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Chapitre II : Statut de la langue française au Maroc

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1. Historique :

Le statut de la langue française a toujours fait l’objet d’investigations et de débats tributaires souvent des relations que la France entretient avec ses anciennes colonies et de la réalité linguistique changeante dans les différents pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). D’une part, la France reste le principal partenaire économique de ces pays d’Afrique du Nord, le premier client, le premier investisseur, et le premier formateur de cadres maghrébins à l’étranger.

D’autre part, même avec la politique d’arabisation entreprise par ces pays, après leurs indépendances, le lien à la langue française ne s’est pas rompu. Le passage d’un état de dépendance à un état d’autonomie s’est accompagné d’un processus d’émancipation, dans lequel la langue a joué son rôle politique. Le retour à « l’arabisme » marque la fin de la domination d’une langue étrangère et enlève au français son statut de langue officielle ; c’est la cessation du rapport dominant de la France (Laure Bianchini, 2004).

En effet, avec l’avènement des indépendances, le français, encore langue d’enseignement et d’administration dans les pays du Maghreb, sera tantôt contesté, tantôt adopté, voire défendu. Les élites politiques et intellectuelles, ne réussirent pas à lui trouver un consensus de classement par rapport aux langues autochtones.

Au Maroc, ces mêmes élites, qui avaient le privilège d’être formées par l’école française, ont constitué pendant longtemps les décideurs du gouvernement. Benzakour dira que : « Ces lauréats de l’école française ont représenté les élites modernes mais aux structures administratives profondément francisées ». Grâce à eux la langue et la culture françaises ont été maintenues, malgré l’opposition de l’élite arabisante, formée dans l’école traditionnelle (Benzakour, 2000 :52 ).

Il est vrai qu’aujourd’hui le français n’a aucun statut officiel de droit, puisque la Constitution déclare que seuls l’arabe et l’amazighe y sont langues officielles (4). Cependant, cette langue occupe une place de choix, officiellement considérée comme la première langue étrangère du pays, c’est la langue de « l’ouverture sur le monde moderne », les discours royaux d’Ifrane de 1970 et de 1978, ceux des Ministres de l’Éducation Nationale en faveur de la connaissance des langues étrangères et de la maîtrise du bilinguisme sont autant de témoignages du rôle privilégié conféré au français au Maroc (Boukous, 1995).

En plus, comme l’a confirmé Benzakour (2007 :51) : « Même la Charte nationale d’éducation et de formation, promulguée en 1999, et qui consacre deux articles à la maîtrise des langues étrangères, ne dit pas explicitement mais sous-entend seulement que le français est la première langue étrangère. Il s’agit donc bien d’un statut de fait et non de jure ».

De ce fait, le français a un statut particulier dans le paysage linguistique marocain, tel qu’il a été interprété, un statut de facto. Bien que dans les textes officiels, c’est une langue étrangère ; dans le quotidien, comme nous l’avons déjà signalé, le français est la seule langue étrangère au Maroc, qui puisse prétendre d’être à la fois lue, écrite, parlée, et demeure visible dans différents domaines; la presse, le cinéma, les programmes de télévision, l’édition, enseignes en français, dialecte marocain mêlé de mots français, et les établissements supérieurs où il est largement privilégié en tant qu’instrument d’enseignement et de recherche.

A tout cela s’ajoute la participation du Maroc aux Sommets de la Francophonie et son adhésion à l’Agence universitaire francophone (AUF), à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), ainsi qu’à divers autres organismes internationaux francophones.

Cet engagement en faveur de la Francophonie, des valeurs qu’elle porte, celles de la diversité culturelle et linguistique, des Droits de l’Homme et de la démocratie parlementaire, est soutenu, béni et encouragé par l’engagement royal en faveur des développements économiques et sociaux.

Dans ce dilemme, l’Éducation nationale lui trouve une appellation adéquate avec l’expression : « langue étrangère privilégiée» (5), car le français langue de communication largement utilisée au Maroc s’impose comme instrument de sélection scolaire, sociale et donc professionnelle.

C’est dans cette perspective que le rôle de l’enseignement devient primordial ; il a certes, comme mission première, de propager le savoir, la langue et la culture « officielle » de la «nation », mais il a également pour rôle de former « un citoyen autonome par le biais d’une appropriation des valeurs civiques et humaines universelles » (M.E.N., 2007) (6).

