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CHAPITRE V : LA CROIX ET LE VOILE

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INTRODUCTION

La Croix fut le quotidien français le plus riche en commentaires et en opinion sur le thème de la la ïcité. Cette implication intense et passionnée répond à l ’historique même du journal. Le voile va réveiller les vieux souvenirs de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Au travers de cette affaire , c ’est aussi l ’attitude de l ’église à l ’égard de l’Islam que transmettra notre quotidien. La Croix pose la question du contenu de la laïcité et dont une reconsidèration du cadre institutionnel.

I) LA CROIX DANS L AFFAIRE ?

A) Les raisons historiques

1- La loi de séparation de l’ Eglise et de l’Etat

La position du journal, pendant les affaires du foulard, n ’est pas totalement identique de celle adoptée durant la querelle des laïcités au début du siècle. En effet, l ’éditorial du 14 novembre 1890 marque l’acceptation du régime républicain, à la suite du fameux « toast d’Alger », prononcé par le cardinal Lavigerie le 12 novembre 1890. Ce qui est reproché et critiqué par La Croix , ce n ’est pas le vote de la loi sur la séparation des Eglises et de l ’Etat mais l ’appel des troupes par les agents du fisc pour procéder à l’inventaire du mobilier des églises.

C’est cet héritage historique de notre quotidien qui va nous donner son point de vue. C’est avec ce journal qui a fait profession de laïcité en même temps que les catholiques, que nous constatons une nouvelle fois un débat fondamental se soulever. Débat auquel La
Croix avait participé , il y a un siècle.

La Croix, très tôt, fait une comparaison entre la saisie du Conseil d’Etat au début du siècle et celle pendant l ’affaire du fou lard. La journaliste Sophie Landrin (1) y apporte cependant des limites : « A partir de 1905, la nature des affaires soumises au conseil d ’état change. La séparation de l ’Eglise et de l ’Etat étant prononcée, la question religieuse devient une pure question de liberté de conscience et de culte. Le problème du culte se pose désormais en terme de droit commun…….Le Conseil d’Etat devra sur la question du voile, adapter sa jurisprudence et définir les règles juridiques de ce conflit social et politique. En se prononçant sur la compatibilité du port du voile avec le principe constitutionnel de laïcité…. ».

Le journal La Croix va aborder l ’affrontement qui se dessine entre Islam et l’école, avec un tout autre regard que celui de ses collègues. L’idée directrice qui va se dégager de notre quotidien est que la confrontation qui se joue en ce moment ne lui est pas étrangère, et a duré pendant deux siècles en France. Donc il est logique que l ’Islam se voit aujourd’hui confronter à la laïcité.

Cependant la question que se pose le journal est comment négocier cette confrontation. De quelles laïcités parle t-on ? Faut-il redéfinir ou réformer la laïcité ?

Pour répondre à ces questions, La Croix se munira de son champ ecclésial mais aussi de son historicité comme nous venons de le constater.

2- La position de l’église catholique à la présence des musulmans

Il est indispensable de rappeler que l ’église catholique en France fut parmi les premières institutions à prendre acte de la présence des musulmans sur la métropole.

L’église dispose de ressources humaines importantes pour tisser des liens étroits avec les musulmans.

Ceux sont les Pères blancs qui, par leur travail missionnaire au Maghreb ou en Afrique noire allièrent à leur compétence en islamologie , une connaissance empirique de l’Islam.

Le Secrétariat Français pour les Relations avec l ’Islam, créé en 1973 fut présidé à ses débuts par un Père blanc.

Ainsi, ce vaste réseau dont dispose l ’église catholique en terre islamique se révélera d ’une grande importance pour permettre aux lecteurs de La Croix de mieux suivre l ’affaire des foulards. Le père Serge De Beaurecueil 1 et Mgr Teissier, Archevêque d ’Alger(2) se verront interviewés. La Croix offre à son lectorat des opinions diverses, notamment celles d ’ecclésiales vivant en terre d ’Islam, peut-être plus à même de comprendre le voile ?

La précocité et l ’intensité avec lesquelles s ’impliqua le journal La Croix peut s ’expliquer par une forte présence de l ’église en milieu immigré. L’église catholique a considéré en effet qu ’une tâche leur incombait suite à l’affluence des croyants musulmans dans les années 70 . Elle invite à un esprit d ’ouverture, à une sensibilité particulière envers les musulmans .

A l ’époque, en France, Mgr Huygues, charg é du « Comité Maghre b », regroupant un certain nombre de prêtres , de religieuses et de catholiques, sollicite la création d ’un secrétariat pour favoriser les relations avec les musulmans.

C’est à cette même époque que notre quotidien déploie un effort et s’engage dans la protection des populations immigrées d ’origine maghrébine.
Ces actions sont reprises et nous sont commentées dans la thèse de Mustapha El Ghazi : « Islam et immigration dans la presse française de 1973 à 1983. » El Ghazi montre l ’action de la presse catholique à cette époque et à l ’égard de cette communauté. Une action qui est d’ailleurs comparée à une véritable croisade afin d ’améliorer l’image et la condition de l’immigré maghrébin.

Gilles Kepel (3) , remarquera aussi que l ’église fut à l ’époque « l’interlocuteur par excellence des musulmans qui chercheraient des locaux où célébrer leur culte ».

Un tel concours apporté aux musulmans peut sembler paradoxal avec la prétention des églises à détenir et à transmettre la vérité religieuse. Cette bienveillance est d’autant plus surprenante que Mahomet apparut pendant longtemps comme l’Antéchrist. Mais l’évolution doctrinale dans les années 1950, entérinée officiellement par l ’église catholique lors du concile de Vatican II(1962-1965), s’insère dans une stratégie de présence au monde.

C’est aussi une autre idée de la mission qui naît, celle de venir en aide à l ’exclu, à l’étranger, à l ’immigré auquel hospitalité et charités sont dues. Missions de charité qu’El Ghazi n’oublie pas de souligner pour justifier l ’engagement de La Croix à l’égard des immigrés maghrébins.

Pour résumer, nous dirons que La Croix s ’est investie énormément dans l’affaire du foulard pour les raisons historiques suivantes :

– La loi de séparation de l ’Eglise et de l ’Etat, qui avait conduit le journal au début du siècle, à prendre position pour l’église.
– La direction suivie par le journal depuis les années 1950, de lutte contre la xénophobie, l ’exclusion et l ’esprit d ’ouverture animé par Vatican II.
– Le courant social qui caractérise ce journal et qui lui donne cette couleur d ’aide aux personnes en difficulté, aux ouvriers et aux démunis.

B) La Croix veut repenser la laïcité ?

Très tôt , La Croix développera la thèse selon laquelle ce n’est plus au religieux de s’adapter aux principes de laïcité mais à la laïcité de faire preuve de plus d’élasticité . Le 24 Octobre 1989 (4) , l’éditorialiste Bruno Chenu invite déjà ses lecteurs à se pencher sur une laïcité adaptée aux problèmes de son temps : « Nous connaissons la laïcité modèle 1905 , cette laicité-neutralité que certains considèrent comme la réponse définitive à toute nouvelle question . Mais les défis de 1989 invitent à aller au-delà et à donner un contenu objectif à une laïcité ouverte …..Façonnée par son histoire, la laïcité à la française fait la part belle à la tradition chrétienne. Et elle n’a pas toujours conscience de tout ce qu ’elle impose aux croyants d ’autres religions. Aujourd ’hui, l’Islam refuse la clandestinit é des arrière-boutiques : il cherche une reconnaissance officielle et un espace public …. ».

