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II) Détermination des motifs légitimes de refus (de « vente ») d’assurance

ADIAL

Les règles édictées dans le Code de consommation relèvent de l’ordre public de protection, de
sorte que seules les personnes protégées par ces dispositions peuvent se prévaloir du nonrespect
de la réglementation. Ainsi, confronté à un refus d’assurance, le prétendant n’aura en
pratique d’autre choix que de s’en référer à la justice pour faire respecter la règle.

Dans les faits, la personne préoccupée par sa recherche d’assurance ne s’aventurera pas dans
les longs rouages de la justice et préférera interroger d’autres assureurs en faisant jouer la
concurrence.

Cependant, l’hypothèse où un assuré se voit refuser le renouvellement de son contrat alors
qu’il y a intérêt peut le conduire à saisir le juge. Refuser de renouveler le contrat équivaut à
refuser de conclure un nouveau contrat, puisque selon la Cour de cassation la tacite
reconduction n’entraîne pas prorogation du contrat d’assurance initial mais s’analyse comme
donnant naissance à un nouveau contrat.(22) Dès lors, l’assureur poursuivi doit pouvoir être en
mesure de légitimer ce « refus ».

A ce titre, l’assureur a à sa disposition plusieurs moyens de défense. Des motifs légitimes tels
que l’intuitu personae du contrat d’assurance ou l’aléa (A) et des arguments techniques tirés
des exigences de segmentation et de mutualisation (B) peuvent faire office de causes
justificatives du refus d’assurance.

A) Le caractère intuitu personae du contrat d’assurance et l’aléa

La présence d’un fort intuitu personae légitimerait le refus d’assurance. Traditionnellement,
l’intuitu personae est présenté comme un critère de classification des contrats.

Le professeur Ghestin distingue les contrats à titre gratuit des contrats onéreux. Les premiers
sont le plus souvent conclus en considération de la personne des parties, tandis que dans les
seconds l’intuitu personae se retrouve rarement. Bien que le contrat d’assurance fasse partie
des contrats onéreux, il ne fait aucun doute que la considération de l’assuré, c’est-à-dire de la
personne sur laquelle pèseront les risques, est la cause principale du contrat. L’identité de
l’assuré exerce une influence déterminante sur l’évaluation du risque que fait l’assureur, et
influe par la même occasion son consentement à octroyer la garantie. Cet exemple contrarie
donc la cohérence de cette classification.

Selon Luc Mayaux, il n’est « pas abusif d’inclure le contrat d’assurance dans la catégorie des
contrats conclus intuitu personae. Même si elle n’exerce pas toujours une influence sur
l’opinion qu’elle se fait du risque couvert, la personne de l’assuré n’est jamais, en effet,
indifférente pour l’assureur, ne serait-ce qu’en raison de la loyauté particulière, que dans ce
genre de contrat, il est en droit d’attendre de l’autre partie »(23).

La démonstration de la présence d’un fort intuitu personae, susceptible en cas d’aggravation
du risque de conduire à l’annulation du contrat passé, participe naturellement à fonder un
motif légitime de refus de vente (article L 113-2, 2° et L 113-9 du Code des assurances) .

Enfin l’aléa, précisément le défaut d’aléa, peut aussi être avancé pour légitimer un refus
d’assurance. S’il n’est pas aléatoire, le risque est inassurable. Sans rentrer dans la controverse,
la doctrine considère que l’aléa constitue la cause du contrat d’assurance. Le défaut d’aléa, en
privant de cause directe ou efficiente le contrat d’assurance demandé, peut suffire à fonder un
refus d’assurance. Ainsi, lorsque la chose assurée a déjà péri ou ne peut plus au moment de la
demande d’assurance être exposée au risque24, ou lorsque le prétendant à l’assurance a
connaissance de la réalisation du risque25, le refus d’assurance est justifié.

Les entreprises d’assurance peuvent également fonder la légitimité de leur refus sur une
argumentation technique tirée des exigences de segmentation et de mutualisation, lesquelles
se retrouvent ceteris paribus consacrées juridiquement (B).

B) Fondements juridiques à la faculté de sélection reconnue aux assureurs

La pratique de la sélection des risques trouve un substrat juridique sur lequel se greffer.