2. Le système éducatif marocain :

A l’instar de tout système de formation à la recherche d’un enseignement de qualité, répondant aux profondes mutations, besoins et intérêts d’une société en perpétuelle évolution, le système éducatif marocain s’est engagé depuis l’année 1999 dans une série de réformes /reconfigurations, en vertu de la charte nationale d’éducation et de formation (CNEF). Celle-ci a classé l’éducation parmi ses premières priorités après l’intégrité territoriale.

Elaborée dans un cadre participatif et consultatif très large (politiciens, écrivains, pédagogues, universitaires, etc.), la réforme la plus profonde, entreprise en début d’année 2000/2001, s’est forcée de répondre au contexte général d’évolution de la société marocaine, à ses aspirations et ses ambitions. Ces réalisations semblent avoir pour toile de fond deux préoccupations majeures : La généralisation de l’Enseignement Fondamental et l’amélioration de la qualité de l’enseignement et des apprentissages.

Cependant, les progrès réalisés dans le développement du système éducatif se sont soldés par des résultats insuffisants. Ils témoignent d’une faible qualité des apprentissages ainsi que d’un manque d’efficacité interne et externe du système qui ont été traduits par “une crise sérieuse de l’éducation à différents niveaux” (7) confirmé par le Conseil Supérieur de l’Enseignement (CSE) qui a déclaré ouvertement l’échec de la réforme.

Ces défis importants, qui persistent et entravent le processus de développement éducatif, ont fait appel à la mise en place d’un Programme d’Urgence 2009-2012, par le MENESFCRS. Il visait « à consolider ce qui a été réalisé, et procéder aux réajustements qui se posent, en veillant à une application optimale des orientations de la Charte Nationale de l’Education et de Formation » (8).

Elaboré par le CSE en 2008, ce programme s’organise autour des espaces d’intervention identifiés comme prioritaires par le rapport national sur l’état de l’Ecole et ses perspectives. A noter que ce programme d’Urgence a bénéficié d’un consensus général en accord avec les aspirations de la CNEF ; celui de « placer l’apprenant au cœur du Système d’Education et de Formation et mettre les autres piliers à son service » (9).

Dans cette perspective, la réforme des aspects pédagogiques couvre le renouvèlement des programmes et manuels scolaires, les méthodes d’enseignement, les examens et les méthodes d’évaluation.

3. Méthodes et approches de l’enseignement/apprentissage du français :

La nouvelle école nationale marocaine aspire atteindre des performances où la bonne qualité de l’enseignement est son but majeur. Pour cela, elle travaille à devenir « une école vivante, grâce à une approche pédagogique fondée sur l’apprentissage actif, non la réception passive ; la coopération, la discussion et l’effort collectifs, non le travail individuel seul » (10).

En effet, les décideurs ont jugé que l’entrée privilégiée pour atteindre ces objectifs est la mise en place d’une pédagogie des compétences, appelée également approche par compétences (APC). Celle-ci a été suivie et améliorée par la pédagogie de l’intégration (PI), introduite comme continuum de l’APC ou mieux encore, comme cadre méthodologique pour la mise en œuvre de cette dernière.

D’ailleurs, les méthodes d’enseignement/apprentissage de la langue française, comme pour toutes les autres disciplines, évoluent sans cesse, en fonction du temps, du contexte et sa situation socioéconomique, son évolution technologique, l’état des recherches en didactique et les particularités des apprenants. Sans qu’il y ait rupture, les nouvelles méthodes ou approches viennent compléter, voire combler les insuffisances ou les limites de celles qui les précèdent.

3.1. Approche par compétences :

En évoquant la pédagogie des compétences, Bouarich.H (2007 :19) a souligné que : « L’enseignement / apprentissage des langues étrangères est un acte très complexe. Il exige, en effet, une cohérence pédagogique et didactique qui se basera sur une délimitation précise des objectifs d’apprentissage et des niveaux de progression en termes de compétences à atteindre aux différentes étapes du processus de cet enseignement ».

