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I) Discriminations pratiquées en l’absence de prohibition expresse

ADIAL

Les techniques que sont la segmentation et la sélection des risques sont certes consacrées
juridiquement mais ne sont pas à l’abri des peines encourues pour discrimination lorsqu’elles
sont fondées sur un critère interdit. Pour que soit retenue la qualification de discrimination,
encore faut-il que l’infraction soit établie. Or, l’interprétation stricte de la loi pénale conduit
parfois les magistrats à ne pas retenir la culpabilité de l’entreprise d’assurance. On peut
évoquer deux espèces où une entreprise d’assurance a été assignée pour refus de prestation de
services pour motif de discrimination, la première fondée sur l’origine du candidat à
l’assurance(32), la seconde sur son sexe(33). Ces décisions sont certes anciennes, mais évocatrices
et toujours d’actualité en l’absence de jugements plus récents en sens contraire.

- L’origine du prétendant à l’assurance

En 1982, une compagnie d’assurance a été attraite en justice pour avoir refusé de garantir en
assurance automobile les individus ne sachant ni lire ni écrire, ce qui était facilement
décelable puisqu’ils n’étaient pas capables de remplir eux-mêmes le questionnaire
d’assurance. L’habileté du procédé est assez remarquable, puisqu’il ne s’agissait pas d’un
critère de sélection expressément prohibé. Ainsi, il ne faut pas s’étonner que la Cour d’appel
de Rouen ait prononcé la relaxe. « Il est cependant permis de penser que le critère choisi
aboutissait plus souvent à éliminer des étrangers que des Français »(34). Vu le principe de
l’interprétation stricte de la loi pénale, la relaxe n’est pas imprévisible dans ce genre de
situation.

- Le sexe du candidat à l’assurance

Une dizaine d’années plus tard, une autre pratique a été mise en cause(35). Il s’agissait cette fois
d’un assureur qui avait prévu un tarif préférentiel au profit des femmes de plus de 25 ans,
titulaires d’un permis depuis trois ans, seules à conduire leur voiture de façon régulière et
n’ayant pas eu de sinistre depuis trois ans. Un individu qui remplissait toutes ces conditions
sauf une – qui est facile à deviner, s’estimant victime d’une discrimination fondée sur le sexe,
se constitua partie civile. Néanmoins, son argumentation ne fut pas retenue et le pourvoi fut
rejeté : il n’y avait pas de charges suffisantes pour caractériser l’infraction invoquée. La Cour
estima notamment qu’il n’y avait pas eu discrimination sexiste parce que toutes les femmes
n’avaient pas droit au tarif préférentiel. L’argument n’est pourtant pas convaincant, puisqu’un
homme a été repoussé uniquement en tant que tel. Selon Georges DURRY, il aurait mieux
valu « se fonder sur le fait que la différence que cet assureur entendait faire entre les sexes
était fondée sur des statistiques formelles : les femmes dotées de toutes les qualités que l’on
exigeait d’elles avaient moins d’accidents que les hommes remplissant les mêmes conditions.

Dès lors, il n’y avait pas discrimination fondée sur le sexe, prohibée, mais sélection tarifaire
selon la nature du risque, permise(36)».

Il faut en effet noter que seul le refus d’assurance fondé sur un critère prohibé est un délit
pénal prévu et réprimé par les articles 225-1 et suivants du Code pénal. En revanche, les
différences tarifaires ajustées au risque ne sont pas interdites. En effet, l’article 225-2 du Code
pénal précise qu’est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, la
discrimination définie à l’article 225-1 du même code lorsqu’elle consiste à refuser la
fourniture d’un bien ou d’un service. Autrement dit, des discriminations sont autorisées dans
la fourniture d’un bien ou d’un service. L’application de tarifs distincts en fonction du risque
est tolérée, elle s’autorise de la liberté des prix. Il s’agit non pas de refuser purement et
simplement d’assurer (sélection des risques) mais de proposer des tarifs distincts en fonction
d’un critère prohibé (segmentation tarifaire). Toutefois, si le tarif proposé est abusivement
élevé et vise en réalité à exclure le prétendant à l’assurance, il s’apparente alors à un refus
déguisé pénalement sanctionné au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation relative
aux demandes excessives(37).

La segmentation tarifaire peut donc être organisée licitement autour des critères
discriminatoires mentionnés au Code pénal. En outre, la segmentation ou la sélection fondée
sur un critère ne figurant pas dans la l’énumération de l’article 225-1 du Code pénal est
admise et licite. La sélection peut alors reposer sur tout type de critères dès lors qu’ils ne
tombent pas sous l’incrimination de l’article 225-1 du Code pénal. On pourrait alors imaginer
toute sorte de distinction fondée sur divers critères, par exemple sur la catégorie
socioprofessionnelle, la pratique d’un sport à risque, le tabagisme…

Malgré ces cas d’impunité, les assureurs conscients qu’ils doivent respecter l’article 225-1 du
Code pénal ont su obtenir des dérogations primordiales pour le secteur de l’assurance. A côté
de ces discriminations qui sont pratiquées dans le silence de la loi, d’autres ont donc été
autorisées par le législateur (II).

32 CA Rouen, 4 novembre 1982, BRDA 1983, no 9, p. 6. / Rouen, 4 nov. 1982, Bull rap. dr. aff. Francis Lefebvre,
1983, n° 9, p. 6.
33 Cour de cassation, chambre criminelle, 8 juin 1993, RGAT 1993, note E. FORTIS, p. 927.
34 G. DURRY « La sélection de la clientèle par l’assureur : aspects juridiques », Risques mars 2001, n° 45 p 66.
35 Cass. crim., 8 juin 1993,n° 92-82749 ,RGAT 1993, note E. Fortis, p. 927.
36 G. DURRY « La sélection de la clientèle par l’assureur : aspects juridiques », Risques mars 2001, n° 45 p 66.
37 Cass. crim. 25 novembre 1997 n° 96-85670

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