Le 3 novembre , notre éditorialiste ira encore plus loin et accusera le « radicalisme laïque » du radicalisme religieux. Cette hypothèse émise par le journal vient ici argumenter l ’idée qu’une définition plus équitable de la laïcité s ’impose : « Dans Le Nouvel Observateur de cette semaine (2-8 novembre), cinq intellectuels ont tranché et taxent de capitulation l ’attitude conciliante du ministre de l ’Education Nationale. A leurs yeux, la laïcité est un combat pur et dur , et ils n’ont que sarcasmes pour les partisans de la « nouvelle laïcité ».

Devant cette dramatisation du débat , on s ’étonne que la raison, invoquée comme fondement de la laïcité, ne soit pas mieux gardée. Le radicalisme laïque n ’entretient-il pas le radicalisme religieux ?

N’est-ce pas l ’insuffisance de la morale laïque qui encourage les affirmations religieuses ?Ne faut-il pas chercher et négocier un nouveau rapport aux religions dans l ’espace public français ? Une laïcité de dialogue n ’est-elle pas préférable à une laïcité d’amputation ? Nous ne sommes pas loin de penser qu ’un intégrisme(religieux) peut en cacher un autre(laïque) ».

L’Islam va alors se constituer en allié potentiel pour renégocier le dispositif laïque. Cela apparaît de manière claire au moment de la radicalisation de l’affaire provoquée par la circulaire Bayrou. Bien que n’étant jamais entré en confrontation directe avec le ministère de l’Education Nationale, Pierre Daniel, le secrétaire général de l’Enseignement Catholique, n’en émet pas moins des réserves quant à l’interprétation à donner au port du foulard. Le seul fait de tolérer au sein des écoles catholiques des jeunes filles voilées, au point d’accueillir parfois celles qui ont été exclues de l ’enseignement public, traduit bien cette divergence.

La ligne de cette interprétation est d ’autant plus significative qu ’elle rejoint les prises de positions publiques du cardinal Lustiger et du cardinal Decourtray sur l ’affaire du foulard en 1989. Le premier condamnant une laïcité qu ’il jugeait « trop sectaire », le second déclarant préférer les foulards aux minijupes.

Cette recherche de l ’allié potentiel pour redéfinir le cadre institutionnel de la laïcité , se retrouve même dans les propos de Roger Michel (5) , membre du SRI à Marseille : « (…)Il est aussi nécessaire que les musulmans fassent l ’apprentissage d ’une distinction réelle entre Etat et religion. Par ailleurs , le phénomène de la sécularisation frappe de plein fouet aussi bien l ’islam transplanté que le christianisme enraciné dans notre sol. Chrétiens et musulmans peuvent relever ensemble ce défi sans pour autant faire un front commun contre qui que ce soit.. ».

Nous constaterons dans l ’ensemble que dans un premier temps l’église catholique reconnaît la nouvelle donne religieuse mais plaide aussi en faveur de l’intégration de l’islam en France. Cette intégration doit passer par une acceptation de certains contenus de la laïcité mais aussi réaliste qu’il soit.
Roger Michel cite Mgr Vilnet devant l ’assemblée pleinière des évêques de Fran ce à Lourdes en 1987, déclarant : « L’heure semblera venue de travailler avec d ’autres à redéfinir le cadre institutionnel de la laïcité…. On connaît aujourd’hui que les Eglises et les religions en général peuvent concourir à la formation de l ’esprit public…Dans une absolue loyauté par rapport à nos convictions chrétiennes fondamentales, nous pouvons nous tenir prêts à chercher quelles sont les valeurs communes susceptibles de fonder « le vivre ensemble »(Doc. Cath. du 6 décembre 1987) ».

L’islam , mais surtout l ’affaire du voile et ce qu ’elle révèle , peut constituer un atout pour l’institution catholique et notre journal La Croix qui préconisent une reconsidèration du cadre institutionnel de la laïcité.

C) LE COMBAT CONTRE L’INTOLERANCE , LE RACISME ET L’EXCLUSION

L ’affaire du foulard, comme nous avons pu le signaler dans le chapitre précèdent, n ’est pas qu ’un débat sur la laïcité . L’affaire du voile c ’est aussi la question de l ’immigration , de l’intégration , de l’exclusion ….

La thèse de Mustapha El Ghazi (6) , nous apprend aussi que La Croix s’inscrit dans une optique de défense de l ’exclu mais aussi de l’immigré.

Le rapprochement est effectué entre l ’affaire du foulard et l’immigration. D ’ailleurs, La Croi x produit quatre dossiers spéciaux sur « Islam et Immigration ».

Le premier dossier (7) part d’une enquête du journaliste Pierre-Yves LE PRIOL, dans le quartier nord de Marseille, y décrivant une population d’origine maghrébine intégrée, laïque et qui réussit. Dans le second dossier (8) , notre journaliste, toujours dans le même quartier, aborde « l’entrisme des beurettes », présentant des jeunes filles d ’origine maghrébine qui défient l ’autorité paternelle, qui font des études universitaires , qui se marie nt avec des français et qui ne portent pas forcément le voile. L’auteur cherche ici à retranscrire une certaine réalité, non celle transmise par certains médias et partis politiques . Rappelant que le retour à la pratique religieuse n ’est que majoritairement le fait d’hommes de plus de 45 ans, tout en citant Jocelyne Césari, politologue et sociologue à l ’institut de Recherche et d ’Etudes sur le monde arabe et musulman à Aix-en-Provence.

Le troisième dossier (9) , qui fait quatre pages, fait état d ’un débat organisé par « La Croix /L’événement » réunissant de hautes personnalités qui ont pu être confrontées à des problèmes d’intégration. Le journal veut nous rapprocher d’une réalité de terrain. L’objectif de ce débat va au delà de l ’affaire du foulard et d’ailleurs le titre du dossier « Au delà du voile », intégré dans la rubrique immigration et intégration , vient ici complaire l ’idée que ce n ’est pas uniquement à l’école que se joue l’intégration des immigrés, mais aussi dans l ’entreprise, la ville, l ’hôpital, l ’armée….Les différents journalistes reprennent un par un ces différents lieux d’intégrations ou intégrateurs tout en montrant les efforts effectués par les uns et les autres.
Enfin le quatrième dossier (10) , toujours dans la rubrique immigration et non p as religion intervient juste après l ’avis rendu par le Conseil d’Etat jugé « réconfortante » par le journaliste Bertrand Révillon, chargé de commenter la consultation. Ce qui est intéressant dans l’analyse de ces différents dossiers est la classification d e l ’affaire. Nous ne retrouvons pas le voile dans la rubrique religion comme nous aurions bien pu le penser, mais dans la rubrique immigration ,

intégration, société , … même si le voile reste un phénomène religieux . Nous pourrions y voir la manifestatio n d ’une volonté délibérée de la part de La Croix pour ne pas faire l ’amalgame entre religion et prosélytisme.

Le journal chrétien entre aussi en croisade contre le racisme . Il le dénonce et condamne toute idéologie qui récupérerait le catholicisme pour alimenter une propagande anti-raciale. Elle conteste en cela les thèses du F.N et s ’oppose aux courants d ’opinions qui cherchent à légitimer l ’exclusion par l ’invocation des valeurs chrétiennes. C ’est avec cette sensibilité que La Croix entrera dans l ’affaire du foulard . Le schéma qui préfigure selon nous, est le suivant :

Lutte contre l'exclusion et la xénophobie

LUTTE C

Contrairement à un autre schéma qui préfigurera dans notre troisième partie :

Psychose anti-maghrebine

Le racisme est ressenti par les chrétiens comme un défi à leur foi.

