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Conclusion : le principe de souscription

ADIAL

L’exonération par le risque de développement, nouveau principe de notre
droit de la responsabilité civile, voit son domaine sans cesse étendu. Après avoir été
inscrit dans le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux(382), il a été
implicitement rappelé dans la responsabilité médicale qui est fondée sur la faute(383) et
discrètement introduit dans le régime de la responsabilité environnementale(384). La
limite qui lui était apportée par l’exclusion des produits du corps humain de son
bénéfice(385) a perdu de sa consistance depuis que presque tous les produits dérivés du
corps humain sont qualifiés de médicaments(386) et que les organes greffés échappent
au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux(387). Il ne reste que
quelques produits du corps humain, les « éléments pouvant entraîner la
responsabilité solidaire » de l’article 1792-4 du Code civil (les E.P.E.R.S.) et les
produits et dispositifs de santé utilisés par le service public hospitalier – que le juge
administratif soumet à une responsabilité objective – pour être interdits d’exonération
pour risque de développement.

On comprend mieux pourquoi le marché de l’assurance et de la réassurance
prend en charge le risque de développement « résiduel », celui qui peut à titre
exceptionnel devenir source de responsabilité, car les hypothèses en sont rarissimes,
d’autant que le législateur a mis en place les conditions de l’assurabilité du risque en
limitant à dix ans la responsabilité mise à la charge du constructeur(388) et du
producteur(389), en autorisant le déclenchement de la garantie de l’assureur par la
réclamation de la victime(390), en validant la technique de la globalisation des
sinistres(391), en réduisant le plafond de la garantie subséquente à celui de la dernière
année du contrat(392), et en autorisant le constructeur à plafonner sa garantie en
assurance construction(393).

Le principe d’exonération a pris toute sa place et évincé la responsabilité pour
risque. Le débat qui opposait industriels – et assureurs – et consommateurs est clos,
car une autre mutualité, bien plus large, a remplacé celui que les règles de la
responsabilité civile ne peuvent pas raisonnablement désigner. La mutualité des
assurés sociaux, par le biais de l’Office national d’indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, est devenue la
débitrice de la créance de réparation des victimes du risque sanitaire(394). Le risque de
développement, lorsqu’il survient dans le domaine de la santé et lorsque le
dommage causé est d’une gravité suffisante, est intégralement pris en charge par le
mécanisme assurantiel public. Ceci explique sans doute le peu de succès de
l’assurance indemnitaire personnelle qui est pourtant susceptible de prendre en
charge, dans certaines limites, les situations de catastrophes individuelles(395). Il reste
cependant que le risque de développement n’est pas couvert dans deux hypothèses :
lorsqu’il est inhérent à un produit autre qu’un produit de santé, car dans ce cas le
producteur est exonéré mais la solidarité nationale n’intervient pas, et lorsqu’il
survient par le biais d’un matériau de construction non qualifié d’E.P.E.R.S.

L’extraordinaire développement de l’assurance de responsabilité a longtemps
laissé dans l’ombre l’assurance directe qui permet pourtant à une victime d’obtenir
réparation de son préjudice directement de son assureur et sans contentieux
préalable. Il est temps d’envisager, plutôt qu’une assurance de responsabilité, une
assurance de dommages. La garantie des accidents de la vie lancée en 2000 peut jouer
ce rôle396. Une assurance de premier niveau permet tout d’abord l’indemnisation
directe de la victime de dommages avant toute recherche de responsabilité, la
responsabilité civile n’intervenant qu’au stade des recours subrogatoires. Ensuite,
l’assurance directe a le grand avantage de ne pas être affectée par la globalisation des
sinistres sériels qui entraîne l’épuisement du plafond de garantie : l’assuré a droit à la
prestation fixée au contrat, forfaitaire ou indemnitaire397. Enfin, son coût sera
d’autant plus raisonnable que la population assurée sera large. La suggestion « sans
ambiguïté » du Professeur François CHABAS est donc toujours aussi pertinente398 :
« Promouvoir au maximum l’auto-assurance ».

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381 ALBOUY François-Xavier, Contre les précautionneux : le principe de souscription, Risques n° 57, mars
2004
382 Article 1386-11 4° du Code civil
383 Article 1142-1 du Code de la santé publique
384 Article L 162-23 du Code de l’environnement
385 Article 1386-12 du Code civil
386 Articles L 5121-1 et L 5121-3 du Code de la santé publique
387 C.E., 27 janvier 2010, n° 313568 ; PEIGNE Jérôme, L’inapplicabilité de la jurisprudence Marzouk à la
réparation des dommages résultant de la transplantation d’un organe contaminé, R.D.S.S. 2010 page 501
388 Article 1792-4-1 du Code civil
389 Article 1386-16 du Code civil
390 Articles L 124-5 et L 251-2 du Code des assurances
391 Article L 124-1-1 du Code des assurances
392 Article R 124-4 du Code des assurances
393 Articles 243-9 et R 243-3 du Code des assurances

394 Article L du Code de la santé publique
395 ESWALD François, La véritable nature du risque de développement et sa garantie, Risques n° 14, avril
1993
396 LAMERE Jean-Marc, Assurance et catastrophes : aujourd’hui et demain, Risques n° 42, juin 2000 ;
MAYAUX Luc, Traité de droit des assurances, tome 3, L.G.D.J., 2002
397 KULLMANN Jérôme, Remarques juridiques sur les sinistres sériels, Risques n° 62, juin 2005
398 CHABAS François, L’assurance de personne au secours du droit de la responsabilité civile, Risques n° 14,
avril-juin 1993