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D. Interview de Monsieur Bertrand BAILLEUL

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Fonctions actuelles : Directeur de l’hôpital de Gennevilliers (100 lits MCO et SSR essentiellement), animateur d’un groupe de 40 directeurs d’hôpitaux. Et intervenant à Rouen Business School en tant que coordinateur de l’électif « management de la santé »

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai un Diplôme de Rouen Business School avec l’option ressources humaines. J’ai ensuite commencé mon premier CDI chez « accueil et service » pendant 5 ans en ingénierie sociale pour la mise en place de services sanitaires ou médicaux sociaux vendues aux municipalités, mutuelles (exemple : service de port de repas à domicile pour les personnes âgées a Lille ou encore télé alarme pour la ville de Villeurbanne). Les financeurs de ces projets sont souvent les compagnies d’assureurs : et je suis donc passé aux compagnies d’assurance en tant que directeur marketing pour les produits de santé chez Zurich assurance. (J’ai pu développer mes connaissances sur la complémentaire maladie, les retraites complémentaires, les placements viagers, les accidents du travail, la prévoyance). « L’assurance est le pire des produits : vous vendez à quelqu’un quelque chose qu’il ne souhaitera jamais ». J’étais beaucoup en contact avec les hôpitaux.

Ensuite on est venu me proposer un poste de directeur d’hôpital, j’ai occupé ce poste 10 ans à l’hôpital de Clichy (spécialisé en urologie) et maintenant je suis directeur à Gennevilliers. L’hôpital de Gennevilliers m’a appelé car ils étaient en difficultés et ils avaient vraiment besoin d’un directeur pour redresser l’hôpital. Je suis passé du « mou au dur » (mou ce sont des plombiers, le dur ce sont des menuisiers car l’orthopédie traite les os, avec scie marteau, burin etc). Ce fut un challenge intéressant. Aujourd’hui on fête le 101ème anniversaire de cet ESPIC.

Comment avez-vous été recruté pour passer du poste de directeur marketing à directeur d’hôpital?

Alexandre Tic du cabinet de chasseur de tête A.B Smith appelle pour me proposer d’être directeur d’hôpital. Je me dis alors qu’ils se sont trompé de numéro, mais j’avais été repéré par ma formation généraliste école de commerce et monde de la santé. J’ai dis non, puis 15 jours après (suite à la lecture d’articles sur le besoin en gestion des établissements) j’ai dis oui et je suis devenu directeur de l’hôpital de Clichy. J’allais tous les mois assister aux opérations dans le bloc opératoire (j’étais sur le terrain et les chirurgiens n’en revenaient pas). Je comprenais les besoins avec ma vision.

Pourquoi avoir choisi ce secteur et l’hôpital en particulier ?

Si je suis dans le monde de la santé c’est avant tout car cela m’intéresse. On m’a appelé pour d’autres postes mais je refuse. Ce qui m’intéresse dans mon établissement c’est que ce n’est pas un hôpital public, je peux lancer des opérations pilotes. Par exemple, j’ai répondu à l’appel à projet pour l’éducation thérapeutique des patients en ambulatoires qui ont fait un AVC pour ajouter quelque chose de plus à notre offre. L’AVC est une priorité nationale entre 1000 et 2000 personnes par an qui font un AVC dans la zone nord de Saint Denis à Neuilly par exemple. Un effort est fait pour suivre les personnes qui ont fait des AVC (Mignot, Lariboisière, La pitié salpêtrière, Saint-joseph, Coubert et Gennevilliers ont répondu a l’appel à projet et nous avons été choisi car nous avons proposé un projet conjoint : « réseau hôpital » en proposant une solution en partenaire avec une entreprise qui prend les personnes en charge à domicile.

Je peux également avoir des libertés comme par exemple l’idée des appartements relais : la ville m’a donné des appartements et j’ai réuni de l’argent de la mutualité et du budget de l’hôpital pour mettre en oeuvre mon idée. Je ne demande à personne, si ça marche je montrerai « regardez ca marche ». Aujourd’hui 3 appartements sont en place. L’ARS veut qu’on prenne en charge des séjours de repos pour des patients AVC à domicile (de façon à ce que les aidants familles soient soulagés). Le modèle finlandais propose de l’accueil de jour pour les AVC. (ca existe pour Alzheimer mais pas pour les AVC en France). Ce qui m’intéresse c’est donc de développer de nouvelles formes de mise en place de l’offre de soins et des services gravitant autour. Dans le public on ne peut pas faire ca car cela prendrait trop de temps et serait très complexe.

Selon vous quels sont les atouts des diplômés de Grandes Ecoles de Commerce dans le secteur de la Santé ?

Ils ont une formation généraliste et c’est ça l’important. Au début je pensais que l’hôpital était une entreprise comme les autres, mais en réalité c’est une entreprise très complexe. Dans l’hôpital il y beaucoup trop de personnes « axées » santé. Dans le rapport collectif on trouve la liste des postes à l’hôpital et en face les compétences des étudiants mais les gens n’ont pas toujours ces compétences. (On peut aussi souligner que les diplômés de Grandes Écoles de Commerce ont pour la plupart été sélectionné par concours à l’entrée via les classes préparatoires).

