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CHAPITRE VIII : LA THESE DU COMPLOT ISLAMIQUE (1995)

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INTRODUCTION

L’un des groupes les plus fréquemment mentionnés dans la presse est le front islamique du salut Algérien( Le FIS), auquel on prête des « réseaux » clandestins puissants. Les multiples articles de journaux, concernant les opérations de police menées contre les sympathisants présumés du FIS, s ur le territoire français, en novembre 1993 et août 1994, ont accrédité l ’idée que ce parti jouait un rôle majeur dans le terrorisme en France.
La presse donne une vision policière et vogue vers l ’idée d ’une machination et d’un complot monté à l’étranger ? Il ne nous vient pas ici le besoin de démanteler et comprendre les réseaux du FIS en France, mais de montrer au combien, la thèse du complot a été retenue par la presse. Et comment L’Humanité mais aussi La Croix ont pu examiné ce phénomène.

Nous verrons au combien l ’Islam de l ’année 1995 a marqué l ’actualité. Cependant, à défaut, d ’avoir une image « positive », c ’est une répétition morbide et obsessionnelle qui est offerte aux lecteurs.

Les images, dont on connaît l ’impact, réveillent de violents fantasmes. Ceci se vérifie lorsqu’on montre un Islam figé, une religion de fermeture, du « djihad », de la flagellation et du sang.

Les médias nourrissent ( sans les mettre en accusation) une peur dans l’inconscient collectif. La surmédiatisation et l ’image vé hiculées conduisent alors à jeter le soupçon sur la communauté musulmane de France.

La presse fait aussi état de la fragilité du christianisme, basé sur des hypothèses non fondées comme les questions relatives aux conversions, réveillant ainsi, de veilles peurs dont parle l’Apocalypse de Saint-Jean dans le camp des Saints, qui sera submergé par les hordes islamiques fanatiques. Nous assistons à une véritable altérité de L’Islam, car il se présente , on le présente comme une idéologie alternative, subversiv e par rapport à l’Occident.

La succession des différentes séquences historiques nous permettront de mettre en évidence l’extrême chevauchement des différents discours et, de façon générale, la complexité de l ’agencement du système discursif sur l’Islam .

Cette vision journalistique de l’Islam est tributaire de faits divers qui vont être mis en relation pour faire de faits localisés, une généralité.

I) L’ALARMISME DU DANGER OU LA CAMPAGNE TERRORISTE DE 1995.

A) LA CHRONOLOGIE DES FAITS

Entre mi-jui llet et mi-octobre, huit personnes avaient été tuées et cent quatre vingt huit blessées. Une série d’arrestations effectuées à Paris, à Lille, dans la banlieue lyonnaise mais aussi à Rome, Londres et Bruxelles, avait, semble t-il, permis d’éradiquer les réseaux mis sur pied en France. La campagne d ’attentats de l ’été 1995, avait été précédée, le 11 juillet, par l ’assassinat de l ’imam Abdelbaki Sahraoui, réputé comme modéré, dans la mosquée de la rue Myrha ( 18ème arr .) Les actions au sein de la capitale vont ensuite s’enchaîner.

Le 25 juillet : une bouteille de gaz, dissimulée dans un bagage placé sous une banquette, explose dans la voiture 6 du RER B, alors que le train entre en gare de Saint-Michel. ( 5ème arr.) Huit personnes ont trouvé la mort et cent onze autres blessées. Les artificiers de la police déterminent rapidement la nature de l ’engin. Il s ’agit d ’une bombe artisanale enfermant une mitraille de clous et de boulons.

L’Humanité (71) en fait la Une le lendemain et y consacre trois pages. L’attentat sera relaté à chaque numéro et jusque 3 août. Le 17 août : une explosion a lieu cette fois non loin de la place de l’Etoile, avenue de Friedland ( 8 ème arr.) Dix-sept personnes sont blessées. Pour faire plus de dégâts, et produire un effet détonant, la bombe avait été placée dans une poubelle, non loin d ’un kiosque à journaux.

L’Humanité(72), en fait encore la Une et le quotidien va suivre l ’enquête des policiers jusqu’au 29 août . Nous rajouterons que le surlendemain, L’Humanité , émet déjà l ’hypothèse que cet attentat est lié aux islamistes. Le quotidien ne parle plus d ’intégriste ou d ’islamiste mais sous-titre « La piste islamique » . Ce dérapage dans le vocabulaire revêt ici toute son importance , d ’autant plus que nous sommes au lendemain d’un épisode traumatisant.