Notons à ce sujet que, depuis une vingtaine d ’années, le journal catholique multiplia les déclarations et les initiatives en faveur des étrangers.
Les évêques ont placé le débat au niveau théologique pour montrer, comme déclara Mgr Dalloz, Archevêque de Besançon, le 17 mars 1985, « que le racisme est incompatible avec l’église ».

Le Cardinal lustiger, le 16 Novembre 1984, se prononce en ces termes : « Toute atteinte portée par le racisme(…..) est une blessure à l ’image du créateur ». Il ajoutera le 9 octobre 1994 : « Il n’y a pas d’étrangers dans l’église ».

Le 11 novembre 1990, les responsables catholiques réunis à Lourdes, ont appelé à une logique de compréhension avec les musulmans.
Mgr Herbulot, évêque D’Evry, déclare dans La Croix du 16 avril 1991 que : « Nier les droits des étrangers représentait une atteinte mortelle à notre démocratie ».

Cet engagement contre le racisme ne se manifeste pas que dans les interviews et points de vues des hommes d’Eglise .

La Croix prend en compte aussi les opinions des laïcs. Jean-Marie Domenach nous rappelle à ce titre ce qu’est le racisme : « Etre antiraciste signifie être contre le racisme. Mais qu ’est-ce que le racisme ? Une doctrine qui affirme la primauté d ’une race supérieur sur les des races inférieures, et spécialement de la race aryenne sur les races juive et nègre . Ce délire à prétention scientifique a fini dans le crime et la honte. Il est admis aujourd ’hui qu’il n’y a pas de race juive, ni de race nègre, ni de race française(….)Le sentiment d’exclusion n ’existe pas d ’un seul coté . Si nos idéologues et nos politiciens avaient vécu , ou du moins analysé, une telle situation, ils ne se seraient pas lancés dans ces proclamations et dénonciations tonitruantes, qui renforcent ce qu’elles disent combattre, et M. Le Pen n’aurait pas gagné autant d ’électeurs. Il aurait fait reculer le racisme en évitant la ségrégation . La réalité est que grandit une xénophobie populaire, qui pourrait se cristalliser autour d ’un nationalisme réveillé par l’inquiétude de l’entrée en Europe ».

Pendant l ’affaire du foulard, La Croix va prendre conscience ou émettra l ’hypothèse, que le F.N utilise l ’affaire du foulard pour dénoncer une politique d ’intégration défaillante, des mesures concernant l ’immigration, néfaste pour le peuple … Pour ce parti , l’affaire du foulard est une preuve que l ’étranger occasionne plus de problèmes qu’il n’offre des solutions. Il se saisira de l ’affaire pour s ’élever contre le dossier épineux de l’immigration.
La Croix s’en aperçoit , en témoigne l ’article de Michèle Feltin du 31 octobre 1989 : « Immigration : le F.N part en campagne . » Le journaliste affirme que le succès relatif et supposé du F.N à Marseille et à Dreux, pourrait être le fruit recueilli de la polémique autour du voile. L ’article agit comme une mise en garde, rappelant que J.M Lepen saisi l ’occasion pour annoncer et lancer une « grande campagne d’information sur l’immigration ».

Les 1et 2 novembre 1989, La Croix rappelle que J.M Le Pen tient un discours démagogique : « La religion islamique n ’a jamais réussi à s’établir de façon pacifique dans un pays chrétien. C ’est une force étrangère qui est armée d’une volonté de conquête ».

Mais d ’autres journaux chrétiens s ’alarmèrent également. Jean-Claude Petit, dans l ’éditorial de La Vie du 30 novembre 1989, émet l’hypothèse que l ’affaire du foulard fa it le bonheur du F.N. Nous citons ainsi notre journaliste : « En témoigne également l ’inquiétante poussée du Front-National aux élections partielles de Dreux et de Marseille. Voici donc le gâchis auquel aboutit ce qui aurait pu être une saine réflexion sur les signes d ’appartenance religieuse dans une société la ïque et qui s ’est transformée en une véritable chasse au foulard. ».

Mgr Delaporte , dans Le Pèlerin magazine du 15 décembre 1989, alors interrogé par Benoit Fidelin sur l ’élection législative partielle de Dreux , déclare : « Cette affaire, bien modeste relayée par les médias de façon spectaculaire, a offert au F.N une occasion rêvée pour faire de l ’immigré un véritable éventail. Peur et ressentiment : le tandem infernal a encore fonctionné….A eux (les chrétiens) , je voudrais dire qu’il ne faut pas se laisser séduire par les discours faciles et démagogiques. Plus que les autres, les chrétiens ont le devoir d’analyser , au sein de leur communauté , les situations les plus tendues, d ’en discerner les enjeux humains et d ’échapper ainsi à l’irrationnel. Vivre sa foi oblige à reconnaître que des attitudes racistes sont incompatibles avec le message de l’évangile ».

Pendant l’affaire du voile, un des mots clés qui déterminent la couleur de notre journal chrétien, vient ici prendre son sens : « tolérance ».
Cela signifie aussi la lutte contre la xénophobie, les articles de presses nombreux sur la condition des maghrébins, sur celle de la femme et des musulmans témoignent dans un premier temps de la reconnaissance de l’autre, mais aussi de l’esprit chrétien charitable.

D’ailleurs, cet esprit d ’ouverture et de tolérance catholique est véhiculé durant l ’affaire par La Croix , cela au travers d ’articles montrant la présence et l ’inscription de jeunes filles voilées dans des établissements d’enseignement catholique. Pour cela, il suffit de s ’en référer aux articles datant du :

– 28 octobre 1989 : « L’Islam en classe : l’école catholique aussi ». L’article est signé Bertrand Révillon. Le Père Cloupet, secrétaire général de l ’enseignement catholique répond aux propos tenus par Lionel Jospin sur les écoles catholiques en rappelant que la loi Debré est tenue d ’accueillir tous les enfants « sans distinction d ’origines, d’opinions et de croyances ».
– 22 juin 1990 : « Des foulards islamiques dans une école catholique » , la journaliste Carmela Vicente relate la polémique soulevé à la suite de l ’inscription de quatre adolescentes voilées au collège Sainte-Jeanne-d ’Arc à Reims . La majorité des parents concluent que : « Quand on est chrétien , on n’est pas raciste » .
– 19 mars 1994 : « Foulard islamique chez les soeurs », de Carmela Vicente et « La discrète présence des élèves musulmans »
, de Bernard Gorce. Ces deux articles mettent en lumière la tolérance et le respect des convictions religieuses qui animent l’enseignement catholique, mais ils montrent aussi que le pourcentage des musulmans inscrits est très important non pas pour les raisons liées à l ’affaire du foulard mais à la qualité de l’enseignement et du suivi des élèves .
– 18 octobre 1994 : « Une musulmane dans un collège catholique », cet article témoigne de l ’intégration parfaite d’une jeune fille voilée au collège catholique Saint-Benoit de Moulins dans l’Allier.

Ces articles viennent ici corroborer le fait que La Croix témoigne de la tolérance des chrétiens ainsi que du refus des thèses démagogiques du Front National.

II) LA CROIX , AU TRAVERS DE CES INTERVENANTS

A) INTELLECTUALISATION DU DEBAT

Le journal La Croix est un organe de presse qui a pour but d’informer le lecteur, mais sa nature et son caractère religieux tendent vers une préprogrammation de l ’information. Et cet engagement dans l ’affaire se fera ressentir dans les différentes rubriques qui composent notre journal, tels que:

-interviews
– commentaires
– forum
– opinion
– courrier
– chronique
– réflexions.