– Fondements légaux : dans le Code des assurances

La segmentation et la sélection des risques ont une assise dans le Code des assurances. A ce
titre, on peut citer tous les textes relatifs aux obligations déclaratives de l’assuré, tant avant la
conclusion du contrat qu’au cours du contrat, et ceux prévoyant les sanctions de
l’inobservation de ces dernières. Il est inutile de rappeler qu’en 1989 s’est opéré le
changement de régime de la déclaration du risque. On est passé du système de la déclaration
spontanée au régime de déclaration provoquée ; dorénavant, les assureurs ne peuvent
sélectionner que sur la base des réponses apportées aux questions qu’ils ont formulées. On
repère aisément les articles L.113 alinéa 2 et 3 du Code des assurances d’une part, et L. 113-8
et L. 113- 9 du même code d’autre part.

En vertu de l’article L.113-2, alinéa 2, l’assuré a l’obligation de répondre avec exactitude aux
questions posées par l’assureur, lesquelles doivent être précises et porter sur des points de
nature à lui faire apprécier les risques qu’il prend en charge. Cette obligation déclarative ne se
cantonne pas seulement à la conclusion du contrat, mais perdure tout au long de la vie du
contrat. Aussi, l’assuré doit au cours du contrat informer l’assureur des circonstances
nouvelles qui aggravent le risque et rendent inexactes ou caduques ses déclarations initiales
(article L. 113-2 alinéa 3).

La ratio legis de ces dispositions légales est de permettre à l’assureur d’obtenir tous les
éléments d’appréciation du risque qu’on lui soumet en vue de sa couverture, ou du risque
qu’il couvre déjà mais qui a fait l’objet d’une aggravation depuis. Il est donc admis, au moins
officieusement, que l’assureur pourra au vu des informations recueillies refuser d’assurer. La
sélection est donc reconnue implicitement mais nécessairement dans ces dispositions.

Quant à l’article L. 113-9 du Code des assurances(26), il consacre explicitement la faculté de
sélection reconnue aux assureurs. Cet article prévoit les sanctions envisageables par l’assureur
face à une fausse déclaration non-intentionnelle, au nombre desquelles figure notamment la
possibilité de résilier le contrat. Est ainsi donné aux assureurs le pouvoir de résilier le contrat
dès la connaissance d’une circonstance influant sur leur appréciation du risque et jusque-là
ignorée par eux. Certes, cette faculté de résiliation leur est accordée à condition de respecter
un préavis de dix jours. Mais à part cette condition de forme, cette faculté de résilier n’est
soumise à aucune condition de fond et est donc laissée à la seule appréciation de l’assureur.

Dès lors, par analogie, ne faut-il pas considérer comme acquis que si l’assureur est informé
des circonstances aggravantes du risque avant la conclusion de tout contrat, il peut refuser de
garantir.

Si l’assureur peut, une fois informé d’une circonstance aggravante du risque, opposer un refus
différé d’assurance, c’est-à-dire refuser de continuer à couvrir le risque et donc résilier le
contrat, a fortiori cette faculté lui est également ouverte avant la conclusion de tout contrat.

Ainsi, l’assureur informé de cette circonstance aggravante du risque pourra opposer un refus
(initial) d’assurance. Effectivement, « qui peut le plus, peut le moins». Si la loi octroie cette
faculté en cours du contrat d’assurance à la seule initiative de l’assureur en dépit de l’article
1134 du Code civil, ce dernier peut aussi, en amont, selon l’opinion qu’il s’est faite du risque,
(à minima) refuser de le couvrir.

Contrairement à l’article L 113-9 du Code des assurances, l’article L 113-8 est moins
évocateur et n’écarte pas toute controverse. C’est pourquoi nous ferons abstraction de cet
article. Il prévoit certes une faculté de résiliation en cas de fausse déclaration intentionnelle,
mais celle-ci étant conditionnée par la démonstration de la mauvaise foi de l’assuré, on
pourrait considérer qu’il s’agit plus d’une résiliation-sanction, à la différence de l’article L
113-9 où l’assureur peut exercer cette faculté quand bien même l’assuré aurait de bonne foi
omis de déclarer les circonstances de nature à aggraver le risque.

