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Chapitre IV : Evolution et répartition des banques islamiques dans le monde

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A) Evolution de la finance islamique

Considérée autre fois comme une aberration, la finance “halal” s’est frayé un chemin dans le milieu de la finance internationale contre toutes les attentes des spécialistes. En seulement 30 ans d’existence (1975 – 2006), la finance islamique moderne enregistre aujourd’hui une croissance forte estimée par l’agence de notation Standard & Poor’s à 15% par an sur ces dix dernières années. Le sous secrétaire aux finances et à l’économie de l’Etat de Barhaim, Cheikh Ibrahim Khalifa ibn Khalifa Al Khalifa, estimait les actifs gérés par la finance islamique à 200 milliards de Dollars US en 2001.

En 2007, les actifs de la finance islamique étaient évalués à plus de 500 milliards de Dollars US soit une croissance de plus de 150% en l’espace de six ans. Quant au nombre d’institutions financières islamiques, il était d’environ du nombre de 200 en l’an 2000 et aujourd’hui (2008), on estime ce chiffre à 300 ifi reparties dans 75 pays dans le monde alors qu’il n’y avait qu’une seule banque dans les 1960 (la caisse d’épargne du Mit Ghamr).

Elles sont pour la plupart concentrées dans les pays du Moyen-Orient et en Asie (16). Selon certains experts, la croissance de la finance islamique est liée à la forte demande des musulmanes dont le nombre est estimé à 1,5 milliards de personnes dans le monde ; et qui recherchent des services financiers conformes à leur conviction religieuse. L’on explique aussi cette croissance de la finance islamique par l’augmentation de la manne pétrolière qui a carrément fait exploser la demande de financement dans la région du golf. Il faut aussi souligner les effets de la crise née des attentats du 11 Septembre 2001 qui a poussé les Etats-Unis à geler les fonds d’origine arabe soupçonnés de financer le terrorisme.

Cela a eu pour conséquence le rapatriement des fonds Moyen-Orientaux vers leur pays d’origine où ils ont été investis dans la finance islamique. L’une des causes de cette croissance se trouve être aussi le caractère compétitif des banques islamiques et de la majorité de leurs produits. Exemple : la BIS, dans le classement des 100 premières banques françaises au Sud du Sahara occupe la 80ème place avec un total du bilan de 103 millions de Francs CFA (17) en 2007.

Mais aussi il ne faut pas oublier l’essor économique et la croissance boursière que connaissent actuellement les pays du Moyen-Orient, à l’image du marché boursier de l’Arabie Saoudite dont la capitalisation a été multiplié par 10 et le PER (Price Earning Ratio) par deux en l’espace de 5 ans (18) (voir annexe 6 et 8).

Parlant des obligations on constate que le marché obligataire est très actif dans la plupart des pays musulmans en particulier ceux du conseil de coopération du golf (CCG).

En effet, le marché de la dette demeure le secteur le plus florissant de la finance islamique. Connues sous le nom de sukuk (voir page 36), les obligations islamiques sont des titres adossés à des actifs réels et sont structurées en fonction des règles de la finance islamique. Les investisseurs en sukuk sont propriétaires de l’actif sous-jacent par l’intermédiaire d’un instrument ad-hoc c’est-à-dire un actif sous-jacent faisant l’objet d’une location comme dans les opérations d’Ijara (voir page 72). L’organisation de la comptabilité et de l’audit pour les ifi reconnaît 14 types de sukuk dont les plus répandus sont :

– Les sukuk al Ijara (à partir de contrat de leasing)
– Les sukuk al Mousharaka (fondé sur des contrats de copropriété)
– Les sukuk al Moudaraba (fondé sur des contrats de gestion de sous-jacent)

Les stocks d’obligations islamiques étaient évalués à 47 milliards de Dollars US en 2006 par le FMI. Ce chiffre reste important même s’il est très faible par rapport aux 4700 milliards de Dollars d’émissions d’obligations d’entreprises dans le monde la même année.

En 2004, l’Asie particulièrement la Malaisie, représentait 90% des émissions de sukuk. Les titres islamiques représentaient 45% de l’encours total de la dette privée et 25% des obligations en circulation en Malaisie pour l’année 2004. On a enregistré au Qatar la plus forte émission de sukuk pour un montant de 700 millions de Dollars pour une échéance de 7 ans. En 2004, le Land Allemand de Saxe-Anhalt a été le premier emprunteur non musulman à solliciter le marché international de la dette islamique, levant quelques 100 millions d’Euros (19).