Le 3 septembre : une charge explosive, dissimulée dans un autocuiseur sous un étal du marché du boulevard Richard-Lenoir (11ème arr.), fait quatre blessés légers. La nature du détonateur, qui a mal fonctionné, permet aux enquêteurs de recouper bon nombre d’informations techniques.

Le 4 septembre(73) : une bombe est découverte dans une Sanisette de la place Charles-Vallin ( 15 ème arr.). L ’engin était programmé pour exploser la veille, jour du marché Convention, l ’un des plus populaires de la capitale.

Le 6 octobre : une bombe reliée à une bouteille de gaz explose dans une poubelle à la sortie du métro La Maison-Blanche ( 13 ème arr.). Il y a treize blessés. Ce jour-là, ont lieu les obsèques de Khaled Kelkal. Considéré comme un membre important des réseaux islamistes opérant en France, il a été tué par les gendarmes une semaine plus tôt au lieu-dit » La Maison Blanche » à Vaugneray ( Rhône).

Le 17 octobre : une bouteille de gaz fait voler en éclats une voiture du RER C, non loin de la gare d ’Orsay (7 ème arr.). Vingt-neuf personnes sont blessées, dont cinq gravement.

Hormis ces actions dans la capitale, la campagne islamiste de 1995 avait également frappé en province : découverte, le 25 août, d ’un engin explosif défaillant sur la voie du T.G.V Lyon-Paris et explosion d ’une voiture piégée devant l ’école juive de Lyon, à Villeurbanne ( 14 blessés).
Ces événements ont fait l ’objet dans la presse française et particulièrement La Croix et L’Humanité d’un important traitement sur le sujet de l ’immigration et de l ’intégration mise en parallèle avec la soi-disant re-islamisation des banlieues.

B) LE DISCOURS SAVANT DE LA CROIX

Face à l ’attentat qui a eu lieu au mois de juillet, La Croix adopte tout comme L ’Humanité une attitude informative. Cependant, le quotidien catholique va plus loin et dépasse le simple discours médiatique et replonge (comme par le passé pour le traitement d’événements en rapport avec islam) dans un discours savant qui va se décomposer de deux manières.

La première cherchera à déstigmatiser les maghrébins et de démontrer que l ’islamisation des banlieues ne conduit pas au terrorisme et que cette même islamisation n’est pas une réalité absolue et universelle.

Le second, tient dans la volonté de spolier les peurs et les fantasmes. Cet effort se traduit par une démarche de compréhension de l ’autre et s’inscrit dans le discours chrétien.

Dans le premier cas , c ’est le fait de tirer des conclusions hâtives suites aux attentats et de faire de l’Islam politique, le premier soupçonné. C’est d’ailleurs ce que défend Joseph Maila (74) dans La Croix (75) : « Dans le premier cas, l ’Islam certes politique, est là qui pèse du poids du soupçon sur la violence urbaine meurtrière. Les pistes sur lesquelles travaillent les enquêteurs français pointent l ’origine islamiste de l’attentat. Certes, rien n ’est sûr et rien n ’est plus difficile, en l’occurrence, que d’établir la vérité ».

Driss El Yasami, ancien journaliste délégué général de l ’association Générique(76), lors de son interview par La Croix , réagit avec virulence contre la situation née des attentats : « Je la trouve alarmante parce que les résidents d’origine maghrébine souffrent et que les médias sont mis à
l’épreuve. Il ne faut pas se laisser abuser par les présentations consensuelles. Les contrôles d’identité sont le plus souvent discriminatoires et ressentis ainsi par ceux qui les subissent. De plus, comparés à d ’autres techniques policières, ils ne sont pas efficaces pour lutter contre les terroristes. Pourtant, depuis la fin juillet, un million de vérifications ont été effectuées principalement sur les maghrébins. Et avec la diffusion de portrait – robot, ces contrôles massifs stigmatisent cette population. »(77) .