Ces rubriques sont des espaces dans lesquels, des écrivains, des sociologues, des universitaires….donneront leur point de vue. La volonté d’ouverture du journal sera ici mise à l’épreuve et approuvée l’intervention d’intellectuels d’horizon divers.

Ce qui se dégage de la lecture de ces rubriques dans l ’ensemble est une vision manichéenne de l ’affaire. Nous avons, d ’un côté, les partisans du port du voile et de l’autre, les farouches défenseurs de la laïcité. La Croix se situe entre les deux, pour une laïcité « à visage humain » que Bruno Chenu rappelle dans son éditorial (11) de 1989. Il développe l ’idée que ce n ’est plus aux religieux de s ’adapter à la république mais à la laïcité de faire preuve d ’élasticité. Selon notre éditorialiste, il n ’est plus question de 1905 mais de 1989. Bertrand Révillon renchérit en page 3 de ce dossier spécial sur le voile en déclarant : « L’époque où une laïcité de combat interdisait tout signe religieux est révolue. Il n ’y a rien de choquant à ce que des élèves arborent des marques discrètes de leur adhésion philosophique ou religieuse. »

Nous avons déjà vu précédemment que La Croix opte pour une redéfinition de la laïcité, voulant « substituer une laïcité de dialogue à une laïcité d’amputation » . Comme pour justifier et légitimer intellectuellement sa position, le journal ouvre le d ébat dans ses différentes rubriques.

Alain Renaut, professeur à l ’Université de Caen, rappelle dans la rubrique Commentaires(12) du 31 octobre 1989 , dans un premier temps que les partisans du port du voile se ramènent à l ’invocation du droit à la différence tandis que les opposants nous renvoient aux principes de la laïcité et d ’une hypothétique fragilisation de la république. Selon lui, le problème est mal posé car la dérive d ’un tel débat est la « multiplication des écoles coraniques et donc l ’échec d’un puissant instrument d ’intégration ( ici, l ’école publique) dont a besoin une société multiculturelle ». Le professeur Ala in Renaut est pour le port du voile, c ’est pourquoi il définit la laïcité comme tel : « non pas neutraliser l ’école au sens où les différences religieuses ne devraient pas s’y manifester mais rendre l’école neutre à l’égard de ces différences, présentes en elle comme hors d ’elle, faire en sorte qu ’elle ne défende nulle confession plus qu ’une autre mais soit tolérante à l’égard de toutes. Aussi m ’apparaît-il difficile d’inscrire dans la logique de la laïcité le rejet de ceux qui signalent l’appartenance à une quelconque religion, pourvu que de tels signes nous accompagnent d’aucun prosélytisme. »

Le professeur Jean Lecaillon (13) de l’Université de Paris 1 émet l ’idée d’une redéfinition du contenu français de le laïcité. D’après lui, l’origine de l ’affaire demeure dans une opposition entre les tenants d’une laïcité traditionnelle et ceux d’une laïcité tolérante. Un autre professeur de l ’Université de Paris 1,Marcel Merle, dans un article du 10 novembre 1989, « Le voile et la République », voit dans l’affaire du voile une fragilisation de la république et une de ses valeurs : la laïcité. L ’affaire est aussi le réveil d ’une population musulmane en France, une France qui doit choisir entre une intégration par l’assimilation culturelle ou une société multiculturelle. Il axe le débat sur un problème de société plutôt que sur la question de la laïcité à l’école. Sa position à l’égard du voile est claire, il s’oppose à toute exclusion ou repli des immigrés sur des positions intégristes que pourrait conduire cette affaire . Il es contre « l’appel des cinq » selon lequel le foulard met en danger la laïcité et la république.

Nous noterons que seul Marcel Merle développe une réflexion s’opposant aux thèses d ’Alain Finkielkraut : « Quant aux défenseurs de la laïcité pure et d ure , ils feraient bien de réfléchir aux fondements de leur attitude. N ’en déplaise à Alain Finkielkraut (dont un récent article du Monde se situe dans le droit fil de son livre sur « La défaite de la pensée » ), la philosophie du Siècle des Lumières ne constitue pas forcément le point ultime, définitif et irréversible de la pensée universelle. Tout devient simple en effet, quant on affirme que Voltaire, Diderot et Condorcet ont donné définitivement congé aux superstitions religieuses ( donc au sacré, sous toutes ses formes) et établi une foi pour toutes le règne absolu de la raison. Transposer cette vision déjà caricaturale dans un siècle comme le notre, c ’est non seulement ignorer les déboires ultérieurs du rationalisme et les transformations de nos sociétés , mais c ’est faire preuve de fanatisme et d ’intolérance. Si la laïcité d’aujourd’hui n’est pas assez forte pour assumer les différences et si elle dénonce comme attentatoire à la liberté des autres toute expression publique d’une conviction religieuse, c’est elle qui contribuera à ranimer les guerres de religion auxquelles elle entendait mettre fin ».

Le choix et le point de vue de Marcel Merle par notre quotidien se résume dans une stratégie d ’opposition aux thèses publiées deux jours plutôt dans Le Nouvel Observateur sous forme de lettre ouverte par cinq intellectuels dont le philosophe A.Finkielkraut.

Ce même 10 novembre 1989, dans l ’article : « Un voile peut en cacher un autre », Stan Rougier déclare : « Il faudra sans doute repenser le mot laïcité et voire qu ’il s ’agit de respect de la foi de l’autre et non de la phobie de toute spiritualité » . L’auteur s ’élève contre les multiples soupçons portés à l ’égard du religieux suite aux diverses affaires survenues ces derniers mois comme l ’affaire Scorcese, l ’affaire Rushdie et maintenant l ’affaire du foulard. Des affaires qui font des croyants soit « des intégristes intolérants ou incohérents ».

Le quotidien français le plus riche en commentaires et opinions ne s’arrête pas là. Pierre de Calan, de l ’institut, nous offre son point de vue dans un article du 15 novembre 1989 : « Laïcité sans voile » . Comme La Croix , il est pour une laïcité qui reconnaisse le fait religieux et celle ( la laïcité) « qui n’admet pas les insignes religieux, est jugée hostile, méfiante, mutilante ».

Les commentaires et opinions qui parcourent les pages du journal ne sont pas que favorable à sa trajectoire. Nous observon s des divergences d ’opinions qui viennent nous informer que La Croix a le souci d ’objectivité dans son rôle de quotidien d’information.

Philippe Warnier par exemple dans l ’article intitulé , « Quelle laïcité ? » ,nous dit : « Il me semble que les catholiques peuvent trouver sur ce plan et proposer à leurs concitoyens un consensus honorant à la fois l ’expression d’une conviction clairement équilibré de la complexité des problèmes…..La laïcité s ’est réalisée au prix d’une privatisation des choses de la foi : l ’enseignement religieux , mais aussi en grande partie la culture religieuse, se transmettant uniquement à l’extérieur de l’école publique ».

Cela signifie que les catholiques ont réussi à accepter la laïcité découlant de la séparation de l’église et de l ’état et que les musulmans peuvent y parvenir. Les catholiques deviennent alors des interlocuteurs privilégiés pour que les musulmans passent ce cap.

Cependant ,l ’auteur oublie d ’émettre que l ’héritage historique est différent , héritage historique que d’ailleurs Emile Poulat, Directeur d’études à l’école des Hautes Etudes de Sciences Sociales(EHESS), rappelle dans un article, « Quant la loi n ’en dit rien » paru dans La Croix le 4 Décembre 1989 et dans lequel il fait une analogie entre la situation des musulmans et celle des juifs de France car depuis la loi de séparation de 1905 , le droit français n ’a pas un mot sur les musulmans et l ’islam. Il y a aussi une chose sur laquelle il nous semble intéressant de revenir lorsque Philippe Warnier parle de laïcité réalisée au prix d’une privatisation des choses de la foi.