En effet, tout enseignement est basé sur une coordination entre le didactique et le pédagogique. Ces deux notions que nous pouvons qualifier de complémentaires indiquent, pour la première, le procédé permettant de sélectionner les savoir-faire afin de faciliter l’appropriation du savoir par l’apprenant et la deuxième, qui est la pédagogie ; désigne les méthodes et pratiques de ces actions ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque.

Ainsi, l’approche par compétences a nécessité une remise en question du dispositif pédagogique, didactique et méthodologique. L’apprenant, désormais au centre de l’action pédagogique, construit lui-même son savoir en participant de manière efficace et responsable à son apprentissage.

Cette pédagogie a été élaborée après l’approche par objectifs ; où l’apprenant tenait un rôle passif, car il ne faisait qu’exécuter et sa tâche était réduite. Depuis plus d’une décennie, les orientations pédagogiques du système éducatif se sont focalisées sur l’apprenant et non sur la matière qu’il doit apprendre. Toutefois, le choix de l’approche par compétences (APC) comme procédé pédagogique met en exergue la nécessité de développer les différentes ressources de l’enseigné et par la même occasion lui favoriser le contexte éducatif requis pour mobiliser ses ressources.

Bien qu’une compétence dans le domaine scolaire n’est pas aussi simple à cerner qu’en milieu professionnel, Perrenoud (1991) l’a définit ainsi: « Une compétence est une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maitriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes ».

Dans cette perspective, la pédagogie des compétences, recommandée par les nouvelles orientations, vise une meilleure gestion de la classe en favorisant la participation active de l’apprenant et l’atteinte des compétences. Ce qui nécessite la mise en œuvre de stratégies d’apprentissage par l’apprenant en mobilisant ses ressources. Ainsi, en participant qualitativement, ce dernier comprend mieux les matières, et acquiert automatiquement les compétences visées.

Principalement, l’APC est axée sur deux points : le premier étant l’enseignement systématique (organisation, répétition, élaboration,…), le deuxième est le traitement de l’information par l’apprenant.

Nous pouvons dire que cette approche assure la cohérence entre le didactique et le pédagogique et donc, la cohérence de l’enseignement basée sur l’appropriation des savoirs disciplinaires. Telle action qui impliquerait une entrée dans le système/triangle pédagogique à trois pôles : enseignant-savoirs-élèves, démontré par Chevallard (1984, in Rosier, 2002 :8).

3.2. Le triangle pédagogique :

Le triangle pédagogique

Ses trois côtés représentent ce que Jean Houssaye (2000), l’auteur de cette théorie, appelle un “processus” soit la relation entre deux des trois pôles :

• Du côté de la relation savoir-enseignant, on retrouve l’enseignement et le travail (ou l’élaboration) didactique de gestion de l’information.
• Du côté enseignant-apprenant on retrouve l’éducation et la formation. Le processus « former », celui de la relation pédagogique et d’une économie de l’éducation.
• Du côté apprenant-savoir, on retrouve le processus « apprendre » ou les stratégies d’apprentissage.

Ce triangle pédagogique montre que l’apprentissage est un ensemble d’interactions entre l’enseignant, le savoir et l’élève. La pédagogie des compétences met l’apprenant au centre de l’apprentissage, l’enseignant n’est plus le seul détenteur du savoir, mais il est le guide, l’animateur et le facilitateur de cet acte d’apprentissage.

Il est appelé à créer une relation pédagogique qui permet à l’élève de gérer son apprentissage. Ce dernier doit, lui-même, élaborer sa propre stratégie en se basant sur ses ressources pour résoudre des situations complexes. Ces dernières sont planifiées par l’enseignant de telle sorte à permettre le passage de l’apprenant par un certain nombre de « situations-problèmes » (initiale -intermédiaire – finale) qui le mettent dans d’autres situations ; d’observation, d’interaction pour arriver à une déduction.

Des tâches découlent de ces situations à problèmes que l’élève doit accomplir en suivant des consignes. Celles-ci lui permettent d’agir et de réagir de manière simple et logique, l’impliquant dans la construction de son savoir. La séance s’achève par un prolongement qui permettra aux élèves de tester leurs assimilations.

