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I- CHOIX POLITIQUES ET INITIATIVES DE DEVELOPPEMENT DURABLE

Non classé

La politique d’aménagement d’une collectivité territoriale doit satisfaire aux règles de sécurité incluant aussi bien la gestion des risques urbains que la protection de l’environnement, des biens et des personnes. La survenance d’un aléa générateur de dommage est habituellement qualifiée de catastrophe. Elle s’associe à l’idée de « jugement » et « décision » face à une situation d’urgence qui déborde les capacités de gestion habituelles. Une catastrophe suppose de ce fait une prise de décision, une action spécifique pour recouvrer le mode de vie habituel, pour s’adapter. La gestion des catastrophes est une situation qui contraint à adopter un mode de réponse, parfois même un mode de gouvernance(27). Quelque soit le type d’événement et les dommages qu’il créé, toute catastrophe impose une réaction qui passe indubitablement par un mode de réponse spécifiquement adapté à la situation, a savoir la gestion de la crise, qui revoie elle à la notion de résilience.

Les inondations majeures enregistrées durant la période 1990 – 2009, ainsi que celles vécues avant cette période, associées aux autres risques urbains n’ont pas laissée les autorités locales indifférentes. Le ressenti des populations (pertes en vies humaines, maladies hydriques, dégâts matériels), couplé à la volonté des autorités de la Communauté Urbaine de Douala (particulièrement le délégué du gouvernement) ont opéré un changement de perception du risque par les acteurs locaux et les stratégies entreprises intègrent désormais les préoccupations relatives à l’environnement et au développement durable. Tel fut franchi le seuil socioculturel de « la prise de conscience » individuelle et collective que définis par G.H White (Op.cit) au niveau local. Ce seuil renvoie au dépassement de l’absorption passive, à l’acceptation de l’endommagement et conduit à « l’action d’atténuation », ce qui correspond à l’étape de la réduction de l’endommagement suivant le schémas des quatre principaux modes de réponses sociales pouvant être distingués en situation de crise latente ou en situation d’urgence définis par Drabek (1986)(28).

De ce fait, des politiques et initiatives se sont déployées en réponse à la vulnérabilité des populations aux affres des risques naturels. Ces réponses n’étant pas restées statiques, d’autant plus que ni les modes de réponse ni les seuils socioculturels ne sont figés dans le temps et dans l’espace, leur évaluation diachronique permet de mettre en évidence les orientations successives des choix politiques et initiatives locales, ainsi que le niveau de participation des acteurs et enfin les opérations de Protection Civile sur la scène la gestion des risques naturels et la promotion du développement durable.

I.1. Evaluation historique

Les stratégies de réduction de la vulnérabilité aux risques naturels ne sont pas une préoccupation récente dans la ville de Douala. Elles revêtent un intérêt particulier pour les autorités depuis près de trois décennies. Cet intérêt s’est manifesté par la création au début des années 1980 du Service Technique Municipal ayant pour mission de réduire la vulnérabilité aux inondations. A travers le curage des lits intérieurs des principaux cours d’eau et la réhabilitation des caniveaux. Durant la période 1984-1987, les activités du Service Technique Municipal avec le programme baptisé « Crash Programme » se sont intensifiées avant de connaître un relâchement vers 1988 pour être relancer en 2000 sous la dénomination « Programme de curage des drains » suite à la vague d’inondations qui à frappée la ville. Ce programme a consisté non seulement au curage, mais aussi en la démolition de tous les ouvrages et habitations à même d’incommoder l’écoulement des eaux pluviales et à la suppression de certains méandres afin d’accroître la vitesse d’écoulement des eaux. En 2004, des travaux de curage de drains ont été opérés dans les arrondissements de Douala II et III par les Communes Urbaines d’arrondissement de Douala (CUAD) en collaboration avec la communauté urbaine de Douala (CUD) dans le cadre du « Pluie Project ». Ces travaux s’inscrivaient dans le sens du déguerpissement des abords des cours d’eau, le débouchement des dalots, des ouvrages de franchissement, le profilage (élargissement) des chenaux d’écoulement et le raccordement de certains canaux en un réseau pour l’évacuation efficace des eaux. Dans le but de l’évaluation de l’amélioration des conditions sanitaires et surtout le niveau de régression des risques d’inondations.