Il serait faux d ’admettre que la France est totalement Laïque, nous ressentons très fortement le fait de vivre dans une société qui a un héritage chrétien et cela se démontre par le simple fait que la vie sociale , même laïcisée, est organisé autour d’une culture chrétienne. Je retourne alors ici la question et je m’interroge : comment exiger d’une communauté qu ’elle se laïcise alors que ceux qui le demandent ne le sont pas totalement ?. Paul Lecoq , Inspecteur Général Honoraire de l ’Education Nationale, se livre le 17 novembre 1989. Dans l ’article : « la vrai réflexion », il dénonce comme plus haut cette double laïcité, une « ..peureuse,, mutilante et crispée ; elle tend à l’harmonie par l ’uniformité » et l’autre : «( …)assurée, détendue, ouverte ; elle accepte que dans l’école comme hors de l’école , on demeure entièrement soi-même et qu’on puisse signaler au regard son identité spirituelle(….)mais si accueillante qu ’elle sort, elle se montrera toujours vigilante dans l’interprétation des signes religieux(… )». Le voile , selon Paul Lecoq, a une connotation inquiétante non parce qu ’il remet en question la laïcité mais parce qu’il se cache derrière le statut de la femme et une manipulation politique(l’intégrisme ?). C’est pourquoi, il opte pour un islam français et estime que l ’islam doit adopter tout comme les différents courants spirituels : la laïcité. En d ’autres termes, ce n ’est pas à la laïcité que l ’on doit repenser mais aux religions de s’accommoder de la laïcité. Ce qui vient à l’encontre des prérogatives du journal . Les politiciens sont beaucoup plus engagés dans leur position et notamment Jacques Barrot(1), député de la Haute-Loire. Comme pratiquement tous ceux qui s ’opposent au port du voile, Jacques Barrot arbore dans un premier temps la difficile compréhension pour l ’Islam du terme de la laïcité puis ensuite le statut de la femme, o ù le voile devient l ’instrument de soumission et enfin vient la menace intégriste : « Sous son aspect religieux, le vrai conflit dans les années à venir n ’est plus celui de la laïcité et des convictions religieuses mais bien celui de la laïcité et des

intégrismes, comme le note Elisabeth Badiner. Nous touchons là un problème de fond, nous constatons de façon paradoxale une augmentation des fondamentalistes parallèlement à une baisse des pratiques religieuses et à l ’affaiblissement des grandes convictions(…) ». L’auteur prend l’exemple de l’église catholique qui a su s’adapter à la laïcité et pour qui la foi discrète n’en n’est pas moins forte.

Enfin, il expose clairement sa position : « Il pourra paraître paradoxal qu’ayant défendu la liberté de l ’enseignement et l’école catholique, je puisse manifester des réserves sur le port du voile. »

L’article e st ici doublement intéressant dans le sens o ù, d ’une part nous avons le schéma type d ’argumentation suivi par une grande majorité de ceux qui s ’opposent au port du voile, et d ’autre part , il démontre que les hommes de foi ne sont pas toujours en accord avec la ligne de conduite du journal.
Il est temps pour nous alors de s ’interroger sur la position des hommes d ’église durant l ’affaire du foulard. Nous essaierons d’analyser et d’exprimer
la position de ces hommes de foi qui sont intervenus dans le journal La Croix.

B)LE MANICHEISME DES HOMMES D’EGLISE

Toujours dans un souci d ’ouverture, nous verrons que le journal laisse la parole à des personnalités d ’horizons diverse. Ainsi, nous aurons les points de vues des Pères blancs, des Dominicains, des Franciscains, d ’un Vicaire, d ’un Evêque, d ’un archevêque, d’un Cardinal.

L’église n’est pas tout à fait unanime concernant le port du voile et dans l’opposition, trois groupes se dessinent. Le premier groupe qui s ’oppose au port du voile , la raison est dissimulée dans la symbolique du voile, car celui-ci est « une aliénation de la femme » et représente le symbole du statut inférieur de la femme en islam. Ce groupe voit dans l ’affaire du foulard une manipulation de la jeunesse musulmane et des musulmans par des groupes extrémistes et fondamentalistes pour raviver la foi des musulmans et lutter contre « les moeurs immorales de l ’Occident perverti ». D’ailleurs le Père Blanc Jean-Marie Ga udeul , reprend et énumère ces motifs d ’opposition dans un article (14) daté du 4 novembre 1989 ; Je cite : « Oui, dans l’opinion publique européen, le voile islamique symbolise « le statut inférieur de la femme en islam » pour reprendre le titre d’un livre récent. Or le voile qui resurgit pour exprimer la liberté de croyance d ’une minorité religieuse. La laïcité de l ’école publique est prise à contre pied ».

Le 30 novembre, l ’article « Giséle Halimi : le voile , c’est l’apartheid », signé B.Revillon, nous renvoie à cet argument de faire du voile : une prison pour la femme.

Quant à l’attitude de J.M. Gaudeul, elle demeure virulente et de plus met le doigt sur le texte sacré : « Les versets du Coran relatifs , doivent-ils être appliqués littéralement selon la compréhension que pouvait en avoir un homme du VIIIéme siècle(….).On peut respecter une démarche de foi mais comment ne pas être allergique à une affection de piété méprisante et bornée »(15) .

Les opposants au port du voile sont contre pour les raisons suivantes :

le voile est le symbole de l’infériorité de la femme 1) c’est le symbole d’une manifestation intégriste et de prosélytisme 2) c’est au centre d’un enjeu international visant à purifier l’occident Le 7 novembre 1989, le dominicain Jacques Jamier fait du voile dans son article «l’islam et l ’avenir de l ’occident », un rempart contre la perversité du monde occidentale et de « la corruption religieuse ».A la fin de cet article , nous arrivons à la conclusion selon lui , que les bons musulmans sont ceux qui enlèvent le voile tout en cultivant leur foi intérieurement tandis que ceux qui le portent , font planer le spectre de l’intégrisme dans les écoles laïques.

Peut-on classer les partisans de la laïcité dans les opposants au port du voile ?

La question , nous vient après la lecture du plaidoyer de l ’évêque de Tours, Mgr Jean Honoré dans son homélie du 11 novembre 1989 lors de la messe de Saint Martin, et diffusée le 15 novembre 1989 sous le titre « l’évêque de Tours défend la laïcité ».

Il déclare : « La laïcité qui a tant divisé les esprits , et qui a pris parfois le visage du sectarisme, pour laquelle l ’église catholique a souvent payée le prix fort , ne se découvre-t-elle pas aujourd ’hui comme l’expression d’un vrai consensus national ?(…..).La laïcité est une valeur fragile qui résulte d ’un équilibre de pouvoirs toujours précaire. Elle appelle à l’esprit de compréhension et de convivialité et elle refuse la provocation et l’esprit de croisade ». Mgr Honoré adopte cette attitude tout en reconnaissant la valeur symbolique du voile pour ces jeunes filles musulmanes. Il ne vient pas ici remettre en doute leur foi ou émettre l ’hypothèse d’une conspiration intégriste, il est simplement convaincu que la laïcité est fervent consensus intégrateur et qu ’elle est capable d ’être ouverte. S ’il faut répondre à notre question , alors nous pouvons dire que l ’on peut être pour le port du voile et non contre la laïcité.