En résumé, la mise en pratique de l’APC implique cinq tâches essentielles (11):

• la planification des apprentissages ;
• la gestion des activités d’intégration au sein de la classe dans le but de transformer les acquis des apprenants en compétences réelles ;
• l’évaluation du niveau de maîtrise des compétences par les apprenants en début et en fin d’année ; ainsi qu’en fin de chaque période scolaire ;
• le diagnostic des erreurs des apprenants et l’identification des difficultés qu’ils rencontrent ;
• la remédiation efficace pour aider les apprenants en difficultés.

3.3. La pédagogie de l’intégration :

La PI, quant à elle, en tant que cadre méthodologique permet de faire évoluer l’APC, en introduisant des modules d’intégration dans les programmes scolaires. En conséquence, cela exige de la part des enseignants des compétences professionnelles spécifiques liées à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des situations d’intégration. Les objectifs visés par cette méthode sont les suivants (12) :

• la clarification des concepts clés de la pédagogie de l’intégration, renforcée par des exemples concrets ;
• la mise à la disposition des enseignants d’un ensemble d’orientations pour les aider à prendre des décisions pertinentes et à assurer leur autoformation ;
• la présentation de propositions d’actes pour aider l’enseignant dans la gestion de ses tâches ;
• la proposition de pistes qui lui permettront de concevoir un dispositif adéquat d’évaluation et de remédiation.

Dans cette même perspective, en menant une réflexion sur l’enseignement/apprentissage du français, le concept de « contexte » est mis au centre des préoccupations des linguistes.

C’est dans cette optique que Bouarich.H (2005) affirme que : « le recours au contexte et ou à la situation de communication est la pratique la plus fiable à même de favoriser la réalisation d’objectifs précis visant une communication satisfaisante en langue étrangère ».

Cette notion de contexte devient incontournable, car elle permet de partir d’une situation de communication réelle et favorise un emploi authentique de la langue, en d’autres termes, elle fait nécessairement appel à l’approche communicative.

3.4. L’approche communicative :

Cette approche apparue aux années 70, à un moment où la recherche en science du langage et en didactique a permis de tenir compte du bilan négatif des méthodes d’inspiration béhavioriste (13), de l’objectif principal qui est l’initiation à la diversité linguistique, et du désir de communiquer dans une langue étrangère de manière efficace. C’est la méthode prônée dans le monde occidental depuis le début des années 80, et qui se répand actuellement dans d’autres pays.

Les chercheurs en didactique ont prouvé que l’acquisition d’une deuxième langue (distincte de la langue maternelle) ne peut se faire de la même manière chez tous les individus. Pour atteindre des objectifs, entre autres apprendre une langue en un minimum de temps, le FLE (français langue étrangère) met en disposition toute une méthodologie pour un apprentissage et/ou enseignement efficace.

Dans ce même sens, Verdelhan-Bourgadem (1986 : p75) avance que : « dès 1975 […], la compétence de communication devient le mot-fétiche de la pédagogie du français langue étrangère, on la trouve partout : c’est à la fois l’objectif de l’enseignement, son contenu, et la base d’une méthodologie baptisée approche communicative ».

Elle ajoute que : « L’enseignement du français langue seconde a donc besoin de se donner des objectifs en termes de communication et des démarches d’apprentissage de type communicatif. La fonction de scolarisation vient renforcer cette position, dans la mesure où les apprentissages du langage à l’école sont des apprentissages de la communication et de ses caractères. » (Verdelhan-Bourgadem, 2002 :156)

En effet, cette approche qui n’est pas une rupture avec les précédentes, puisqu’elle est également centrée sur la personne de l’apprenant, met l’accent, pour sa part sur le savoir, le savoir faire, le savoir partager et le savoir être. Autrement dit, c’est le sens et le contenu qui sont pris en considération plutôt que la forme : on prend en compte la totalité de la situation de communication, à savoir le contexte, les présupposés, le statut, le rôle et la psychologie des personnages. Il y a une différenciation des méthodes et des stratégies selon les motivations, les intérêts, les besoins et les styles d’apprentissage des apprenants.