Pour ma part, j’ai emmené à l’hôpital toutes les méthodes de management de l’école: gestion des ressources humaines, comptabilité etc. Et tout cela est arrivé petit à petit dans le monde de la santé public.

Pour l’anecdote, une directrice d’hôpital et ancienne élève de l’ESC Rouen avait mis tous ses livres de l’école sur la comptabilité le management et la finance à la cave puis au fur a mesure qu’elle occupait le poste de directrice d’établissement elle à ressorti ses livres pour les appliquer.

Quelles limites ou inconvénients peuvent-ils rencontrer?

Il y a deux limites : la limite qu’on leur « colle » sur le dos : ce sont des « commerciaux ». Dans les cliniques privées cela peut passer, dans les hôpitaux c’est très mal vu. Et d’autre part, ce sont des gens qui ont une faible connaissance de ce monde. On a une diplômée devenue directrice financière de l’institut pasteur mais l’image de ces diplômés est assez négative malheureusement.

Pensez-vous que le contexte de crise actuel favorise l’intervention de ces « managers » dans le monde de la santé ? Pourquoi ?

Oui, parce que dans la crise actuelle il faut trouver toutes les ressources, il faut tout optimiser dans l’hôpital et la démarche managériale pousse à cela. On fait tout un travail par exemple avec un autre établissement sur l’optimisation des achats. C’est le contexte de crise qui a fait diminuer le marché public. La santé n’a pas connu la crise, j’ai eu 2,5 % de budget de plus par an. Le jour où la France ne sera plus solvable, (note « CCC ») on ne pourra plus emprunter d’argent pour la santé et il y aura une raréfaction des ressources actuelles. Là on pourra parler de crise du secteur de la santé (comme ce que connaissent la Grèce ou l’Espagne actuellement)

En quoi consiste le poste de directeur d’hôpital ?

Notre devoir est d’aller de l’avant. On doit penser comment sera le futur et anticiper nos actions. Un directeur d’hôpital est un visionnaire. C’est aussi un leader : en effet il faut entrainer les gens !

Plus concrètement le directeur :

– doit s’arranger pour que l’hôpital fonctionne à tous les niveaux: il passe du temps à fidéliser, à accompagner, à recruter les chefs de service ou directeurs de départements.

– assure les ressources financières, avant le directeur allait négocier le budget, maintenant c’est un mode différent basé sur la production, liée avec la T2A. Il faut entrainer les gens (médecins, personnels soignant, services médico-sociaux etc.) à PRODUIRE. Attention, ne pas produire pour produire. J’ai eu les tableaux de bords détaillés de l’année dernière et la production augmente de 4% (en prenant en compte les actes codifiés en points par l’assurance maladie). Dans le même temps il doit savoir maitriser les dépenses.

– fait travailler ensemble tous ces acteurs : je suis très vigilant sur le climat social, c‘est un endroit très syndiqué et contestataire. (J’ai même annulé mes vacances jusqu’en juillet car on rentre dans les élections professionnels des comités de syndicat, des comités du personnel, des représentants aux instances et cela peut avoir de grandes conséquences pour l’hôpital. Il faut aussi les laisser s’exprimer et être à l’écoute. Pour être directeur il faut avoir un très bon réseau « d’espions »). Je suis parti 10 jours en voyage avec le comité d’entreprise j’étais donc avec entre autre l’agent de service, le standardiste, avec le responsable de l’informatique etc. Être sur le terrain c’est la meilleure façon de ressentir le climat social.

Quelles sont les grandes différences entre diriger un hôpital et diriger une entreprise ?

Avant je disais que tout était transposable, mais je ne le pense plus maintenant. Les produits sont des soins (production de soins) mais il s’agit d’humains. Le volet éthique est incomparable. La différence par exemple, c’est que les professionnels de santé ne partent pas du lieux de travail tant que la relève n’est pas assurée même si leurs horaires sont finis. On est dans un volet « humain qui souffre » donc très différent. Dans la relation à la patientèle on peut appliquer les principes de la « relation client » telle qu’elle est enseignée en GEC.

La grande similitude c’est qu’on a des ressources comparables à celles des entreprises : des ressources humaines, financières et technique et il faut les gérer pour optimiser la production de soins. C’est quelque chose que tous ceux qui n’ont pas fait école de commerce ne peuvent pas toujours apréhender.

Avez-vous une autre remarque/anecdote ?

– Un hôpital ne doit pas faire plus de 500 lits selon les anglais. Il faut des établissements à taille humaine. L’Hôpital sud francilien à cet égard est hors norme (1200 lits environ !). Les gens pensent que cela permet de réaliser des économies d’échelle. Mais rappelons que la Standard Oil Company était devenue une grande entreprise et la loi anti trust l’a cassé en morceau et cela en a fait son succès. (Il arrive un moment ou ca devient trop gros à gérer et on n’a pas forcément le bon modèle de gestion donc cela s’éclate).

– On juge le degré de maturité d’une civilisation par l’argent qu’elle investit dans les fonctions régaliennes : santé, éducation, culture. (Investir trop dans une peut être néfaste, il faut un équilibre). La France dépense 11% du PIB dans la santé. Est-ce bien ou non ? Moi je pense qu’on dépense 11% mais mal. La Suède dépense moins et ont un meilleur système de santé par exemple.

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