L’évaluation de ces stratégies de réduction des dommages en tant que mode de réponse aux risques révèle leur degré de pertinence et permet de conclure de leur efficacité. Les initiatives locales de réponse aux risques naturels dans la ville de Douala se sont avérés inefficaces et n’ont connu que de succès éphémères, quelques semaines à quelques mois en ce qui concerne les inondations, et ceci par secteurs (Fogwé et Tchotsoua, 2007). Pour cause, les actions sont entreprises par réaction à la situation de crise vécue et par conséquent sont le plus souvent mal conçues, mal mise en oeuvre et parfois inappropriées. A titre d’illustration, le curage des cours d’eau se fait sans prendre en compte les mécanismes hydrologiques, hydrographiques et écologiques dans la chaîne des travaux. D’un point de vue purement écologique, il s’est opéré une forme de rupture de la ville avec son environnement naturel. Certains cours d’eau sont littéralement bétonnés sur la majeure partie de leur cours et perdent du même fait toutes leurs fonctions biologiques. Ce fût le cas de la Bessèkè qui aujourd’hui constitue un problème hydrographique en ce que lors des marées, la pente attribuée au cours d’eau au niveau de son estuaire (du port de pêche) facilite le reflux des eaux vers le continent. Tel est le cas du Bessoussoukou bétonnée uniquement dans sa partie amont, accentue les inondations dans les
quartiers situés dans sa partie aval, notamment les quartiers de Nkongmondo, Banyangue et Nkanè.

Ces politiques de réduction des dommages telles que menées à cette époque au plan local ont quelque peu renforcé et accentué les formes de vulnérabilité déjà existantes. Bien que nous ne le vivons pas encore, si la tendance est maintenue ou évolue à la hausse, ces actions d’atténuation risquent bien de générer des nouvelles formes de vulnérabilités aux risques naturels dans un contexte local de péjoration pluviométrique rapide et d’ampleur considérable.

C’est dans ce cadre que la Communauté urbaine de Douala (CUD) s’est engagée à prendre des mesures hardies pour réduire les vulnérabilités aux risques naturels en mobilisant des moyens réglementaires, financiers et techniques adéquats. Cette politique concrétise une nouvelle vision qui se veut pragmatique et incitative. Par rapport aux années antérieures, le tournant pris est assez important avec la mise en place d’un plan spécial : La réalisation de l’agenda 21 local de la ville de Douala. Compris comme le développement et la mise en oeuvre de politiques et stratégies, programmes et projets identifiés par les autorités locales et la population dans l’optique d’un développement urbain durable. Pour ce faire, une approche a été définie, une méthodologie d’intervention adoptée avec une structure crée pour la coordination du plan d’action.