Un des thèmes soulevé avec l ’affaire Kelkal est l ’islamisation des banlieues qui devient, dans la même mesure, le lieu de recrutement des terroristes.
Le Père Christian Delorme ne vient pas ici contredire cette hypothèse et admet que l ’embrigadement des banlieues est une réalité. Il en expose les raisons : « De toute façon, il semble que des jeunes comme lui, se sont laissés embarquer, par on ne sait encore quel groupe, dans des opérations terroristes . Cela ne m ’étonne pas : il y a de plus en plus de desperados dans cette jeunesse à la dérive des banlieues. Les derniers attentats constituent, à cet égard, une première alerte. Mais nous sommes quelques-uns à tirer régulièrement le signal d ’alarme, ces dernières années. »(78)

La position du Père Delorme, sur la violence dans les banlieues et l’approbation des thèses qui font du beur , un terroriste potentiellement recrutable par des groupuscules intégristes, est soutenue par Jean-Luc Macia, journaliste à La Croix . Il admet que les banlieues sont des milieux favorisant l ’émergence du gangstérisme et du terrorisme. Il reproche, de fait, aux sociologues et « décideurs », de ne pas avoir « déceler cette montée du prosélytisme islamiste ni ses conséquences terroristes »(79).

Cependant, d ’autres invités, tenus à venir s ’exprimer sur ce phénomène, ne partagent pas le même avis que les deux précédents. A cet égard, Olivier Roy chercheur au CNRS, estime que : « L’islamisation est très faible dans les banlieues. »(80), c ’est d ’ailleurs aussi le titre de l’article. On retrouve là d’une certaine façon, la volonté de dédramatiser. Il apporte également quelques éléments pour comprendre ce phénomène de translation qui se produit. Selon Olivier Roy : « Il y a là une ressemblance avec le mouvement des noirs américains . C’est une culture de jeunes, une sous-culture urbaine, qui emprunte à l ’Islam un code pour faire peur aux bourgeois. Aujourd ’hui, le bourgeois, c ’est le français de souche. Le code, ce sont des comportements vestimentaires, le voile des femmes, des slogans, une rhétorique. Les références sont souvent très frustes. Ces comportements sont rarement étayés par une pratique religieuse suivie ». Nous retrouvons là une démonstration marxiste du phénomène, nous ne sommes plus dans la lutte des classes du début du siècle, mais dans celle du vingtième siècle, qui oppose le français moyen bourgeois de la ville à l ’immigré des banlieues sans emploi.

Le père C. Delorme fait une comparaison aussi avec la société américaine mais, selon lui, les raisons sont différentes : « Il date de la guerre du Golfe de 1991, qui a été l ’occasion d ’une rupture dans les consciences de plusieurs jeunes issus de l ’immigration . Ils se sont dit qu’on ne faisait pas grand cas d ’eux. Depuis le fossé s ’est accentué. Il est impossible que cette jeunesse, qui est dans sa grande majorité exclue du marché de l’emploi, ne secrète pas en son sein des révoltés , dont la haine est prêt à s’exprimer de la manière la plus folle »(81).

C) L’HUMANITE ADOPTE UNE ATTITUDE POLITIQUE

L’Humanité, au travers des témoignages de certains intellectuels, s’opposent au fait que l’on fasse de la banlieue, le terrain privilégié pour que prenne racine le terrorisme.

Adil Jazouli, sociologue, directeur de Banlieuescopies et militant communiste, s’exprime ainsi en faveur d ’une reconsidèration de ce qui a pu se dire sur la banlieue ces dernières semaines : « A mon sens , les jeunes qui pourraient être éventuellement impliqués dans des attentats sont une infine minorité. Dire donc que la banlieue serait un « sanctuaire » pour le terrorisme est une stupidité. Dans ces quartiers, nous avons une forte population jeune issue de l’immigration qui va au lycée, qui va au travail, qui vit aussi le chômage, parfois l ’exclusion … Nous n ’avons pas l’impression que soient à l’oeuvre des logiques terroristes »(82).

Syndicats et communistes se sont entendus aussi pour condamner le terrorisme et l’intégrisme, mais que les mesures de vigilance ne doivent pas conduire à faire l ’amalgame entre le terrorisme et l ’immigration. L’Humanité nous rappelle à cet effet, les propos de l ’élu communiste, Giséle Moreau : « La gravité de la situation place chacun devant ses responsabilités. Tout amalgame entre intégrisme et communauté musulmane serait injuste et dangereux. Toute exploitation à des fins intérieures ne saurait être admise »(83).

D) L ’AFFAIRE KELKAL : UN EMBLEME DU PROBLEME DE L’INTEGRATION EN FRANCE ?

