review, 2005, Vol. 47 Issue 4, p.52.
2 Cités par ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, p. 27.
3 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., op.cit., p.27.
4 ANDREASEN, A., GOODSTEIN, D., WILSON, J., op.cit., p.55.
5 Cités par ANDREASEN, A., GOODSTEIN, D., WILSON, J., Transferring “Marketing Knowledge” to the Nonprofit Sector, in California Management Review, 2005, Vol. 47 Issue 4, p. 51.
6 KOTLER, P. et LEE, N., SOCIAL MARKETING Influencing Behaviors for Good, Los Angeles, SAGE Publications, 2008, p.14.
7 ANDREASEN, A., GOODSTEIN, D., WILSON, J., op.cit., p. 51.
8 Cités par ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, p.23.
9 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, p. 23.
10 AKCHIN, D., Nonprofit Marketing: Just How Far Has It Come?, in Nonprofit World, 2001, Vol. 19 Issue 1, p.33.
11 AKCHIN, D., op.cit., p.34.
12 NICHOLS, J., Repositioning fundraising in the 21st century, in International Journal of Nonprofit & Voluntary Sector Marketing, 2004, Vol. 9 Issue 2, p.164.
13 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, pp. 42-46.
14 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., op.cit., p. 47-52.
15 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, p.23.
16 ANDREASEN, A. et KOTLER, P., Strategic Marketing for Nonprofit Organizations, Upper Saddle River, New Jersey, PEARSON Prentice Hall, 2008, p.23.
17 NICHOLS, J., Repositioning fundraising in the 21st century, in International Journal of Nonprofit & Voluntary Sector Marketing, 2004, Vol. 9 Issue 2, pp. 163-164.
18 Cités par NICHOLS, J., Repositioning fundraising in the 21st century, in International Journal of Nonprofit & Voluntary Sector Marketing, 2004, Vol. 9 Issue 2, p.167.
19 Cité par NICHOLS, J., Repositioning fundraising in the 21st century, in International Journal of Nonprofit & Voluntary Sector Marketing, 2004, Vol. 9 Issue 2, p.94.
20 Cités par ARNETT, D., GERMAN, S., HUNT, S., the Identity Salience Model of Relationship Marketing Success: The Case of Nonprofit Marketing, in Journal of Marketing, 2003, Vol. 67 Issue 2, p. 90.
21 SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004, p. 114.
22 SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004, p. 114.
23 NICHOLS, J., Repositioning fundraising in the 21st century, in International Journal of Nonprofit & Voluntary Sector Marketing, 2004, Vol. 9 Issue 2, p. 168.
24 SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004, p. 118.
25 SARGEANT, A., Relationship Fundraising: How to Keep Donors Loyal, in Nonprofit Management & Leadership, 2001, Vol. 12 Issue 2, p.188.
26 SARGEANT, A., Relationship Fundraising: How to Keep Donors Loyal, in Nonprofit Management & Leadership, 2001, Vol. 12 Issue 2, p. 189.
27 ARNETT, D., GERMAN, S., HUNT, S., the Identity Salience Model of Relationship Marketing Success: The Case of Nonprofit Marketing, in Journal of Marketing, 2003, Vol. 67 Issue 2, p. 89.
28 Cité par SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004, p. 142.
29 Cf. supra p. 8.
30 SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004,, pp. 140-141.
31 Cités par SARGEANT, A. et JAY, E., fundraising management: analysis, planning and practice, London, Routledge, 2004, p. 144.
32 SARGEANT, A. et JAY, E., op.cit., p. 144.

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