I.2. Engagements actuels dans la démarche de développement durable

La ville de Douala est à plus d’un titre un espace d’enjeux majeurs, du fait de son antériorité historique, de son poids démographique important estimé à près de 11% de la population du pays. Capitale économique, la ville contribue à au moins 40 % de la valeur ajoutée du secteur moderne non agricole du Cameroun.(29) Sur le plan spatial, la surenchère et la faiblesse relative de l’offre formelle en parcelles destinées à l’habitat social contribuent largement au développement de l’habitat spontané, insalubre et des bidonvilles. Les enjeux liés à la préservation de l’environnement et au développement durable sont désormais au coeur des préoccupations planétaires depuis Rio 1992. L’engagement de la ville dans les politiques visant un développement urbain durable apparaît donc tel un impératif préalable à l’entame et/ou la poursuite de la collaboration et des négociations avec les partenaires de développement internationaux pour l’octroi des crédits de développement. C’est dans ce contexte que la Communauté Urbaine de Douala, appuyée par le Gouvernement Camerounais s’est engagée à conforter le développement de la ville, dans le cadre d’une Stratégie de développement, élaborée de manière participative, en impliquant notamment dans chacune des phases de son élaboration les différents acteurs urbains : Elus locaux (Maires des Communautés d’arrondissement), administrations (Délégations régionales des Ministères), Chambre de commerce, d’industrie et de l’artisanat, ainsi que les acteurs du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM), représentant le secteur privé, les représentants du Port Autonome de Douala (PAD), les représentants de la société civile (ONG et associations), ainsi que les médias. Cette Stratégie de Développement est élaborée dans une perspective de gestion participative des activités opérationnelles.

La stratégie ainsi définie marque une volonté de planifier de manière participative et inclusive le développement de la ville de Douala tout en intégrant les préoccupations relatives à l’environnement et au développement durable. Cette volonté s’est matérialisée par la création de structures et de postes de responsabilité spécifiques pour la mise sur pied d’un plan d’action, notamment en Février 2005 de l’Atelier d’Urbanisme de Douala (AUD) rattaché à la Direction de l’Urbanisme et de la Construction, puis en Mai 2007 par la création de la Direction de l’Atelier d’Urbanisme de Douala et enfin en Mai 2008 par la création de la Direction des Études, de la Planification Urbaine et du Développement Durable (DEPUDD). C’est ainsi que sous l’égide des Nations Unies, du Programme de Gestion Urbaine (PGU), le Bureau National des Etudes Techniques de Développement (BNETD) de Côte d’Ivoire et la Coopération Technique Allemande (GIZ) ont de Septembre 2000 à Mars 2001 accompagné la Communauté urbaine de Douala (CUD) dans le démarrage de l’élaboration de son Agenda 21.

L’Agenda 21 local de la ville de Douala constitue le volet environnemental et social de la Stratégie de Développement de la ville de Douala et son aire métropolitaine (CDS) à l’horizon 2025. Le CDS (City Development Strategy) constitue également un ensemble de recommandation pour la mise en oeuvre de Plan d’Occupation du Sol (POS), du Plan de Déplacement et de Transport Urbain (PDU) et interviendra en complément au plan directeur d’urbanisme en cours d’élaboration. Il s’agit d’une démarche multidimensionnelle à une seule approche qui s’opère essentiellement par anticipation/prévention à travers la mise en place d’une veille prospective construite autour de projets divers, ainsi que l’action immédiate.

I.2.1. Mise en place et coordination du plan d’action

Suite aux évènements politiques (coup d’Etat manqué) de Septembre 2002 survenu en Côte d’Ivoire, les partenaires de la Communauté urbaine de Douala (CUD) dans l’élaboration de son Agenda 21 (PGU et BNETD) ont été paralysés, les Nations Unies ont suspendu le financement du projet et la démarche est restée inachevée. Ce n’est qu’en 2009, après la création de la Direction des Études, de la Planification Urbaine et du Développement Durable (DEPUDD) que les initiatives d’élaboration de l’Agenda 21 seront relancées, avec la création du Comité de pilotage, structure de coordination du plan d’action y afférant.

Afin d’éviter la cacophonie habituellement observée dans le déploiement des activités au sein de la Communauté urbaine de Douala (CUD), les responsabilités ont clairement été identifiées au sein de l’organe de coordination qu’est le Comité de pilotage. Crée par l’arrêté N°03/CUD/SG/2009 du 22 Avril 2009 portant Comité de pilotage de l’agenda 21 de la ville de Douala, placé sous l’autorité du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala (CUD) qui assure le portage politique du projet. Il a pour mission d’assurer le pilotage des actions, de proposer toutes les missions ou études nécessaires, de conduire les études et autres initiatives, d’approuver les études rentrant dans le cadre de l’élaboration de l’Agenda 21.

