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CONCLUSION

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Que ce soit en sociologie ou dans les représentations communes que nous partageons, les fans ont souvent été réduit à un simple produit de l’industrie culturelle. Ces images donnent à voir des individus dont les passions sont telles, qu’ils en deviennent obsédés, naïfs et fanatiques. Internet a contribué à ce que de nouvelles représentations viennent rompre avec toutes ces connotations péjoratives. Parce que les fans sont plus à même de se dévoiler et de montrer ce que signifie « être fan » par le biais d’un écran, ils ont esquissé les traits d’une image experte et légitimée. Les fans sont aujourd’hui à la mode, car une grande partie des activités qui occupent les réseaux sociaux et le web lorsqu’il s’agit des programmes de la télévision, repose sur l’intérêt que leur porte cette minorité de personnes passionnées. C’est justement parce que les fans représentent une minorité, que les recherches scientifiques ont mis du temps avant de s’y intéresser. Pourtant, ce travail de compréhension et de typologie nous a permis de voir que les fans ont un parcours de spectateur singulier, et nouent avec les programmes, une relation intense. L’intérêt de ce mémoire résultait par ailleurs des pratiques multiples qui remplissent la vie quotidienne des fans. C’est seulement en comprenant quelles définitions se cachent derrière ce terme, que nous avons pu dresser le portrait de ces pratiques culturelles et sociales. En effet, les admirateurs se définissent par ce qu’ils font, et dévoilent ainsi des activités et des logiques qui leurs sont particulières.

Le premier élément d’influence notable que nous pouvons soulever, est que le programme, (et en l’occurrence la série qu’un fan admire), est prescripteur de nombreux goûts et de multiples habitudes que celui-ci va adopter dans son quotidien. L’exemple que nous avons soulevé pour en parler, est celui de la musique, qui, lorsque l’on est fan d’un programme en particulier, montre que la bande originale de celui-ci compose souvent son répertoire d’artistes préférés. La question a ensuite été de savoir si, lorsque nos goûts reflétaient ceux diffusés dans une série télévisée, étaient revendiqués comme tels, où si les fans s’en cachaient. Il est apparu, tant dans l’analyse des réponses données à l’enquête prodiguée sur les fans de Supernatural que dans les réflexions sur leurs pratiques, qu’internet apparaissait comme une sécurité, permettant de s’afficher et de revendiquer ses goûts au monde. Si dans la vie de tous les jours, on ne montre pas clairement que l’on est fan, on le proclame haut et fort, par écrans interposés. Le rôle de prescripteur influence les mode de vie des fans, parce qu’ils sont investis dans l’oeuvre, et qu’ils l’admire plus que les téléspectateurs traditionnels. Ainsi, la frontière entre le réel et la fiction devient plus mince, et leur capacité à décerner les pratiques qui proviennent de la série sont amoindries. L’enquête nous a en effet révéler que les fans accompagnaient leur visionnage de leur série de culte, de petits rituels.

Même s’il ne le cite pas, nombre d’entre eux correspondent à des pratiques que l’on retrouve dans la fiction. Mais c’est surtout en matière de goûts culturels que l’influence du programme apparaît comme la plus importante : les artistes préférés des enquêtés correspondent le plus souvent à des groupes phares que l’on entend dans plusieurs épisodes de la série. En ce qui concerne les films, on note que ce sont les genres « horreur » et « films fantastiques » qui remportent le plus grand nombre d’adepte. Or, il s’agit des deux genres que mêlent la série étudiée. L’influence se fait de façon consciente ou inconsciente par les fans, mais témoigne d’un grand pouvoir de la série, et de la culture de façon générale. Le fait d’être fan implique que l’on trouve des modèles dans l’oeuvre que l’on choisit d’apprécier davantage que les autres, et que son quotidien se retrouve truffé de références plus ou moins intentionnelles, liées à celle-ci.

Il nous a paru intéressant, pour étudier les publics de fans et l’influence que pouvait avoir une oeuvre sur leurs modes de vie, de nous pencher sur le genre des séries télévisées. Leur étude nous a confirmé qu’il s’agissait du format le plus propice à déclencher cet élan d’attachement caractéristique des fans. De par son style feuilletonnant, qui accroche les fans chaque semaine à un nouvel épisode et développe en eux l’envie de connaître la suite, mais aussi parce que les thèmes récurrents de série en série, sont proches du réel et permettent à chacun de s’identifier aux personnages ou à un élément de l’univers. Ainsi, lorsque l’on arrive à cerner le style musical ou vestimentaire d’une série, il est plus évident d’étudier les fans et de voir à quel point celui-ci déteint sur
leur vie.

