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I) Application dans le temps de la décision « Test achat »

ADIAL

L’absence de rétroactivité de la décision (A) n’écarte pas toute interrogation sur le type de
contrat concerné (B).

A) L’absence de rétroactivité de la décision

En principe, les arrêts préjudiciels ont une portée rétroactive. Cependant, la CJUE peut
prévoir dans certaines circonstances de limiter dans le temps les effets de son arrêt. A ce titre,
elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Ainsi, la CJUE a décidé de déroger au principe de
l’effet rétroactif de ses arrêts préjudiciels en appréciation de la validité d’un acte de l’Union.

En l’espèce, la décision de la Cour n’a pas été assortie d’effet rétroactif en application du
considérant 18 de la directive, lequel préconise d’éviter un « réajustement soudain du
marché ». Le droit de l’Union européenne doit veiller à ne pas déstabiliser trop soudainement
les marchés.

La sécurité juridique exige en effet de ne pas aboutir à une condamnation radicale qui
prendrait effet rétroactivement ; c’est d’ailleurs aussi cette raison qui a poussé le législateur de
l’UE à appliquer aux seuls nouveaux contrats la règle de primes et prestations unisexes et ce à
compter du 21 décembre 2007, tout en laissant la faculté de dérogation.

Ainsi, même dans la directive posant le principe, la rétroactivité était bannie. Le report dans le
temps de l’application de la règle des primes et prestations unisexes se justifie par la volonté
de ne pas remettre en cause la prévisibilité des parties qui ont conclu un contrat donnant
naissance à des droits conformément à la loi en vigueur à cette époque. L’économie des
contrats conclus en vertu des dispositions de la loi ancienne ne peut en effet pas être remise en
cause au nom du respect de la liberté contractuelle, des impératifs de prévisibilité et de justice
contractuelle. D’où la cohabitation, d’ailleurs, de deux régimes, le nouveau applicable aux
« nouveaux contrats », et par opposition, l’ancien applicable aux « contrats anciens » ou
existants à la date de prise d’effet de l’invalidation de l’article 5, paragraphe 2.

Pour contrer ce risque de « réajustement soudain du marché »(61), la CJUE, ayant conscience
d’une nécessaire progressivité, a modulé dans le temps les effets de l’invalidité de l’article 5,
paragraphe 2, de la directive 2004/113. La Cour a donc pris le soin de ne pas conférer à son
arrêt une portée trop immédiate ou trop soudaine qui aurait nécessité une adaptation brutale
du marché. S’inscrivant dans la même lignée, on constatera plus bas que la Commission a
adopté une définition restrictive des « nouveaux contrats » auxquels s’appliquera la règle des
primes et prestations unisexes à compter de la date d’effet de l’invalidation de la dérogation,
jusqu’alors permise.

Quant à la date choisie pour la prise d’effet de l’invalidation de l’article 5, paragraphe 2, de la
directive (point 34 de l’arrêt), on remarque qu’elle correspond à celle inscrite dans ce même
article. Le 21 décembre 2012 représentait initialement la date à laquelle les Etats membres
devaient réexaminer leur décision, prise au titre de cette disposition, d’autoriser des
différenciations fondées sur le sexe en assurance.

Les exigences de l’article 5, paragraphe 1, c’est-à-dire la règle des primes et prestations
unisexes, trouvera à s’appliquer à compter du 21 décembre 2012, mais subsiste la question de
savoir quels sont les contrats concernés ? (B)

B) Types de contrats concernés

L’invalidité de l’article 5, paragraphe 2, ne conduira pas à remettre en cause les contrats
souscrits avant la date fixée pour sa prise d’effet ; reste encore à déterminer quels sont les
contrats visés.

Les lignes directrices(62) affirment que l’arrêt ne s’applique qu’aux nouveaux contrats conclus
à partir du 21 décembre 2012 et précisent ce qu’il faut entendre par nouveau contrat. Ces
lignes sont, comme le reconnaît la Commission Européenne, établies sans préjudice de toute
interprétation que la Cour de Justice pourrait donner de l’article 5 de la directive
(Communication, point 4).

La clause d’opting-out prévue à l’article 5, paragraphe 2, étant invalide à l’issue de la période
de transition qui s’achève au 21 décembre 2012, le principe posé à l’article 5, paragraphe 1,
retrouvera toute son ampleur à compter de cette date.

Néanmoins, tel que l’énonce la Commission européenne, la période de transition doit être
interprétée à la lumière de l’objectif de la directive. Telle que prévue à l’article 5, paragraphe 1,
la règle des primes et prestations unisexes s’applique uniquement aux nouveaux contrats
conclus après la date limite de transposition de la directive, à savoir le 21 décembre 2007.

