En son article 234, la Constitution haïtienne du 29 mars 1987, actuellement en vigueur
en Haïti, dispose :
« L’Administration publique haïtienne est l’instrument par lequel l’Etat
concrétise ses missions et objectifs. Pour garantir sa rentabilité, elle doit être gérée avec
honnêteté et efficacité ».
Il s’ensuit que les constituants de 1987 reconnaissent en
l’Administration publique un moyen par lequel l’Etat, entité juridique abstraite, peut se
manifester, en matérialisant ses missions et objectifs qui trouvent leur traduction dans les
politiques publiques. Dans cet ordre d’idées, l’Administration publique, entre autres, permet
de prendre contact avec l’Etat, de le voir agir dans le sens de la promotion du bien commun et
de l’intérêt général. Aussi, dans la disposition sus-évoquée, les constituants de 1987
introduisent-ils la notion de rentabilité de l’Administration publique. Pour eux, une gestion
honnête et efficace est une condition sine qua non de garantie de cette rentabilité.
Par ailleurs, quel sens accordé à cette notion de rentabilité de l’Administration publique introduite dans la
Constitution haïtienne de 1987 ? Est-ce une conception propre à la sphère entrepreneuriale
traduisant une logique commerciale de l’Etat basée sur la recherche de l’efficacité au service
du profit ?
En effet, la tradition séculaire de la conception de l’Etat dans l’histoire de la sociologie
politique de la République d’Haïti(9) et la philosophie même de la Constitution de 1987,
dégagée dans son préambule(10), nous autorisent à privilégier de préférence une autre acception
possible de la notion de rentabilité, car cette dernière peut aussi vouloir signifier le caractère
de ce qui donne des résultats(11). Donc, la préconisation et l’institution d’une gestion honnête
et efficace seraient le gage d’une Administration publique qui donne des résultats. De plus, il
va sans dire que dans un pays à faibles moyens financiers, matériels et humains comme Haïti,
pour que l’Administration donne des résultats, il aura fallu faire plus avec peu de moyens.
D’où la notion de l’efficience de l’action administrative. Or, c’est pour autant en raison de la
quasi-incapacité de l’Administration publique haïtienne à donner des résultats avec de faibles
moyens que l’administré se plaint quotidiennement. En outre, c’est aussi la même cause du
désarroi des acteurs internationaux intervenant dans le renforcement des capacités nationales
en Haïti qui se plaignent de la lourdeur de l’Administration, de la corruption qui la gangrène,
de sa centralisation à outrance et de la faiblesse de la qualification des agents publics appelés
à s’assurer de l’opérationnalisation de certains projets.
D’une part, nous essayerons de démontrer les difficultés de l’Administration publique
à se libérer du poids de la tradition en vue de répondre aux attentes des citoyens et des acteurs
internationaux (section I). D’autre part, nous ferons ressortir des insuffisances de la Fonction
publique, en principe, pièce maîtresse de toute politique d’optimisation de l’Administration
publique (section II).
9 (…) Le modèle républicain est associé à l’idée d’un « bien commun » autour duquel la société doit s’organiser
(…). Phrase tirée du Lexique de science politique, page 470.
10 La Constitution de 1987 fait l’apologie de la philosophie libérale en termes de protection des libertés
publiques, mais elle prône aussi la justice sociale et fonde l’action de l’Etat sur l’idée de l’intérêt général.
11 Le Robert micro – Dictionnaire de la langue française, page 1147.
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