L’interaction entre les élèves est au cœur du processus d’apprentissage. Ils travaillent en groupe un projet en échangeant les idées. L’enseignant n’est plus au centre des interactions, mais favorise la communication en tant qu’encadrant ou modérateur, organise et évalue les interactions. Son rôle est ainsi redéfini, puisque il est à la fois, ou au choix, animateur, coordinateur et conseiller plutôt que maître (Bérarde, 1991 : 48).

Ainsi, la parole est produite par l’élève et non par l’enseignant, elle se fait au moyen de tâches plutôt que d’instructions et porte sur des notions, des fonctions, des actes de langage et des intentions de communication clairs et précis.

Cette approche favorise donc une pratique pédagogique plus rationnelle et plus efficace, qui permet de mieux répondre aux attentes, aux besoins et aux motivations des élèves, au souci d’efficacité des professeurs, aux objectifs des systèmes éducatifs et aux intérêts des sociétés pleinement engagées dans le processus de mondialisation en cours.

C’est ainsi qu’au Maroc, les réformes engagées par le Ministère de l’Education Nationale, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique, travaillent à assurer un enseignement de qualité, qui s’appuie sur « nos constantes civilisationnelles et culturelles » (14).

Ce qui revient à dire que la tendance générale en plus de la centration de l’apprenant, au niveau de tous les cycles d’enseignement ; primaire, collégial et secondaire qualifiant, est bien sa mise en contexte, le développement de son autonomie et de ses compétences réceptives et interactives, qui se traduiront par une aisance de communication en langues étrangère.

A ce niveau de réflexion, après avoir passé en revue le système d’enseignement marocain avec ses nouvelles réformes, ses approches et ses aspirations, d’ailleurs ambitieuses et promettantes. La question qui s’impose est : qu’en est-il des programmes, des horaires et de toute autre action servant au déroulement de l’enseignement/apprentissage de la langue française au Maroc ?

Pour ce volet, il est à noter que les ajustements opérés par la réforme et réalisés par le MENESFCRS, ont concerné aussi bien les approches didactiques que les programmes, en mettant toutes les disciplines, en général, et l’enseignement des langues étrangères, en particulier, dans une mouvance de changement perpétuel.

L’un des principaux changements des programmes est l’introduction de l’apprentissage du français, première langue étrangère, à partir de la deuxième année du primaire, prenant en considération l’importance de l’apprentissage précoce des langues, suivi de celui d’une deuxième langue étrangère en deuxième année du collège (l’anglais en général).

En ce qui concerne le secondaire qualifiant (lycée), des révisions ont été apportées également à la plupart des disciplines enseignées, tant au niveau de leurs contenus (programmes) que de leurs modalités de mise en œuvre ou encore de celles de leur évaluation.

Nous essayerons de mettre l’accent sur les conditions dans lesquelles se déroule l’enseignement/apprentissage de la langue française au lycée avant d’accéder à la partie pratique qui tiendra compte des représentations et attitudes des lycéens à l’égard de cette langue, objet principal de notre recherche.

4. L’enseignement/apprentissage du français au second cycle qualifiant:

Le cycle secondaire qualifiant est une préparation de l’élève aux études supérieures, qui elles sont à leurs tour un passage, non obligé mais recommandé, pour une meilleure insertion au marché du travail et un ancrage dans les valeurs humaines universelles. Il comprend deux niveaux : le tronc commun qui dure une année et le baccalauréat deux ans.

Le français, à ce niveau d’enseignement, comme pour les deux autres niveaux primaire et collégial, est basé sur le concept de compétence comme pour les autres matières. En arrivant au secondaire, l’élève doit être capable de s’exprimer correctement, dans toutes les situations de communication. Il est appelé, durant ce cycle, à consolider ses acquis, à se perfectionner en vue d’une appropriation élargie et progressive des dimensions culturelles, discursives et linguistiques de la langue française (M.E.N, 2007 :3).

Il s’agit, Selon Bouarich (2007) : « d’un enjeu stratégique commun à toutes les langues vivantes étrangères dont la maîtrise est devenue désormais l’une des priorités du système éducatif. Le bien fondé d’une telle orientation s’explique par la nécessité d’une impérative ouverture des adultes de demain, sur un monde globalisé. Il s’explique par ce que représente cette maitrise comme atout fondamental pour l’insertion professionnelle des étudiants.».