Suite à l’annulation de la faculté de dérogation organisée par le paragraphe 2 du même article,
mutandis mutatis, l’invalidité de la dérogation ne peut donc s’appliquer qu’aux nouveaux
contrats à l’issue du 21 décembre 2012, délai estimé suffisant pour permettre aux acteurs
concernés de tirer les conséquences pratiques de l’invalidation de l’article 5 paragraphe 2.

L’arrêt Test-Achats ne modifie donc pas cet objectif et n’a pas non plus d’incidence sur
l’applicabilité de la règle des primes et prestations unisexes aux seuls nouveaux contrats, telle
que préconisée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive. L’arrêt Test-Achats implique
simplement que, pour les nouveaux contrats conclus à partir du 21 décembre 2012, cette règle
doit s’appliquer sans aucune exception en raison de l’invalidité de l’article 5, paragraphe 2.

La notion de « nouveau contrat » dont il est question à l’article 5, paragraphe 1, est donc
essentielle pour la mise en oeuvre pratique de cette disposition(63).

Quant au sens à donner à ces termes, aucune définition n’est fournie par la directive, et cette
dernière ne renvoie pas non plus aux définitions existantes dans les droits nationaux.

Parce que laisser l’interprétation d’une notion de droit de l’Union européenne (ci-après UE)
aux Etats membres risque de conduire à des interprétations divergentes, et ne répond pas de ce
fait aux exigences de l’application uniforme du droit de l’UE – et notamment du principe
d’égalité qui en découle, il est de jurisprudence constante que les termes d’une disposition du
droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour
déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne,
une interprétation autonome et uniforme(64).

Cette notion doit par conséquent être considérée, aux fins de l’application de la directive,
comme désignant une notion autonome du droit de l’Union européenne qui doit être
interprétée de manière uniforme dans toute l’Union.

Cette interprétation uniforme doit en outre correspondre à l’objectif de la directive dans le
domaine des assurances, à savoir mettre en oeuvre la règle des primes et prestations unisexes
après expiration d’une période de transition.

Or, en l’espèce, des interprétations divergentes de cette notion, sur la base des droits
nationaux des contrats, auraient risqué, non seulement d’entraîner des périodes de transition
différentes, retardant ainsi l’application globale de la règle des primes et prestations
unisexes, mais aussi des conditions de concurrence inégales pour les compagnies d’assurances.
Une telle situation aurait donc nui à l’objectif poursuivi par la directive qui est de garantir de
manière globale l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans tous les États
membres en ce qui concerne les primes et les prestations d’assurance(65).

La mise en oeuvre de l’article 5, paragraphe 1, exige d’établir une distinction claire entre les
accords contractuels existants et les nouveaux. Cette distinction doit satisfaire à l’exigence de
sécurité juridique, s’appuyer sur des critères qui évitent toute interférence indue avec les droits
existants et préserver les attentes légitimes de toutes les parties.

Cette approche est conforme à l’objectif de la directive d’éviter un réajustement soudain du
marché en limitant aux seuls nouveaux contrats l’application de la règle des primes et
prestations unisexes.

Ainsi, la Commission fournit une définition de ce que signifie la notion de « contrats
nouveaux », qu’elle illustre positivement, puis négativement, par des exemples non
exhaustifs, renvoyant à des situations retenus pour leur pertinence pratique.

En vue de l’application de la règle des primes et prestations unisexes, conformément à
l’article 5, paragraphe 1, est considérée comme nouveau contrat la conclusion de tout accord
contractuel exigeant l’expression du consentement de toutes les parties, y compris lorsqu’il
s’agit d’avenant à un contrat existant. Il en va de même lorsque la dernière expression du
consentement d’une partie nécessaire à la conclusion dudit contrat intervient à partir du
21 décembre 2012.

Au regard de cette définition, la Commission précise qu’il convient de considérer les accords
suivants comme de nouveaux accords contractuels qui doivent donc respecter la règle des
primes et prestations unisexes :

- les contrats conclus pour la première fois à compter du 21 décembre 2012
Par conséquent, les offres formulées avant le 21 décembre 2012 mais acceptées à compter de
cette date devront se conformer à la règle des primes et prestations unisexes.
- les accords conclus à partir du 21 décembre 2012 afin de prolonger des contrats
conclus avant cette date qui auraient autrement expiré. Sont donc visés les contrats à
durée ferme ne bénéficiant pas de clause de reconduction tacite.