Pour l’accomplissement de ses missions, le Comité de pilotage dispose d’une Cellule Technique qui a pour mission de définir, de suivre et/ou de réaliser les études relatives à l’élaboration de l’agenda 21, conformément aux axes stratégiques adoptés par le Comité de pilotage. Le Comité de pilotage est constitué d’un représentant de toutes les Directions de la Communauté Urbaine, d’un expert de l’Université de Douala et un représentant des Délégations régionales du développement urbain et de l’habitat (MINDUH), de la santé publique (MINSANTE), de l’environnement et la protection de la nature (MINEP), des affaires sociales (MINAS), de l’eau et l’eau et l’énergie (MINEE), du transport (MINTRANS), et enfin de l’industrie, des mines et du développement technologique (MINMIDT). La structure du Comité de pilotage est assez flexible, il existe une bonne transversalité telle que tout responsable ou expert de toutes les Directions de la Communauté Urbaine représenté dans le Comité peut être sollicité en raison de ses compétences dans le cadre de la réalisation de l’Agenda 21. Bien mené, ceci pourrait constituer un facteur de réussite dans l’élaboration de l’Agenda 21. Cependant, les Maires des Communes Urbaines d’arrondissement (CUAD), élus locaux garants de l’amélioration du cadre de vie des populations et supposés disposer d’une connaissance pragmatique des réalités locales sont totalement exclus du Comité de pilotage et ne sont que des simples membres de la Cellule technique, sans réel pouvoir décisionnel. Ce constat nous conduit droit à l’évaluation du degré de démocratie participative dans la mise en place et le déploiement du plan d’action relatif à l’élaboration de l’Agenda 21 local.

I.2.2. Evaluation du degré de participation des acteurs locaux

D’après le Comité de pilotage d’élaboration, l’Agenda 21 local est défini comme le développement et mise en oeuvre de politiques et stratégies, programmes et projets identifiés par les autorités locales et la population de la Communauté dans l’optique d’un développement urbain durable. Cette acception de l’Agenda 21 local suppose la participation, ou mieux la concertation avec les différentes parties prenantes. De ce point de vue, dans un contexte national de démocratie et de Décentralisation, l’évaluation du degré de démocratie participative permet de conclure de la démarche employée par les responsables de la mise en oeuvre et de la coordination du plan d’action relatif à l’élaboration de l’Agenda 21. Cette évaluation est fondamentale dans la mesure où elle reflète d’une part le degré de démocratie participative et le type de démarche employée, d’autre part la pertinence des critères de choix des projets prioritaires, de même que les secteurs d’intervention (Environnement, salubrité, urbanisme, logements sociaux, hygiène et assainissement, transport…), ainsi que les groupes sociaux cibles. Enfin, elle pourrait en dernière analyse mettre en exergue les facteurs de réussite et/ou les points de paralysie du plan d’action.

L’élaboration de l’Agenda 21 tient en six phases, l’analyse du rôle et du statut des différents acteurs locaux à ces diverses phases à guidée notre démarche.

• Le diagnostique de l’environnement urbain

Cette phase constitue essentiellement la description et l’analyse des problèmes urbains, afin de s’imprégner des réalités actuelles, d’appréhender les vulnérabilités territoriales, décélérer les grandes problématiques et d’entrevoir une vision des stratégies adéquates. Elle a été réalisée par une équipe pluridisciplinaires de consultants nationaux constituée d’économiste environnementaliste, juriste, géographe, urbaniste, d’ingénieurs de Conception (Technique et Génie Civil), d’expert en politiques urbaines et d’écologiste forestier, assistée d’un Comité scientifique. Sous la coordination du Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD), avec la coopération technique de la GIZ-Yaoundé, et du Secrétariat permanent à l’environnement (MINEP).