La deuxième catégorie de chrétien est établie d ’après les prises de position de l’archevêque de Besançon, Lucien Daloz 16 , l ’archevêque de Bordeaux, Mgr Pierre Eyt (17) , Jean Vermette, Le vicaire général de Montauban18 , Michel Hubaut19 (Franciscain).

Quatre éléments sont redondants dans les prises de positions de ces hommes.

La première est celle qui est récurrente à de nombreux chrétiens , notamment à notre quotidien . Elle consiste à dire que l ’affaire du foulard est une des raisons qui permettent d ’établir une redéfinition du cadre institutionnel de la laïcité .

Le deuxième élément est dans la remise en question de la société ou dans le choix d ’une société soit pluriculturel et multiconfessionnelle ou alors une société qui intègre selon un modèle.

L’archevêque de Besançon et Michel Huban, trouvent dans l ’affaire du foulard et da ns l ’émergence des revendications religieuses, l’échec de la politique d ’intégration ou d ’assimilation de l ’état. Selon eux , être pour ou contre le voile , c’est être avant tout pour ou contre une société multiculturelle.
Lucien Daloz , archevêque de Besa nçon remet en question la politique d ’intégration, le foulard n ’étant que le révélateur d ’une politique vouée à l ’échec : « Pense-t-on qu’une société peut intégrer plusieurs millions d ’hommes , de femmes, d ’enfants venant d ’une autre civilisation , profess ant une autre religion, ayant une autre conception du rapport de cette religion à la vie publique, sans que cette société n ’en soit elle marquée et modifiée ? La rencontre et la coexistence des personnes et des groupes humains se font toujours par interaction , et pas seulement par assimilation(…..) ».

Il est bien entendu que ces points de vue sont propres à leurs auteurs et qu’ils ne s’appliquent pas à l ’ensemble de cette catégorie. Cet ensemble défend le port du voile et c ’est pourquoi nous les mettons ensemble. Cela n ’exprime en aucun cas qu ’ils soient contre la laïcité.

Le troisième élément pour lequel certains chrétiens s ’opposent à l’exclusion des jeunes filles de Creil en octobre 1989 est qu ’ils sont les défenseurs de la liberté de conscience .

A cet égard, Mgr. Jean Vernette, Vicaire Général de Montauban, s’exprime en rappelant l ’esprit de la liberté de conscience et il cite ainsi dans son article une des positions de Vatican II : « En matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience. »

C’est pourquoi, il jette les bases de l ’authentique religieuse qui selon lui passe par le respect et la dignité de la personne humaine, au delà de ses convictions religieuses. Michel Hubaut partage ce point de vue et revient sur les définitions des mots tolérance et respect pour rappeler que la véritable tolérance est l ’acceptation de la différence : « Le respect, lui est un droit. Il suppose l ’égalité totale et absolue des partenaires. Seul le respect garantit la dignité de tous. Tout homme est un être unique qui a la faculté, le droit et la responsabilité de se déterminer – et donc de se tromper – librement. Il peut et doit assumer son destin. Personne ne peut s ’arroger le droit de déterminer l’autre. ».

Nous ajouterons que Michel Hubaut a tenu à fa ire un rappel oecuménique : «( …) pour sauvegarder les grandes valeurs humaines et spirituelles. »
Lucien Daloz déclare : «( …) mettre en oeuvre une véritable solidarité en conjuguant toutes les richesses oecuméniques, sociales, culturelles, spirituelles.(.. )».

Nous retrouvons donc dans cette catégorie des croyants qui s’élèvent pour la défense de la liberté de conscience, le respect des convictions religieuses et oeuvrant pour un véritable dialogue interreligieux. L’affaire du foulard n ’est ici pour eu x, comme pour La Croix, qu’un catalyseur pour apprendre à mieux se connaître et un test pour accepter l’autre.

Finalement, nous constatons que l ’affaire a permis à de hauts dignitaires ecclésiastiques de faire parler leur projet. En effet, Mgr Eyet, archevêque de Bordeaux, vante le rôle des aumôneries et de leur importance tout en regrettant que l ’expérience de la laïcité en France n’a a pas conduit à une école multiconfessionnelle. Il se saisit de l ’affaire pour promouvoir les aumôneries ; d ’ailleurs, il rappelle : « Les aumôneries auront donc à coeur de contribuer, pour leur part à la réussite éducative de l ‘enseignement public. Les aumôneries portent déjà ce souci. Elles y seront d ’autant plus attentives que le moment présent est difficile pour les établissements. ».

Au-delà de la promotion des aumôneries, l’archevêque de Bordeaux, estime qu’il est difficile pour l’enfant qu’il puisse s’épanouir en classe, dans un établissement, voire dans la société si l ’on entrave sa liberté de conscience. « Mais est-i l légitime pour autant que l ’enfant ou le jeune ne puisse d ’aucune façon, exprimer en classe son vécu religieux, élément intégrateur de son expérience individuelle et sociale ? Peut-on vraiment le respecter en ce qu ’il est, si l ’on met « entre parenthèses » voire si l ’on « refoule » ce qui a trait avec la religion ou la non religion, au plus profond de la personne ? ».

III) ATTITUDE PHENOMENOLOGIQUE ET SURMEDIATISATION ?

A) L’ATTITUDE PHENOMENOLOGIQUE DE LA CROIX

Nous entendons par attitude phénoménologique, la méthode utilisé par notre quotidien. Celle-ci consiste comme la méthode philosophique à reprendre les données transcendantes du problème posé afin de mieux le comprendre . Dés le début de la crise, La Croix adopta une attitude d ’information mais sa recherche de compréhension du phénomène le conduit plus loin que les autres quotidiens étant donné que l ’essence même du journal s ’inscrit dans une démarche de compréhension des phénomènes religieux.

C’est pourquoi, il rechercha l ’origine du problème, l’origine du port voile, sa signification , sa symbolique mais l ’étude du journal ne s’arrête pas là , il fournira aux lecteurs les différents sens du mot laïcité ainsi qu’une explication de la crise qui se joue.

Cette démarche ou plutôt cette attitude, s ’analyse aux travers des enquêtes effectués par le quotidien. En effet, l ’interview d ’hommes et intellectuels d ’horizons lointains témoignent de cette volonté de compréhension, c ’est une véritable recherche des raisons de la crise .

C’est pourquoi, il( La Croix) met l ’accent sur le fondement d ’une authentique tolérance religieuse, sur le droit à l ’expression religieuse et ses limites, sur le rapport entre la foi, ses signes et la laïcité, sur la condition de la femme en islam, sur les principes de la république, sur l ’intégration des immigrés et sur l ’islam : la manière dont il est vécu dans d ’autres pays du monde(surtout dans les pays musulmans).

Il nous serait beaucoup trop long d ’énumérer la liste des innombrables articles, c ’est pourquoi nous ne retiendrons que deux articles par affaire.
En 1989, c’est l’interview(20) de Mgr Teissier , Archevêque d ’Alger, qui attirera notre attention . Le journaliste Yves de Gentil-Baichis interroge l’archevêque afin de mieux comprendre ce qui se passe sur l’hexagone. Les questions soulevées , portent sur le réveil d ’un renouveau islamique dans les pays musulmans mais aussi sur la signification du port du voile, à savoir aussi si c ’est une obligation, une prescription impérative et à la question : « Quand des jeunes musulmanes veulent porter le voile , ne sont-elles pas conscientes de revenir en arrière et de renoncer à une certaine liberté de la femme ?», la réponse de l ’archevêque ne se fait pas attendre : « Sur ce point, plusieurs choses doivent être prises en considération.

