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Conclusion. Le compostage de proximité : dépasser le phénomène NIMBY et renouer avec le cycle des matières

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L’analyse socio-historique de la gestion des excréta urbains en France nous enseigne que ces
résidus ont d’abord fait l’objet d’une réincorporation au cycle des matières par le biais d’une
économie domestique. Ensuite, la première révolution industrielle a élevé ces résidus au rang de
matières premières très précieuses pour l’industrie. Puis, avec la seconde révolution industrielle
nous assistons à un nouveau tournant marqué par l’abandon progressif de l’utilisation du gisement
d’ordures à grande échelle au profit de l’exploitation des ressources naturelles. Cet abandon s’est
renforcé au fil du XXe siècle alors que, parallèlement, la quantité de déchets ménagers explose avec
l’accélération du cycle production-consommation-rejet.

A partir des années 1970, le caractère limité des ressources naturelles commence à être
pointé du doigt et l’opinion publique s’émeut de la prolifération des décharges sauvages. On assiste
alors à la consécration des modes d’élimination que sont la décharge contrôlée et l’incinération.

Mais, au tournant entre les années 1980 et 1990, l’impératif de valorisation refait surface avec la
montée en puissance de la pensée écologiste tandis que l’acceptabilité sociale des infrastructures
d’élimination des déchets ménagers est de plus en plus remise en cause. Le développement des
collectes sélectives orchestré par les industriels de l’emballage à partir de 1992 introduit cet
impératif de valorisation dans les politiques publiques tout en préservant la vigueur du cycle
production-consommation-rejet. Au début des années 2000, la décharge contrôlée est désormais
réservée aux seuls déchets ultimes et l’incinération se voit exposée à des normes draconiennes qui
font exploser ses coûts de traitement. Pour faire face à l’augmentation continue des tonnages
collectés et des coûts du SPED, la politique nationale de gestion des déchets, via le Grenelle de
l’Environnement, consacre le principe de la réduction à la source et impose des objectifs plus
ambitieux au niveau de la valorisation matière.

Dans ce cadre, le compostage de proximité est un des leviers majeurs pour atteindre ces
nouveaux objectifs puisqu’il permet à la fois une réduction à la source de la masse d’ordures (les
déchets organiques sont déposés dans le composteur et n’ont plus besoin d’être collectés) et une
valorisation des bio-déchets. Surtout, le compostage en pied d’immeuble réintroduit une partie du
traitement des ordures au sein d’une économie domestique alors que cette tache était devenue le
monopole de l’industrie. Cette redéfinition du rôle des ménages participe au contournement de
l’opposition des populations riveraines face à l’installation d’infrastructures de traitement
(phénomène NIMBY).

Denise Jodelet avait identifié cinq facteurs expliquant les réticences des populations locales
à partir des travaux réalisés sur le phénomène NIMBY : « Les peurs » ; « Le sentiment d’injustice
ou d’inéquité » ; « La familiarité des déchets locaux » et « le principe d’appartenance » ; « La
sécurité » ; « Le sentiment d’aliénation ou de non-contrôle »(1). Ces cinq raisons d’opposition peuvent
être facilement neutralisées dans le cas du compostage collectif qui, contrairement aux solutions
industrielles, donne une sensation de maîtrise rassurante. La connaissance de la provenance de la
matière et l’acquisition de compétences spécifiques pour assurer la gestion de ses propres déchets
permettent d’annihiler les représentations négatives liées à la matière en décomposition. La
symbolique du déchet est alors inversée grâce à sa réintégration au cycle des matières : ce n’est plus
un objet innommable qu’il s’agit d’abandonner mais un sous-produit valorisable grâce à un
processus de transformation maîtrisé. L’immondice passerait ainsi d’un pouvoir destructeur associé
à la mort à un pouvoir fécond associé à la vie(2).

Pour conclure, nous pouvons aussi présumer que la pratique du compostage améliore l’effort
de tri puisqu’elle oblige à se questionner sur la nature des déchets que nous jetons quotidiennement
et entraine ainsi une prise de conscience de la spécificité de chaque matière (origine, propriétés,
possibilité de réintégration dans le cycle des matières). Dès lors, la poubelle n’est plus considérée
comme une masse indistincte d’objets voués à la disparition et peut être pensée.

1 LHUILIER Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 152.
2 Vincent : « Moi je vois pas ça comme une fin, je vois plutôt ça comme un cercle quoi. C’est réutilisé. ».

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