La diffusion, après l ’attentat du RER Saint-Michel, des trois portraits robots au phénotype arabe avait créé un malaise diffus dans ce que Azouz Begag (84) chercheur au C.R.N.S et écrivain, a appelé « la communauté des gueules arabes (…), puisque chacun ( de nous) pouvait y reconnaître ses traits. ».
Mais plus grave encore ? aura été la fusillade diffusée en direct à la télévision au cours de laquelle Khaled Kelkal, considéré comme le principal suspect dans l ’attentat manqué, le 26 août, s ur la ligne T.G.V Paris-Lyon, trouva la mort et la polémique qui a suivi, à propos d ’une phrase entendue en direct : « Finis-le ! ».

Le soupçon de la connivence avec le terrorisme islamiste qui a pes é sur les jeunes des cités a renforcé le profond malais e identitaire et social dont souffre la jeunesse issue de l ’immigration. La communauté algérienne de France a craint une nouvelle fois d ’être désignée comme le bouc émissaire. La vague d ’attentats est venue fragiliser un peu plus une population déchirée par les échos de la guerre civile en Algérie, en accentuant son désarroi. Les attentats terroristes de ces deux derniers mois ont été au centre des commentaires du binôme islamisme / terrorisme.

Ils ont aussi mis en lumière le double ressentiment qui s ’est développé d’une part, chez de nombreux jeunes issus de l ’immigration, à cause du pouvoir algérien, jugé responsable de l ’effondrement du rêve algérien de leurs parents et d ’autre part, à cause de la société française, incapable de les considérer comme citoyens à part entière.

En commentant l’affaire Kelkal, A. Begag fait allusion au lien entre cette affaire et l ’esprit simpsonien ( le procès de l ’acquittement de O.J Simpson, accusé de double meurtre aux Etats-Unis.) Depuis quelques jours, écrit A. Begag, les noms de K. Kelkal et de O.J Simpson excitent encore plus les confrontations analogiques entre la situation des populations d ’origine maghrébine et française et celles des noirs américains… L ’incroyable médiatisation qui a accompagné la traque de Simpson et celle de Kelkal ainsi que l ’épilogue, aurait donné une amplitude maximale aux malaises dont elle est le reflet. En France, elle aura contribué à discréditer un peu plus la validité du modèle d’intégration républicain et à orienter le déba t politique autour d ’une notion redoutée : la minorité ethnique. » .

II) DE LA MISE EN GARDE CONTRE LES RETOUR DES FANTASMES AU NOUVEAU REGARD PORTE SUR L’ISLAM

A) LA MISE EN GARDE CONTRE LES FANTASMES

Ce qui va être vivement critiqué, suite à la vague d ‘attentat qui a secoué la France durant l ’été 1995, sont les fantasmes que certains journaux vont véhiculer. La Croix dénonça à plusieurs reprises le pervers amalgame Terrorisme=islam=immigration=banlieue.

Michel Wieviorka, sociologue et auteur de « Sociétés et terrorisme »(Fayrd), décrit la psychose de ces événement. Le terrorisme aurait des effets de panique et de peur, il frappe l ’imagination, ce qui implique que l’opinion publique cherche des suspects.

Les gens alors fragilisés dans leur vie quotidienne et deviennent plus perméable à un amalgame même illogique. De plus, elle condamne ce syllogisme : « Aujourd’hui, le péril paraît installé de manière durable à l ’intérieur des frontières : la hantise de l’islam , de l ’immigration et de la situation de s banlieues habite désormais les esprits. Le phénomène était peu observable au milieu des années 1980. Cette crainte d ’un terrorisme islamique de France n’est pas jusqu’à présent fondée. Le grand danger est qu ’elle se transforme en ce que les sociologues appellent une prophétie autocréatrice, par laquelle on finit par susciter ce que l ’on dénonçait à tort au départ. Ajoutons que, dans une société, la peur se propage d’autant plus qu’il y a une crise économique et sociale »(85).

Nous avons vu plus haut que nos quotidiens se sont soulevés contre la stigmatisation des maghrébins . Si nous suivons la logique de Michel Wieviorka, les dérapages médiatiques ainsi qu’une politique policière de contrôle systématique d ’une seule communauté, conduiront obligatoirement à une orientation de ses peurs sur cette communauté. Et de la même manière, cette communauté se sentant montrée du doigt, se cloitera et vivra en communauté pour se protéger. Voilà, le danger.

Conscient de ces conséquences éventuelles, nos deux quotidiens chercheront à dénoncer cet amalgame mais est-ce suffisant ?