En revanche, les situations suivantes ne doivent pas être considérées comme constituant un
nouvel accord contractuel :

. la prolongation automatique d’un contrat préexistant si aucun préavis, par
exemple un document de révocation, n’est adressé dans un délai spécifique,
conformément audit contrat préexistant.

. les ajustements apportés aux éléments individuels d’un contrat existant, tels que
les modifications de prime, sur la base de paramètres prédéfinis, lorsque le
consentement du preneur d’assurance n’est pas requis, Par exemple, une hausse des
primes selon un pourcentage reposant sur les demandes d’indemnisation reçues. A cet
égard, l’augmentation du malus en assurance automobile conduisant à une hausse de la
prime ne peut s’analyser en un nouveau contrat.

. la souscription, par le preneur d’assurance, de polices d’assurance
complémentaires ou de suivi dont les conditions ont fait l’objet d’un préaccord dans le
cadre de contrats conclus avant le 21 décembre 2012, lorsque ces polices sont activées
par une décision unilatérale du preneur d’assurance. Par exemple, lorsque l’assuré
souhaite augmenter le montant investi au moyen d’un produit d’assurance vie.

. le simple transfert d’un portefeuille d’assurance d’un assureur à un autre qui ne
devrait pas changer le statut des contrats contenus dans ce portefeuille.

A donc été choisie une définition stricte de la notion de nouveaux contrats, de sorte que la
différenciation des primes et taxes relatives aux contrats existants perdure. La règle de primes
et prestations unisexes n’affectera pas un nombre important de polices conclues avant le 21
décembre 2012. Compte tenu de cette définition, coexisteront encore pendant un long moment
deux « régimes », à savoir la différenciation des primes et prestations fondée sur le sexe pour
les contrats existants et la règle de primes et prestations unisexes pour les nouveaux contrats.

Ainsi, pour tous les contrats existants avant le 21 décembre 2012 ne s’analysant pas comme
un contrat nouveau, le régime consistant à différencier les primes et prestations perdure. La
définition étant stricte, même lorsque l’assuré souhaite augmenter le montant investi au
moyen d’un produit d’assurance vie, le contrat ne se voit pas attribuer la qualité de « nouveau
contrat ». Dès lors, en matière d’assurance vie, peu importe la date à laquelle seront liquidés
les contrats existants (après la date d’effet de la règle des primes et prestations unisexes), les
différenciations homme/femme persisteront.

Dans le contrat de rente en cas de vie, qui couvre le risque de survie à une certaine date, la probabilité
de réalisation de ce risque étant plus élevée pour une femme (en raison de son espérance de vie plus
longue), cette dernière se verra appliquer des primes plus élevées et un montant de rente inférieur que
ceux des hommes pour ce même produit. Quant à l’assurance décès, couvrant le risque de mort de
l’assuré à un certain âge, inversement, une prime moins élevée que celle des hommes leur est
appliquée en la matière.

De même, en assurance automobile et selon la définition retenue de la notion de nouveaux
contrats, les contrats conclus antérieurement au 21 décembre 2012 dont les primes sont
restées inchangées ne devront se voir appliquer aucune augmentation sous prétexte de l’arrêt
Test achat. Une majoration de prime des portefeuilles existants avant le 21 décembre et ne
correspondant pas à un nouveau contrat devrait continuer à fonctionner sur la base de
différenciation des primes et des prestations. Dès lors, on peut distinguer le portefeuille
existant avant le 21 décembre 2012, duquel sont exclus les nouveaux contrats, du portefeuille
qui se compose exclusivement de « nouveaux contrat » au sens du droit de l’UE, lequel sera
régi par la règle des primes et prestations unisexes. Coexisteront donc deux régimes.

Les « anciens contrats », c’est-à-dire ceux existants par opposition aux nouveaux contrats,
continueront de fonctionner sur les mêmes techniques, les mêmes structures de
segmentation… Pour les seconds, c’est-à-dire les nouveaux contrats, se pose la question de
savoir si une place est laissée à l’usage du critère du sexe. (II)

61 Voir le 18ème considérant de la directive 2004/113.
62 Lignes directrices sur l’application de la directive 2004/113/CE du Conseil dans le secteur des assurances, à la
lumière de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire C-236/09 (Test-Achats), JOUE n° C
11 du 13/01/2012 (Ci-après Communication).
63 Communication point 9.
64 Confirmée, en dernier lieu, dans l’arrêt de la Cour de justice du 18 octobre 2011 dans l’affaire C-34/10,
Oliver Brüstle/Greenpeace e.V., point 25.
65 Communication, point 9

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