L’indépendance des femmes , telle qu ’elle est vécue en Occident, paraît souvent aux jeunes algériennes synonyme d ’un relâchement des moeurs, menant à l ’éclatement de la cellule familiale . A leurs yeux, une certaine libéralisation est une insulte à la vraie dignité de la femme…. » .

Les questions posées par le journaliste, demeurent dans l’ensemble, les interrogations des lecteurs sur le sujet. Le fait d ’interviewer un spécialiste de la question vivant au quotidien avec le voile, permet aux lecteurs d’avoir une réponse plus proche de la vérité afin de se fixer un jugement objectif, c ’est aussi pour La Croix le besoin de rechercher à la base, la signification de la chose.

Un autre interview(21) par le même journaliste , celui du Père Maurice Borrmans, enseignant à l ’institut pontifical d ’études arabes et islamiques vient ici éclaircir le lecteur sur le rapport entre l ’islam et la laïcité : « Il faut reconnaître que la notion de laïcité est typiquement occidentale et plus particulièrement française. Aussi, dans les pays de tradition musulmane, le Liban et la Syrie mis à part, l ’islam est la religion d ’état. Depuis quatorze siècles , l ’inconscient collectif des musulmans a l ’habitude d ’allier de façon privilégiée l ’état et la religion. En effet le modèle fondateur de l ’action de Muhammed à Médine de 622 à 632 est considéré comme normatif par la très grande majorité des musulmans d ’aujourd’hui. Qu ’ils soient fondamentalistes ou intégristes d’un coté libéraux ou modernistes de l’autre, tous tendent bien main tenir des relations privilégiées entre l’état la religion. Aussi, dans ce cadre- là , parler de laïcité , c ’est un peu débarquer de Sirius. D ’autant qu’en arabe le mot laïcité vient du contexte arabe chrétien de certaines minorités du Moyen-Orient. Elle est donc plus ou moins assimilée aux doctrines non musulmanes qui sont interprétées comme étant liées à l’athéisme. ».

En 1994, lorsque resurgit l ’affaire du voile, La Croix adopte toujours la même attitude que nous avons défendus plus haut. Son implication et sa volonté de vouloir informer le lecteur , nous est témoignée par un petit article sur le port du voile, allant jusqu’à signaler le verset du Coran : « O Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants des serrer sur elles leur s voiles !Ce sera le plus moyen qu’elles soient reconnues et qu’elles ne soient pas offensées. » . Frédéric Mounier, poursuit : « Le Coran , dans son unique verset(33,59) sur le voile, n’appelle pas à une stricte observance. ».
Le 1 octobre 1994 dans l ’article « la laïcité en Europe », Bruno Chenu, signalera dans la rubrique sociologie qu’il est « instructif » de regarder chez ses voisins pour voir comment les choses se passent ,tout comme le quotidien avait pu procéder en 1989, pour comparer la situation dans les pays du Maghreb . Observer ce qui se passe dans les autres pays , est comme le signale Bruno Chenu , très « instructif » et c’est à cela que nous jugeons l ’attitude du quotidien de phénoménologique.

D’autres articles , sur la condition de la femme(22) , sur l ’islam et ses tendance, ses rites , sur la tradition , ou encore le calendrier et/ou le ramadan témoigne de cette méthode journaliste qui ressemble plus à la méthode du chrétien à la recherche de la vérité . Semble-t-il que le travail de journaliste se rapproche de la conduite du croyant ?

B) SURMEDIATISATION ?

Le nombre d ’articles importants qui a fait de La Croix , le journal le plus riche en commentaires et en opinions sur le sujet, nous amène à nous demander si justement , il n ’y a pas eu surmédiatisation . Tout en sachant que cette éclairage soudain et massif ai pu avoir des conséquences contraires à ce que La Croix aurait pu espérer.

Deux articles ont attirés notre attention et nous ont conduit à nous demander si cette médiatisation n’a pas étouffé le problème, pour ne laisser dans les esprits le fait que l ’islam(en tenant en compte que la première affaire du voile intervient en France quelques temps après l’affaire Rushdie, que les autres crises liées au foulard se juxtaposent avec la Guerre du Golf ou les attentats terroristes orchestrés par les membres du FIS) reste une difficulté à gérer.
Le premier article , est un commentaire de Georges Baguet , dans La Croix. Il souligne et critique ce regain d ’intérêt des médias pour ce qu’il juge « une mini-affaire » et expose : « Un des aspects intéressant dans cette mini-affaire de fichus à Creil est l ’avidité avec laquelle la plupart des médias s ’en sont emparés : un tel remue-ménage pour trois foulards tenant la une de l ’actualité plusieurs jours durant, tant d’interviews tous azimuts , tant de prises de positions de tous bords, enfin la répétition quotidienne(vous en voulez encore , vous en aurez….), oui, un tel comportement boulimique me paraît
suspect (…)Or, la médiatisation du cas rend la discussion et le dialogue très difficile, sinon impossible. » Ce premier article, au-delà du fait d’être le cri d ’un homme contre tout ce tapage, est avant tout la prise de conscience d ’une surmédiatisation d’un événement. Pour Georges Baguet, il n ’y a pas de défi à la laïcité ou à la république, il n’y a rien qui laisse suggérer à une grave crise.

Le deuxième article, qui attira notre attention est tiré du quotidien Le Monde des 4 et 5 décembre 1994. Dans la rubrique médias, la journaliste Jacqueline Jouet intitule son enquête : « L’affaire du foulard à la télévision ». Elle y fait parler des femmes musulmanes et non musulmanes d ’origine maghrébine. Elles considèrent que les télévisions ont traité l ’affaire avec myopie, voire avec une certaine malhonnêteté intellectuelle. Selon, ces femmes, on y trouve une « information tronquée et truquée » . La journaliste voit dans l ’origine de la colère de ces femmes : « l’amalgame que font la plupart des médias entre islam et islamisme ». Et elle dénonce une « opération marketing » : « Dérapage incontrôlé d ’un média de l ’instantané où l’information d’aujourd’hui efface celle d’hier, et disparaît devant celle de demain dans une course à la réalité perdue d ’avance ? Le message n’est-il pas forcément répétitif ? Le foulard à l ’école a déjà fait la « une » de l ’actualité, en 1989. Depuis, la télévision n ’a pas bougé d’un pouce : mêmes types de banlieues , mêmes gros plans, mêmes mots . A tel point qu ’on a l ’impression de revoir les mêmes « jeunes filles voilées ». Ce sont de véritables reproches qui sont ici adressés à la télévision : « Depuis trois mois, la télévision traite de l’affaire du foulard quasiment à la manière d ’un feuilleton (…) Sourde à la psychologie, la télévision est également borgne. ».

Nous retrouvons dans les deux articles cités, un ensemble de ce qui a pu être adressé comme reproche aux médias concernant la manière dont ils analysaient l’événement.

