Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

Ière Partie : LES CORRIDORS CAMEROUNAIS ET LE DESENCLAVEMENT DES ETATS SANS LITTORAL D’AFRIQUE CENRALE

Non classé

Ieuan Griffiths définissait les corridors en ces termes: « a land corridor is a means
whereby a state obtains access to the sea, a river, lake or an otherwise detached piece of
territory. Without land corridors of access, observait-il, some states would be land-locked ».(35)

Autrement dit, les corridors d´accès constituent pour les Etats enclavés des « windows on the
world »(36) (ouvertures sur le monde), des voies vitales pour leurs échanges extérieurs, notamment
commerciaux. L’importance des corridors camerounais pour les Républiques enclavées du Tchad
et de Centrafrique, mise en évidence par divers rapports et études, est illustrative à cet égard.

Selon un rapport du Ministère tchadien du Commerce établi dans le cadre de l’évaluation
du Programme d’Action en faveur des Pays les Moins avancés pour la Décennie 2001-2010, le
corridor Tchad-Cameroun constitue, à côté des corridors Tchad-Soudan et Tchad-Nigéria, une
voie importante pour le désenclavement du Tchad. « Les transports internationaux Tchad-
Cameroun ou Tchad-Nigéria, souligne ce rapport, représentent à eux seuls 96 à 98% des flux
internationaux du pays ».(37) Un minimum de cinq cent camions a été dénombré dans le transit(38)
des produits de cet Etat en direction ou en provenance du port de Douala, des produits constitués
pour l’essentiel du coton fibre (29.000 tonnes en 1994), de la gomme arabique (3000 tonnes en
1994),(39) des produits divers pour ce qui concerne l’exportation ; des machines et équipements de
transport, des biens industriels, aliments et textile pour ce qui est de l’importation.

La dépendance de l’Etat centrafricain de l’axe Douala-Bangui permet davantage
d’apprécier l’importance des corridors camerounais. Selon un rapport du Secrétariat de
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en date du 7 Mai 2007, « 80 pour cent du trafic à
destination de la République Centrafricaine transite par le port de Douala au Cameroun et est
acheminé sur l’axe Douala-Bangui long de 1500 kilomètres ».(40) Grumes, gomme, coton fibre,
café vert non terrofié (12000 tonnes en 1995)(41) constituent quelques produits d’exportation de cet
Etat enclavé à côté des biens d’importation tels véhicules de transport, équipements industriels,
produits alimentaires (riz, farine, etc.).

En prenant en considération les données de la Commission Economique des Nations
Unies pour l’Afrique (CEA), le réseau camerounais (routier exclusivement) représente à lui seul
quatre cent mille (400000) tonnes de trafic de transit de marchandises par an.(42)

Le passage sur les corridors camerounais obéit cependant à un ensemble juridique
construit autour des traités. Ces traités internationaux entre « Etats demandeurs de passage » et
« Etats riverains », communément désignés sous le terme d´«Accords de transit »,(43) constituent
l´objet de cette étude qui examine dans cette première partie le dispositif normatif (Chapitre 1) et
évalue (Chapitre 2) l’accès des Etats centrafricain et tchadien à la côte camerounaise à travers les
corridors traditionnels que sont voies routières et chemin de fer.

L´usage de ces corridors, sous les termes juridiques définis de commun accord par les
parties (Chapitre 1), sera l´occasion de procéder à une évaluation du système de transit mis en
place (Chapitre 2).

35 I. GRIFFITHS, « African land and access corridors », in Dick HODDER, Sarah J. LLOYD et Keith Mc.
LACHLAN, Land-locked states of Africa and Asia, London-Portland, Frank Cass, 1998, p. 69.
36 Almeen ALI, Land-locked states and International Law, New Dehli, South Asian Publishers, 1989, p. 4.
37 Rapport disponible dans « Programme d’Action en faveur des Pays les Moins avancés pour la Décennie 2001-
2010. Rapport d’évaluation » in http://www.un.org/special-rep/ohrlls/Idc/MTR/Chad.pdf
38 Voir l’étude en date du 18 Oct. 2006 : « Tchad : étude diagnostique sur l’intégration commerciale », disponible
dans http://www.integratedframework.org/files/Chad_DTIS.pdf
39 Sur ces chiffres, voir Karine BENNAFLA, Le commerce frontalier en Afrique Centrale, Paris, Karthala, 2002,
p.35.
40 Rapport du Secrétariat de l’OMC sur l’« Examen des politiques commerciales [de la] République Centrafricaine »,
disponible dans www.wto.org/french/tratop_f/tpr_f/s183-00_f.doc
41 Sur ce chiffre, voir Karine BENNAFLA, ibid.
42 Sur ces estimations de la CEA, voir Etienne KOULAKOUMOUNA, « Transport routier et effectivité de
l’intégration régionale dans l’espace CEMAC : enjeux et contraintes pour le développement durable du Congo »,
disponible dans http://www.codesria.org/Links/conferences/general_assembly11/papers/koulakoumouna.pdf
43 Il faut souligner que l´Accord entre un Etat dépourvu de littoral et un Etat côtier en matière de transit constitue un
des éléments, sinon l´élément fondamental, qui permet de différencier le droit à un transit libre (right to free access)
du droit de passage inoffensif (right of innocent passage) que certains auteurs assimilent indifféremment. Pour un
exemple, voir A. HAKIM TABIBI, The right of transit of land-locked countries, Kabul, Afghan Book Publishing
House, 1970. Pour cet auteur, « the right of land-locked state to free transit over land is the same right as recognized
as a right of innocent passage. Indeed, both the land and territorial waters are the property of the coastal state and the
right of innocent passage over land as well as water in favour of land-locked countries is indivisible », p.4. Nous
soulignons ici que le droit de passage inoffensif qui est exercé par tous les Etats dans la mer n´est pas soumis à un
accord préalable et relève d´un régime différent du droit de transit qui se veut comme un droit spécifique, propre aux
Etats sans littoral.

Page suivante : Chapitre 1 : Le cadre juridique de transit des Etats de Centrafrique et du Tchad sur les corridors camerounais

Retour au menu : LA COTE ATLANTIQUE DU CAMEROUN ET LES ETATS SANS LITTORAL D’AFRIQUE CENTRALE : EVOLUTION ET DEFIS DE LA QUESTION D’ACCES A LA MER