Hélas, lorsqu’il s’agit du coté pratique, la réalité laisse beaucoup à désirer, car la plupart de nos élèves sont incapables de pratiquer la langue française en situation de communication. Malgré toutes les bonnes volontés des décideurs, qui ont multiplié réformes et contreréformes, et les meilleures intentions des enseignants, les résultats escomptés sont loin d’être satisfaisants. Le problème étant généralisé à toutes les langues, aussi bien étrangères que l’arabe, cette problématique constitue l’une des principaux obstacles à l’amélioration du système éducatif.

4.1. Rappel des causes de la problématique :

Comme nous l’avons précisé auparavant, plusieurs facteurs sont à l’origine de cette baisse de niveau de maîtrise en français à ce niveau d’enseignement. Les principaux facteurs perçus, par notre expérience professionnelle et en discutant avec quelques enseignants de langue française, sont encore aujourd’hui les mêmes qui perdurent : l’augmentation des effectifs, la politique d’arabisation, le manque de professeurs, l’insuffisance du volume horaire et la « crise de lecture ».

Effectivement, des classes surchargées (souvent de quarante à cinquante élèves), mettent enseignants et apprenants dans de mauvaises conditions de déroulement du cours et donc nuisent sans aucun doute à la qualité de l’enseignement impliquant une baisse générale du rendement scolaire.

Pour ce qui est du programme d’arabisation, depuis les années 80, des matières scientifiques et techniques, anciennement enseignées en français, un décalage linguistique se créé, d’abord entre le secondaire où l’essentiel des enseignements se fait en langue arabe et le supérieur où la plupart des sections scientifiques et techniques sont enseignées en français, ensuite entre la langue arabe et les besoins du marché de travail où sont généralement exigées d’autres langues.

Cette mise en place de l’arabisation a été précédée par la marocanisation de l’enseignement. Une décision qui était imposée par le désengagement de la France qui avait rapatrié ses coopérants et un besoin de l’Etat marocain (décolonisé) de se prendre entièrement en charge. Cette situation a aussi bien des avantages que des inconvénients : d’une part l’Etat tient à exploiter ses propres cadres et donc donner une chance aux jeunes diplômés, d’autre part pour ce qui est des inconvénients ; une formation souvent défaillante des enseignants et une tendance à traduire le cours de français en arabe, ce qui porte préjudice à la pratique du français et donc à son apprentissage.

Quant au volume horaire réservé à cette langue, il reste insuffisant surtout que les heures de cours du français ont été réduites de six heures à quatre heures par semaine et pour certaines branches encore moins.

Par ailleurs, depuis l’avènement des nouvelles technologies, les jeunes ne s’intéressent plus à la lecture. En dehors des séances de cours, ils ne cherchent plus à lire des livres, romans ou journaux en français. On parle dans les milieux intellectuels et éducatifs de « crise de lecture », pour laquelle les responsables se mobilisent actuellement à entreprendre des initiatives qui inciteront les élèves à lire et reconnaître le rôle du livre dans le développement de leurs compétences linguistiques et stylistiques.

Dans cette même perspective, en vue de l’amélioration du niveau des apprenants, depuis 2001, le programme de l’enseignement secondaire a introduit la lecture d’œuvres intégrales au lieu de textes et extraits puisés dans des manuels scolaires, des journaux ou des magasines.

4.2. Programmes et horaires du français dans le second cycle qualifiant :

4.2.1. Programmes :

En effet, les orientations pédagogiques de l’enseignement du français au lycée prônent le texte littéraire, l’œuvre intégrale plus précisément, pour constituer le principal support et objet en classe de langue. Le collège ayant, en principe, permis à l’élève d’acquérir quelques notions de base d’une approche des textes littéraires en même temps qu’une appropriation des moyens linguistiques et langagiers pour une communication efficace en langue française, au cycle secondaire qualifiant, l’élève sera appelé à approfondir ces notions, à améliorer sa maîtrise de la langue et à acquérir une méthodologie du travail intellectuel (M.E.N. 2007).