• Les Journées de dialogue

Elles sont organisées dans l’optique d’avoir le point de vue des populations et procéder à l’identification concertée des divers problèmes qui les préoccupent le plus, tout en leur permettant de préciser les échéances au bout desquelles ils souhaiteraient les voire résolus. Ces journées ont été organisées ainsi qu’il suit :

– Les Journées de Dialogue publiques Décentralisées (JDPD) organisées par la Cellule Technique dans les Mairies avec les élus locaux de chaque Commune Urbaine
d’arrondissement (CUAD)
– Les Journées de Dialogue Publique (JDP) avec les populations, scindées en catégories d’acteurs (Jeunes élèves et étudiants, femmes, hommes, opérateurs économiques, ONG et associations) et entretenus séparément au cours de différentes JDP.
– Une journée de Dialogue publique locale (JDPL) pour effectuer la synthèse des travaux des différentes Journées de Dialogue.

Ces Journées de Dialogue Publique et Décentralisée (JDP et JDPD) se justifient par les enjeux d’un développement urbain qui vise principalement une conscience par tous de la nécessité pour la ville de faire face à des défis sociaux et environnementaux de première urgence, une volonté de répondre aux besoins locaux, la satisfaction des aspirations profondes de la population et une volonté d’élaboration des décisions au sein de la collectivité afin d’en tirer des bénéfices directs et indirects. Cette phase constitue la première étape de concertation et de négociation avec les acteurs locaux, notamment les populations, les opérateurs économiques, ONG, associations et les élus locaux.

• L’atelier de planification stratégique

Il constitue la deuxième phase de concertation et de négociation, il s’agit de groupes de travaux d’acteurs urbains représentatifs qui analyseront les problèmes majeurs de la ville et discuteront des stratégies à déployer pour atteindre les objectifs fixés. Dans le but d’aboutir à l’établissement d’un programme d’action pour la ville.

• L’atelier d’identification des projets

Cette phase constitue le dernier niveau de participation des acteurs locaux et des populations, il est question ici de l’identification et du choix des projets prioritaires, ainsi que l’analyse des stratégies à déployer devant être soumis à l’approbation du Comité de Pilotage.

C’est la Cellule Technique qui veille au suivi et à la coordination de toutes ses activités.

• L’approbation du plan d’action

Il constitue la phase de synthèse des travaux de la Cellule Technique, et d’approbation du plan d’action défini. Les diverses phases de concertation et consultation des différentes parties prenantes montre clairement que le degré de démocratie participative y est très mitigé car l’approbation et la validation des travaux se font par le Comité de Pilotage en l’absence des élus locaux (Maires). Cette incongruité pourrait constituer une entorse dans la mise en place du plan d’action. Le risque que l’on court est de tomber dans la difficulté de définition, et de choix des domaines d’intervention des projets prioritaires. Tel apparaît l’un des facteurs possibles de paralysie au plan d’action. Ce qui renvoie à s’interroger sur la pertinence du choix des projets prioritaires approuvés. Des projets jugés prioritaires par les élus locaux et leurs populations peuvent ne pas être considérés comme tels par le Comité de Pilotage qui s’est fait une vision de projets prioritaires parfois antérieurement à la concertation et la consultation des populations et autres acteurs locaux. Ce risque est d’autant plus probable qu’il n’existe aucun mécanisme d’amélioration permanent mis en place pour pallier à une éventuelle insuffisance d’un tel genre.