Pour répondre à la problématique, il apparaît donc clairement que les séries télévisées, orchestrent, de façon plus ou moins forte, les modes de vie et les goûts des fans. Cela étant, si le fait d’être fan résulte d’un attachement personnel lié à l’histoire, à un vécu similaire auquel on s’attache et on s’identifie ou à des acteurs que l’on apprécie, il s’agit de voir que l’industrie culturelle a aussi son rôle à jouer dans le processus d’attachement qui créé ces admirateurs. En effet, lorsque l’on est fan, l’enquête et l’étude sociologique de ces publics nous ont montré que l’on souhaitait se rapprocher de la série au maximum, notamment en achetant des produits dérivés. On affiche ainsi sa condition de fan, et on se sent particulièrement proche du programme. Les industries comptent aujourd’hui énormément sur ce public minoritaire, qui, en devenant à la mode, s’est installé comme le garant de ce qui fonctionne ou pas. En effet, il n’est aujourd’hui plus rare de voir un panel de fans sélectionné pour voir en avant-première un film ou une série. Les fans sont des testeurs, et les industries télévisées ne les sous-estiment pas, puisque l’opinion des fans pour la suite de la série, telle qu’il la manifestent notamment sur les réseaux sociaux, est souvent prise en compte par les scénaristes. Notre mémoire de master 1 rendait compte de l’impact que les communautés de fans pouvaient avoir sur les institutions télévisées. Il s’agit ici de compléter cette conclusion en disant que les communautés fonctionnent et développent une image visible, parce qu’elles sont composées d’individus qui sont experts en la matière et qui ressentent le besoin de compléter le simple visionnage de la série, de multiples pratiques culturelles qui les lient au programme. Enfin, les industries culturelles, ce sont aussi celles qui connaissent les besoins et les envies des fans, et qui développent des produits de consommation pour ces derniers. Très rentables, les produits dérivés font aujourd’hui partie de ceux que l’on développent grandement lorsqu’il s’agit d’une série populaire. Parlons également des interfaces « similaires », qui permettent aux industries d’orienter une passion vers d’autres éléments culturels.

Enfin, nous l’avons vu, les fans s’illustrent par des pratiques culturelles et artistiques qu’ils ne maîtrisent pas à l’origine, mais qu’ils développent et finissent par partager sur la toile. Le fait d’être fan influence nos pratiques et développe des aptitudes que nous n’aurions, en temps normal, peut être jamais eu. Citons notamment toutes les pratiques liées aux « fanarts », qui correspondent aux créations artistiques comme les montages photos et vidéos, l’écriture de fanfictions ou la capacité à tenir un blog spécialisé sur la série. La condition de fan fait naître ou développe l’aspect artistique des fans, et s’insinue donc dans ses pratiques et dans ses modes de vie.

Les fans s’assument aujourd’hui plus facilement, non seulement parce qu’ils ont les moyens de communiquer avec leurs semblables par le biais de communautés virtuelles, mais aussi justement, parce qu’internet leur donne la possibilité de voir qu’il existent aux quatre coins du monde, des semblables qu’ils n’auraient jamais rencontré dans le monde « réel ». Conforté dans l’idée que les fans surfent aujourd’hui sur internet et sur la mode, les industries attisent cet attachement et l’utilise pour créer de nouvelles fictions où les fans (ou geeks) sont les héros. On leur rend ainsi hommage, et on s’assure par là même, un noyau fidèle de fans à l’image des personnages.

Ce mémoire prend le temps de définir les fans et leurs pratiques, mais alors que nous le terminons, nous nous interrogeons sur les suites que l’on pourrait lui donner. Si de multiples aspects pourraient être source d’études complètes, nous avons pensé qu’il serait intéressant d’ouvrir ce mémoire sur la question des fans/artistes, c’est à dire de tous ces fans dont l’une des pratiques liée au programme est celle qui consiste à créer autour de celui-ci. Il est intéressant de voir, que certaines oeuvres dérivées créées par les fans, sont aujourd’hui célèbres au sein du fandom, et suscite l’admiration et l’attachement des autres fans. Comment dès lors, passe-t-on de fan à source d’admiration pour ses semblables ?

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