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CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION D’INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE

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D’abord, il est bon de déterminer ce qui peut être considéré comme une atteinte à la présomption d’innocence.

L’ancien bâtonnier du barreau de Paris, Me Christian Charrière- Bournazel a publié en août 2007 dans Combat d’un bâtonnat, une communication sur la « présomption d’innocence et liberté d’expression », qu’il a présentée auparavant dans un colloque organisé par l’Alliance Française. L’avocat affirme : « (…) le journaliste qui, avant le jugement de condamnation, rend compte d’une affaire à ses débuts ou d’une affaire en cours en faisant état des soupçons qui peuvent donner à penser qu’une personne est coupable, peut être poursuivi immédiatement pour diffamation ».

Bien des atteintes à la présomption d’innocence s’assimilent donc au délit de diffamation. Mais la diffamation n’est pas toujours synonyme de violation de la présomption d’innocence. « Une affaire où le journaliste avait accusé le directeur d’une entreprise minière d’avoir effectué des embauches anarchiques et népotistes (25) » avait été jugée par la Cour d’appel de Ouagadougou comme étant une diffamation (C.A. Ouagadougou, Arrêt n° 41 du 26 juin 1992, inédit). Mais le chef d’entreprise n’ayant pas été présenté comme coupable d’une infraction avant la fin d’une procédure judicaire mise en branle contre lui, la diffamation dont il est question n’emporte pas violation de la présomption d’innocence.

Outre la diffamation, l’atteinte au droit à l’image constitue une autre manifestation de la violation de la présomption d’innocence. A ce sujet, le Conseil supérieur de la communication (CSC) dans son rapport public 2011 fait remarquer : « Les écrits jugés attentatoires au respect de la présomption d’innocence et/ou au droit à l’image sont relatifs surtout à la publication de l’identité et de l’image à visage découvert d’individus interpellés par la police. Ces prévenus sont le plus souvent présentés à l’opinion comme étant des coupables et traité de manière humiliante et dégradante, alors qu’aucun tribunal n’a établi leur culpabilité ».

La publication des identités ou des photos de personnes poursuivies par la Justice ne constitue pas en soi une atteinte à la présomption d’innocence. C’est plutôt le fait de présenter ces personnes comme des coupables qui est attentatoire à la présomption d’innocence. C’est encore la terminologie employée par les journalistes qui peut porter atteinte à l’innocence présumée. C’est donc à travers l’usage de la terminologie que nous avons relevé dans la presse quotidienne burkinabè les cas d’atteinte au principe de la présomption d’innocence.

S’agissant de la publication des photos, nous avons déjà souligné que la presse peut s’appuyer sur certaines exceptions du principe de l’autorisation préalable pour justifier la diffusion des photos de personnes poursuivies et non encore jugées. Ainsi, à titre exceptionnel, il est admis la publication des photos d’une personne se trouvant au centre de l’actualité, sans son autorisation.

Malgré la brèche ouverte par cette exception, il existe des dispositions qui imposent aux journalistes un certain traitement des images des personnes poursuivies. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en France, il est interdit de présenter la personne poursuivie dans une image de façon à rendre visible ses menottes, ses entraves ou les conditions de sa détention provisoire (art.35 ter). En l’absence d’un texte pareil dans notre droit positif, le juge burkinabè pourrait s’inspirer de la jurisprudence française y relative.

Néanmoins, dans le souci de préserver la présomption d’innocence, l’organe burkinabè de régulation des médias, le CSC, conseille de flouter les images des suspects (26). Dans la présente étude, nous avons considéré les photos non floutées comme violant la présomption d’innocence des personnes poursuivies.
C’est à travers les termes qui présentent les suspects comme des coupables et les photos non floutées que la presse quotidienne burkinabè porte atteinte à la présomption d’innocence.

Les atteintes a la présomption d’innocence ont été relevées dans 32 articles de la presse quotidienne étudiée, dont 6 dans Sidwaya(Section I), 9 dans L’Observateur Paalga (Section II) et 17 dans Le Pays (Section III).

25 Tahita Jean-Claude, Diffamation et liberté de presse au Burkina Faso, Chr, Revue burkinabè de droit n° 34, 2e semestre 1998, P. 231
26 Conseil supérieur de la communication, Rapport public 2011, P. 46

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