En effet, au-delà de critères explicites tels que la pertinence sur la scène sociodémographique, environnementale ou urbanistico-foncière, l’on court le risque de voir des actions être choisies sur des critères inexprimés, ou déviées de leur but initial. Ce pourrait être le cas de la grande trame foncière Mbanga-Japoma dans l’Arrondissement de Douala 3ème. Le choix de ce projet tient de ses objectifs que sont la réduction du nombre de quartiers à habitat spontané, la réduction de l’occupation de zones à risque, l’augmentation de l’offre foncière formelle aux populations, et le lotissement des terrains des collectivités villageoises. Cependant, compte tenu des prix qui y sont pratiqués (13,5 à 45 millions FCFA/habitation) les principaux groupes cibles (population de quartiers à habitat spontané, population de zones à risque, communautés villageoises autochtones, nouveaux immigrants) sont loin d’en bénéficier, compte tenu de leur statut socioprofessionnelle et de l’absence d’un système d’octroi de crédit foncier aux acteurs du secteur informel, or c’est ce dernier qui occupe l’essentiel de ces populations. Ce constat qui constitue un autre facteur de blocage possible vient en contradiction de la nouvelle démarche locale qui se veut schématiquement ascendante, (bottom-up). Non pas uniquement dans l’identification des actions et projets, mais aussi dans le choix des groupes sociaux cible et leur prise en compte dans la réalisation du plan d’action.

• Concertation et négociation avec les Partenaires de développement

Afin de rompre avec les procédés de financement classique au coup par coup sur des ressources budgétaires de la Communauté Urbaine de Douala qui ont largement révélé leur faiblesse et leur inefficacité (réalisation partielle de projet, absence de suivi de l’effectivité des politiques mise en oeuvre, parfois abandon total de projet faute de financement), la table ronde avec les Partenaires de Développement, tant du secteur public que les partenaires étatiques et internationaux est organisée dans le cadre de la mise en place d’instruments indispensables pour la mobilisation des financements dédiés au plan d’action. Au niveau international, les principaux Partenaires de Développement sont la Banque mondiale(30), l’Agence française de Développement (AFD), la Coopération française dans la perspective de l’Initiative PPTE bilatérale française dite «Contrat de Désendettement – Développement (C2D)», le PNUD l’Organisation internationale de protection de la nature (WWF), l’Union Européenne (UE), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Coopération technique Allemande (GIZ) et l’ONU.

Au niveau national, il s’agit essentiellement du Fond spécial d’Equipement Intercommunal (FEICOM), ainsi que de toutes les délégations régionales des Ministères impliquées dans la gestion de l’environnement. Leur rôle se résume à la collaboration, l’assistance dans la mise en oeuvre de stratégies, projets et actions et surtout à l’octroi de financement sous forme de crédits de développement.

Eu égard à la structure et du fonctionnement du Comité de pilotage, de la Cellule Technique et du rôle des acteurs locaux aux diverses phases du processus d’élaboration de l’Agenda 21 local, nous pouvons conclure qu’en dépit des possibles facteurs de blocage tels que l’absence des élus locaux au plus haut niveau décisionnel qui entache la pertinence du choix des projets prioritaires dans l’approbation du plan d’action, il existe une coopération active et structurée de la Communauté Urbaine de Douala avec les divers services impliqués, les groupes sociaux cibles (Populations, opérateurs économiques, ONG, Associations…), ainsi qu’ avec les Partenaires de Développement locaux et extérieurs dans l’élaboration et la mise en oeuvre du plan d’action. La nature des contributions et les intervenants dans la mise en oeuvre des projets actuellement en cours à la Communauté Urbaine de Douala (CUD) vient à juste titre corroborer ce constat.

I.2.3. Projets en cours

Concomitamment à l’élaboration de l’Agenda 21 local, un certain nombre de projets sont en cours en matière de prévention et d’adaptation aux risques, conformément à l’approche par anticipation/prévention. Le choix des projets en cours s’est essentiellement effectué d’une part sur la base de leur importance sociodémographique, dictée par le ressenti des populations lors des catastrophes antérieures, d’autre part les projets ont été jugés prioritaires par la prise de conscience par les autorités locales de canaliser l’urbanisation, assainir l’environnement urbain et améliorer le cadre de vie de citadins. De ce fait, les principaux secteurs d’intervention sont :

• L’urbanisme, en raison de la démographie galopante, la surenchère, l’insuffisance de l’offre immobilière et foncière actuelle, l’occupation anarchique des zones à risque et des terrains domaniaux.

