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II. – L’INDEMNISATION DE LA PERTE DE CHANCE

ADIAL

49. – Evaluation de la perte de chance –

La réparation pécuniaire de la perte de chance est soumise aux règles communes de réparation des préjudices prévues en responsabilité civile. Les juges du fond doivent qualifier les préjudices résultant des atteintes corporelles et de procéder à leur évaluation monétaire. La dette de responsabilité civile du professionnel de santé envers le patient victime est toutefois limitée à une fraction des préjudices effectivement subis. Les juges doivent par conséquent déterminer la part contributive du fait fautif dans la survenance des préjudices et calculer la perte de chance imputable au professionnel en fonction des critères précédemment énoncés. La dette de responsabilité civile sera donc égale à la somme des évaluations des postes de préjudices effectivement subis multipliés par le pourcentage de perte de chance.

Si la méthode de calcul de la réparation monétaire de la perte de chance est commune aux jurisprudences judiciaires et administratives, l’évaluation des préjudices résultant des atteintes corporelles varie selon les ordres de juridictions et au sein même de ces ordres. Le droit de la réparation du dommage corporel ne comporte en effet aucune nomenclature officielle des postes de préjudices ni aucun système de barémisation. Par ailleurs, le patient ne peut prétendre à une indemnisation intégrale des préjudices résultant des atteintes corporelles, notamment pour les postes de préjudices à caractère personnel qui ne sont, en principe, pas indemnisés par les tiers payeurs.

50. – Indemnisation sur un autre fondement de responsabilité –

Les patients victimes d’un défaut d’information médicale devaient rechercher la responsabilité des professionnels de santé sur un fondement alternatif à la perte de chance pour obtenir une indemnisation intégrale de leurs préjudices. Ainsi, les personnes soignées dans un établissement public de santé pouvaient rechercher leur responsabilité sans faute du fait de l’aléa thérapeutique, malgré les critères très restrictifs de qualification de l’aléa thérapeutique et le refus du juge judiciaire de reconnaitre un droit à indemnisation sur ce fondement. La faute technique permettait également une indemnisation intégrale des préjudices du patient, à supposer que le défaut fautif d’information ait été accompagné d’une faute dans l’exécution de l’acte médical.

Les patients bénéficiaient ainsi d’un traitement moins favorable en présence d’un défaut fautif d’information, et donc d’une violation de leur droit au consentement libre et éclairé. En outre, la violation du droit à l’information ne constituait pas un poste de préjudice autonome des atteintes corporelles subies, toute indemnisation étant exclue en l’absence de chance perdue et d’aléa thérapeutique. La portée du droit subjectif reconnu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades était donc singulièrement réduite par un régime d’indemnisation lacunaire. La Cour de cassation a modifié le régime d’indemnisation de la perte de chance induite par le défaut d’information par une interprétation extensive mais conforme à l’esprit de la loi Kouchner.

51. – Indemnisation complémentaire par la solidarité nationale –

Par un arrêt de principe rendu le 11 mars 2010, la Cour de cassation a énoncé que les préjudices non indemnisés au titre de la perte de chance, et ayant pour seule origine un accident médical non fautif, en l’espèce un manquement à l’obligation d’information du patient, pouvaient être indemnisés au titre de la solidarité nationale. Dans un premier temps, la première chambre civile confirme l’application de la théorie de la perte de chance au défaut d’information médicale subi par le patient. Dans un second temps, la Cour de cassation dissocie les fautes techniques et éthiques et précise qu’en présence d’une seule faute de nature exclusivement éthique, la solidarité nationale a vocation à indemniser la fraction des préjudices non imputables à la perte de chance.

Les deux arrêts rendus le 11 mars 2010 et le 3 juin 2010 par la Cour de cassation réorganisent ainsi le système d’indemnisation des accidents médicaux issu de la loi du 4 mars 2002 pour assurer une meilleure indemnisation du patient non informé. La violation du droit subjectif à l’information médicale ouvre droit à la réparation d’un préjudice spécifique et autonome, de nature morale, sous les réserves précédemment énoncées. Les autres chefs de préjudices sont indemnisés sur le fondement de la perte de chance provoquée par le défaut fautif d’information du patient. Ainsi, la fraction des préjudices imputables à cette perte de chance demeure à la charge du professionnel de santé. Enfin, la solidarité nationale assure l’indemnisation complémentaire du patient pour la fraction restante des préjudices imputable à l’aléa médical,

Cette construction prétorienne vise à assurer la réparation intégrale des préjudices du patient en organisant l’indemnisation de la fraction des préjudices non imputables à la perte de chance. Elle évite également de mettre cette réparation complémentaire à la charge des professionnels de santé et de leurs assureurs, en prévoyant une obligation à la dette de la solidarité nationale. Cette nouvel articulation du système indemnisation des accidents médicaux se révèle donc conforme à l’esprit de la loi du 4 mars 2002, même si elle procède d’une interprétation extensive des articles L.1142-1 et L.1142-18 du Code de la santé publique, car elle vise à garantir l’indemnisation par la solidarité nationale de la fraction des préjudices résultant de l’aléa thérapeutique, nonobstant le rôle contributif d’une faute technique ou éthique imputable au professionnel de santé dans la survenance des dommages.

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