Ce sont les mêmes objectifs visés par la réforme, entre autres, la consolidation des compétences linguistiques et communicatives du lycéen. Pour ce faire, le programme a prévu onze modules, qui sont les mêmes pour toutes sections confondues, aussi bien littéraire que scientifique ou technique. Ces modules sont principalement :

– Langue orale et langue écrite,
– littérature : le conte et la nouvelle,
– l’essai littéraire,
– l’argumentation,
– la poésie,
– images et type de discours,
– le théâtre,
– œuvre intégrale,
– résumé et synthèse de textes,
– langue de spécialité,
– étude de texte.

4.2.2. Les horaires :

Pour ce qui est de la plage horaire (15) dans le secondaire qualifiant, elle se présente pour les trois années d’études ; tronc commun, première et deuxième années du baccalauréat et selon les filières comme suit :

Les horaires

Il est à noter qu’en fin de première année du baccalauréat, un examen régional est prévu pour toutes les filières où la langue française est programmée avec d’autres matières d’enseignement général.

Cet état de fait qui met sur le même pied d’égalité la langue française avec un coefficient 4 et une masse horaire qui varie entre 4 à 5 heures par semaine avec les autres matières qui ont 2 ou moins comme coefficient et une masse horaire de 2heures hebdomadaires, provoque chez nous quelques interrogations :

– Ne serait ce pas là une manière de reconnaître explicitement que toutes les matières devant être passées en classe de première année baccalauréat sont d’importance égale ?
– Ne seraient-elles pas là des raisons significatives et déterminantes aux yeux des jeunes lycéens au point de forger des préjugés sur l’enseignement/apprentissage du français et donc des images et des représentations qui peuvent avoir un impact certain sur leurs attitudes vis-à-vis de cette langue?

CONCLUSION PARTIELLE

Nous avons abordé ce volet théorique par une présentation de la situation linguistique au Maroc qui s’est avérée nécessaire pour suivre l’évolution de la langue française depuis le protectorat français jusqu’à nos jours. Et ceci afin de vérifier le statut actuel de cette langue qui a longtemps cohabité avec les autres, principalement l’arabe et l’amazigh, dans un climat de parfaite harmonie, malgré les obstacles et les contraintes qui la plaçaient souvent dans des situations conflictuelles.

Notre objectif était d’examiner l’état actuel de cette langue dans le système éducatif marocain, en faisant émerger les visions que se font les lycéens de l’enseignement /apprentissage du français au second cycle qualifiant, en théorie et en pratique, afin de cerner quelques représentations qui puissent nous aider à mieux comprendre cette catégorie d’apprenants.

Dans cette perspective, nous avons prévue dans la deuxième partie (volet pratique), d’apporter quelques éclaircissements sur certains concepts essentiels à notre étude, soit les notions de représentation, d’attitude et d’autres qui en découleront, avant de passer à l’enquête proprement dite, où nous tenterons de les examiner à travers une analyse quantitative et qualitative. Et, par la même, nous souhaiterons découvrir d’autres causes aux défaillances des lycéens en langue française, usage et enseignement, que l’on peut exploiter.

4 Commission Spéciale d’Education et de Formation, Charte nationale d’Education et de Formation, octobre 1999.
5 Idem.
6 Ministère de l’Education Nationale. Les orientations pédagogiques générales pour l’enseignement du français dans le secondaire qualifiant, 2007, p.3
7 Rapport de l’UNESCO sur l’éducation au MAROC – 2010
8 Rapport de l’UNESCO sur l’éducation au MAROC – 2010
9 Ministère de l’Education Nationale. Les orientations pédagogiques générales pour l’enseignement du français dans le secondaire qualifiant, 2007, p.3.
10 Commission spéciale d’éducation et de formation (COSEF), Charte nationale d’éducation et de formation, janvier 2000.
11 M.E.N, Guide Pédagogie d’intégration final au Maroc (en ligne).
12 M.E.N, Guide Pédagogie d’intégration final au Maroc (en ligne).
13 «Béhaviorisme : Approche qui met l’accent sur l’étude du comportement observable et du rôle de l’environnement en tant que déterminant du comportement. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Béhaviorisme.
14 Préambule des Orientations Pédagogique et Didactiques de l’enseignement de la langue française au second cycle qualifiant.
16 Distribution des matières et des horaires selon l’Arrêté N°43, Rabat le 22/03/2006.
17 Cette réduction est très contestée par les enseignants de cette branche.

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