• L’hygiène et la salubrité, compte tenu des déficits en matière de collecte et de traitement des ordures, déchets divers et la prolifération des décharges sauvages.

• Le curage des cours d’eau et l’assainissement, du fait des inondations endémiques, les pathologies hydro-véhiculées (6498 cas de choléra de 2004 à 2007) et les pertes tant en vies humaine que matérielles qui en découlent.

Les zones d’actions prioritaires sont les espaces les plus exposées les plus chargées d’enjeux et les plus affectés par les risques naturels. Globalement, les groupes sociaux cibles sont les populations de quartiers à habitat spontané, population de zones à risque, les communautés villageoises autochtones, ainsi que les néo-citadins en difficulté d’insertion. La mise en oeuvre de ces projets est dictée par un ordre de priorité défini par la possibilité réelle de financement (solvabilité).

Cependant, la mise en oeuvre du Protocole de Montréal visant la réduction de l’émission des CFC et l’appauvrissement de la couche d’ozone inscrit dans les projets en cours relève beaucoup plus d’une nécessité d’arrimage à la donne internationale qu’une réelle volonté nationale. Car outre ce projet aucune autre action locale ou nationale ne s’inscrit proprement dans la logique de quantification et de réduction de l’émission des gaz à effet de serre. D’autant plus que le risque désigne également un phénomène que la société juge particulièrement menaçant pour elle. Ainsi l’analyse des résultats des Journées de dialogues publiques (JDP) révèle que les actions d’amélioration du cadre de vie et de l’accès aux services urbain de base et à un habitat salubre priment dans la société par rapport aux actions de portée plus globale et jugées moins prioritaires par les populations telle que la réduction de l’émission des gaz à effet
de serre.

Tableau 34 : Projets en cours à la Communauté Urbaine de Douala

Projets en cours à la Communauté Urbaine de Douala

Source : Communauté Urbaine de Douala/DEPUDD (2010)

I.3. Evaluation du niveau d’engagement dans les préoccupations de développement durable

Une échelle d’évaluation du niveau d’engagement de la collectivité dans les préoccupations de développement durable a été élaborée. Elle prend en compte au niveau institutionnel la politique mise en place, le niveau d’organisation, le degré de coopération et de démocratie participative, le mode de financement et en fin le dispositif de résilience mis en oeuvre. Elle se décline en cinq classes notées de A à E, représentant respectivement un degré d’engagement de très élevé à très faible.

D’un point de vue organisationnel, l’engagement de la Communauté Urbaine de Douala (CUD) dans les préoccupations de développement urbain durable est récent et s’est principalement matérialisé par la création de la Direction des études de la planification urbaine et du Développement durable (DEPPUD), muni d’un pôle Environnement et Développement durable. Cette structure est l’organisme local en charge de l’environnement et du développement durable, bien qu’il soit également en charge d’autres missions détaché du cadre spécifique de l’environnement et du développement durable. Le tableau 17 présente l’échelle d’engagement de la ville dans les préoccupations de développement durable.

Tableau 35 : Echelle d’engagement de la ville dans les préoccupations de développement durable

Echelle d’engagement de la ville dans les préoccupations de développement durable