En 2006, l’Etat de Dubaï a effectué deux émissions de sukuk de 3,5 milliards de Dollars US, ce qui souligne une fois de plus l’importance des émissions de titres islamiques dans cette région du monde. Quant aux Emirats et la Malaisie, à travers des entreprises comme Nakheel development (Emirats) et le Nucleus Avenue (Malaisie), ces deux pays représentaient à eux seuls 40% des émissions des sukuk pour l’année 2006 (20). Selon les mêmes sources d’information, la banque mondiale a émis en 2005 son premier sukuk pour un montant de 760 millions de Ringgit (monnaie Malaisienne) soit 200 millions de Dollars à l’époque. Et au mois de Juin de la même année, la BID émettait un emprunt obligataire (sukuk) de 500 milliards de Dollars US.

Selon les prévisions des analystes du marché monétaire, les Etats et les entreprises devraient émettre plus de 30 milliards de Dollars US de sukuk par an sur les trois prochaines années portant ainsi le marché de ces titres à plus de 150 milliards de Dollars (annexe 5).

Nous remarquons que l’Afrique est quasiment absente sur ce marché alors que ce dernier pourrait lui permettre de lever d’importants fonds et financer son développement.

En effet, le marché des sukuk n’est pas exclusivement réservé aux Etats arabo- islamiques comme on pourrait le croire. Des émissions de sukuk ont été enregistrées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Les autorités des Etats africains doivent trouver les moyens pour intervenir sur ce marché surtout ceux qui possèdent déjà une banque islamique. Ces Etats peuvent se servir de ces banques islamiques pour lever des fonds au niveau national et international et par la même occasion favoriser le développement de la finance islamique sur leur territoire. La finance islamique, dans son évolution a intégré aussi le milieu de l’assurance et de la réassurance (takaful et retakaful) où comme dans le secteur bancaire elle gagne progressivement du terrain. Le marché du takaful est aujourd’hui évalué par les experts entre 2 et 5 milliards de Dollars US.

Concernant le marché des fonds d’investissement, le rapport vernimen 2006 soutient qu’en 2005, il y avait environ 100 fonds islamiques de private equity dont le total des actifs excédait 5 milliards de Dollars. En 2004, en Malaisie on enregistrait 71 fonds de placement. Concernant les actions, en 1999 deux indices ont été lancés pour servir de repère aux investisseurs des institutions financières islamiques, on peut citer le GIIS (Global Islamic Index Service) du Financial Times Stock exchange et le DJIM (Dow Jones Islamic Market index) au Barhaim. Le Standard & Poor’s a lancé en 2006 une série d’indices islamiques sous la marque S&P, on peut citer : le S&P500, le S&PME Europe 350, S&P Japan 500…

B) La répartition des banques islamiques

Les banques islamiques sont éparpillées un peu partout dans le monde, elles sont présentes sur les cinq continents. D’une banque en 1960, on est passé à plus de 300 institutions financières islamiques réparties dans 75 pays en 2007.

Estimée à plus de 1,5 milliards de personnes dans le monde aujourd’hui, des prévisions sur la taille de la population musulmane mondiale portent ce chiffre à 2,5 milliards individus à l’horizon 2020. Les banques classiques occidentales ne pouvaient passer à coté de cette part de marché importante que représente cette population en forte croissance. Ce qu’explique la création de guichets et agences islamiques en occident ou dans les pays du golf afin de bénéficier de cette manne que représentent les pétrodollars. Nous pouvons citer le cas des grandes banques comme le HSBC, Deutsche Bank et le Citigroup qui disposent de fenêtres islamiques (guichets islamiques) en Europe et au Moyen-Orient.

On trouve aussi des ifi sur le continent américain en particulier en Amérique du Nord. Ainsi au Canada depuis 1991 il existe une société islamique de financement hypothécaire dénommée Islamic Co-operate Housing Corporation Ltd à Toronto. Aux Etats-Unis on rencontre les banques islamiques pour la plupart dans les régions de Détroit et de la Californie. Ainsi on y dénombre une dizaine de banques islamiques avec quelques trois grandes institutions financières islamiques qui sont : Al Baraka Bancorp (Chicago), American Finance House et l’University Islamic Financial Corporation (Ann Arbor) (annexe 7). Aux Etats-Unis la plupart des banques islamiques ont fermé à la suite des attentats du 11 Septembre 2001.

L’Europe aussi n’est pas restée en marge de cette islamisation bancaire puisqu’aujourd’hui on y trouve un nombre important de banques islamiques.
En Europe, le Royaume-Uni a été le premier Etat à autoriser l’ouverture de banques islamiques sur son territoire. Les autorités britanniques ont opté pour une politique favorable au développement des banques islamiques allant jusqu’à apporter des modifications à la réglementation bancaire afin de permettre à ces banques de fonctionner sans les contraintes réglementaires.