C’est pourquoi les chrétiens accroient leur vigilance à l ’égard de ce climat qui résulte des attentats et appellent à lutter contre l ’amalgame. Antoine Fouchet, journaliste à La Croix, faisait no ter l’engagement des groupes et organisations en faveur des étrangers. Il insiste aussi sur leur inquiétude : « L’urgence est aujourd’hui plus grande que jamais de lutter contre les amalgames qui visent les étrangers, notent le Père Jean – François Berjonneau, secrétaire du Comité épiscopal des migrations, et Geneviéve Jacques, secrétaire général de la CIMADE, qui font tous deux partie de la coordination d ’ »accueillir l’étranger ». De nouvelles initiatives sont ainsi au programme, notamment le développement de « groupes locaux de vigilance »(86).

B) L’AUTRE REGARD SUR L’ISLAM

Dans sa démarche phénoménologique, La Croix invita l ’écrivain Juan Goytisolo. Il avait dénoncer les clichés sur l ’Islam dans son pays et rappele pour La Croix que : « Nous sommes soumis à un prodigieux lavage de cerveau face aux arabes »(87). Cet autre regard posé sur l’Islam , est le témoignage d’un intérêt profond de comprendre ce qui est en train de se produire en France.

La Croix veut signaler par là, qu ’il faut être capable de prendre du recul par rapport aux événements et ne pas tirer de conclusions alarmantes.
La première démarche pour échapper aux fantasmes selon La Croix , c’est d’apprendre à connaître l’autre.

Gilles Couvreur, Responsable du Secrétariat national pour les relations avec l’Islam, appelle à une meilleure connaissance de l’Islam pour éviter les préjugés : « Lorsqu’on rencontre un homme, une femme, on apprend à se connaître. Les préjugés tombent. Les deux mots mêlés, Islam et islamisme, sont deux réalités très différentes. L’Islam est une religion qui tourne l ’homme vers Dieu et vers son message. L’islamisme, c ’est une idéologie d ’hommes qui veulent conquérir le pouvoir politique en se servant du prétexte de la religion. »(88).

Cette approche de l ’autre et cette volonté d e mieux connaître l ’Islam, amène La Croix à choisir des invités de choix pour comprendre l ’Islam. Ainsi, le philosophe,Tariq Ramadan fut l ’invité de notre quotidien et à la question de Berbard Gorce : « L’Islam peut-il accepter le cadre d’une société laïque et moderne ? » ; Tariq Ramadan répond: « Oui, on peut vivre ici en accord avec Dieu. Mais le véritable enjeu est de développer les lieux de dialogue pour sortir des crispations. La population française doit comprendre la demande de mosquée comme un élément d’intégration. Les musulmans doivent comprendre que la mosquée n’est pas un lieu d’isolement mais de rayonnement »(89).

III) LES CONSEQUENCES LIEES A UN DEBAT MEDIATIQUE SUR L ’ISLAMISME RADICAL SUITE AUX ATTENTATS .

La Croix , tout comme L’Humanité s’ont engagés dans la lutte contre le racisme. La surmédiatisation des événements de l ’été ont conduit nos deux quotidiens à prendre conscience qu ’une autre forme de racisme était en train de germer, c ’est celui de la psychose à l ’encontre de l’immigro-musulman.(90)

La présence des communautés de culture musulmane, longtemps méconnue, est désormais posée avec une dramatisation comme un problème de société, une question sur l ’identité future du pays puis comme un danger pour la République et enfin comme un danger pour l’Etat.

La création de l ’immigro-musulman, comme enjeu d ’une difficulté à surmonter pour l ’Etat, conduit à cumuler les questions liées à l’immigration et à la visibilité de l’Islam.

J-J. Frémeaux, dans son ouvrage, « La France et l’islam depuis 1789 » aux Editions P.U.F , 1991, nous rappelle les questions soulevées :

– La question sociale : le développement de quartier s paraissent échapper à la norme commune o ù il existe des difficultés de
– La question démographique avec le sentiment d ’une croissance non maîtrisée
– La question scolaire avec l ’augmentation du nombre d ’enfants dans le primaire et le secondaire. A cela, il faut y ajouter la revendication du port du voile à l’école.
– La question religieuse, qui passe par la revendication de lieux de cultes, de régimes alimentaires. L ’apparence d ’une communauté sans coordination, ni charte.
– La question de sécurité, avec les préjugés d ’une délinquance en apparence plus forte et la création avec les attentats perpétrés à Marrakech en 1994, d’une liaison entre les délinquants des banlieues et les mouvements islamistes.