Parmi les fondements légaux desquels peut être déduite une permission accordée à l’assureur
de refuser d’assurer, peuvent être mentionnés les articles instaurant une obligation
d’assurance. Il ne faut cependant pas se méprendre, l’obligation d’assurance ne pèse que sur
les assujettis et non pas sur les assureurs lesquels demeurent libres d’assurer ou non. Le
législateur n’a nullement mis en place une obligation d’assurer incombant aux assureurs.

Aussi, lorsqu’il est intervenu pour que les assujettis ne restent pas sans assurance, le
législateur n’a nullement mis une obligation d’assurer à la charge des assureurs, mais a
instauré le Bureau Central de tarification lequel peut ordonner à un assureur choisi par
l’assujetti de garantir le risque aux conditions décidées par le Bureau. Les conditions de
saisine de cette autorité impliquent que soit établi le refus préalable de l’assureur ; autrement
dit, même confronté à une hypothèse d’assurance obligatoire, l’assureur conserve son droit
premier qui est de pratiquer la sélection. En effet, une procédure est mise en place pour passer
outre le refus de l’assureur, mais le refus étant érigé en condition de saisine de cet autorité
témoigne bien du fait qu’aucune obligation d’assurer n’a été édictée en parallèle aux
obligations légales de s’assurer(27).

Outre les bases légales, la sélection est assise sur des principes et des grandes libertés.

- Les principes, Mise en oeuvre de deux grandes libertés

Juridiquement, la segmentation et la sélection se justifient par la liberté des prix et la liberté
de contracter. Ces procédés s’ancrent dans les principes fondamentaux de l’économie de
marché.

La liberté d’entreprendre, qui implique la faculté d’organiser son entreprise à sa guise,
apparaît dans la segmentation. La liberté contractuelle transparaît, quant à elle, dans la
sélection des risques. La liberté contractuelle implique la liberté de ne pas contracter et la
liberté de choisir son cocontractant. En vertu du principe de la liberté contractuelle,
l’entreprise d’assurance est donc en droit de refuser de conclure un contrat d’assurance.

On constate, à travers l’examen de l’ensemble de ces dispositions, la réaffirmation sousjacente
que le principe de la liberté contractuelle adossé à celui de liberté du commerce paraît
subsister dans le secteur de l’assurance. En vertu de ce principe, une entreprise d’assurance ne
devrait pas être obligée d’accepter un risque.

Ainsi, l’assureur dispose bien d’un droit de sélectionner sa clientèle sans que ce dernier soit
absolument discrétionnaire(28). En assurance, le principe de la liberté contractuelle prévaut dans
la limite, bien sûr, du respect des dispositions d’ordre public au nombre desquelles figure
l’article 225-1 du Code pénal. Le droit autorise la pratique de la sélection des risques alors
qu’il condamne les discriminations.

Dès lors, la pratique de la sélection et de la segmentation est-elle source de discrimination ?
(Titre II)

22 Cass. com., 13 mars 1990, RGAT 1991, p. 186, note J. Bigot
23 L. Mayaux, note sous Cass. 1re civ., 3 janvier 1996,RGDA 1996, no 2.
24 Article L. 121-15 du Code des assurances
25 Le risque putatif reste toutefois assurable, d’où l’assurabilité du passé inconnu.
26 « L’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne
pas la nullité de l’assurance.
Si elle est constatée avant tout sinistre, l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une
augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à
l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne
court plus.
Dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des
primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et
exactement déclarés. »
27 Les plus connus sont l’assurance automobile et l’assurance construction. En outre, l’article L212-1 du Code
des Assurances prévoit le recours au Bureau Central de Tarification (BCT) pour l’assurance obligatoire
des conducteurs de véhicules terrestres à moteurs. Il peut également être saisi en matière d’assurance
construction (dommage-ouvrage / responsabilité décennale), en vertu de l’article L243-4 et suivant du Code des
Assurances, de même en matière de responsabilité civile médicale (article L252-1 du Code des Assurances).
28 Voir Partie I, Titre II, chapitre 2

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