L’Angleterre en agissant ainsi souhaite attirer les capitaux du golf et intégrer les musulmans britanniques dans le système bancaire. Avec ses 2,5 millions de musulmans, les autorités du Royaume-Uni comptent faire de Londres la plaque tournante de la finance islamique selon les propos de Gordon Brown en 2006 alors ministre des finances. Cette volonté a donné naissance à l’Islamic Bank of Britain (IBB), la première banque islamique en Europe, qui compte aujourd’hui environ 40.000 clients. Sur cette lancée, le Royaume-Uni a même créé un deuxième marché de sukuk, un département spécialisé au sein de la banque d’Angleterre et en octobre 2006, l’Institut de la bourse britannique en partenariat avec l’Ecole supérieure des affaires libanaise, a créé le premier diplôme mondial de finance islamique : l’Islamic Finance Qualification.

L’idée de banque islamique autrefois rejetée en France parce que l’on craignait d’aggraver la crise des banlieues en créant des “banques communautaires”, les autorités françaises souhaitent aujourd’hui accueillir des banques islamiques afin de bénéficier à l’instar de l’Angleterre des capitaux du golf. Avec ses 6 millions de musulmans, le marché de la France représenterait environ trois fois celui du Royaume-Uni.

Pourtant au niveau international les banques françaises sont présentes sur le marché de la finance islamique à l’image des grandes banques comme la Société Générale et le BNP Paribas qui ont des succursales et des “fenêtres islamiques” dans les pays du golf. Le BNP Paribas a lancé en 2006 le premier fonds commun de placement (FCP) islamique de la France nommé l’Easy ETFDJ Islamic Market Titans 100. Le 6 Décembre 2006, la France a organisé son premier forum de la finance islamique sous le haut parrainage du président français Sarkosy et du ministre de l’économie et des finances Christine Lagarde. Ce forum devrait être une occasion pour les autorités françaises de donner suite aux demandes d’agrément déposées au nom de la FS international Partners basée en Suisse et du Tassyr Bank qui devrait être la première banque islamique de la France.

Dans les autres pays Européens à l’image de la France, on note aussi un regain d’intérêt pour la finance islamique. Ainsi en Belgique et en Espagne des demandes d’agrément ont été déposées aux noms du RVL-Bank et de la banque islamique d’Espagne (annexe 7).

La région Moyen-Orient regroupe la majeure partie des institutions financières islamiques, toutes les grandes banques islamiques sont regroupées dans cette partie du monde à l’instar de la BID (sise à Djeddah). Elle abrite aussi le plus grand marché financier islamique du monde (international islamic financial market) et les plus importants fonds d’investissement islamique.

Quant à l’Afrique, les banques islamiques se sont implantées sur le continent et y exercent leurs activités depuis 1983, à l’image de la BIS, la banque islamique du Niger pour le Commerce et l’investissement et la banque islamique de la Guinée Conakry. Aujourd’hui on note la présence des banques islamiques dans tous les pays du Maghreb, en Gambie et en Afrique du Sud sans oublier le Soudan qui a complètement islamisé son système bancaire (voir annexe 7 et 13).
Du nombre de 9 banques en 1996, on est passé à une vingtaine en 2007. Standard & Poor’s publiait en 2007 un classement des régions selon la taille du marché bancaire islamique, où l’Afrique Sub-saharienne occupait la 15ème place sur 16 et l’Afrique du Nord la 5ème place (annexe 3).

Malgré la croissance rapide de la finance islamique dans le monde, il faut cependant noter que les banques islamiques en Afrique n’occupent qu’une position marginale par rapport à l’ensemble du système bancaire.

Une bonne analyse de la finance islamique nécessite au moins une présentation succincte et claire de l’institution financière islamique qui est citée en exemple dans notre étude c’est-à-dire la banque islamique du Sénégal (la BIS). Ainsi après avoir fait une brève présentation de la BIS et de ses activités, nous ferons une petite étude portant sur l’évolution et la répartition des banques islamiques dans le monde entier.

(16) Lachemi Siagh, thèse de Doctorat :”Le fonctionnement des organisations dans les milieux de culture intense, le cas des banques islamiques”
(17) Site soleild’afrique.com
(18) Pascal Quiry et Yann Le Fur, LA LETTRE VERNIMMEN, N° 51 Octobre 2006
(19) Bulletin du FMI, n°12, Octobre 2007
(20) Bulletin du FMI, n°12, Octobre 2007

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