On attribue aussi aux islamistes le fait de vouloir endoctriner cette jeune population d ’origine maghrébine et d ’en faire des terroristes. Or, il ne faut pas confondre, un retour identitaire et une vague de re-islamisation comme une menace. Il ne faut pas attribuer non plus aux islamistes un pouvoir trop excessif car la majorité des musulmans de France ont une pratique religieuse plutôt proche de la piété épisodique des français et loin de l’activisme des militants islamistes.

Nous sommes loin du danger énoncé par Gilles Kepel ou alors de Pierre Mauroy qui insinua que les islamistes poursuivaient une stratégie subversive, lors des grèves de Renault en janvier 1983, car les syndicats eux-mêmes ont fait place aux revendications émanant d’ouvriers musulmans en matière de nourriture, de salles de prières.

Le fa it terroriste, tout comme le fait subversif n ’est que le fait de quelques individus violents et isolés. La création du dangereux immigro-terroriste islamiste est le fruit des fantasme de certains médias . Ce n ’est que qu’une machination qui est née d’un discours scientifico-médiatique.

71 L’Humanité du 26.07.95 ; « L’attentat du Métro Saint-Michel »
L’Humanité du 27.07.95 ; « Face à la barbarie, la dignité »
L’Humanité du 28.07.95 ; « 48h après l’attentat »
L’Humanité du 29.07.95 ; « Les enquêteurs privilégient désormais la piste du GIA »
L’Humanité du 31.07.95 ; « Les terroristes intégristes en ligne de mire »
L’humanité du 01.08.95 ; « Attentat RER »
L’Humanité du 03.08.95 ; « Polémique à propos de la diffusion de trois portraits robots »
72 L’Humanité du 18.08.95 ; « Nouvel attentat au coeur de Paris »
L’humanité du 19.08.95 ; « L’enquête difficile »
« La piste islamique »
L’humanité du 21.08.95 ; « La piste des islamistes prise au sérieux »
L’Humanité du 22.08.95 ; « L’enquête sur les attentats parisiens »
L’humanité du 23.08.95 ; « la piste suédoise »
L’Humanité du 24.05.95 ; « Le suspect numéro 1 , n’est plus suspecté de meurtre »
L’Humanité du 25.08.95 ; « L’enquête suspendue à Stockholm »
L’Humanité du 29.08.95 ; « L’enquête des attentats de Paris »
73 L’Humanité du 04.08.95 ; « Nouvel Attentat au Marché Richard Lenoir de Paris »
L’Humanité continue ses investigations policières et sui l’enquête policière de prés. C’est pourquoi, il fait état aussi d’un autre attentat avorté le 6 Septembre 1995 : « Les quatre personnes interpellées prés de Lyon préparaient un attentat »
74 Professeur à l’institut d’études économiques et sociales. Institut catholique de Paris
75 La Croix du 12.08.95 ; « Difficile Islam »
76 Association spécialisée dans l’étude de l’histoire des étrangers.
77 La Croix du 15.09.95 ; « Les contrôles massifs stigmatisent les Maghrébins »
78 La Croix du 13.09.95 ; « Les beurs face à la violence »
79 La Croix du 21.09.95 ; « Banlieues, cinéma et terrorisme »
80 La Croix du 30.11.95 ; « L’islamisation des banlieues est très faible »
81 La Croix du 13.09.95 ; « Les beurs face à la violence »
82 L’Humanité du 13.09.95 ; « Adil Jazouli : la banlieue n’est pas un sanctuaire du terrorisme »
83 L’Humanité du 24.10.95 ; « Riposte au terrorisme à midi à l’appel des syndicats »
84 La Croix du 14.10.95 ; « L’affaire Kelkal ou l’esprit simpsonien »
85 La croix du 25.08.95 ; « La panique et les fantasmes sont de retour »
86 La Croix du 22.10.95 ; « La vigilance des chrétiens »
87 La Croix du 8 et 9.10.95 ; « Un autre regard sur le monde musulman »
88 La Croix du 24.10.95 ; « La connaissance contre la peur »
89 La Croix du 18.11.95 ; « On peut vivre ici en accord avec Dieu »
90 M.Wiervorka, dans son ouvrage ; La France raciste, Ed . Seuil , 1992, annonçait les prémices de ce racisme latent et expliquait que la question des étrangers tend à remplacer comme problèmes majeur de la société, la question posée il y a un siècle par les masses ouvrières.

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