La politique mise en place se trouve actuellement à un niveau embryonnaire et tient globalement à un diagnostic dans le but d’identifier et faire ressortir les actions et projet en vue de la promotion du développement durable et la réduction des vulnérabilités territoriales. Le degré de coopération et de démocratie participative y est très mitigé, hormis les Journées de Dialogue publiques organisées dans le cadre de l’élaboration de l’Agenda 21 locale, les actions menées par la Communauté Urbaine de Douala (CUD) pour informer les services de la collectivité et les autres acteurs urbains afin de favoriser leur participation sont dispersées et sporadiques. Le mode de financement des projets est essentiellement basé sur les financements classiques sur ressources budgétaires de la Communauté Urbaine de Douala (CUD). Cependant, la politique mise en place dans le cadre de l’élaboration de l’Agenda 21 prévoit la mise en place d’instruments de négociation avec les Partenaires de développement pour la mobilisation des financements spécifiquement dédiés à l’environnement et au développement durable. En ce qui concerne le dispositif de résilience, la réflexion actuelle consiste en l’élaboration d’actions et de projets, notamment l’élaboration de l’Agenda 21 local, composante de la Stratégie de développement de la ville de Douala et son aire métropolitain pour les 15 prochaines années,
englobant l’élaboration d’autres documents de planification à moyen et long terme à l’instar du PDU, POS, et du SDAU.

En dépit de ce changement de seuil socioculturel et de réponse sociale (seuil de «la prise de conscience » et dépassement de l’absorption passive) que nous pouvons qualifier d’avancée remarquable, l’engagement de la collectivité dans les préoccupations environnementales et de développement durable correspond actuellement à un niveau faible et au mode de réponse social que Drabek (1986) défini en tant que « l’acceptation de l’endommagement ». Car elle se produit lorsque le seuil de prise de conscience est franchi et le mode de réponse se traduit par la recherche des palliatifs parfois partiels aux dommages (opérations intempestives de curages, profilage des lits des cours d’eau dans certains bassins versants…). Elle s’exprime également par la mobilisation des communautés dans les quartiers (Comité de quartiers, comité de développement, comité d’hygiène et de salubrité…) pour la mise en place des mesures de protection, parfois en collaboration avec les Collectivité territoriales et d’autres organisations. Ce fût à titre d’exemple le cas du projet « eau et assainissement » dans quatre quartiers d’habitat sensible de la ville de Douala (Bepanda, Mabanda, Nkololoun-Tractafric et Brazzaville), mené entre 2006 et 2009 par la Communauté Urbaine de Douala en collaboration avec la GIZ et l’Union Européenne avec les comités de développement des quartiers concernés.

La ville étant une juxtaposition d’espaces d’inégale importance, certains sont des espaces chargés de ce que Chardon et Thouret (1994) appellent des « enjeux majeurs » et le plus souvent de classes sociales riches. Le quartier administratif de Bonanjo est également le lieu de résidence des hauts responsables de l’administration, abrite certains monuments historiques, les représentations diplomatiques de certains Etats et deux des plus prestigieux hôtels de la ville.

D’autres quartiers au contraire sont des espaces d’enjeux secondaires ou mineurs. Ainsi, les quartiers administratifs et ceux à fonction essentiellement commerciale sont privilégiés lors des interventions en cas de catastrophe. Les informations glanées auprès de la presse locale révèlent que lors des inondations de Septembre 2009, alors que les quartiers précaires et spontanés de la zone Nylon, de Mabanda, de Madagascar (CCC) et les quartiers commerciaux et administratif ont été victimes, seuls les deuxièmes types de quartier ont bénéficié d’une assistance et de l’intervention des services de secours.

27 Eiken S. et Velin O., 2006 : Gestion de crise : La réponse de l’entreprise
28 Les quatre modes de réponses en situation d’urgence définis par Drabek (1986) sont : L’absorption passive de l’endommagement, l’acceptation de l’endommagement, la réduction de l’endommagement par l’action d’atténuation individuelle ou collective une fois la prise de conscience du « risque acceptable » acquise et la modification radicale de la réponse sociale, une fois le « seuil de refus » dépassé.
29 COUR J. M., 2004: Contribution à la composante « poids économique des villes » de la revue du secteur urbain du Cameroun/Juillet
30 Accord de crédit de Développement (Projet d’Infrastructure de Douala – IDA) n° 3694/CM du 26 Juillet 2002

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