Dans la revue Hommes et migrations de novembre 1990, un dossier spécial sur le voile, intitulé : « Immigration et Médias. Le « Foulard » surmédiatisé ? », fut présenté par Antonio Perotti et Pierre Toulat. Ce dossier de 37 pages, relate le débat, centré sur la manière dont diverses rédactions avaient traité la question du foulard et cela, lors de la journée internationale contre le racisme à la ville de Montreuil, le 24 mars 1990. Autour de cette table ronde, ont participé des journalistes de la presse écrite, radiophonique et télévisée ( La Croix, Politis, Libération, Le Parisien Libéré, Hommes et Migrations ,Migrations Société, La 5 , Radio France Internationale et Radio Beur). Nous nous intéresserons plus particulièrement aux interventions de La Croix .Cette table ronde des journalistes a eu pour objectif de mener les journalistes à un e interrogation sur la manière dont ils ont couvert et surtout, traité l ’affaire. A la question si La Croix a surmédiatisé l’événement, M. de Gentil-Baichis répond de façon affirmative et s’en explique : « Je vous fais grâce de l ’évolution de ce journal d ans cette affaire. Je réagis un peu au terme « surmédiatiser ». Je crois que , pratiquement, nous fonctionnons sur tous les sujets de façon surmédiatisée. Avant l ’histoire du foulard, nous avons vécu l ’histoire de Carmel d ’Auschwitz. Nous avons été très sollicités. Après le foulard, il y a eu le Mur de Berlin, et alors, même si on a continué à parler du foulard, il y a eu un grand vide à ce sujet.

Au service religieux du journal, nous sommes habitués à ce genre de fonctionnement. Des tas de choses important es se passent au niveau religieux. La presse n ’en parle pas et, tout d ’un coup, une petite phrase d ’un évêque ou d ’un cardinal provoque une très forte réaction. C’est pratiquement habituel.
Au journal La Croix, il n ’y a pas eu , un jour, une réunion avec la Rédaction en Chef pour dire à propos du voile : « Voilà ce que nous allons faire ». Nous fonctionnons de façon très différente. Plusieurs journalistes de quatre services ont parlé de cette affaire : le journaliste « éducation », qui est allé sur le terrain, qui a vu les choses au niveau de l ’Education Nationale, le journaliste des questions de société et d’immigration, et celui du service religieux. De plus, comme au journal La Croix, un forum est ouvert aux gens de l’extérieur, ils ne se sont pas privés d’intervenir sur ce sujet !

Il y a donc plusieurs sources . Nous n ’avons jamais maîtrisé la pensée pour dire : « C’est cela qu’il faut dire, c’est cela la doctrine du « parti ». Notre attitude a été d ’essayer de comprendre. Devant ce phénomène qui nous a un peu surpris, comme beaucoup de gens, nous avons voulu poursuivre un peu ce que nous avons fait pour l’affaire du Carmel d ’Auschwitz. Pour cette affaire, La Croix, journal catholique, a essayé de comprendre pourquoi des juifs acceptaient mal que des religieuses prient dans un endroit o ù il y avait eu des tortures et des morts. Nous avons interrogé des juifs, nous avons demandé qu ’ils s ’expliquent. Cette attitude vis-à-vis du Carmel d’Auschwitz, nous l’avons un peu transposée dans cette affaire, c’est-à-dire que nous avons voulu comprendre. Comprendre, c’est essayer de voir ce que vit la communauté musulmane et immigrée en France ( c’est le service « société » qui s ’en est occupé), et essayer de voir ce que vivent les musulmans, du point de vue religieux.

Cela nous intéressait parce que nous avons du respect pour ce que vivent les croyants. Nous aussi, nous avons nos intégristes, comme les musulmans. Nous sentions qu ’il y avait un terrain que nous connaissions mal, que nos lecteurs connaissaient mal, et nous voulions aller plus loin ;

Puis, nous avons essayé de comprendre ce qui se passait dans les pays musulmans en dehors de France, en Algérie, en Egypte, etc. Nous avons demandé, soit à nos correspondants, soit à des journalistes, d’aller voir là-bas. Moi-même, je me suis entretenu de ces problèmes avec l ’archevêque d ’Alger, Monseigneur Tessier. Nous avons donc pris une attitude phénoménologique. Ce qui nous a marqués aussi, c ’est le désir de ne pas réduire cette question de façon simpliste. Nous avons été surpris que, dans beaucoup de médias ou de partis politiques, il se soit agi d’un débat franco – français sur la laïcité. J’ai été moi-même un peu surpris et déçu qu’on n’essaie pas d’aller un peu plus loin sur l ’Islam, sur ce que vivent les musulmans : pourquoi ce réveil religieux, après une période où ils semblaient ne pas intervenir à ce point de vue ?

Pourquoi ce durcissement, peut-être en France mais aussi dans des pays comme l’Egypte ou l’Algérie ? Nous avons essayé de comprendre. Vous dire que nous y sommes totalement arrivés, peut-être pas, mais nous avons essayé d ’être honnêtes et j’espère que nous l’avons été. »

Le premier élément d’observation est la comparaison dans un passé récent de l ’affaire du foulard et celui du Carmel d ’Auschwitz. Cet événement n’a pas été étudié avec un certain laxisme mais avec une réelle envie de rechercher la vérité. En faisant la comparaison avec un événement aussi sensible que le Carmel d ’Auschitz , La Croix a voulu signaler qu’il étudie toutes les affaires même les plus délicates. A cet égard , il situe l ’affaire du voile au niveau du Carmel d’Auschwitz, le journal y voit donc un fait d ’importance. C ’est pourquoi , il se sentit le devoir d’informer et d’approfondir le sujet.

Enfin, le deuxième élément réside dans les raisons profondes de cette explosion médiatique. M.de Gentil-Baichis nous en donne un aperçu quant il déclare que le voile est un événement polysémique, qui a touché aussi bien les journalistes du secteur société et Immigration, que le secteur éducation ou religieux, par conséquent quatre services qui ont traité l ’affaire ainsi que le forum qui est resté ouvert au lectorat.

CONCLUSION

Le regard chrétien et le discours riche en commentaires d’horizons divers donnent à La Croix , même si il a surmédiatisé l’événement , l’intérêt d’avoir adopter une attitude et une méthode quasi scientifique pour traiter le sujet. La Croix optait déjà pour une laïcité à visage humain , l’affaire ne vient que contribuer et affirmer ses prises de position sur la laïcité .

Finalement, cette affaire n’a pas été vécue de la même façon dans chaque journal, c’est pourquoi nous allons analyser l’attitude de L’Humanité.

1 La Croix du 24.11.89
1 La Croix du 23.11.89 ; « Ne pas réduire l’islam à ses rites ». Le père Serge de Beaurecueil passa des années en Egypte avant de se retrouver en Afghanistan ou il est resté 20 ans. Il consacra ses longues années à l’étude du grand mystique Ansari(1006-1089).
2 La Croix du 18.11.89
3 Gilles Kepel ; Les banlieues de l’islam, Ed. Seuil, 1987
4 La Croix 24.11.89 ; p.1 ; « Laïcité : Etape islam »
5 La Croix ,Op. Cit.
6 El Ghazi, Op. Cit.
7 La Croix du 10.11.89 ; « Marseille , Quartier Nord »
8 La Croix du 17.11.89 ; « la chance d’une mosquée »
9 La Croix du 23.11.89 ; « Au delà du voile »
10 La croix du 29.11.89 ; « Voile : le « oui mais » du conseil d’Etat »
11 La Croix du 29.11.89
12 La Croix du 31.10.89 ; « Les voiles Coraniques »
13 La Croix du 1.11.89 ; « Le problèmes du voile »
14 La Croix du 4.11.89 ; « Un voile bien provocant »
15 Ibidem.
16 La Croix du 9.12.89
17 La Croix du 23.12.89 ; « Laïcité : attention aux simplismes et aux amalgames ».
18 La Croix du 7.12.89 ; « Irréductible religieux et pluralisme des croyances »
19 La Croix du 13.12.89 ; « Quel dialogue avec l’islam ? »
20 La Croix du 18.11.89 ; « Les religieux musulmans de plus en plus écoutés »
21 La Croix du 23.11.89
22 La Croix du 19.09.89 ; « l’islam et les femmes »

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