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I.1.1 Traiter du handicap

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Chacun peut être amené à le constater au quotidien : le handicap est encore un sujet tabou dans notre société. Miroir d’une réalité qui effraie, sentiment d’impuissance face à la complexité de la nature ou peur de blesser, c’est en général une discussion qui met mal à l’aise. La raison principale semble en être l’ignorance : en effet, face à l’inconnu, tout être humain se sent en position d’insécurité. C’est pourquoi lorsqu’on décide d’en parler il est impératif d’approfondir le sujet afin de s’y familiariser pour enfin l’assimiler.

I.1.1.1 Pourquoi ce choix ?

Au cours de notre vie, nous sommes tous un jour confrontés au handicap : que cela soit dans la rue, au sein de notre famille ou de celle de nos proches, voire que cela nous concerne personnellement. Ma première expérience en la matière fut de partager trois années d’études avec une camarade malvoyante à l’Institut d’Etudes Supérieures des Arts(1).

Souhaitant devenir médiatrice culturelle, cette jeune fille (Julie Boulanger(2)) était en permanence tiraillée entre le désir de relever ce défi toute seule et la nécessité de bénéficier d’une aide pour y arriver. Les autres élèves étaient eux aussi divisés entre l’envie de l’aider, sans tomber dans la compassion, tout en respectant son choix d’autonomie, et sans mettre en péril leur propre réussite.

Il s’est avéré que Julie m’a désignée au sein de la classe comme étant la personne qui avait trouvé le meilleur compromis pour l’accompagner. De là est non seulement née une amitié, mais également mon envie de m’intéresser au handicap et aux personnes dans cette situation.

C’est en m’ouvrant à ce domaine que mon intérêt s’est finalement porté de manière croissante sur le handicap auditif. En effet, plus que les autres handicaps, la surdité fédère une communauté autour d’une histoire commune, d’une langue, d’une culture, qui ont éveillé ma curiosité. En regardant des personnes “signer”, c’est-à-dire utiliser la langue des signes, j’ai eu l’envie d’apprendre moi-même cette langue : pour la beauté du geste, pour la complexité de sa construction, et surtout, pour pouvoir communiquer avec ces personnes.

Lorsque je suis entrée dans la formation de guide-conférencier, c’est donc tout naturellement que j’ai souhaité utiliser cette langue dans mon métier, et que j’ai décidé d’en faire le sujet de mon mémoire. J’ai bien pris conscience dès le départ qu’il s’agissait là d’un défi, aussi bien personnel que professionnel, et que je m’attaquais dès lors à un sujet très délicat.

I.1.1.2 Un sujet délicat

L’un des ouvrages du sociologue Bernard Mottez(3) s’intitule “A s’obstiner contre les déficiences on augmente souvent le handicap” (1997) : c’est avec cet adage en tête que j’ai débuté ma réflexion sur le handicap. En effet, si l’on peut dire que la déficience et le handicap sont les deux faces d’une même réalité, la déficience renvoie à l’aspect physique (d’ordre naturel) tandis qu’on évalue le handicap au niveau social. Et de là, on remarque qu’en s’obstinant à vouloir combattre quelque chose de naturel, c’est-à-dire à nier, on risque effectivement d’augmenter le malaise. Ce qui se présente alors comme une bonne action, à l’intention altruiste, peut finalement créer l’effet inverse en creusant un fossé entre les handicapés et les autres.

Traiter du handicap est donc un sujet délicat, à manier avec précaution ; cela signifie qu’il faut trouver le bon ton pour ne pas minimiser ni exagérer, ne pas tomber dans la condescendance ni la pitié, ne pas non plus s’efforcer de faire comme s’il n’y avait pas de handicap ou comme si tout pouvait être résolu. Car certes ces efforts, de la part de la société, des concitoyens, des gouvernements, des professionnels, favorisent l’intégration sociale, mais ils peuvent aussi être à la fois l’indice et la cause d’une mauvaise intégration.

C’est particulièrement le cas pour la surdité, handicap non visible, qui est accentué justement lorsqu’une société l’oublie, la minimise, la condamne ou au contraire en fait une affaire d’état : c’est alors qu’elle devient oppressante et handicape.

Enfin, j’ai rencontré certains sourds qui étaient plutôt hostiles à l’idée qu’un entendant s’intéresse à eux et apprenne la langue des signes : cela peut être mal pris, mal interprété, vu comme une compassion dont ils ne veulent pas. C’est pourquoi dans ce mémoire je tiens à être claire sur mes intentions : c’est un sujet qui m’intéresse, qui soulève des enjeux auxquels je souhaite réfléchir pour pouvoir travailler par la suite, ce n’est en aucun cas une manière de défendre la cause des sourds par des considérations malvenues. Je tenterais de comprendre la surdité pour pouvoir apporter aux personnes sourdes mes compétences en tant que guide, comme un guide tend à connaître son public anglais, chinois ou russe de sorte à lui transmettre son savoir de la façon la plus pertinente possible.

1 Ecole des métiers de la Culture et du marché de l’art dont je suis diplômée, 5 av. de l’Opéra 75001 Paris.
2 Son projet de fin d’études est consultable en ligne en suivant le lien : http://www.iesanetwork.com/rien-avoir/sources/dossier.pdf.
3 Sociologue réputé, professeur et chercheur universitaire, membre du Centre d’étude des mouvements sociaux, il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le handicap et la surdité en particulier.

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